ASSOCIATION des RESPONSABLES de COPROPRIETE

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ASSOCIATION des RESPONSABLES de COPROPRIETE
Fichier des copropriétés
ASSOCIATION des RESPONSABLES de COPROPRIETE
Le « méga-fichier » central d’immatriculation
des copropriétés tel qu’il est prévu par le projet
de loi A.L.U.R. et souhaité par l’administration
*
Attention : complexité, fiabilité douteuse, très
faible efficacité, coût élevé pour tous et effets
secondaires négatifs assurés
Sommaire :
I. Des responsables et des élus locaux fascinés par l’efficacité potentielle de
ce fichier
II. Pour commencer : un aperçu des données très diverses et nombreuses qui
seraient recueillies par le « méga-fichier »
III. Une fiabilité de départ incertaine (surtout en matière financière) et par
contre une dégradation certaine dans le temps de cette fiabilité
IV. L’illusion « méthodologique »
V. Le problème des sanctions et du « remplissage » par notaire interposé
VI. Focus sur les effets secondaires négatifs de la mise en place de ce « mégafichier »
VII. Le coût du dispositif pour l’État et les conséquences négatives à peu près
certaines qui en découleront
VIII. Un caractère trop fortement intrusif et un rejet « citoyen » certain
IX.
Conclusion : résumons.
ANNEXES
1
Fichier des copropriétés
I. Des responsables et des élus locaux fascinés par
l’efficacité potentielle de ce fichier
La France compte neuf millions de logements en copropriété et n'a jamais mis en
place - malgré les demandes de nombreuses organisations, dont l’ARC - le moindre
registre permettant de commencer à connaître la copropriété et les copropriétés.
Or, à l’occasion de la loi A.L.U.R., l’Administration (en l’occurrence la DHUP,
Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages du Ministère du Logement) au
lieu d’introduire la mise en place du registre normal de base dont nous avons
besoin, organise la mise en place d’un registre très complet (beaucoup trop, comme
on le verra), concernant des données tout à la fois :
- financières ;
- physiques ;
- sociales ;
- organisationnelles ;
et leur mise à jour annuelle.
Nous partons de RIEN et au lieu de construire un premier fichier (qui serait déjà
forcément complexe) on vise un fichier pharaonique qui sera (on le verra) source de
déception, mais aussi d’abus.
Ce fichier très ambitieux est présenté comme un outil nouveau, moderne,
complet au service de l’État et des collectivités territoriales :
-
en matière de repérage et traitement des copropriétés en difficulté ou
fragiles ;
en matière d’actions relatives à l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Les élus et services locaux sont en effet - comme on le sait - démunis face aux
copropriétés qu’ils connaissent souvent mal et qui - la plupart du temps - se
referment comme des huitres quand on les approche.
C’est pourquoi beaucoup d’élus (ceux qui sont au courant) sont favorables à ce
projet et pensent que ce fichier sera le « sésame » leur permettant :





de savoir ce qu’il y a dans chaque copropriété (équipements, âge des
équipements, état du bâti) ;
de connaître les dynamiques de la population (taux de propriétaires
occupants/de locataires, par exemple, mais aussi le taux de participation aux
assemblées générales ) ;
de connaître la situation financière des copropriétés, leurs réserves diverses,
la situation des impayés ;
mais aussi d’être informés du mode de chauffage et de la production d’eau
chaude (information qui peut intéresser les collectivités, surtout si elles ont un
réseau de chauffage urbain pour pouvoir, par exemple, proposer des
raccordements aux copropriétés, dont les chaudières seraient en fin de vie) ;
etc, etc.
2
Fichier des copropriétés
Certains élus ou techniciens « territoriaux » se laissent même rêver à la mise en
place d’une stratégie d’incitation aux travaux d’économies d’énergie qui serait basée
sur une connaissance fine des copropriétés puis un démarchage ciblé.
Si nous pouvons comprendre cette « attirance » pour un « méga-fichier » qui va
donner - semble-t-il - les « clefs » des copropriétés aux élus locaux, nous
formulons les plus expresses réserves sur ce dispositif pour une série de raisons très
différentes que nous allons tenter de faire partager.
Nous allons essayer de montrer que derrière le « rêve » il y a sans doute un
cauchemar à la fois inefficace au regard des objectifs annoncés, potentiellement
dangereux et très coûteux.
3
Fichier des copropriétés
Nous allons donc établir dans la présente note :
1. Que ce « méga-fichier » (si l’on veut satisfaire tous les besoins en information)
sera pharaonique.
2. Qu’il sera - de ce fait et par ailleurs - très approximatif, partiel, voire en partie
faux, et, surtout, difficile à mettre à jour.
3. Qu’il va induire des effets secondaires très négatifs.
4. Qu’il va développer les conflits et les contentieux, mais aussi le rejet de
nombreux copropriétaires.
5. Qu’il ne permettra pas pour autant de mieux repérer les copropriétés fragiles et
de mieux les traiter, alors que c’est un de ses objectifs annoncés.
6. Qu’il y a pour repérer les copropriétés fragiles puis les traiter des moyens
beaucoup plus simples et efficaces à mettre en œuvre.
7. Qu’il va (si tant est qu’il soit réalisable) coûter très cher et - de ce fait pour être
rentabilisé - servira de « base de données » pour tous les prospecteurs publics
ou privés en rénovation énergétique ou solutions alternatives.
Important : si nous nous mobilisons aujourd’hui contre un tel « méga-fichier » c’est
que - avant même que la loi ne soit présentée au Parlement, avant même la moindre
discussion parlementaire - la haute administration (qui est l’inspiratrice de ce
dispositif), et plus précisément la DHUP (Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des
Paysages), semble avoir :
-
décidé que ce « méga-fichier » se mettrait en place coûte que coûte, sans
prêter la moindre oreille aux réactions formulées ;
déjà pratiquement écrit les décrets d’application ;
déjà décidé que la société civile ne pourrait pas participer à leur négociation...
Alors tout est dit ? Il n’y a plus rien à faire ? Voir...
4
Fichier des copropriétés
II. Pour commencer : un aperçu des données très diverses
et nombreuses qui seraient recueillies par le méga-fichier
Certains pourraient croire que nous faisons une montagne d’une souris. On va voir
que ce n’est du tout le cas.
Dans le cadre d’un travail commandité par la DHUP, une stagiaire de fin d’études
des Ponts et chaussées et le CSTB, ont défini le périmètre de ce fichier.
Pour ceux qui pensent que nos craintes sont exagérées quand nous parlons de
« méga-fichier » intrusif, voici la liste des données qu’il est envisagé de recueillir
(âmes sensibles, s’abstenir).
Identification de
la copropriété
Caractéristiques
générales de la
copropriété
1
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Gouvernance de
la copropriété
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N° d’immatriculation
Date d’immatriculation
Nom de la copropriété
Adresse
Références cadastrales
Coordonnées
Date de mise en copropriété
Copropriété horizontale
Nombre de bâtiments
Nombres de lots par usage : habitation/logements de
services/commerces/activités/caves/réserves/garages/parkings
souterrains/parkings en superstructure
Assise foncière : surface totale des parcelles
Surface « développée » : surface totale des lots
Surface totale des lots principaux : surface totale des lots
d’habitation+activité+commerces
Surface totale des logements : surface totale des lots à usage
d’habitation
Type de syndicat : principal/secondaire
Numéro SIRET si syndicat employeur
Présence de syndicats secondaires : nombre
ou identité du syndicat principal : numéro d’immatriculation
Rattachement à des structures juridiques (ASL, AFUL, etc.) :
nombre
Nom du syndic : raison sociale/personne physique
Référence carte professionnelle syndic professionnel
Numéro SIREN du syndic
Coordonnées du syndic
Date de désignation du syndic
Coordonnées du président du conseil syndical : nom,
adresse, téléphone, mail
Nombre de copropriétaires
Modalité d’occupation de la copropriété : nombre de
propriétaires occupants, nombre de propriétaires bailleurs,
nombres de personnes morales propriétaires, nombre de
personnes physiques propriétaires
Date de la dernière assemblée générale
Taux de participation : % copropriétaires présents ou
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Fichier des copropriétés
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Caractéristiques
financières
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45
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Procédures
administratives
et judiciaires
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représentés, tantièmes représentés
Approbation des comptes : date d’approbation ; non
Clôture de l’exercice : date de clôture
Charges totales : charges pour opérations courantes plus
charges pour opérations exceptionnelles
Charges pour opérations courantes : total, eau (compteur
général), électricité, chauffage, énergie et combustible, nettoyage
des locaux, contrats de maintenance, entretien et petites
réparations, primes d’assurances, rémunérations du syndic,
honoraires et prestations particulières, frais du personnel
Charges pour travaux et opérations exceptionnelles :
remboursement d’annuités d’emprunt, montant des charges pour
travaux
Montant des charges impayées par les copropriétaires :
copropriétaires-créances douteuses
Niveau des impayés : montant des charges impayées par les
copropriétaires/total des charges budgété
Nombre de copropriétaires en situation d’impayé : nombre de
comptes 459 (créances douteuses)
Montant des dettes fournisseurs : factures parvenues
Nombre de factures non réglées : nombre de comptes 401
Emprunt (restant dû)
Trésorerie disponible
Provisions et avances
Situation financière : trésorerie-provisions et avances
Fonds de prévoyance : solde ? versement annuel ?
Procédures en cours mises en œuvre par le syndic : nombres
de mises en œuvre, nombre de plans d’apurement, nombre de
saisies sur compte bancaire, nombre de saisies sur salaire,
nombre de saisies immobilières et mobilières, date saisie TGI en
cas 25 % impayés
Procédures en cours mises en œuvre par la puissance
publique : arrêtés d’insalubrité sur les parties communes, arrêtés
de péril sur les parties communes, arrêtés sur les équipements
communs, mandataire ad hoc oui/non+coordonnées mandataire,
administration judiciaire oui/non +cordonnées administrateur,
plan de sauvegarde oui/non, carence oui/non
Pour l’ensemble de la copropriété : personnel employé par le
syndicat (dont gardien et employé d’immeuble).
Assurance : référence de contrats/date échéance.
Carnet d’entretien : dernière actualisation/pas utilisé,
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zone climatique, nombre de degrés jours
Par bâtiment : date ou époque de construction : date/grandes
périodes.
Nombre de lots principaux,
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Fichier des copropriétés
Immeuble classé : oui/non.
IGH : oui/non.
Nombre d’étages :
49
Mitoyenneté : isolé/accolé.
Équipements communs du bâtiment : chaudière, ascenseur,
climatisation, etc.
Partagé/non.
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Caractéristiques
techniques
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59
60
61
Structure gestionnaire (syndicat, union de syndicat, ASL, AFUL)
Usage de la chaudière collective : pour chauffage/ECS
Type de chauffage : collectif/individuel
Source d’énergie principale : électricité, gaz, chaleur, fioul,
charbon, biomasse
Type de contrat de chauffage : énergie (consommation)/
conduite et petit entretien/gros entretien et renouvellement
Compteurs individuels : pour énergie/ECS/eau froide
Ascenseurs : nombre
Diagnostic technique global : date et synthèse
DPE « collectif »/Audit énergétique : date et étiquettes
énergétique/CO2
Diagnostic plomb dans les parties communes : date et
résultat (concentration plomb)
État amiante dans les parties communes : date et résultat
(présence produits ou matériaux)
Contrôle des installations d’assainissement non collectif :
date/pas soumis+résultat (réglementaire)
Contrôle technique ascenseurs : date/et résultat (état)
En fait il y aurait plus de 60 rubriques dont certaines renvoient à des documents très
sophistiqués que sont, par exemple, les cinq annexes comptables annuelles qui
devront être adressées chaque année au fichier central.
Rappelons qu’aujourd’hui nous ne partons de RIEN et qu’un tel projet va :
-
prétendre faire remonter toutes ces informations des 600.000 syndicats de
copropriété de France ;
faire « traiter » ces données de façon centralisée !
7
Fichier des copropriétés
III. Une fiabilité de départ incertaine (surtout en matière
financière) et par contre une dégradation certaine dans le
temps de cette fiabilité
Ayant constaté que l’Observatoire de l’UNIS (ex-Observatoire de la CNAB)
présentait de nombreux problèmes de fiabilité (à tel point qu’en 2012, l’UNIS n’a
pas publié de chiffres...) et ayant nous-mêmes - à l’ARC - mis en place un
Observatoire des charges (« OSCAR ») à partir des annexes comptables, nous
sommes bien placés à l’ARC pour savoir :
a) que les annexes comptables contiennent de nombreuses erreurs qui ont des
origines très diverses : imputations dans les mauvais comptes ; absence de
regroupement de certaines charges dans les bons comptes [exemple : les
honoraires de syndic] ou au contraire absence de ventilation des charges en
cas de nécessité [exemple : en cas d’eau chaude sanitaire, imputation des
frais de combustible entre chauffage et eau chaude] ; non-respect de la
comptabilité d’engagement ; absence de comptabilisation de nombreux
« produits », etc, etc.
(Et encore ne parlons-nous pas des erreurs nombreuses et graves en cas de
reprises de comptabilité par un nouveau syndic (ce qui est de plus en plus
fréquemment le cas) ;
b) que certaines données de base elles-mêmes (y compris le nombre de mètres
carrés habitables) peuvent être radicalement fausses, les syndics pouvant
confondre surfaces habitables, surfaces développées, SHON (surface hors
œuvre nette), SHOB (surface hors œuvre brute) ;
c) qu’il est presque toujours nécessaire de procéder à des corrections et à des
redressements avant de saisir ces données, ceci alors même que ces
annexes ont déjà été contrôlées par des conseils syndicaux avisés.
À noter : nous avons alerté les responsables de l’administration de cette situation et
avons pu noter leur totale indifférence à tous ces problèmes de nature, pourtant,
à compromettre la fiabilité et donc la pertinence des données recueillies.
Plus préoccupant encore : il apparaît que de nombreuses données comptables ne
reflètent pas forcément la réalité, soit parce que certains comptes ne sont PAS
utilisés, soit parce que les comptes ne sont pas forcément le reflet de la réalité.
Les promoteurs du « méga-fichier » pensent, en effet, naïvement que les données
comptabilisées par les syndics sont le reflet de la réalité. Or, comme nous allons
l’expliquer, ceci n’est pas le cas, loin de là.
Prenons deux exemples :
-
Commençons par un point très sensible puisqu’il justifie en partie la création
du fichier, celui des impayés. Le compte 459 est le compte qui doit
comptabiliser les créances « douteuses ». Or il faut savoir que très peu de
syndics utilisent ce compte ou l’utilisent de façon non rigoureuse. Ainsi de très
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Fichier des copropriétés
nombreuses annexes comptables ont des comptes 459 dont le solde est nul
ou très faible, alors même que les impayés de charges sont importants.
-
Prenons, par exemple, le compte « copropriétaires » de l’annexe comptable
numéro 1 ; les comptes étant arrêtés APRÈS répartition, le compte
« copropriétaires » peut être lourdement débiteurs uniquement parce qu’il y
aura eu un dépassement budgétaire, alors même qu’il n’y aura pas un seul
vrai débiteur...
À tout cela s’ajoute le problème de la fiabilité des mises à jour annuelles.
Il ne faut pas être très imaginatif pour comprendre quelle sera l’évolution de ce
« méga-fichier » compte-tenu, par exemple :
- des changements de syndics ;
- des problèmes de reprises de la comptabilité dans les copropriétés ayant des
difficultés (beaucoup de syndics élus en cours d’année repartent de zéro,
surtout quand la situation est confuse).
Conclusions : un « méga-fichier » établi à partir de données qui forcément ne
seront ni totalement fiables, ni homogènes d’une copropriété à l’autre, ni contrôlées,
ni forcément mises à jour (ou non mises à jour correctement). Cela ne doit-il pas
inciter à plus de prudence et de modestie ?
Mais il y a encore plus préoccupant.
C’est le problème spécifique des petites copropriétés.
Les petites copropriétés sont à la fois les plus nombreuses (60 % auraient moins de
20 lots) et souvent les plus fragiles (dès qu’il faut faire face à des gros travaux).
Or, ce sont là que les données fiables seront :
-
à la fois plus difficiles à obtenir ;
à la fois les plus difficiles à établir (syndic bénévole de fait ou absence de
syndic ou syndic professionnel « tournant » ou syndic professionnel défaillant
ou carrément « failli »).
Est-il raisonnable de vouloir mettre en place un fichier si ambitieux sur autant
de copropriétés (600.000), en partant de RIEN, et alors même que - dès le
départ - nous SAVONS qu’une partie importante des données complexes
demandées seront sujettes à caution ?
Ne sommes-nous pas en plein déni de réalité ?
Ne pouvons-nous pas nous contenter de commencer par un fichier modeste,
basique, utile, vérifié et vérifiable ?
9
Fichier des copropriétés
IV. L’illusion « méthodologique »
Une des raisons avancées pour justifier ce « méga-fichier » est qu’il doit permettre
un repérage puis un traitement des copropriétés fragiles.
Dans une note spéciale non annexée à ce dossier, mais qui est mise en ligne sur
notre site Internet : www.unarc.fr/g6si , nous avons expliqué pourquoi - selon nous la « photographie statique et dynamique » de la santé financière et de la situation
des copropriétés qu’on nous promet avec ce fichier, n’est pas un bon moyen pour :
- identifier les problèmes de fragilité ;
- les traiter ensuite.
Aujourd’hui il existe déjà de « nombreuses » études locales ou départementales sur
les copropriétés fragiles ou en difficulté. Quand elles permettent d’identifier certaines
dérives, elles ne fournissent aucun moyen ni de traitement ni d’intervention.
Par contre, il existe selon nous d’autres moyens beaucoup plus efficaces, beaucoup
moins coûteux et beaucoup moins complexes à mettre en place ou à mobiliser :
- à la fois pour améliorer la connaissance des copropriétés ;
- à la fois pour engager un traitement des difficultés identifiées.

Ces moyens, développés dans la note visée plus haut reposent notamment
sur des dispositifs existants ou simples à mettre en place et
complémentaires :
1.
2.
3.
4.

les observatoires locaux de copropriété ;
un fichier simple d’immatriculation recensant les incidents « publics » :
l’étiquette de charges ;
la généralisation de la mise en œuvre de la procédure d’alerte en cas
d’impayés dépassant le seuil de 25 % du budget.
Le méga-fichier risque de neutraliser la toute dynamique collaborative et
participative
L’illusion liée à l’efficacité intrinsèque du fichier a, pour nous, une autre
conséquence : empêcher (ou rendre secondaire) les efforts de mise en place
d’observatoires locaux des copropriétés associant les copropriétés et les
copropriétaires eux-mêmes. Or on sait que l’intérêt de ces structures partenariales de
travail est que - dans ces observatoires - les « observations » sont déjà du
« traitement » puisqu’elles se font dans un cadre interactif et participatif et, non pas
de façon « aérienne » et purement administrative.

Pour ceux qui veulent connaître un des moyens simple pour favoriser le
traitement des copropriétés fragiles, nous renvoyons par ailleurs à l’annexe
numéro 1 de la présente note.
10
Fichier des copropriétés
V. Le problème des sanctions et du « remplissage » par
notaire interposé
Autre singularité de la loi : les notaires (qui aujourd’hui peuvent conclure des ventes
dans des copropriétés dépourvues de syndic sans être astreints au moindre
signalement, alors que les « risques » sont majeurs dans ces copropriétés) vont être
transformés :
-
en gendarmes du fichier ;
en remplisseurs de substitution en cas de défaillance du syndic.
On imagine - là encore - la fiabilité et l’exhaustivité des renseignements recueillis par
le notaire...
Pour ceux qui sont sceptiques concernant ces problèmes, voici quelques citations du
projet de loi actuel :
« En l’absence de syndic désigné ou lorsque la mise en demeure mentionnée au II
de l’article L. 711-4 est restée sans effet plus d’un mois, le notaire chargé de
l’établissement de l’acte de vente procède d’office à l’immatriculation du
syndicat.
« Le notaire informe le teneur du registre de toute information erronée figurant
au registre ».
« Art. L. 711-6. - I. - Le défaut d’immatriculation signalé par toute personne
intéressée auprès du teneur du registre donne lieu, après mise en demeure du
syndic restée infructueuse pendant un mois, à l’application d’une amende à
l’encontre du syndic ainsi qu’à l’application d’une astreinte qui court à compter de la
fin de la mise en demeure et jusqu’à l’immatriculation du syndicat.
« L’immatriculation effectuée par le notaire en application de l’article L. 711-5
donne lieu à l’application d’une amende à l’encontre du syndic.
« II. - L’absence de transmission de données ou d’actualisation des données
constatée par le teneur du registre ou signalée par toute personne intéressée auprès
du teneur du registre ou par le notaire donne lieu, après mise en demeure du syndic
restée infructueuse pendant un mois, à l’application d’une astreinte à l’encontre du
syndic. L’astreinte court à compter de la fin de la mise en demeure et jusqu’à la
complète actualisation des données ».
« Les amendes et astreintes prévues aux I et II sont recouvrées comme en matière
de contributions directes au profit du teneur du registre selon des modalités
précisées par décret en Conseil d’État ».
Comme on le voit, ça promet : dénonciation, sanctions, substitution, amendes,
astreintes...
Ne sommes-nous pas, décidément, sur une autre planète ?
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Fichier des copropriétés
VI. Focus sur les effets secondaires négatifs de la mise en
place de ce « méga-fichier »
En plus de tout ce que nous venons de voir, ce « méga-fichier » va générer un
certain nombre d’effets dits « pervers ».
Voici quelques exemples d’effets « secondaires » liés à la mise en place de ce
fichier qu’il ne faut pas négliger ni minimiser :
1. le coût pour les copropriétaires via les honoraires de syndic que ceux-ci ne
vont pas manquer de prendre pour remplir le méga-questionnaire, y compris
pour des adaptations informatiques ;
2. les coûts annexes supplémentaires qui peuvent être particulièrement
importants ; nous craignons en particulier que les syndics (qui mettront en
avant l’engagement de leur responsabilité) ne fassent appellent aux
géomètres experts pour mesurer l’ensemble des surfaces à renseigner
(quatre différentes, voir point II) ;
3. le découragement des syndics bénévoles des toutes petites copropriétés
(obligés de transmettre des annexes comptables qu’ils n’auront pas forcément
établis ou qu’ils auront établis partiellement) ;
4. le développement des conflits, voire des contentieux : en effet, il est certain
qu’un certain nombre de copropriétaires voudront vérifier que les données
transmises par leur syndic sont correctes ; et il est non moins certain qu’ils
relèvent beaucoup d’erreurs (pour toutes les raisons exposées dans cette
note), ce qui donnera lieu à un contentieux important et bien inopportun.
En effet la loi prévoit à la fois des dispositions pour contrôler les données,
mais aussi pour obliger à la rectification et prévoit des sanctions et astreintes
en cas de non-exécution :
« Art. L. 711-2. - I. - Les copropriétaires ont un droit d’accès aux données
relatives au syndicat dont ils font partie et peuvent solliciter le syndic aux fins
de rectification des données erronées. Les modalités d’exercice de ce droit
d’accès et de rectification sont précisées par décret en Conseil d’État.
Comme on le voit : les effets induits que nous pouvons déjà anticiper sont nombreux
et préoccupants.
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Fichier des copropriétés
VII. Le coût du dispositif pour l’État et les conséquences
négatives à peu près certaines qui en découleront
Le méga-fichier aura vraisemblablement un coût très important pendant les trois
premières années de mise en place comme après. Il est d’ailleurs à noter que des
consultations ont déjà été lancées, mais que les résultats ne sont pas diffusés (trop
tôt ? trop inquiétants ?...).
Ce coût signifie sans aucun doute que les données seront « vendues ». Aux
collectivités locales d’abord certes, mais pas uniquement, pensons-nous ; car qui
peut garantir l’absence totale de transmission (volontaire, involontaire, complète,
partielle) de leur part ou de la part du « teneur de registre » à des tiers ? Certes on
répondra que ce procès d’intention n’a pas lieu d’être, mais on sait bien aujourd’hui
qu’il n’y a plus d’étanchéité totale dès que les données commencent à sortir.
Exemple : si la collectivité commence à utiliser ces données pour développer les
raccordements au réseau de SON chauffage urbain (comme certaines collectivités
nous ont déjà dit qu’elles le feraient), le concessionnaire ou le « fermier » du réseau
sera-t-il hors course pour l’accès à ce fichier... ?
Pour dire les choses franchement, nous avons un peu peur que ce fichier ne
devienne une formidable banque de données à la disposition d’un peu trop de gens
et d’entreprises de toutes natures qui passeront leur temps à démarcher les syndics,
dont chacun sait qu’ils ne sont pas forcément fermés à ces sollicitations...
Tout ceci, naturellement, pour le plus grand bien des copropriétés et des
copropriétaires...
Extraits du projet de loi :
« II. - À leur demande, l’État, ses services ainsi que ses opérateurs, les communes,
les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière
d’habitat, les départements et les régions obtiennent du teneur du registre
communication des informations du répertoire relatives à chaque copropriété située
sur leur territoire ».
« III. – À condition que cette communication soit conforme aux finalités du registre
précisées à l’article L. 711-1, les informations qu’il contient peuvent être
communiquées à des tiers selon des conditions précisées par décret en Conseil
d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en
application du 4° de l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à
l’informatique aux fichiers et aux libertés ».
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Fichier des copropriétés
Réponse à une objection possible
Les responsables qui liront cette note souriront peut-être de notre naïveté :
« Oui ce méga-fichier permettra de lancer un démarchage ciblé auprès des
copropriétaires, ce qui sera bon pour les copropriétaires - exemple :
économie d’énergie - et pour les entreprises, donc pour l’économie ».
Il s’agit là d’une illusion regrettable : toute notre expérience et notre action
prouvent que ce démarchage même ciblé est très peu efficace et que seule
la mobilisation des copropriétaires et les démarches visant à obtenir
l’adhésion véritable de la majorité est - dans tous les sens du terme payante.
Que ceux qui en souhaitent une démonstration n’hésitent surtout pas à
nous consulter.
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Fichier des copropriétés
VIII. Un caractère trop fortement intrusif et un rejet
« citoyen » certain
Le nombre de données de ce fichier est très abondant comme nous l’avons vu au
point II ; outre les données de base, on note :
-
des données financières nombreuses ;
des données sur les réserves financières ;
des données sur les impayés ;
des données sur les « produits » financiers ;
des données sociales ou statutaires ;
des données physiques et techniques ;
des données concernant les consommations, les équipements, l’âge des
équipements, etc. etc.
Nous pensons qu’il n’y aura pas forcément adhésion à cette remontée d’information
qui sera perçue comme une intrusion, de façon très négative par de nombreux
copropriétaires.
Ceci d’autant plus qu’un dispositif « répressif » et pénal lourd est prévu pour
favoriser la participation des réticents, comme on l’a vu (point V).
À notre avis il ne faut surtout pas sous-estimer ce « rejet » qui aura une
conséquence supplémentaire : rendre encore moins fiables les informations fournies
(pourquoi perdre du temps à contrôler des données pour alimenter un dispositif que
l’on rejette ?).
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Fichier des copropriétés
IX. Conclusion : résumons
1. Un fichier très étendu (beaucoup plus que ce qu’on imagine au départ) et donc
très intrusif.
2. un fichier qui - en matière financière - présentera forcément :
o
de nombreuses erreurs ;
o
une absence d’homogénéité ;
o
de nombreuses lacunes ;
o
des « biais ».
3. Un fichier censé permettre le repérage et le traitement des copropriétés fragiles
mais qui ne fera au mieux - ceci de façon très « aérienne », non dynamique, non
participative, non fiable - que confirmer ce qui est déjà connu.
4. Un fichier qui, étant donné sa complexité, ne sera pas mis à jour correctement.
5. Un fichier qui - pour les petites copropriétés qui sont précisément les plus
nombreuses et parmi les plus fragiles - sera souvent NON rempli ou mal
rempli.
6. Un fichier qui sera rempli par défaut par les notaires, donc - là encore - mal
rempli.
7. Un fichier qui introduit tout un système répressif pour :
o non-remplissage ;
o mauvais remplissage ;
o mauvaise mise à jour, et qui va en plus générer des conflits et contentieux.
8. Un fichier qui va induire des frais supplémentaires et annexes non négligeables
pour les copropriétaires.
9. Un fichier qui va coûter très cher à l’État et dont les données - sous prétexte de
participer à l’action en faveur de la rénovation énergétique - seront très vite
utilisées comme instruments de prospection (par ailleurs peu efficace, selon
nous) par :
o les opérateurs de l’État ;
o les opérateurs des collectivités ;
o et au-delà tous ceux qui vont pouvoir convaincre qu’ils participent à la lutte
contre le réchauffement climatique.
Voilà pourquoi nous ne voulons pas que l’on perde du temps, de l’argent, de
l’énergie, des illusions à la réalisation d’un tel « méga-fichier » et que nous plaidons
pour la mise en place d’un fichier NORMAL.
Voilà pourquoi nous espérons que les élus nationaux qui sont aussi des élus locaux
prendront assez de recul pour ne pas tomber dans le « miroir aux alouettes » de ce
« méga-fichier ».
Nous restons bien sûr à la disposition de tous ceux qui - nous connaissant pour nos
arguments - pensent qu’il faut continuer dans cette voie.
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Fichier des copropriétés
ANNEXE. 1
Il existe une voie non intrusive simple pour traiter les
copropriétés fragiles sans « fichier »
Pour assurer le repérage et le traitement des copropriétés fragiles : il n’y a pas
besoin d’un fichier « national » ; il suffit de rendre enfin opérationnels les articles 291.A et 29-1.B de la loi de 1965 qui ont institué une « procédure d’alerte ».
En effet, non seulement le critère concernant le repérage des copropriétés fragiles a
déjà été inscrit dans la loi (25 % des charges impayées), mais un dispositif de
traitement a - lui aussi - déjà été établi. Il suffit simplement que ce dispositif soit enfin
mis en œuvre. Pour cela, il faut :
-
améliorer les articles 29-1.A et 29-1. B ;
en garantir l’application.
C’est ce que la ministre a commencé à faire avec le projet de loi A.L.U.R., sachant
que nous proposons diverses solutions complémentaires simples, efficaces et peu
coûteuses.
Il est regrettable que la haute administration soit en train de vouloir inventer un
nouveau dispositif de repérage (par ailleurs très compliqué) sans même vouloir au
préalable :
-
corriger et améliorer ce qui existe ;
agir pour une meilleure application.
.
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Fichier des copropriétés
ANNEXE 2.
Les notaires : utiliser leur pouvoir d’alerte
Des notaires transformés en gendarmes, mais qui pourront continuer à procéder à
des ventes dans des copropriétés sans syndics, alors qu’il s’agit d’un facteur
principal de fragilisation des copropriétés !
Voilà un des paradoxes du projet. On va mettre en place un fichier très
sophistiqué en donnant aux notaires un rôle de gendarmes. Or - il suffirait déjà aujourd’hui qu’ils signalent à l’occasion des ventes :
-
le nom du syndic en place ;
et - surtout - l’absence de syndic quand c’est le cas, ce que permettait une
action corrective essentielle.
Car, aujourd’hui, on sait que - statistiquement - les copropriétés sans syndic sont les
plus « vulnérables ».
Alors, pourquoi faire compliqué quand on pourrait commencer à faire simple et
efficace ?
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Fichier des copropriétés
ANNEXE 3.
Le Président de l’ANaH n’est pas d’accord...
Le soi-disant inspirateur de la réforme n’a pas été consulté : et pour cause...
Mis à contribution par l’administration, Dominique BRAYE (Président de l’ANaH) et
son rapport sur le traitement des copropriétés en difficulté sont l’une des références
majeures de ce méga-fichier.
Or, si Dominique BRAYE a souligné - comme chacun - la nécessité de mettre en
place un registre d’immatriculation des copropriétés - non seulement il n’a nullement
proposé de mettre en place un « méga-fichier » des données financières et
physiques, mais il a même dit: qu’il était contre ce projet pharaonique et ses
illusions.
Nous avons pris le temps de l’interroger.
ARC – 25 Juillet 2013
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