En Pôle Position

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En Pôle Position
Atterrissage sur la banquise : le Polar 5 est l’avion scientifique high-tech de l’Institut Alfred Wegener
STATIONS DE RECHERCHE DE L’INSTITUT
ALFRED WEGENER
ARCTIQUE
STATION KOLDEWEY, 78°55’24’’ N, 11°55’15’’ E
STATION SAMOYLOV, 72°22 N, 126°28 E
picture-alliance/dpa
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Par Angelika Jung-Hüttl
EN PÔLE POSITION
La recherche polaire allemande fait partie de l’élite
internationale : elle est interdisciplinaire, parfaitement
équipée – et reste une aventure fascinante.
out commença par une vision : au pôle Nord, la mer ne
pouvait geler malgré le froid puisque le Gulf Stream coulait peut-être jusque-là. Cette idée du cartographe thuringien August Petermann (1822–1878) et les deux expéditions
maritimes qui partirent vers le Groenland en 1868 et 1869/70
sont à l’origine de la recherche polaire allemande. Ces deux expéditions n’ont jamais atteint le pôle Nord. La première parvint
jusqu’à la banquise au 81e degré de latitude, la seconde découvrit
le fjord Franz Josef sur la côte est du Groenland, l’un des plus
grands fjords de la planète. Quelque 30 ans plus tard, la première
expédition allemande vers le pôle Sud était lancée : l’été 1901, le
vapeur à voile Gauss levait les amarres à Kiel et mettait le cap sur
un Antarctique encore inconnu.
A l’époque, les naturalistes voulaient découvrir et explorer de
nouvelles terres, de nouvelles mers. De nos jours, c’est surtout
le climat qui intéresse les chercheurs allemands travaillant dans
les régions polaires, notamment le réchauffement global de
la planète qui fait fondre les immenses calottes glaciaires des
pôles et induit une hausse du niveau de la mer sur toute la
planète. «Ce qui se passe là-bas – tous les processus météorologiques et climatiques qui s’y déroulent – a un impact mondial,
cela nous concerne tous», déclare Karin Lochte, la directrice
de l’Institut Alfred Wegener de recherches polaires et océanographiques (AWI) à Bremerhaven, le plus grand organisme de
recherche polaire en Allemagne. On y observe et mesure les
changements actuels mais aussi les variations climatiques dans
l’histoire récente de la Terre. Pour cela, des carottes sont prélevées dans les glaciers et les sédiments marins puis analysées.
Les comparaisons entre les données actuelles et celles livrées
par les carottes permettent aux chercheurs de modéliser les
futurs événements climatiques. «Un autre de nos grands axes
est la question des écosystèmes, ajoute la directrice de l’AWI.
Comment la faune et la flore réagiront-elles si la calotte de glace
de la mer continue à diminuer ?»
James Balog/Aurora
Outre la diminution des glaciers et de la banquise, les zones
de permagel prennent de plus en plus d’importance dans la recherche polaire arctique. Car les couches supérieures des terres
gelées en permanence, qui peuvent geler jusqu’à 600 mètres
de profondeur dans les régions du pôle Nord non recouvertes
par les glaciers, fondent de plus en plus vite en été en raison de
la hausse des températures. Cela libère de grandes quantités de
méthane qui, comme le dioxyde de carbone, est un gaz renforçant l’effet de serre. Une équipe de chercheurs germano-russes
Sur les traces du changement climatique global : la recherche polaire fournit des informations importantes
ANTARCTIQUE
STATION NEUMAYER III, 70°40’S, 008°16’ O
STATION KOHNEN, 75°00’ S, 00°04’ E
LABORATOIRE DALLMANN, 62°14’ S, 58°40’ O
observe en permanence ce processus depuis 12 ans en Sibérie,
dans le delta de la Léna, le plus grand delta fluvial de l’océan
Arctique.
Mais la recherche polaire en Allemagne n’est pas seulement
l’affaire de grands organismes comme l’AWI ou l’Institut Leibniz
d’océanographie IFM-GEOMAR à Kiel. Nombre d’universités, de
centres de recherches extra-universitaires de taille plus modeste ou
encore l’Agence fédérale des géosciences et des matières premières (BGR) à Hanovre en font aussi. Cette dernière étudie la géologie des régions polaires, notamment les gisements de matières premières et l’ouverture de l’océan Arctique ainsi que le détachement
du continent originel Gondwana et la naissance de l’Atlantique
dans l’Antarctique. Les travaux des différentes spécialités sont
coordonnés et intégrés dans la recherche polaire internationale
par le Comité national allemand SCAR/IASC où siègent les représentants allemands des organisations internationales SCAR (Comité scientifique de recherche sur l’Antarctique) et IASC (Comité
international des sciences arctiques). Ils se réunissent une fois par
an avec les bailleurs de fonds de la recherche polaire allemande.
Environ 90 % des coûts – qui s’élevaient à 78,9 millions d’euros en
2010 – sont assumés par le ministère fédéral de la Recherche. Les
10 % restants sont apportés par divers gouvernements de Land
ainsi que par le ministère fédéral de l’Economie. La Communauté
de la recherche allemande DFG joue également un rôle important.
Elle soutient surtout la recherche polaire des instituts universitaires dans le cadre des grands axes de son programme.
Un équipement et une logistique sophistiqués sont une condition essentielle pour faire des recherches dans des régions aussi
froides, lointaines et hostiles que les pôles Sud et Nord. « Nous
sommes parfaitement équipés», déclare Karin Lochte. Deux stations scientifiques dans l’Arctique et six dans l’Antarctique, dont
la nouvelle station Neumeyer III créée en 2009 sur la plaque de
glace Ekström, sont à la disposition des chercheurs allemands
mais aussi étrangers, ainsi que deux bateaux scientifiques, le briseglace Polarstern et le Merian, un navire classé glace, et l’avion
scientifique Polar 5. Mais les chercheurs ne sont pas les seuls à
s’engager dans la recherche polaire en Allemagne, les amateurs
peuvent aussi s’y consacrer. La Société allemande de recherche
polaire DGP compte plus de 500 membres – des spécialistes
ou des amateurs intéressés pas le sujet. Tous les deux ans et demi, la Société organise une grande conférence internationale ;
elle publie aussi le magazine Polarforschung en coopération avec
l’AWI et soutient les jeunes chercheurs. ////
1 I 2011 Deutschland — 47
Afrique du Sud
Amérique du Sud
La station Neumayer III de l’Institut Alfred Wegener est au cœur de la recherche allemande dans
l’Antarctique. Entrée en service en 2009, elle repose sur des vérins hydrauliques qui s’adaptent à la
hauteur de la neige. Un garage est lui construit directement dans la neige. Sur la plateforme, une
enveloppe abrite 100 conteneurs accueillant des salles et des laboratoires. La plaque de glace où les
bateaux de ravitaillement accostent se situe à 16 kilomètres de là.
Klimmeck & Brüggemann/realnature.tv/Alfred-Wegener-Institut
Planet Observer/Universal Images Group
Des vérins au-dessus
des glaces éternelles
A N TA R C T I Q U E
Australie
GÉNÉRATEUR ÉNERGIE
On recourt aussi à l’énergie
éolienne pour s’approvisionner
en chaleur et en électricité.
HALL DU BALLON-SONDE
Les ballons sondes météo
s’envolent du hall situé sur
le toit.
TOIT
Nombre d’antennes et
d’instruments de mesure sont
installés sur le toit de la
station Neumayer.
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Alfred-Wegener-Institut
La recherche se fait dans les conditions suivantes :
TEMPÉRATURE : max. +4,3 °C, min. -48,1 °C
VITESSE MAX. DU VENT : 37,1 m/s = 133,6 km/h
CHUTES DE NEIGE : de 80 à 100 cm/an
DÉRIVE DE LA GLACE : 157 m/an
ÉPAISSEUR DE LA PLAQUE DE GLACE : 200 m
JOUR POLAIRE : du 19 novembre au 24 janvier
NUIT POLAIRE : du 19 mai au 27 juillet
BGR Hannover
Alfred-Wegener-Institut (4)
Alfred-Wegener-Institut
Une ingénierie sophistiquée
Première station de recherche au pôle Sud, le bâtiment en acier surplombe
la glace, porté par 16 vérins hydrauliques. L’objectif de cette construction : éviter
que la station ne s’enfonce lentement dans la neige et la glace.
ACCÈS
Les véhicules accèdent au
garage de la station par une
rampe en neige.
48 — Deutschland 1 I 2011
GARAGE
L’ensemble du parc automobile trouve place dans le
garage. Des salles techniques
et des entrepôts se trouvent
à l’entresol.
VÉRINS HYDRAULIQUES
Le poids total de la station,
environ 2300 tonnes, est réparti sur 16 plaques de fondations. Des vérins hydrauliques
surélèvent régulièrement
la station pour compenser les
chutes de neige.
EAU
L’approvisionnement de la
station en eau potable se
fait par un système de fonte
de la neige.
MÉTÉOROLOGIE
L’observatoire météorologique de la station fournit
depuis 1981 les données
météo et radiation nécessaires
à la recherche sur le climat ;
c’est aussi un centre de prévisions météo pour une
grande partie de l’Antarctique.
GÉOPHYSIQUE
En 1982, l’observatoire géophysique est entré en service.
On y mesure les changements sur le long terme du
champ magnétique de
la terre et y enregistre les
séismes.
CHIMIE DE L‘AIR
Depuis 1983, l’observatoire des
traces mesure les gaz ayant
un impact sur le climat comme
la vapeur d’eau, le dioxyde de
carbone, le méthane et l’ozone.
On y étudie aussi les caractéristiques optiques et chimiques des aérosols.
INFRASON
L’installation à infrason a
été construite en 2002. Etant
l’une des 60 stations de ce
type dans le monde, c’est la
contribution allemande à
la surveillance du respect du
traité sur l’interdiction des
essais nucléaires.
ACOUSTIQUE MARINE
L’observatoire hydroacoustique PALAOA existe depuis
2005. Il enregistre le spectre
sonore naturel de l’océan
avec des microphones sousmarins et étudie le comportement des mammifères
marins.
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