Stéphane Niveau accompagnateur et son blog de glace

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Stéphane Niveau accompagnateur et son blog de glace
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Stéphane Niveau, accompagnateur et conférencier
Après des études universitaires de géologie, il pratique cette science au quotidien comme
amateur éclairé, Stéphane Niveau suit un cycle universitaire de géographie auprès de
l’Université de Franche-Comté à Besançon. Il se fait un devoir de mélanger les deux
disciplines, sciences physiques et sciences humaines, pour en extraire des approches
pédagogiques très personnelles.
Il est accompagnateur en moyenne montagne depuis 18 ans et accompagnateur polaire depuis
10 ans en Arctique et Antarctique. Il réside dans le Jura, fabuleux terrain d’expérimentation
sur terre à pied ou en raquette et dans les airs en parapente ou planeur.
Stéphane Niveau est aussi à l’origine des raids d’initiation polaire, des séminaires polaires
mais aussi de la Semaine du livre polaire et de montagne ou du Festival du film polaire et de
montagne de la station des Rousses.
Il est directeur du Centre polaire Paul-Emile Victor de Prémanon
Entretien avec Stéphane Niveau : sur le thème du « tourisme responsable », voici donc le
point de vue du guide ...
Haut perché dans le Jura, se tient le musée polaire Paul-Émile Victor qu’administre Stéphane
Niveau, assisté de la trépidante Maryse Arbez. Stéphane présente des conférences à l’étage du
musée, quand il n’est pas sur le terrain en train d’accompagner des séjours en raquettes, ou en
Antarctique à bord d’un navire de croisière.
En plus de vos responsabilités en tant que directeur du Centre Paul-Emile Victor, vous
accompagnez des croisières en tant que guide naturaliste. Vous revenez d’ailleurs d’une
expédition sur la péninsule Antarctique. Qui est le public de ces voyages ?
Les personnes qui participent aux croisières en Antarctique sont les mêmes que celles que
l’on rencontre dans l’Arctique. Ils ont déjà beaucoup voyagé, recherchent une destination
qu’ils ne connaissent pas encore et sont sensibles à la dimension mythique des Pôles.
L’Arctique les retiendra plus pour le contact avec les habitants, alors qu’en Antarctique
l’intérêt se concentre sur la faune. Et puis, on parle beaucoup du réchauffement climatique en
annonçant que les glaces vont disparaître. Cette médiatisation attise évidemment la curiosité.
On veut voir des glaces pendant qu’il y en a encore. Un film comme La marche de l’empereur
joue aussi beaucoup pour décider les gens à partir, ce que tout le monde ne peut évidemment
pas faire, compte tenu du prix des croisières.
Que cherchez-vous à transmettre en priorité ?
La personne qui voit l’Antarctique pour la première fois se prend une « grosse claque » : la
faune sauvage est absolument gigantesque et omniprésente.
Mais ce gigantisme est inversement proportionnel à la fragilité du milieu. Ce que l’on
rencontre ici est complètement dépendant de ce qu’on fera dans les années à venir.
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Ces 150000 couples de manchots ont un avenir qui ne dépend que de nous : c’est ce que
j’essaie de faire comprendre.
En Antarctique, tout est sursitaire et pouvoir observer un couple de baleine franche quand on
sait qu’il n’en reste que 4000 au monde, c’est émouvant et ça fait réfléchir.
Le tourisme en milieu polaire est souvent montré du doigt, comme s’il représentait une
menace pour l’environnement. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Un paquet de gens pointent du doigt ce tourisme et tentent de le réguler à leur profit.
Les vraies questions sont passées sous silence. Ce tourisme n’est pas une menace dès l’instant
que des règles sont posées, et que l’activité est encadrée. Si on pouvait appliquer ces règles
ailleurs, on aurait fait en grand progrès ! Nos parcs nationaux, par exemple, sont beaucoup
moins protégés…
Des questions sont soulevées parce qu’il s’agit de l’une des rares activités en pleine
expansion, et il n’existe pas sur place d’infrastructures destinées à gérer le flux touristique.
Et l’Arctique, c’est beau, politiquement stable, et on a envie d’aller voir car tout le monde dit
que ça va disparaître… de bonnes raisons qui expliquent cette augmentation des visites.
On estime à 50000 le nombre de touristes qui débarquent en Antarctique chaque été, contre
5000 scientifiques. Pour ma part, je me dis qu’un touriste qui entre en Antarctique, c’est un
ambassadeur pour 100 personnes. J’essaie de faire de chaque visiteur un porte-parole pour
ceux qui n’ont pas la chance de venir voir par eux-mêmes.
Avant tout débarquement à terre, chacun se doit de suivre un protocole très strict… En
quoi consiste-t-il ?
Il s’agit du protocole lié à la charte IAATO (International Association of Antarctica Tour
Operators). Ce protocole dit notamment qu’il ne faut rien ramasser, pas même toucher,
qu’une bulle de sécurité doit être maintenue autour des animaux …
Tout est fait pour qu’aucun élément étranger ne soit transporté d’une plage à une autre, et ne
vienne perturber les micro-équilibres : avant de quitter la plage, les bottes de chaque
participant sont nettoyées (traces de gouano, par exemple).
Arrivé sur le bateau, la propreté des bottes est vérifiée par le personnel de bord, puis chacun
plonge ses pieds dans un bain désinfectant. En Géorgie du Sud, une réglementation instaurée
par les Anglais oblige à faire ses poches : on enlève tout ce qui pourrait être perdu sur le
terrain – mouchoir jetable, capuchons d’objectif – puis on passe l’aspirateur dans le poches
pour faire disparaître toute graine exogène susceptible d’être disséminée …
L’efficacité n’est pas du 100% mais quand même !… Il est probable que dans très peu de
temps, ces règles soient appliquées à l’Arctique, car elles sont très simples à mettre en place.
Et puis, le fait qu’elles existent oblige le public à se questionner et à prendre conscience de
son impact, même involontaire.
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Quelles sont les menaces réelles qui pèsent sur l’Antarctique ?
Le réchauffement climatique en premier lieu, en particulier l’augmentation de la température
de l’océan Austral.
La banquise antarctique est de moins en moins étendue ; les algues qui prospèrent sous cette
banquise sont donc moins abondantes, ce qui a des conséquences sur le krill dont se
nourrissent la plupart des animaux de l’Antarctique, dont les manchots et les baleines. Les
lieux de nourrissage s’éloignent des lieux de nidification, ce qui se ressent sur la réussite de la
reproduction.
Les effectifs de manchots empereur sont partout en diminution. Au problème du
réchauffement s’ajoute celui de l’acidification des océans, l’eau trop acide devenant corrosive
au calcaire qui constitue la carapace des animaux à coquilles.
Ces deux problèmes majeurs, qui peuvent mener à terme à la disparition totale de la faune de
l’Antarctique, ont une seule et unique cause : l’excès de CO2 dans l’atmosphère dû à notre
consommation exorbitante d’énergies fossiles.
Y a-t-il une menace dont la cause serait politique ?
Oui. Pour le moment, l’Antarctique est protégé par un traité jusqu’en 2042.
Mais tous les pays n’ont pas signé ce traité, et on ignore s’il sera reconduit. Quand par
exemple vous achetez une carte de l’Argentine, vous avez toujours représentée en même
temps la carte de la péninsule Antarctique et des Malouines… Une façon de dire « on se
moque de vos accords, c’est à nous ! ».
La question politique n’est absolument pas réglée. C’est hyper tendu. Le fait d’y aller permet
de le percevoir. Et quelle est la valeur d’un traité ? Argentine et Chili n’ont pas ratifié, plus
beaucoup d’autres… Et puis, quand vous visitez, par exemple, la base brésilienne, vous vous
apercevez vite que les gars ne font que de la prospection minière …
Il y a très peu de recherche fondamentale. Tout se concentre soit sur la problématique du
réchauffement, soit sur la recherche appliquée, généralement liée à la prospection.
L’Antarctique se protège surtout de lui-même, grâce à sa gigantesque calotte glaciaire. Sa
réponse aux variations climatiques est plus lente qu’en Arctique, lequel sera très
prochainement à la portée des industriels.
La question de l’Antarctique amène à s’interroger sur l’Arctique : qui en est le propriétaire ?
Quelle législation faut-il instaurer pour éviter qu’il soit livré à un pillage aveugle ? A
l’initiative de Michel Rocard, la Commission européenne réfléchit actuellement à la
réalisation d’un traité arctique.
Quand on connaît les enjeux politiques de la région – les Russes n’ont pas hésité à planter leur
drapeau au Pôle nord, à 3000 mètres sous l’eau, narguant ainsi Américains, Danois,
Norvégiens et Canadiens – il est difficile en la matière d’être vraiment optimiste.
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VIDEO de Stéphane Niveau, guide naturaliste
Le centre polaire Paul-Emile Victor
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