Ces maux auxquels doit faire face le Niger

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Ces maux auxquels doit faire face le Niger
dossier
© Boston.com Ces maux auxquels doit
Récemment à la une de l’actualité
suite au coup d’Etat militaire
qu’il vient de connaître, le Niger,
ce pays sahélien d’Afrique de
l’ouest, territoire immense et
enclavé, adossé au Nigéria, est
l’un des pays les plus pauvres
au monde. Affecté par des
sécheresses récurrentes, il
doit en outre faire face, depuis
son indépendance en 1960, à
l’instabilité politique et aux
conflits internes. Considéré
comme un "Etat fragile", le Niger
dispose cependant d’atouts
intéressants, telles les richesses
minières, un potentiel pastoral
non négligeable, et une surface
de terres irrigable encore peu
exploitée.
Pauvreté d'une population essentiellement rurale, et particulièrement des femmes.
Pauvreté et démographie
élevée1
Dégradation climatique et
insécurité alimentaire2
62 % des Nigériens sont pauvres et 34%
sont extrêmement pauvres. Plus de la moitié des ménages ont un revenu moyen inférieur à 53 euros par personne et par an.
L’intensité de cette pauvreté est déterminée par une série de facteurs tels que le
lieu de résidence (9 sur 10 pauvres vivent en
milieu rural), le niveau d’instruction (74,9%
d’analphabètes), la taille des ménages
(plus de 6 personnes), le secteur d’activité
(essentiellement agricole), et le genre (3 sur
4 des pauvres sont des femmes).
A l'instar des autres pays sahéliens, le Niger
connaît une anomalie climatique prononcée
depuis plusieurs décennies. Les problèmes
environnementaux s’imposent aux habitants avec sévérité du fait des sécheresses récurrentes, de la désertification, de la
démographie élevée, et de la crise économique persistante.
La pauvreté extrême d’une population
essentiellement rurale, tributaire d’un environnement sahélien difficile, aggravée par
un taux de croissance démographique élevé,
constitue la principale faiblesse et le plus
grand défi pour le développement économique et social du Niger. Cette croissance
démographique, de plus de 3% par an, et
un taux de croissance économique moyen
inférieur à ce taux, débouche sur l’appauvrissement général de la population.
Dès lors, tandis que les équilibres des écosystèmes sont sérieusement perturbés, les
ressources naturelles disponibles s'amenuisent au fil du temps. Les principales conséquences en sont la baisse de fertilité des
sols, la réduction du capital productif, la
diminution des revenus en milieu rural, l'accroissement de l'insécurité alimentaire, et
l'exacerbation des conflits entre les exploitants des ressources.
Les 2/3 de la surface totale du Niger sont
désertiques et seulement 11% des terres
sont aptes à l’agriculture. Avec 270.000 ha
de terres irrigables, dont seulement 85.700
sont exploitées, la production agricole
nigérienne reste faible, et elle est même
décroissante sur le long terme. En effet,
l’extension des superficies cultivées n’a pas
entraîné un renversement de la tendance
du déséquilibre vivrier, en raison de la forte
croissance démographique et de la faiblesse des investissements de modernisation dans le secteur agricole. La production
agricole restant structurellement inférieure
à la demande nationale, le Niger est donc
amené à importer des denrées alimentaires, son principal partenaire en matière
d’approvisionnement étant le Nigéria voisin.
En 2004-2005, un déficit de production au
Nord Nigéria, la sécheresse, et les invasions de criquets, ont entraîné une grave
crise alimentaire3. En 2010, le même fléau
menace une fois de plus. Un ralentissement des pluies au moment des semis a
engendré des poches de sécheresse dans
plusieurs régions. Cette faible pluviométrie
à un moment crucial, assortie des dégâts
provoqués par des insectes nuisibles, a eu
1 Stratégie de Développement accéléré et de Réduction de la Pauvreté (SDRP) 2008-2012 ; Profil de sécurité alimentaire du Niger par le CILSS et CSAO, avril 2008.
2 Idem 1 + Centre Régional AGRHYMET, Bulletin spécial sur la situation agro-pastorale, août 2009.
3 Cette question de la sécurité alimentaire reste un sujet difficile, voire tabou au Niger, où elle a été à l’origine du premier coup d’Etat militaire, en 1974, renversant le régime du Président Diori.
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Niger
© Lucas DiClaudio faire face le Niger…
A l'instar des autres pays sahéliens, le Niger connaît une anomalie climatique prononcée.
comme conséquence un ralentissement de
la croissance du mil. Dans le secteur pastoral d’autre part (qui représente 13% du PIB
national, et implique 87% de la population
rurale), le Niger a enregistré un déficit fourrager sans précédent, qui risque de compromettre l’existence même du secteur.
En effet, le caractère sous-régional du
problème complique encore davantage
l’approvisionnement fourrager, et compromet les possibilités de transhumance. Une
enquête gouvernementale, qui a rendu ses
conclusions fin janvier, a finalement reconnu
l’urgence de la situation. Pas moins de
2,7 millions de personnes, soit 20 % de la
population, seraient en effet menacées
cette année.
L’ère Tandja sera marquée par des efforts
de redressement économique et financier soutenus par les bailleurs de fonds,
et par une approche stratégique plus formalisée débouchant sur l’adoption en
2002 de la Stratégie de Réduction de la
Pauvreté (SRP) et, en 2007, de la Stratégie
de Développement accéléré et de Réduction
de la Pauvreté (SDRP).
Avec la réussite des élections locales,
législatives et présidentielles de 2004, le
Niger a écrit une page décisive de son histoire démocratique. Pour la première fois
depuis le début du processus démocratique
enclenché en 1990, une législature a été
remplacée par une autre, confirmant la stabilité politique du pays. En témoigne ainsi
la création en 2004 du Conseil National de
Dialogue Politique, cadre permanent de
prévention et de règlement des conflits
politiques, qui regroupe tous les partis politiques et le gouvernement ainsi que les
autorités morales. Des tensions socio-politiques ont cependant été observées (grèves et manifestations contre la vie chère,
contre la faiblesse des salaires, à caractère
politique,…) et, depuis 2007, la démocratie
a été fragilisée par des affaires de corruptions et la reprise de la rébellion touarègue
dans le Nord, sous-tendue par des trafics
de drogue, d’armes et de personnes.
L’approche des élections présidentielles et
la volonté du président Tandja de se maintenir au pouvoir (alors que la Constitution
limite à deux le nombre de mandats présidentiels), vont déboucher en mai 2009
sur une crise institutionnelle marquée par
la dissolution de l’Assemblée Nationale, >
Indépendant depuis 1960, le Niger a connu
sur le plan politique une succession de
périodes calmes et agitées. Tout d’abord
gouverné durant 14 ans par un régime
civil à parti unique (l’ère Hamani Diori), les
régimes militaires se succèdent jusqu’à fin
1999. Sous la pression internationale, le
major Daouda Mallam Wanké rend alors
le pouvoir aux civils, permettant ainsi les
deux mandats présidentiels successifs de
Mamadou Tandja.
© Globalgiving
Instabilité politique
et déni de démocratie
Les problèmes environnementaux s'imposent aux habitants avec sévérité du fait des sécheresses récurrentes.
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Niger
L’uranium, une ressource
précieuse
© MNS
Si le Niger reste l’un des pays les plus pauvres d’Afrique, son sous-sol recèle par
contre un minerai très recherché : l’uranium, dont les prix se sont envolés ces dernières années. Troisième producteur mondial de ce combustible (après le Canada
et l’Australie), le Niger en a extrait 3.242
tonnes en 2009. En termes de réserves, il
arrive en huitième position, avec 5 % des
gisements mondiaux. Jusqu’en 2007, l’important groupe nucléaire français Areva a
pu y bénéficier du monopole de l’extraction,
mais les autorités de Niamey ont cherché à
sortir de cette relation de dépendance et,
depuis lors, celles-ci ont octroyé des licences d’exploration à une centaine d’autres
compagnies étrangères.
Le haut commandement du MNJ (2008).
Avec ce dernier putsch et la destitution du
président Tandja, l’armée voudrait passer
pour le garant du changement démocratique. Mais, si elle tire une certaine légitimité
de la confrontation avec la rébellion touarègue, elle est mal perçue par la communauté
internationale qui appelle tous les acteurs
concernés à s’engager dans un processus
démocratique en vue de rétablir un "ordre
constitutionnel" dans le pays.
conduite par le Mouvement des Nigériens
pour la justice (MNJ). Celui-ci reproche au
gouvernement le non-respect des accords
de 1995, qui concernaient notamment la
réinsertion des ex-rebelles, ainsi que l’embauche des Touaregs dans les compagnies
minières. Depuis lors, les enlèvements de
cadres, de diplomates et de touristes se
sont multipliés, revendiqués par les rebelles
touaregs, ou encore attribués à Al Qaeda
au Maghreb, présent dans la région.
Le MNJ, devenu l’un des principaux groupes rebelles, réclame la redistribution de
ces richesses, qui échappent aux populations locales. Mais la reprise de la lutte
armée a eu pour principal résultat jusqu’à
présent une nouvelle militarisation du pays,
qui s’accompagne d’une ferme répression à
l’encontre des sympathisants réels, ou supposés, de la rébellion.
Florence Deschuytener
Jean-Michel Corhay
© Oneman
> puis de la Cour Constitutionnelle, et par
l’adoption d’une nouvelle Constitution prévoyant la prolongation du mandat du président pour 3 ans. Ce "coup d’Etat institutionnel" va susciter la réprobation de l’ensemble
des partis politiques, de la société civile et
des bailleurs de fonds du Niger, et va finalement déboucher sur le coup d’Etat militaire
perpétré le 18 février 2010.
La rébellion des Touaregs
Depuis 1990, une minorité est entrée en
rébellion, les Touaregs, en butte à la discrimination et à la répression de la part des
autorités. Ils réclament leur reconnaissance
et une représentation dans la structure
fédérale, qui lui permettrait de toucher une
partie de la manne de l’extraction minière
du Niger. Les régions les plus riches en uranium et en charbon se trouvent en effet
dans les zones de peuplement touareg.
Sous l’égide de la France et de l’Algérie, un
traité de paix a pu être signé en 1995, qui
aura été suivi par une longue trêve. Mais
celle-ci a été rompue en 2007 et, depuis lors,
la rébellion a repris dans le nord du pays,
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Pont sur le fleuve Niger, à l'approche de Niamey.
Population :
13,5 millions
Superficie :
1.267.000 km2
Capitale :
Niamey
Structure étatique :
République
PNB / habitant :
155 dollars
Classement IDH PNUD :
182ème sur 182
Religion :
Islam 95 %, Animisme 4 %, Christianisme 1 %.
Taux de prévalence du SIDA :
0,67 %
Source: Indicateurs africains du développement