Résumé de l`arrêt Abdelali c

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Résumé de l`arrêt Abdelali c
Résumé de l’arrêt Abdelali c. France (n° 43343/07)
rendu par la Cour EDH le 11 octobre 2012
Dans l’arrêt Abdelali c. France (n° 43343/07), la Cour européenne des droits de l’homme
conclut à la violation de l’article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention
européenne des droits de l’homme.
La Cour devait déterminer si, du fait de son incapacité à contester la validité des preuves, le
requérant avait bénéficié d’un procès équitable et des droits de la défense. Elle en conclut que
le requérant n’a pas bénéficié d’un procès équitable.
En juin 2004, le Procureur de la République ouvrit une information portant sur des faits de
trafic de stupéfiants. Au cours de l’été, des surveillances téléphoniques ainsi que
l’interpellation de plusieurs membres du réseau du trafic de stupéfiants conduisirent à mettre
en cause M. Abdelali, lequel fit l’objet d’un mandat d’arrêt. La police se rendit plusieurs fois
à son domicile mais ne put procéder à son arrestation car il ne s’y trouvait pas. En février
2005, le juge d’instruction chargé de l’affaire ordonna le renvoi de M. Abdelali devant le
tribunal correctionnel. Le requérant, introuvable, ne put être convoqué à l’audience. Celui-ci
fut condamné par défaut en juin 2005 à neuf ans d’emprisonnement pour trafic de stupéfiants.
En octobre 2005, M. Abdelali fut finalement interpellé et le mandat d’arrêt délivré à son
encontre lui fut notifié. Il fit immédiatement opposition à sa condamnation et fut placé en
détention provisoire en attente de sa comparution.
Lors du procès, M. Abdelali invoqua certains vices affectant l’instruction en faisant valoir que
les écoutes téléphoniques ne respectaient pas les règles du code de procédure pénale. Le
tribunal accueillit cette demande et annula certaines écoutes téléphoniques - ainsi que
l’ensemble des actes qui en découlaient - au motif qu’elles avaient été conduites sans
l’autorisation du Procureur de la République. Il décida donc d’ordonner la libération de M.
Abdelali. Le ministère public interjeta appel en février 2006. En novembre 2006, la cour
d’appel de Versailles rappela que l’article 385 du code de procédure pénale autorisait les
parties à soulever les nullités devant le tribunal correctionnel en cas de non-respect des
conditions prévues par l’article 175 du code de procédure pénale. Elle observa cependant que,
la fuite de la personne soupçonnée rendant impossible la notification de l’avis de fin
d’information (prévue par l’article 175 susmentionné), il n’en résultait aucune cause de
nullité. En conséquence, elle estima qu’il convenait de rejeter la cause de nullité soulevée par
le requérant.
En avril 2007, statuant sur le pourvoi formé par M. Abdelali, la Cour de cassation estima
qu’une personne en fuite et vainement recherchée au cours de l’instruction n’avait pas la
qualité de « partie » au sens de l’article 175 du code de procédure pénale. Dès lors, le
requérant ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 385 § 3 pour soulever une
quelconque nullité.
En 2009, la cour d’appel de Versailles condamna finalement le requérant à six ans de prison,
sur la base notamment des écoutes téléphoniques ayant permis l’identification des participants
au trafic de stupéfiants.
Sur l’invocation de l’article 6 de la Convention, la Cour note que la quasi-totalité des
éléments de preuve fut recueillie pendant l’instruction du dossier, sur la base des écoutes
téléphoniques de 2004 dont le requérant a contesté la légalité tout au long de la procédure
suivant son jugement par défaut.
Les réquisitions qui avaient été faites aux opérateurs téléphoniques sans autorisation du
procureur de la République furent annulées, mais la cour d’appel et la Cour de cassation
considérèrent que le requérant ne pouvait se prévaloir de la nullité de certains actes
d’information car il était en fuite. Il ne pouvait dès lors être considéré comme une « partie »
au sens de l’article 175 du code de procédure pénale. Les tribunaux ne prirent donc pas en
compte le défaut de communication de l’ordonnance de clôture de l’instruction à M. Abdelali.
La Cour relève qu’une exception est prévue dans le droit français, selon laquelle, lorsque les
formalités de notification de la fin de l’instruction n’ont pas été respectées à l’égard d’une
partie (article 175 du code de procédure pénale), celle-ci peut soulever les nullités de la
procédure devant le tribunal correctionnel.
M. Abdelali n’a toutefois pas bénéficié de cette disposition car il était considéré comme ayant
été en fuite lors de la clôture de l’instruction.
Rappelant sa jurisprudence constante sur la notion de « fuite » d’un inculpé, la Cour constate
qu’aucun élément du dossier ne permettait d’affirmer avec certitude que le requérant avait
connaissance du fait qu’il était recherché. Il ne ressort pas non plus du dossier qu’il ait fait des
déclarations écrites ou orales établissant son souhait de ne pas donner suite à des
interpellations dont il aurait eu connaissance et ait ainsi clairement renoncé à se présenter à
son procès. La Cour note également que les tentatives de signification du jugement de juin
2005 ont eu lieu alors que le requérant se trouvait en détention.
La Cour estime que la simple absence du requérant de son domicile ou de celui de ses parents
ne suffit pas pour considérer que le requérant avait connaissance des poursuites et du procès à
son encontre et qu’il était « en fuite ». Dans ces conditions, la Cour considère qu’offrir à un
accusé le droit de faire opposition pour être rejugé en sa présence, mais sans qu’il puisse
contester la validité des preuves retenues contre lui, est insuffisant, disproportionné et vide de
sa substance la notion de procès équitable.
La Cour conclut donc à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et alloue 10 000
EUR au requérant.
La Cour se fonde notamment sur les principes dégagés dans l’affaire Sejdovic c. Italie ([GC],
n° 56581/00, CEDH 2006-II, 1er mars 2006), notamment sur la notion de « fuite » d’un
inculpé.