Boom, effondrement et FDE

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Boom, effondrement et FDE
MAI 2009
Actualités – Services financiers
Boom, effondrement et FDE
JUSTIN PARAPPALLY ([email protected])
Les bouleversements spectaculaires survenus dernièrement sur les marchés
financiers ont entraîné la récession de nombreuses grandes économies, dont
celle du Canada. Étant donné que le secteur financier essaie encore de venir
à bout des commotions de 2007 et 2008, les perspectives d’une reprise
économique complète dans un proche avenir au Canada apparaissent
incertaines. Les dernières décisions de demandes de protection contre la
faillite par des sociétés canadiennes bien établies, comme Nortel Networks et
La Corporation internationale Masonite (société du portefeuille de Kohlberg
Kravis Roberts & Co.), reflètent l’environnement économique difficile dans
lequel doivent naviguer les entreprises canadiennes. De plus, la récente
demande notoire de protection contre la faillite émanant de Chrysler LLC et
les bouleversements généraux de l’industrie automobile laissent présager une
augmentation du nombre de sociétés en difficulté qui demanderont des
financements du débiteur-exploitant (les « FDE ») pour restructurer leurs
activités et surmonter le ralentissement économique actuel. Toutefois, même
si Abitibi-Consolidated Inc., Emballages Smurfit-Stone Canada Inc. et
InterTAN Canada Ltée (filiale en propriété exclusive de la société américaine
Circuit City Stores Inc.) ont réussi dernièrement à obtenir des FDE, le marché
canadien des prêts FDE demeure soumis à des pressions et se caractérise
par un petit nombre de prêteurs qui souhaitent accorder du crédit à des
conditions onéreuses et à des taux d’intérêt élevés.
Qu’est-ce que le financement du débiteur-exploitant?
Bulletin rédigé par des membres du
groupe du droit bancaire et des services
financiers et du groupe de la faillite et
de l’insolvabilité de Stikeman Elliott.
STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l. ¦
Le FDE désigne le financement par le crédit qui est accordé aux sociétés
débitrices insolvables pour qu’elles puissent exercer leurs activités tout en
étant protégées officiellement contre leurs créanciers par les tribunaux. La
nécessité du FDE provient de l’incapacité de ces sociétés en difficulté
financière d’obtenir un crédit commercial de leurs fournisseurs existants ou de
réunir d’autres fonds pour financer leurs activités quotidiennes après avoir
demandé la protection des tribunaux en vertu de la Loi sur les arrangements
avec les créanciers des compagnies (la « LACC »). En général, au moment
où la société devient insolvable, elle n’a pas seulement épuisé le crédit des
prêteurs existants mais, plus important encore, elle a invariablement accordé
une sûreté sur la totalité ou la quasi-totalité de ses actifs actuels et futurs. La
capacité de la société en difficulté d’obtenir un nouveau financement est
gravement atteinte par le fait qu’elle n’a pas d’actifs non grevés sur lesquels
une sûreté de premier rang pourrait être accordée à de nouveaux prêteurs
étant donné que ces derniers sont généralement peu disposés, à juste titre, à
accorder un financement par emprunt à une société insolvable dans ces
circonstances. Par conséquent, pour équilibrer les besoins en financement de
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ces sociétés en difficulté avec les demandes de prêteurs visant une sûreté de premier rang sur les actifs de ces
sociétés, il est demandé aux tribunaux canadiens, dans certains cas, d’approuver des FDE « superprioritaires ».
Sur le plan judiciaire, les FDE ont été approuvés dans le cadre légal de la LACC qui permet à certaines sociétés
insolvables de négocier un plan d’arrangement ou de transiger avec leurs créanciers pendant une « période de
suspension » expressément imposée. La période de suspension prévue par la LACC donne une marge de
manoeuvre à la société pour qu’elle exerce ses activités tandis que les droits et recours contractuels et légaux de
ses prêteurs (ex. encaissement des intérêts ou des remboursements du capital, forclusion ou liquidation de la
garantie) deviennent provisoirement inopposables.
Les négociations des FDE se déroulent habituellement pendant les jours ou les semaines qui conduisent à la
demande de protection en vertu de la LACC pour que la société débitrice puisse obtenir des fonds et exercer ses
activités pendant la période de restructuration. Elle doit obtenir des fonds une fois que la protection lui est
accordée, car les fournisseurs et les créanciers ne sont pas tenus d’avancer de l’argent ou d’accorder un crédit à
une société débitrice en difficulté une fois qu’elle a demandé la protection des tribunaux en vertu de la LACC. Par
conséquent, une fois que la société en difficulté a présenté une demande en vertu de la LACC, ses prêteurs sont
susceptibles de mettre fin aux facilités de financement existantes, et ses fournisseurs modifieront généralement
les conditions de paiement et exigeront qu’elle règle les produits et services contre remboursement ou par un
paiement comptant préalable. Ainsi, le fait d’obtenir un FDE avant la période de suspension prévue par la LACC
permet à la société insolvable de s’assurer d’obtenir des fonds pour s’acquitter de ses besoins à court terme
pendant la période de suspension. Le FDE peut aussi constituer un moyen de maintenir la confiance des
fournisseurs et des consommateurs au moment où le sort de la société insolvable est en jeu. Finalement, lorsque
la restructuration est terminée et que la société débitrice n’est plus protégée contre la faillite, elle a besoin d’un
financement de sortie pour rembourser le FDE et reprendre ses activités.
Statut juridique du financement du débiteur-exploitant au Canada
Le FDE tire son origine du droit américain, au chapitre 11 du titre 11 du Bankruptcy Code des États-Unis.
Toutefois, à la différence du Bankruptcy Code des États-Unis, la LACC et la Loi sur la faillite et l’insolvabilité
(la « LFI ») au Canada ne prévoient pas actuellement de FDE. Il faut noter que des projets de modification
applicables à la LACC et à la LFI codifieront la capacité du tribunal d’accorder une sûreté sur les FDE ainsi que
les facteurs dont le tribunal devra tenir compte lorsqu’il lui sera demandé d’approuver un FDE. En l’absence d’une
autorité compétente expresse, les tribunaux canadiens ont cependant fait valoir leur « compétence inhérente »
pour créer des charges superprioritaires qui donnent aux prêteurs FDE une sûreté superprioritaire de premier
rang. Cela permet au prêteur FDE d’avoir la priorité des paiements si la restructuration échoue et que la société
est liquidée.
Étant donné que le financement FDE au Canada est un outil créé judiciairement, les tribunaux ont formulé leur
propre méthode pour approuver les facilités FDE. Même si la méthode est axée sur les faits et qu’elle varie en
fonction de chaque cas, les décisions judiciaires existantes semblent indiquer que le FDE superprioritaire sera
généralement approuvé si la totalité ou la quasi-totalité des créanciers garantis existants consentent au FDE ou
s’il peut être démontré que les créanciers garantis existants dont les sûretés sont subordonnées ne seront pas
nettement défavorisés par le FDE. Le tribunal examinera aussi l’importance de l’entreprise pour la structure
sociale et économique de la collectivité.
Les projets de modification de la LACC et de la LFI visent à codifier les lignes directrices judiciaires existantes sur
l’approbation du FDE pour les débiteurs insolvables. Au même titre que les lignes directrices judiciaires indiquées
ci-dessus, les projets de modification exigeront que les tribunaux examinent notamment si le financement a un
effet défavorable important sur le créancier, si la direction du débiteur a la confiance de ses principaux créanciers
et si le prêt améliore les perspectives d’une restructuration viable.
Caractéristiques du financement du débiteur-exploitant
Le principal motif du prêteur d’accorder un FDE est que ce financement lui permet d’appliquer des taux
supérieurs avec des écarts comparables à d’autres créances sinistrées et d’encaisser divers frais de montage de
prêt FDE. Les écarts et les frais supérieurs liés aux prêts FDE ont pour but de rémunérer le prêteur FDE pour
l’aggravation du risque de crédit implicite et les frais de surveillance liés à la gestion des prêts sinistrés. Toutefois,
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il faut noter que les pertes liées aux défauts sur les prêts FDE ne sont pas souvent aussi graves que d’autres
créances sinistrées étant donné le statut superprioritaire des prêts FDE.
Les prêts FDE approuvés par les tribunaux donnent aussi au prêteur FDE une sûreté de premier rang sur les
actifs de la société débitrice en difficulté en subordonnant les intérêts d’autres créanciers, y compris des banques
prêteuses qui ont précédé la demande de protection. La fonction de superpriorité des prêts FDE réduit de
beaucoup l’exposition du prêteur FDE au risque de crédit de la société débitrice en permettant au prêteur FDE de
réaliser un recouvrement prioritaire en cas de liquidation. Toutefois, malgré leur statut superprioritaire, les prêts
FDE sont généralement de rang inférieur à certaines charges imposées par règlement comme les sûretés en
garantie du prix d’acquisition, les réclamations pour salaires impayés et indemnités de congés payés à
concurrence d’un certain plafond, ainsi que d’autres charges ordonnées par le tribunal en faveur des conseillers,
des administrateurs et des dirigeants de la société débitrice. La fonction de superpriorité du prêt FDE encourage
souvent les créanciers garantis existants à offrir de nouveaux fonds FDE dans le cadre de ce qui est connu
comme « prêt FDE défensif » pour que ces prêteurs existants protègent leurs prêts accordés avant la demande
de protection ainsi que leur statut prioritaire existant sur la garantie de la société en difficulté. En outre, le prêt
FDE défensif permet aussi aux créanciers existants ayant accordé des fonds FDE d’avoir un contrôle solide sur
les activités de la société débitrice pendant la période de restructuration.
Par ailleurs, les conventions de crédit aux termes desquelles les prêts FDE sont structurés contiennent souvent
un très grand nombre d’engagements de faire et de ne pas faire qui permettent au prêteur de surveiller
étroitement la société débitrice. Les engagements de faire exigent généralement que les débiteurs produisent des
rapports financiers plus fréquents et plus détaillés et qu’ils permettent aux prêteurs d’examiner les livres
comptables et de procéder à des inventaires physiques. D’autre part, les engagements de ne pas faire limitent
certains paiements et certaines distributions ainsi que certaines activités d’exploitation, dépenses en
immobilisations et aliénations d’actifs. Ils interdisent aussi à la société débitrice d’accorder des charges sur ses
actifs en faveur d’autres créanciers. Dans l’ensemble, les engagements de faire et de ne pas faire ainsi que les
obligations d’information détaillée permettent au prêteur de surveiller la société débitrice plus étroitement que
dans le cadre de prêts garantis traditionnels, si bien que le prêteur FDE peut exercer un grand contrôle sur les
activités de la société débitrice et augmenter la probabilité d’un remboursement en temps voulu.
Perspectives
La dégradation continue des perspectives économiques canadiennes conjuguée aux niveaux élevés
d’endettement des sociétés accumulé dans des conditions de crédit plus favorables suggère que le nombre de
sociétés en difficulté qui auront besoin de fonds pour restructurer et repositionner leurs activités augmentera
probablement. Par conséquent, on s’attend à ce que le nombre de sociétés ayant besoin de FDE et les occasions
pour les prêteurs d’accorder des prêts FDE augmentent dans les mois à venir. Les conditions de crédit serrées
attribuables aux restrictions mondiales de crédit suggèrent toutefois que le marché des FDE demeurera tendu
étant donné que les sociétés en difficulté continueront d’avoir à faire face à un milieu difficile en matière de prêt
qui est caractérisé par un petit nombre de prêteurs FDE, de grands écarts et des frais élevés.
Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec votre avocat de Stikeman Elliott,
l’auteur susmentionné ou un membre de notre groupe du droit bancaire et des services financiers ou de notre
groupe de la faillite et de l’insolvabilité dont les coordonnées figurent au www.stikeman.com.
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