Dossier Un tableau des frères Le Nain, La

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Dossier Un tableau des frères Le Nain, La
Musée Carnavalet – Histoire de Paris.
Dossier pédagogique / Septembre 2012
Exposition Les couleurs du Ciel. Peintures des églises de Paris au XVIIe siècle
(Oct.2012 – Fév. 2013)
Un tableau des frères Le Nain
La Naissance de la Vierge, vers 1640
Figure 1 Le NAIN (Louis et Mathieu), La Naissance de la Vierge, vers 1640. Huile sur toile, 220 x 145 cm.
Notre-Dame de Paris.
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Musée Carnavalet – Histoire de Paris.
Dossier pédagogique / Septembre 2012
Exposition Les couleurs du Ciel. Peintures des églises de Paris au XVIIe siècle
(Oct.2012 – Fév. 2013)
Introduction
Observez cette image. Comment est-elle composée ?
Ce tableau montre un groupe de personnages de différents âges, mais où les enfants sont les plus
nombreux. Le regard est attiré à la fois par le tissu rouge de la femme tenant le nouveau-né, par le
drapé du même rouge surmontant le lit de la parturiente et par le contraste entre l’ombre et le rayon
de lumière traversant la composition en diagonale. L’image comprend trois plans. Le premier plan
réunit dans l’ombre le berceau, un montant de la cheminée et les anges de la partie supérieure : de
simples objets du quotidien et le surnaturel. Le deuxième plan allie un enfant qui vient de naître, une
jeune nourrice, un vieillard et quatre anges: les trois âges de la vie, l’humain et le divin. Le troisième
plan laisse entrevoir la femme venant d’accoucher au chevet de laquelle se penchent deux autres
femmes.
Qui sont ces personnages ?
Dans une palette restreinte, les Le Nain représentent un passage d’un évangile apocryphe1
racontant la naissance de Marie, future mère du Christ. Le vieillard à gauche est le père de Marie et
l’accouchée est sa mère, Anne. Les peintres mettent l’accent sur l’alliance entre le quotidien le plus
prosaïque et le divin. Ils juxtaposent l’osier du berceau et la pourpre conférant une certaine solennité
au personnage de la nourrice. Ils placent la silhouette noueuse du vieillard aux pieds nus au milieu
d’élégants anges. La scène a deux sources lumineuses : le feu de l’âtre et le rayon surnaturel. Cette
lumière divine éclaire particulièrement la main de l’ange, qui au centre désigne le ciel de son index,
tandis qu’à gauche les cannelures d’une colonne antique apportent de la majesté à la scène.
Quelle est l’origine du thème de la nativité de la Vierge ?
L’iconographie se référant à sainte Anne est importante, pourtant cette sainte et son mari Joachim
n’apparaissent que dans des évangiles apocryphes des IIe et VIe siècles comme le protévangile de
Jacques, ou dans La Légende dorée écrite au XIIIe siècle par Jacques de Voragine2. Giotto a
représenté la nativité de la Vierge3 et Vinci a peint l’un de ses plus prestigieux chefs d’œuvre en
représentant la Vierge, l’Enfant Jésus et Sainte Anne4.
1
Evangile apocryphe : évangile, qui est considéré comme non authentique par les autorités religieuses.
2
VORAGINE (Jacques de), dominicain et archevêque de Gênes, auteur de La Légende dorée, racontant la vie de cent cinquante saints environ et expliquant des
épisodes de l’année liturgique. Elle connut un grand succès et fut une source d’inspiration pour les peintres.
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GIOTTO (di Bondonne) (1267-1337), La Naissance de la Vierge, 1303-1306, fresque, 200 x 185 cm, église de l’Arena, Padoue.
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VINCI (Léonard de) (1452-1519), La Vierge, l’Enfant Jésus et Sainte Anne, 1508-1510, huile sur bois, 168 x 130 cm, Louvre.
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Figure 2 GHIRLANDAIO (Domenico) (1449-1494), Naissance de Marie, fresque, 1486-1490,
Chapelle Tornabuoni, Santa Maria Novella, Florence.
1. Comparaisons
1. Décrivez les personnages de ces deux autres œuvres, la fresque du
même sujet de Ghirlandaio (Figure. 2) et le tableau de Louis Le Nain
(Figure. 3).
Ghirlandaio montre une assemblée de femmes richement vêtues, qui s’avancent dignement
comme en procession vers sainte Anne, autour de laquelle s’activent des servantes. Le peintre a
porté son attention sur le rendu des étoffes, leurs textures, leurs couleurs et leurs drapés. Louis Le
Nain au contraire représente avec une palette sombre et restreinte, les quelques personnages d’une
famille de paysans, dont un homme semblant être le père, regarde avec bonne humeur le
spectateur.
2. De quel milieu social semblent être issus les personnages des trois
œuvres ?
Ghirlandaio met en scène des personnages, qui semblent être issus de la haute société et il les place
dans une architecture inspirée de l’Antiquité. En tant qu’artiste de la Renaissance, il est attentif à sa
représentation en perspective et aux détails des bas-reliefs. Ces femmes pourraient ressembler à de
riches personnalités de la noblesse florentine du quattrocento. Le spectateur est incité à observer à
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loisir les détails graphiques des vêtements et de la décoration intérieure. Dans La Naissance de la
Vierge, Louis et Mathieu Le Nain, mettent l’accent sur l’aspect surnaturel de la scène qui fortement
Figure 3 LE NAIN (Louis), La famille heureuse, 1642, huile sur toile, 61 x 78 cm, Louvre.
éclairée peut émouvoir le spectateur dès le premier coup d’œil. Les personnages sont habillés
simplement et certains ont les pieds nus, comme des hommes du peuple. Dans La famille heureuse,
Louis Le Nain offre une vue réaliste d’une famille de pauvres paysans. On retrouve la représentation
d’un nouveau-né et la palette est encore plus restreinte que dans la Naissance de la Vierge. Le sujet
n’est nullement religieux, même si une sorte de solennité sacrée se dégage de ce repas.
2. La fortune critique des frères Le Nain
Les frères Le Nain, Louis, Mathieu et Antoine furent un temps oubliés, puis redécouverts grâce à
Champfleury5, qui utilisa pour la première fois l’expression « peintres de la réalité ». En 1934 Paul
Jamot et Charles Sterling reprirent ces termes pour leur exposition à l’Orangerie. En 1978 une
rétrospective leur fut consacrée par Jacques Thuillier au Grand Palais. Champfleury les étudia à cause
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CHAMPFLEURY (Jules François Félix HUSSON, dit) concitoyen des Le Nain et admirateur de Courbet, il publia en 1862 un ouvrage, qui leur était consacré.
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de leur importance pour le réalisme, qui cautionnait les recherches de Courbet. Jamot et Sterling
privilégiaient leur appartenance à la culture française. Mais malgré ces recherches, il est encore
malaisé de déterminer avec exactitude la main des trois peintres et leurs biographies restent peu
connues. On sait qu’ils étaient originaires de Laon. En 1648 ils entrèrent à l’Académie royale de
peinture et de sculpture. Ils vécurent à Paris tout en gardant un lien étroit avec Laon et la campagne
picarde, qui tint un grand rôle dans leur peinture.
3. Textes littéraires
Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux.
(…)
Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !
Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N'ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
À l'auréole d'or ! (…)
Victor HUGO. Les Feuilles d’automne. 1830.
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Qu’ont-ils d’unique ? On a déjà noté l’absence, le refus obstiné, de toute action (de toute anecdote).
Chacun semble attendre dignement, dans le calme, le silence et le recueillement. A chaque âge
correspond son sentiment : (…) expérience des anciens par contraste avec le monde de l’enfance dont
les Le Nain furent les poètes attentifs et attendris.(…)
L’analyse des La Nain est à la fois distante et humaine, distinguée et affectueuse, vérité et poésie, et
c’est dans la conjugaison de ces antithèses et de ce qui en apparence, est contradiction que réside la
force poignante de ces compositions toutes simples.
Pierre ROSENBERG. Tout l’œuvre peint des Le Nain. 1992.
Bibliographie
- ALLEN (Christopher), Le grand siècle de la peinture française (Londres, 2003, éd. Thames et
Hudson).
- ARGAN (Julio Carlo), L’Europe des capitales 1600-1700, Genève, 1964, éd. Skira.
- BOINET (Amédé), Les églises parisiennes, 3 vol., Paris, I. (1958), II (1962), III (1964).
- BRUNEL, DESCHAMPS, GAGNIEUX, 1995, Dictionnaire des églises de Paris, Paris, 1995.
- COUSINIE, Le Saint des saints. Maîtres-autels et retables parisiens du XVIIe siècle, Aix-enProvence, 2006.
- DORIVAL (Bernard), Catalogue, Philippe de Champaigne, Paris, 1952, Musée de l’Orangerie.
- DUMAS (Bertrand), Trésors des églises parisiennes, Paris, 2005.
- FUMAROLI (Marc) L’école du silence. Le sentiment des images au XVIIe siècle (Paris, 1998,
éd. Flammarion).
- GIORGI (Rosa), L’Art au XVIIe siècle (trad. de l’italien, Paris, 2008, éd. Hazan)
- KAZEROUNI (Guillaume), Peintures du XVIIe des églises de Paris, revue Dossier de l’Art,
n°149, févr. 2008, Dijon, éd. Faton.
- La peinture française du XVIIe siècle dans les collections américaines, catalogue,
commissaires Pierre Rosenberg et Sir John Pope-Hennessy, 1982, Paris, Grand Palais.
- MÂLE (Emile), L’art religieux du XVIIe siècle, Paris, 1951, 1984, éd. Armand Colin.
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Exposition Les couleurs du Ciel. Peintures des églises de Paris au XVIIe siècle
(Oct.2012 – Fév. 2013)
- MEROT (Alain), La peinture française au XVIIe siècle, Paris, 1994, éd. Gallimard/ Electa.
- Philippe de Champaigne 1602-1674. Entre politique et dévotion. Catalogue, sous la direction
d’Alain Tapié et de Nicolas Sainte Fare Garnot. 2007, Palais des Beaux-arts de Lille.
- ROSENBERG (Pierre), Tout l’oeuvre peint des Le Nain, Paris, 1993, éd. Flammarion.
- THUILLIER (Jacques) et CHÂTELET (Albert), La peinture française de Le Nain à Fragonard,
Genève, 1964, éd. Skira.
- Trésors d’art des églises de Paris, Paris, chapelle de la Sorbonne, 1956, catalogue par
Jacques Dupont.
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