ASSOCIATION des RESPONSABLES de COPROPRIETE
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ASSOCIATION des RESPONSABLES de COPROPRIETE
Fichier des copropriétés ASSOCIATION des RESPONSABLES de COPROPRIETE Le « méga-fichier » central d’immatriculation des copropriétés tel qu’il est prévu par le projet de loi A.L.U.R. et souhaité par l’administration * Attention : complexité, fiabilité douteuse, très faible efficacité, coût élevé pour tous et effets secondaires négatifs assurés Sommaire : I. Des responsables et des élus locaux fascinés par l’efficacité potentielle de ce fichier II. Pour commencer : un aperçu des données très diverses et nombreuses qui seraient recueillies par le « méga-fichier » III. Une fiabilité de départ incertaine (surtout en matière financière) et par contre une dégradation certaine dans le temps de cette fiabilité IV. L’illusion « méthodologique » V. Le problème des sanctions et du « remplissage » par notaire interposé VI. Focus sur les effets secondaires négatifs de la mise en place de ce « mégafichier » VII. Le coût du dispositif pour l’État et les conséquences négatives à peu près certaines qui en découleront VIII. Un caractère trop fortement intrusif et un rejet « citoyen » certain IX. Conclusion : résumons. ANNEXES 1 Fichier des copropriétés I. Des responsables et des élus locaux fascinés par l’efficacité potentielle de ce fichier La France compte neuf millions de logements en copropriété et n'a jamais mis en place - malgré les demandes de nombreuses organisations, dont l’ARC - le moindre registre permettant de commencer à connaître la copropriété et les copropriétés. Or, à l’occasion de la loi A.L.U.R., l’Administration (en l’occurrence la DHUP, Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages du Ministère du Logement) au lieu d’introduire la mise en place du registre normal de base dont nous avons besoin, organise la mise en place d’un registre très complet (beaucoup trop, comme on le verra), concernant des données tout à la fois : - financières ; - physiques ; - sociales ; - organisationnelles ; et leur mise à jour annuelle. Nous partons de RIEN et au lieu de construire un premier fichier (qui serait déjà forcément complexe) on vise un fichier pharaonique qui sera (on le verra) source de déception, mais aussi d’abus. Ce fichier très ambitieux est présenté comme un outil nouveau, moderne, complet au service de l’État et des collectivités territoriales : - en matière de repérage et traitement des copropriétés en difficulté ou fragiles ; en matière d’actions relatives à l’amélioration de l’efficacité énergétique. Les élus et services locaux sont en effet - comme on le sait - démunis face aux copropriétés qu’ils connaissent souvent mal et qui - la plupart du temps - se referment comme des huitres quand on les approche. C’est pourquoi beaucoup d’élus (ceux qui sont au courant) sont favorables à ce projet et pensent que ce fichier sera le « sésame » leur permettant : de savoir ce qu’il y a dans chaque copropriété (équipements, âge des équipements, état du bâti) ; de connaître les dynamiques de la population (taux de propriétaires occupants/de locataires, par exemple, mais aussi le taux de participation aux assemblées générales ) ; de connaître la situation financière des copropriétés, leurs réserves diverses, la situation des impayés ; mais aussi d’être informés du mode de chauffage et de la production d’eau chaude (information qui peut intéresser les collectivités, surtout si elles ont un réseau de chauffage urbain pour pouvoir, par exemple, proposer des raccordements aux copropriétés, dont les chaudières seraient en fin de vie) ; etc, etc. 2 Fichier des copropriétés Certains élus ou techniciens « territoriaux » se laissent même rêver à la mise en place d’une stratégie d’incitation aux travaux d’économies d’énergie qui serait basée sur une connaissance fine des copropriétés puis un démarchage ciblé. Si nous pouvons comprendre cette « attirance » pour un « méga-fichier » qui va donner - semble-t-il - les « clefs » des copropriétés aux élus locaux, nous formulons les plus expresses réserves sur ce dispositif pour une série de raisons très différentes que nous allons tenter de faire partager. Nous allons essayer de montrer que derrière le « rêve » il y a sans doute un cauchemar à la fois inefficace au regard des objectifs annoncés, potentiellement dangereux et très coûteux. 3 Fichier des copropriétés Nous allons donc établir dans la présente note : 1. Que ce « méga-fichier » (si l’on veut satisfaire tous les besoins en information) sera pharaonique. 2. Qu’il sera - de ce fait et par ailleurs - très approximatif, partiel, voire en partie faux, et, surtout, difficile à mettre à jour. 3. Qu’il va induire des effets secondaires très négatifs. 4. Qu’il va développer les conflits et les contentieux, mais aussi le rejet de nombreux copropriétaires. 5. Qu’il ne permettra pas pour autant de mieux repérer les copropriétés fragiles et de mieux les traiter, alors que c’est un de ses objectifs annoncés. 6. Qu’il y a pour repérer les copropriétés fragiles puis les traiter des moyens beaucoup plus simples et efficaces à mettre en œuvre. 7. Qu’il va (si tant est qu’il soit réalisable) coûter très cher et - de ce fait pour être rentabilisé - servira de « base de données » pour tous les prospecteurs publics ou privés en rénovation énergétique ou solutions alternatives. Important : si nous nous mobilisons aujourd’hui contre un tel « méga-fichier » c’est que - avant même que la loi ne soit présentée au Parlement, avant même la moindre discussion parlementaire - la haute administration (qui est l’inspiratrice de ce dispositif), et plus précisément la DHUP (Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages), semble avoir : - décidé que ce « méga-fichier » se mettrait en place coûte que coûte, sans prêter la moindre oreille aux réactions formulées ; déjà pratiquement écrit les décrets d’application ; déjà décidé que la société civile ne pourrait pas participer à leur négociation... Alors tout est dit ? Il n’y a plus rien à faire ? Voir... 4 Fichier des copropriétés II. Pour commencer : un aperçu des données très diverses et nombreuses qui seraient recueillies par le méga-fichier Certains pourraient croire que nous faisons une montagne d’une souris. On va voir que ce n’est du tout le cas. Dans le cadre d’un travail commandité par la DHUP, une stagiaire de fin d’études des Ponts et chaussées et le CSTB, ont défini le périmètre de ce fichier. Pour ceux qui pensent que nos craintes sont exagérées quand nous parlons de « méga-fichier » intrusif, voici la liste des données qu’il est envisagé de recueillir (âmes sensibles, s’abstenir). Identification de la copropriété Caractéristiques générales de la copropriété 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 Gouvernance de la copropriété 28 29 N° d’immatriculation Date d’immatriculation Nom de la copropriété Adresse Références cadastrales Coordonnées Date de mise en copropriété Copropriété horizontale Nombre de bâtiments Nombres de lots par usage : habitation/logements de services/commerces/activités/caves/réserves/garages/parkings souterrains/parkings en superstructure Assise foncière : surface totale des parcelles Surface « développée » : surface totale des lots Surface totale des lots principaux : surface totale des lots d’habitation+activité+commerces Surface totale des logements : surface totale des lots à usage d’habitation Type de syndicat : principal/secondaire Numéro SIRET si syndicat employeur Présence de syndicats secondaires : nombre ou identité du syndicat principal : numéro d’immatriculation Rattachement à des structures juridiques (ASL, AFUL, etc.) : nombre Nom du syndic : raison sociale/personne physique Référence carte professionnelle syndic professionnel Numéro SIREN du syndic Coordonnées du syndic Date de désignation du syndic Coordonnées du président du conseil syndical : nom, adresse, téléphone, mail Nombre de copropriétaires Modalité d’occupation de la copropriété : nombre de propriétaires occupants, nombre de propriétaires bailleurs, nombres de personnes morales propriétaires, nombre de personnes physiques propriétaires Date de la dernière assemblée générale Taux de participation : % copropriétaires présents ou 5 Fichier des copropriétés 30 31 32 33 34 35 36 37 Caractéristiques financières 38 39 40 41 42 43 44 45 46 Procédures administratives et judiciaires 47 représentés, tantièmes représentés Approbation des comptes : date d’approbation ; non Clôture de l’exercice : date de clôture Charges totales : charges pour opérations courantes plus charges pour opérations exceptionnelles Charges pour opérations courantes : total, eau (compteur général), électricité, chauffage, énergie et combustible, nettoyage des locaux, contrats de maintenance, entretien et petites réparations, primes d’assurances, rémunérations du syndic, honoraires et prestations particulières, frais du personnel Charges pour travaux et opérations exceptionnelles : remboursement d’annuités d’emprunt, montant des charges pour travaux Montant des charges impayées par les copropriétaires : copropriétaires-créances douteuses Niveau des impayés : montant des charges impayées par les copropriétaires/total des charges budgété Nombre de copropriétaires en situation d’impayé : nombre de comptes 459 (créances douteuses) Montant des dettes fournisseurs : factures parvenues Nombre de factures non réglées : nombre de comptes 401 Emprunt (restant dû) Trésorerie disponible Provisions et avances Situation financière : trésorerie-provisions et avances Fonds de prévoyance : solde ? versement annuel ? Procédures en cours mises en œuvre par le syndic : nombres de mises en œuvre, nombre de plans d’apurement, nombre de saisies sur compte bancaire, nombre de saisies sur salaire, nombre de saisies immobilières et mobilières, date saisie TGI en cas 25 % impayés Procédures en cours mises en œuvre par la puissance publique : arrêtés d’insalubrité sur les parties communes, arrêtés de péril sur les parties communes, arrêtés sur les équipements communs, mandataire ad hoc oui/non+coordonnées mandataire, administration judiciaire oui/non +cordonnées administrateur, plan de sauvegarde oui/non, carence oui/non Pour l’ensemble de la copropriété : personnel employé par le syndicat (dont gardien et employé d’immeuble). Assurance : référence de contrats/date échéance. Carnet d’entretien : dernière actualisation/pas utilisé, 48 zone climatique, nombre de degrés jours Par bâtiment : date ou époque de construction : date/grandes périodes. Nombre de lots principaux, 6 Fichier des copropriétés Immeuble classé : oui/non. IGH : oui/non. Nombre d’étages : 49 Mitoyenneté : isolé/accolé. Équipements communs du bâtiment : chaudière, ascenseur, climatisation, etc. Partagé/non. 50 51 52 53 Caractéristiques techniques 54 55 56 57 58 59 60 61 Structure gestionnaire (syndicat, union de syndicat, ASL, AFUL) Usage de la chaudière collective : pour chauffage/ECS Type de chauffage : collectif/individuel Source d’énergie principale : électricité, gaz, chaleur, fioul, charbon, biomasse Type de contrat de chauffage : énergie (consommation)/ conduite et petit entretien/gros entretien et renouvellement Compteurs individuels : pour énergie/ECS/eau froide Ascenseurs : nombre Diagnostic technique global : date et synthèse DPE « collectif »/Audit énergétique : date et étiquettes énergétique/CO2 Diagnostic plomb dans les parties communes : date et résultat (concentration plomb) État amiante dans les parties communes : date et résultat (présence produits ou matériaux) Contrôle des installations d’assainissement non collectif : date/pas soumis+résultat (réglementaire) Contrôle technique ascenseurs : date/et résultat (état) En fait il y aurait plus de 60 rubriques dont certaines renvoient à des documents très sophistiqués que sont, par exemple, les cinq annexes comptables annuelles qui devront être adressées chaque année au fichier central. Rappelons qu’aujourd’hui nous ne partons de RIEN et qu’un tel projet va : - prétendre faire remonter toutes ces informations des 600.000 syndicats de copropriété de France ; faire « traiter » ces données de façon centralisée ! 7 Fichier des copropriétés III. Une fiabilité de départ incertaine (surtout en matière financière) et par contre une dégradation certaine dans le temps de cette fiabilité Ayant constaté que l’Observatoire de l’UNIS (ex-Observatoire de la CNAB) présentait de nombreux problèmes de fiabilité (à tel point qu’en 2012, l’UNIS n’a pas publié de chiffres...) et ayant nous-mêmes - à l’ARC - mis en place un Observatoire des charges (« OSCAR ») à partir des annexes comptables, nous sommes bien placés à l’ARC pour savoir : a) que les annexes comptables contiennent de nombreuses erreurs qui ont des origines très diverses : imputations dans les mauvais comptes ; absence de regroupement de certaines charges dans les bons comptes [exemple : les honoraires de syndic] ou au contraire absence de ventilation des charges en cas de nécessité [exemple : en cas d’eau chaude sanitaire, imputation des frais de combustible entre chauffage et eau chaude] ; non-respect de la comptabilité d’engagement ; absence de comptabilisation de nombreux « produits », etc, etc. (Et encore ne parlons-nous pas des erreurs nombreuses et graves en cas de reprises de comptabilité par un nouveau syndic (ce qui est de plus en plus fréquemment le cas) ; b) que certaines données de base elles-mêmes (y compris le nombre de mètres carrés habitables) peuvent être radicalement fausses, les syndics pouvant confondre surfaces habitables, surfaces développées, SHON (surface hors œuvre nette), SHOB (surface hors œuvre brute) ; c) qu’il est presque toujours nécessaire de procéder à des corrections et à des redressements avant de saisir ces données, ceci alors même que ces annexes ont déjà été contrôlées par des conseils syndicaux avisés. À noter : nous avons alerté les responsables de l’administration de cette situation et avons pu noter leur totale indifférence à tous ces problèmes de nature, pourtant, à compromettre la fiabilité et donc la pertinence des données recueillies. Plus préoccupant encore : il apparaît que de nombreuses données comptables ne reflètent pas forcément la réalité, soit parce que certains comptes ne sont PAS utilisés, soit parce que les comptes ne sont pas forcément le reflet de la réalité. Les promoteurs du « méga-fichier » pensent, en effet, naïvement que les données comptabilisées par les syndics sont le reflet de la réalité. Or, comme nous allons l’expliquer, ceci n’est pas le cas, loin de là. Prenons deux exemples : - Commençons par un point très sensible puisqu’il justifie en partie la création du fichier, celui des impayés. Le compte 459 est le compte qui doit comptabiliser les créances « douteuses ». Or il faut savoir que très peu de syndics utilisent ce compte ou l’utilisent de façon non rigoureuse. Ainsi de très 8 Fichier des copropriétés nombreuses annexes comptables ont des comptes 459 dont le solde est nul ou très faible, alors même que les impayés de charges sont importants. - Prenons, par exemple, le compte « copropriétaires » de l’annexe comptable numéro 1 ; les comptes étant arrêtés APRÈS répartition, le compte « copropriétaires » peut être lourdement débiteurs uniquement parce qu’il y aura eu un dépassement budgétaire, alors même qu’il n’y aura pas un seul vrai débiteur... À tout cela s’ajoute le problème de la fiabilité des mises à jour annuelles. Il ne faut pas être très imaginatif pour comprendre quelle sera l’évolution de ce « méga-fichier » compte-tenu, par exemple : - des changements de syndics ; - des problèmes de reprises de la comptabilité dans les copropriétés ayant des difficultés (beaucoup de syndics élus en cours d’année repartent de zéro, surtout quand la situation est confuse). Conclusions : un « méga-fichier » établi à partir de données qui forcément ne seront ni totalement fiables, ni homogènes d’une copropriété à l’autre, ni contrôlées, ni forcément mises à jour (ou non mises à jour correctement). Cela ne doit-il pas inciter à plus de prudence et de modestie ? Mais il y a encore plus préoccupant. C’est le problème spécifique des petites copropriétés. Les petites copropriétés sont à la fois les plus nombreuses (60 % auraient moins de 20 lots) et souvent les plus fragiles (dès qu’il faut faire face à des gros travaux). Or, ce sont là que les données fiables seront : - à la fois plus difficiles à obtenir ; à la fois les plus difficiles à établir (syndic bénévole de fait ou absence de syndic ou syndic professionnel « tournant » ou syndic professionnel défaillant ou carrément « failli »). Est-il raisonnable de vouloir mettre en place un fichier si ambitieux sur autant de copropriétés (600.000), en partant de RIEN, et alors même que - dès le départ - nous SAVONS qu’une partie importante des données complexes demandées seront sujettes à caution ? Ne sommes-nous pas en plein déni de réalité ? Ne pouvons-nous pas nous contenter de commencer par un fichier modeste, basique, utile, vérifié et vérifiable ? 9 Fichier des copropriétés IV. L’illusion « méthodologique » Une des raisons avancées pour justifier ce « méga-fichier » est qu’il doit permettre un repérage puis un traitement des copropriétés fragiles. Dans une note spéciale non annexée à ce dossier, mais qui est mise en ligne sur notre site Internet : www.unarc.fr/g6si , nous avons expliqué pourquoi - selon nous la « photographie statique et dynamique » de la santé financière et de la situation des copropriétés qu’on nous promet avec ce fichier, n’est pas un bon moyen pour : - identifier les problèmes de fragilité ; - les traiter ensuite. Aujourd’hui il existe déjà de « nombreuses » études locales ou départementales sur les copropriétés fragiles ou en difficulté. Quand elles permettent d’identifier certaines dérives, elles ne fournissent aucun moyen ni de traitement ni d’intervention. Par contre, il existe selon nous d’autres moyens beaucoup plus efficaces, beaucoup moins coûteux et beaucoup moins complexes à mettre en place ou à mobiliser : - à la fois pour améliorer la connaissance des copropriétés ; - à la fois pour engager un traitement des difficultés identifiées. Ces moyens, développés dans la note visée plus haut reposent notamment sur des dispositifs existants ou simples à mettre en place et complémentaires : 1. 2. 3. 4. les observatoires locaux de copropriété ; un fichier simple d’immatriculation recensant les incidents « publics » : l’étiquette de charges ; la généralisation de la mise en œuvre de la procédure d’alerte en cas d’impayés dépassant le seuil de 25 % du budget. Le méga-fichier risque de neutraliser la toute dynamique collaborative et participative L’illusion liée à l’efficacité intrinsèque du fichier a, pour nous, une autre conséquence : empêcher (ou rendre secondaire) les efforts de mise en place d’observatoires locaux des copropriétés associant les copropriétés et les copropriétaires eux-mêmes. Or on sait que l’intérêt de ces structures partenariales de travail est que - dans ces observatoires - les « observations » sont déjà du « traitement » puisqu’elles se font dans un cadre interactif et participatif et, non pas de façon « aérienne » et purement administrative. Pour ceux qui veulent connaître un des moyens simple pour favoriser le traitement des copropriétés fragiles, nous renvoyons par ailleurs à l’annexe numéro 1 de la présente note. 10 Fichier des copropriétés V. Le problème des sanctions et du « remplissage » par notaire interposé Autre singularité de la loi : les notaires (qui aujourd’hui peuvent conclure des ventes dans des copropriétés dépourvues de syndic sans être astreints au moindre signalement, alors que les « risques » sont majeurs dans ces copropriétés) vont être transformés : - en gendarmes du fichier ; en remplisseurs de substitution en cas de défaillance du syndic. On imagine - là encore - la fiabilité et l’exhaustivité des renseignements recueillis par le notaire... Pour ceux qui sont sceptiques concernant ces problèmes, voici quelques citations du projet de loi actuel : « En l’absence de syndic désigné ou lorsque la mise en demeure mentionnée au II de l’article L. 711-4 est restée sans effet plus d’un mois, le notaire chargé de l’établissement de l’acte de vente procède d’office à l’immatriculation du syndicat. « Le notaire informe le teneur du registre de toute information erronée figurant au registre ». « Art. L. 711-6. - I. - Le défaut d’immatriculation signalé par toute personne intéressée auprès du teneur du registre donne lieu, après mise en demeure du syndic restée infructueuse pendant un mois, à l’application d’une amende à l’encontre du syndic ainsi qu’à l’application d’une astreinte qui court à compter de la fin de la mise en demeure et jusqu’à l’immatriculation du syndicat. « L’immatriculation effectuée par le notaire en application de l’article L. 711-5 donne lieu à l’application d’une amende à l’encontre du syndic. « II. - L’absence de transmission de données ou d’actualisation des données constatée par le teneur du registre ou signalée par toute personne intéressée auprès du teneur du registre ou par le notaire donne lieu, après mise en demeure du syndic restée infructueuse pendant un mois, à l’application d’une astreinte à l’encontre du syndic. L’astreinte court à compter de la fin de la mise en demeure et jusqu’à la complète actualisation des données ». « Les amendes et astreintes prévues aux I et II sont recouvrées comme en matière de contributions directes au profit du teneur du registre selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État ». Comme on le voit, ça promet : dénonciation, sanctions, substitution, amendes, astreintes... Ne sommes-nous pas, décidément, sur une autre planète ? 11 Fichier des copropriétés VI. Focus sur les effets secondaires négatifs de la mise en place de ce « méga-fichier » En plus de tout ce que nous venons de voir, ce « méga-fichier » va générer un certain nombre d’effets dits « pervers ». Voici quelques exemples d’effets « secondaires » liés à la mise en place de ce fichier qu’il ne faut pas négliger ni minimiser : 1. le coût pour les copropriétaires via les honoraires de syndic que ceux-ci ne vont pas manquer de prendre pour remplir le méga-questionnaire, y compris pour des adaptations informatiques ; 2. les coûts annexes supplémentaires qui peuvent être particulièrement importants ; nous craignons en particulier que les syndics (qui mettront en avant l’engagement de leur responsabilité) ne fassent appellent aux géomètres experts pour mesurer l’ensemble des surfaces à renseigner (quatre différentes, voir point II) ; 3. le découragement des syndics bénévoles des toutes petites copropriétés (obligés de transmettre des annexes comptables qu’ils n’auront pas forcément établis ou qu’ils auront établis partiellement) ; 4. le développement des conflits, voire des contentieux : en effet, il est certain qu’un certain nombre de copropriétaires voudront vérifier que les données transmises par leur syndic sont correctes ; et il est non moins certain qu’ils relèvent beaucoup d’erreurs (pour toutes les raisons exposées dans cette note), ce qui donnera lieu à un contentieux important et bien inopportun. En effet la loi prévoit à la fois des dispositions pour contrôler les données, mais aussi pour obliger à la rectification et prévoit des sanctions et astreintes en cas de non-exécution : « Art. L. 711-2. - I. - Les copropriétaires ont un droit d’accès aux données relatives au syndicat dont ils font partie et peuvent solliciter le syndic aux fins de rectification des données erronées. Les modalités d’exercice de ce droit d’accès et de rectification sont précisées par décret en Conseil d’État. Comme on le voit : les effets induits que nous pouvons déjà anticiper sont nombreux et préoccupants. 12 Fichier des copropriétés VII. Le coût du dispositif pour l’État et les conséquences négatives à peu près certaines qui en découleront Le méga-fichier aura vraisemblablement un coût très important pendant les trois premières années de mise en place comme après. Il est d’ailleurs à noter que des consultations ont déjà été lancées, mais que les résultats ne sont pas diffusés (trop tôt ? trop inquiétants ?...). Ce coût signifie sans aucun doute que les données seront « vendues ». Aux collectivités locales d’abord certes, mais pas uniquement, pensons-nous ; car qui peut garantir l’absence totale de transmission (volontaire, involontaire, complète, partielle) de leur part ou de la part du « teneur de registre » à des tiers ? Certes on répondra que ce procès d’intention n’a pas lieu d’être, mais on sait bien aujourd’hui qu’il n’y a plus d’étanchéité totale dès que les données commencent à sortir. Exemple : si la collectivité commence à utiliser ces données pour développer les raccordements au réseau de SON chauffage urbain (comme certaines collectivités nous ont déjà dit qu’elles le feraient), le concessionnaire ou le « fermier » du réseau sera-t-il hors course pour l’accès à ce fichier... ? Pour dire les choses franchement, nous avons un peu peur que ce fichier ne devienne une formidable banque de données à la disposition d’un peu trop de gens et d’entreprises de toutes natures qui passeront leur temps à démarcher les syndics, dont chacun sait qu’ils ne sont pas forcément fermés à ces sollicitations... Tout ceci, naturellement, pour le plus grand bien des copropriétés et des copropriétaires... Extraits du projet de loi : « II. - À leur demande, l’État, ses services ainsi que ses opérateurs, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat, les départements et les régions obtiennent du teneur du registre communication des informations du répertoire relatives à chaque copropriété située sur leur territoire ». « III. – À condition que cette communication soit conforme aux finalités du registre précisées à l’article L. 711-1, les informations qu’il contient peuvent être communiquées à des tiers selon des conditions précisées par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en application du 4° de l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique aux fichiers et aux libertés ». 13 Fichier des copropriétés Réponse à une objection possible Les responsables qui liront cette note souriront peut-être de notre naïveté : « Oui ce méga-fichier permettra de lancer un démarchage ciblé auprès des copropriétaires, ce qui sera bon pour les copropriétaires - exemple : économie d’énergie - et pour les entreprises, donc pour l’économie ». Il s’agit là d’une illusion regrettable : toute notre expérience et notre action prouvent que ce démarchage même ciblé est très peu efficace et que seule la mobilisation des copropriétaires et les démarches visant à obtenir l’adhésion véritable de la majorité est - dans tous les sens du terme payante. Que ceux qui en souhaitent une démonstration n’hésitent surtout pas à nous consulter. 14 Fichier des copropriétés VIII. Un caractère trop fortement intrusif et un rejet « citoyen » certain Le nombre de données de ce fichier est très abondant comme nous l’avons vu au point II ; outre les données de base, on note : - des données financières nombreuses ; des données sur les réserves financières ; des données sur les impayés ; des données sur les « produits » financiers ; des données sociales ou statutaires ; des données physiques et techniques ; des données concernant les consommations, les équipements, l’âge des équipements, etc. etc. Nous pensons qu’il n’y aura pas forcément adhésion à cette remontée d’information qui sera perçue comme une intrusion, de façon très négative par de nombreux copropriétaires. Ceci d’autant plus qu’un dispositif « répressif » et pénal lourd est prévu pour favoriser la participation des réticents, comme on l’a vu (point V). À notre avis il ne faut surtout pas sous-estimer ce « rejet » qui aura une conséquence supplémentaire : rendre encore moins fiables les informations fournies (pourquoi perdre du temps à contrôler des données pour alimenter un dispositif que l’on rejette ?). 15 Fichier des copropriétés IX. Conclusion : résumons 1. Un fichier très étendu (beaucoup plus que ce qu’on imagine au départ) et donc très intrusif. 2. un fichier qui - en matière financière - présentera forcément : o de nombreuses erreurs ; o une absence d’homogénéité ; o de nombreuses lacunes ; o des « biais ». 3. Un fichier censé permettre le repérage et le traitement des copropriétés fragiles mais qui ne fera au mieux - ceci de façon très « aérienne », non dynamique, non participative, non fiable - que confirmer ce qui est déjà connu. 4. Un fichier qui, étant donné sa complexité, ne sera pas mis à jour correctement. 5. Un fichier qui - pour les petites copropriétés qui sont précisément les plus nombreuses et parmi les plus fragiles - sera souvent NON rempli ou mal rempli. 6. Un fichier qui sera rempli par défaut par les notaires, donc - là encore - mal rempli. 7. Un fichier qui introduit tout un système répressif pour : o non-remplissage ; o mauvais remplissage ; o mauvaise mise à jour, et qui va en plus générer des conflits et contentieux. 8. Un fichier qui va induire des frais supplémentaires et annexes non négligeables pour les copropriétaires. 9. Un fichier qui va coûter très cher à l’État et dont les données - sous prétexte de participer à l’action en faveur de la rénovation énergétique - seront très vite utilisées comme instruments de prospection (par ailleurs peu efficace, selon nous) par : o les opérateurs de l’État ; o les opérateurs des collectivités ; o et au-delà tous ceux qui vont pouvoir convaincre qu’ils participent à la lutte contre le réchauffement climatique. Voilà pourquoi nous ne voulons pas que l’on perde du temps, de l’argent, de l’énergie, des illusions à la réalisation d’un tel « méga-fichier » et que nous plaidons pour la mise en place d’un fichier NORMAL. Voilà pourquoi nous espérons que les élus nationaux qui sont aussi des élus locaux prendront assez de recul pour ne pas tomber dans le « miroir aux alouettes » de ce « méga-fichier ». Nous restons bien sûr à la disposition de tous ceux qui - nous connaissant pour nos arguments - pensent qu’il faut continuer dans cette voie. 16 Fichier des copropriétés ANNEXE. 1 Il existe une voie non intrusive simple pour traiter les copropriétés fragiles sans « fichier » Pour assurer le repérage et le traitement des copropriétés fragiles : il n’y a pas besoin d’un fichier « national » ; il suffit de rendre enfin opérationnels les articles 291.A et 29-1.B de la loi de 1965 qui ont institué une « procédure d’alerte ». En effet, non seulement le critère concernant le repérage des copropriétés fragiles a déjà été inscrit dans la loi (25 % des charges impayées), mais un dispositif de traitement a - lui aussi - déjà été établi. Il suffit simplement que ce dispositif soit enfin mis en œuvre. Pour cela, il faut : - améliorer les articles 29-1.A et 29-1. B ; en garantir l’application. C’est ce que la ministre a commencé à faire avec le projet de loi A.L.U.R., sachant que nous proposons diverses solutions complémentaires simples, efficaces et peu coûteuses. Il est regrettable que la haute administration soit en train de vouloir inventer un nouveau dispositif de repérage (par ailleurs très compliqué) sans même vouloir au préalable : - corriger et améliorer ce qui existe ; agir pour une meilleure application. . 17 Fichier des copropriétés ANNEXE 2. Les notaires : utiliser leur pouvoir d’alerte Des notaires transformés en gendarmes, mais qui pourront continuer à procéder à des ventes dans des copropriétés sans syndics, alors qu’il s’agit d’un facteur principal de fragilisation des copropriétés ! Voilà un des paradoxes du projet. On va mettre en place un fichier très sophistiqué en donnant aux notaires un rôle de gendarmes. Or - il suffirait déjà aujourd’hui qu’ils signalent à l’occasion des ventes : - le nom du syndic en place ; et - surtout - l’absence de syndic quand c’est le cas, ce que permettait une action corrective essentielle. Car, aujourd’hui, on sait que - statistiquement - les copropriétés sans syndic sont les plus « vulnérables ». Alors, pourquoi faire compliqué quand on pourrait commencer à faire simple et efficace ? 18 Fichier des copropriétés ANNEXE 3. Le Président de l’ANaH n’est pas d’accord... Le soi-disant inspirateur de la réforme n’a pas été consulté : et pour cause... Mis à contribution par l’administration, Dominique BRAYE (Président de l’ANaH) et son rapport sur le traitement des copropriétés en difficulté sont l’une des références majeures de ce méga-fichier. Or, si Dominique BRAYE a souligné - comme chacun - la nécessité de mettre en place un registre d’immatriculation des copropriétés - non seulement il n’a nullement proposé de mettre en place un « méga-fichier » des données financières et physiques, mais il a même dit: qu’il était contre ce projet pharaonique et ses illusions. Nous avons pris le temps de l’interroger. ARC – 25 Juillet 2013 19