Le passage du col du Grand-Saint-Bernard, par le capitaine Coignet.

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Le passage du col du Grand-Saint-Bernard, par le capitaine Coignet.
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Le passage du col du Grand-Saint-Bernard, par le capitaine Coignet.
« Enfin tout fut prêt pour le lendemain matin au petit jour et on nous fit la
distribution de biscuits pour huit jours. Je les enfilai dans une corde pendue à mon cou
(le chapelet me gênait beaucoup) et on nous donna deux paires de souliers.
Le même soir, notre canonnier forma son attelage qui se montait de quarante
grenadiers par pièce : vingt pour traîner la pièce, (dix de chaque côté avec un bâton en
travers de la corde qui servait de prolonge) et les vingt autres portaient les fusils des
premiers qui traînaient la pièce. Le Consul avait eu la précaution de faire réunir tous les
montagnards pour ramasser toutes les pièces qui pourraient rester en arrière, leur
promettant six francs par voyage et deux rations par jour. Par ce moyen tout fut
rassemblé au lieu du rendez-vous et rien ne fut perdu.
Le matin, au point du jour, notre maître nous place tous les vingt à notre pièce :
dix de chaque côté. Moi, je me trouvais le premier devant, à droite. C’était le côté le plus
périlleux : car c’était le côté des précipices, et nous voilà partis avec nos trois pièces.
Deux hommes portaient un essieu, deux portaient une roue, quatre portaient le dessus
du caisson et huit le coffre ; et le même nombre portait les fusils, et tout le monde était
occupé et chacun à son poste.
Ce voyage fut des plus pénibles. De temps en temps : “Halte ! En avant !” et
personne ne disait mot. Tout cela n’était que pour rire. Mais un coup arrivés aux neiges,
ça devint tout à fait sérieux. Le sentier était couvert de glace qui coupait nos souliers, et
notre canonnier ne pouvait être maître de sa pièce qui glissait dans des ravins ; et il
fallait la remonter, il fallait le courage de cet homme pour y tenir. “Halte ! En avant !”
criait-il à chaque instant, et tout le monde silencieux. »
COIGNET, Jean-Roch, Les Cahiers du capitaine Coignet, Paris, Hachette, 1968, p. 5455.
Coignet, Jean-Roch (1776-1865). Entré comme grognard en 1799 dans la Grande Armée, Coignet gravit
tous les échelons militaires et fait partie de la première promotion de la Légion d’honneur. Entre 1848 et
1850, il écrit ses souvenirs qui sont un témoignage intéressant de la vie militaire sous l’Empire.

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