50 - UQAM
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Partage des connaissances et organisation du dialogue en ergonomie : l’intégration des savoirs et des points de vue des travailleurs sur les difficultés et les risques associés au travail répétitif Monique Lortie, Université du Québec à Montréal Priscille Hastey, Université du Québec à Montréal Kelvin Mo, Groupe Service Santé Global Inc. 1 Introduction Edgar Morin disait qu’il faut replacer les choses dans le contexte et le complexe1. C’est ce que nous tenterons de faire dans cette introduction. 1.1 Mise en contexte : le transfert et la production de connaissances La question du transfert des connaissances (TC) fait depuis quelques années l’objet de nombreux écrits (Faye et al. 2007). Parmi cette littérature, ce sont les modèles, les questionnements et les études en santé publique qui s’avèrent les plus proches de l’univers de la santé et sécurité au travail (SST) et de l’ergonomie. On y constate une évolution du vocabulaire qui résume bien en elle-même la nature et l’évolution des débats : partage et échange, échange et utilisation, appropriation, mobilisation, translation2 (Graham et al. 2006 ; Trottier et Champagne 2006). Ce vocabulaire reflète combien le TC est vu comme une dynamique complexe où les échanges servent à définir les questions à investiguer, la forme des connaissances à produire et la production des connaissances elles-mêmes. Le questionnement sur l’utilisation des connaissances y est central, ainsi qu’en témoigne encore le vocabulaire : application, appropriation, mobilisation. Enfin, la reconnaissance des utilisateurs en tant que partenaires s’accompagne également de facto d’une reconnaissance de l’intérêt des connaissances « non académiques » ainsi que de leurs conditions de production, ce qui représente un virage important. Il faut dire que la production de connaissances a connu un essor spectaculaire au XXème siècle. Ses modes de production et de diffusion sont cependant de plus en plus contestés. Une première critique formulée est celle d’avoir produit un savoir spécialisé, trop étroit, auquel la promotion actuelle intensive d’approches et d’échanges interdisciplinaires, et d’approches systémiques ou transversales constitue une réponse. Ces développements ont à leur tour enclenché un ensemble d’études et de réflexions sur les échanges interdisciplinaires. Une seconde critique formulée à l’égard de la 1 Cité (p.45) dans revue Nouveaux Regards, 2008, no 42 «Entretien avec P. Chamoiseau. Je suis un guerrier de l’imaginaire» p41-46. Définition des Instituts de Recherche en Santé du Canada : « …a dynamic and iterative process that includes synthesis, dissemination, exchange et ethically sound application of knowledge to improve the health of Canadians, provide more effective health services and products and strengthen the health care system »; voir le site des IRSC (http://www.cihrirsc.gc.ca/e/29418.html), consulté le 29 juin 2010. Les IRSC le traduisent en français par « application ». En fait, le terme translation est issu du vieux français, lui-même construit sur le latin translatio. Il a conservé son usage en droit et en sciences, mais il a été graduellement remplacé par le terme « traduction » pour les langues. Le sens d’origine a été conservé en anglais (Faye et al. 2007) 2 1 production de connaissances est l’exclusion malencontreuse des connaissances et savoirs non académiques. Cela a mené, entre autres, à diverses réflexions quant à la nécessité de les réintégrer au niveau des formations universitaires (voir Lenoir et Bouiller-Oudot 2006 ; Schön 1982, 1994). À l’heure actuelle, on observe une tendance internationale envers la revalorisation des savoirs locaux et anciens – voire à l’exigence de ces savoirs – afin de les intégrer dans les politiques publiques3. Au niveau académique, l’introduction de la notion de « données probantes »4 et l’expansion fulgurante de son utilisation traduisent aussi un élargissement vis-à-vis des règles de l’art en sciences. Une troisième critique porte sur la décontextualisation des connaissances produites à ce jour. On reconnaît maintenant que la recherche de « connaissances universelles », ainsi que l’importance accordée à la reproduction et au contrôle des résultats, aux études comparatives et quantitatives, ont été faites au détriment des mises en contexte et de la reconnaissance des savoirs contextuels5. Enfin, une quatrième critique, largement exposée dans la littérature sur l’utilisation des connaissances, porte sur le fait qu’elles ne répondent pas adéquatement aux besoins (Schön 1982, 1994 ; Rynes et al. 2001 ; Institute of Health Economics 2008). Par exemple, des études en ergonomie montrent que les concepteurs et les praticiens utilisent peu les bases de connaissances (Burns et Vicente 1996 ; Savage-Knepshield 2009) ou leur attribuent peu de crédibilité (Kline 2008). Au-delà de la nécessité de mieux « traduire » les connaissances (Graham et al. 2006), certains en appellent à la nécessité de développer de nouvelles formes de production de connaissances pour en espérer une meilleure utilisation (Estabrooks et al. 2008). En ergonomie, ce questionnement traduit aussi des positions disciplinaires qui diffèrent selon que l’on est proche du courant francophone ou anglophone. Avec le premier, la pertinence des savoirs et savoir-faire non académiques (par exemple, les modes opératoires ou les stratégies développées par les travailleurs), et l’importance de la mise en contexte des connaissances sont bien établies, et ce, depuis les écrits fondateurs6. Le terrain y est vu comme un lieu de production de connaissances, et la prise en compte des divers points de vue (dont celui du travailleur) comme un enjeu important. Le second privilégie – grosso modo – le contexte expérimental comme lieu d’élaboration des connaissances et la caractérisation des facteurs humains et des capacités.7 Le terrain y est vu comme un lieu d’application, de transfert. Le premier, très influencé par les sciences humaines, favorise la cueillette de données subjectives in situ, en contexte, et les procédures d’observation et de verbalisation. Le second 3 Deux exemples récents : d’abord, le rapport de l’IESTAD (International Assessment of Agricultural Knowledge, Science and Technology for Development, organisation mise en place par la banque mondiale et divers organismes internationaux tels que l’UNESCO), qui insiste sur la nécessaire intégration et valorisation des connaissances paysannes pour résoudre la crise alimentaire (Kroll et Trouvé 2009 : 7). Ce rapport, intitulé Agriculture at a Crossroads, est disponible en ligne (voir IESTAD, 2008). En Océanie, ensuite, il s’agit plutôt de l’intégration des savoirs sur le milieu des pêcheurs aborigènes pour l’organisation de la pêche côtière (Découvrir 2008). 4 Définition de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé : « La donnée probante est essentiellement l’information la plus précise sur les faits relatifs au sujet. La forme de cette information varie selon le contexte. Les résultats de la recherche rigoureuse sur le plan méthodologique représentent les données probantes les plus exactes. Parce que la recherche est souvent incomplète et parfois contradictoire ou inexistante, d’autres types de données sont nécessaires à titre de complément d’information à la recherche ou pour en tenir lieu. Les fondements probants d’une décision sont composés des diverses formes de données probantes, regroupées afin de tenir compte à la fois de la rigueur et de l’opportunité — tout en préférant la première à la seconde http://www.fcrss.ca/mythbusters/html/resource1f_f.php (2010) 5 Un exemple de cette critique concerne les tests d’évaluation PISA (Programme international de suivi des élèves). Dans un numéro spécial de la revue Nouveaux Regards consacré aux systèmes d’éducation en Europe, on montre comment l’optique évaluative a mené à l’exclusion des savoirs locaux et spécifiques « au nom d’une méthode scientifiques et rigoureuse qui produirait une information officielle et distanciée » (Voir entre autres le texte de R. Normand : Les comparaisons institutionnelles des résultats : Comparer l’incomparable? p.30-33.) 6 En particulier ceux de d’Ombredane et Faverge (1955) et de Faverge et al. (1958). 7 Pour un résumé clair des distinctions, voir De Montmollin (1996). 2 privilégie la production de données objectives quantitatives fondées sur des mesures reproductibles, généralisables, applicables en tous milieux. Face à ces différences, le partage et l’échange de connaissances sont parfois difficiles, la nature et le format des connaissances produites étant très différents. Le développement décrit plus loin vise à créer un pont afin de favoriser ces échanges. Ces différences de perspectives – et de cultures – se rencontrent aussi au cœur des terrains où les gestionnaires tendent à privilégier les outils qui référent à des normes, des nombres ou des mesures, du fait qu’ils sont perçus comme « objectifs ». Cependant, ces mêmes gestionnaires sont également conscients des limites des données « centrées sur l’objet ». Cette double posture est typique, entre autres, des problématiques de TMS (troubles musculosquelettiques), qui malgré toutes les transformations apportées au monde du travail et les connaissances développées, demeurent un problème de santé au travail important. 1.2 Les troubles musculosquelettiques (TMS) Deux grandes questions intéressent généralement les entreprises : la situation de travail présente-t-elle des risques? Et si oui, comment les réduire? Pour répondre à ces questions, la communauté scientifique a développé un ensemble d’outils centrés sur l’identification des facteurs de risque, en particulier ceux associés aux postures, aux efforts et à la répétition, qui sont généralement évalués à travers trois paramètres : l’intensité, la fréquence et la durée. Ces outils s’appuient sur des données – et des connaissances – issues d’une abondante littérature scientifique où dominent la biomécanique et l’épidémiologie. On peut répartir ces outils en trois groupes selon qu’ils ciblent : 1) la posture et les gestes ; 2) la manutention et les efforts ; 3) les facteurs psychosociaux. Les deux premiers privilégient les grilles d’observation ou les listes de contrôle, tandis que le troisième utilise le format questionnaire. Le premier groupe inclut, entre autres, les outils destinés à l’évaluation du travail répétitif. Les plus connus sont : REBA (Rapid Entire Body Assessment ; Higgnett et McAtamney 2000) ; RULA (Rapid Upper Limb Assessment Tool, McAtamney et Corlett 1993), OCRA (Occupational Repetitive Action Checklist, Occhipinti 1998), OWAS (Ovako Working Position Analysing System, Karhu et al. 1977). Au Québec, l’outil le plus largement utilisé est le Quick Exposure Check List (QEC) développé en Angleterre par le Robens Centre for Health Ergonomics, l’European Institute of Health & Medical Sciences et l’Université de Surrey (Li et Buckle 1999) et adopté par la Commission de la Santé et Sécurité du Travail (CSST). Ces outils contiennent des systèmes de compilation qui permettent de traduire les observations en pointages, qui cumulés, peuvent être interprétés en niveau de risque. OWAS se différentie un peu, car la valeur attribuée aux postures a été basée sur des évaluations subjectives de pénibilité, et pas sur des mesures. Le second groupe d’outils – dont les plus connus sont « l’équation du NIOSH » et les tables de Snook produites par le Liberty Mutual Insurance8 – est un peu différent. En effet, ces outils visent aussi et surtout à évaluer des situations spécifiques, par exemple, un effort spécifique dans un contexte particulier. Ils statuent en fonction de ce qui est 8 Tous deux sont accessibles sur leur site web : voir NIOSH (1994) et Liberty Mutual Insurance (2004). 3 acceptable ou permissible, plutôt que du niveau de risque ; les résultats peuvent aussi être traduits en percentiles (par exemple, 90 % des hommes peuvent faire cet effort). Le troisième groupe est surtout utilisé par les chercheurs. Les deux questionnaires les plus connus et les mieux documentés ont été développés aux USA – e Job Contain Questionnaire de Karasek (1985) et le questionnaire de Siegrist (2008) sur l’équilibre effort / reconnaissance. Ils n’ont pas été conçus en tant qu’outils de terrain destinés aux milieux pour détecter les risques psychosociaux en lien avec les TMS, mais ils sont connus des praticiens et bien répandus au Québec, où des versions validées en français ont été développées (Bourbonnais et al. 2005). Le principal problème rencontré est que, bien que l’importance des facteurs psychosociaux soit bien reconnue, on en connaît mal les mécanismes d’action (Punnet et Wegman 2004). De plus, alors que tous les outils précédents associent chaque risque à une région du corps, les outils de ce dernier groupe sont généraux. Les données sont donc difficiles à mettre en lien les unes avec les autres, ce qui entrave les échanges et le développement d‘une approche globale et systémique. Enfin, il existe aussi, surtout en Europe francophone, des approches intégrées plus complexes, telles que la méthode SOBANE-TMS (Malchaire et al. 2001) ; elles ont cependant des objectifs plus ambitieux, tout comme les approches participatives, qui visent pour leur part à réintégrer le travailleur dans le processus d’analyse et de recherche de solutions. 1.3 Échange et partage : les enjeux En milieu de travail, sur le terrain, les ergonomes, que ce soit dans un contexte de recherche ou d’intervention, se retrouvent souvent au centre d’un réseau complexe d’échanges et de demandes. Les partenaires – les demandeurs – s’attendent à ce que leurs besoins soient compris, qu’on leur fournisse des connaissances qui répondent à leurs questions et leur permettent de passer à l’action. Ils attendent des outils, des procédures qui facilitent la prise de décision, le quantitatif étant particulièrement recherché. Certains de ces outils peuvent être imposés (par le siège social, par exemple) ou s’imposer d’eux-mêmes (comme l’utilisation du QEC par les inspecteurs de la CSST, qui a eu un effet d’entraînement). Les demandeurs veulent aussi pouvoir passer à l’action. Or, seule l’identification des déterminants et une compréhension globale du problème permet ce passage, ce qui aboutit aussi à multiplier les réponses ou options possibles. Les travailleurs veulent se faire entendre, partager leur point de vue sur les problèmes (les risques) mais aussi sur les pistes d’action possibles (les déterminants). Leur point de vue est essentiellement concret et contextuel. Il s’ancre dans des actions ou des opérations spécifiques. Il est verbal et subjectif, c’est-à-dire qu’il se construit à travers leur vécu et leur corps (ex. ressentir de l’inconfort au poignet en faisait tel mouvement, pour telle raison ; être crispé par peur de se coincer un doigt ; avoir de la difficulté à faire telle opération parce que…). Ils attendent de l’ergonome qu’il relaie leur point de vue et lui donne un sens. À un autre niveau, les professionnels et les praticiens espèrent une mise en forme des connaissances qui soit efficace et efficiente. Ils veulent des outils, sachant que leur expertise leur permettra de s’ajuster aux circonstances. 4 Le chercheur, qui connaît les limites de certaines connaissances et de leur applicabilité sur le terrain, peut se sentir pour sa part tiraillé entre ces diverses attentes. Il doit aussi interagir avec les autres chercheurs, à la fois pour intégrer leurs connaissances, et également faire part des siennes. Les connaissances construites sur le terrain affrontent alors celles issues du laboratoire. 1.4 Le milieu investigué et les objectifs Le projet dont il est question ici a été développé dans un contexte opportuniste. La demande, issue d’une entreprise du secteur pharmaceutique, était d’établir un portrait des risques de TMS associés à un groupe de postes. Le contexte s’est avéré intéressant pour développer et tester une approche visant à répondre aux interrogations précédentes, car l’entreprise acceptait que nous puissions rencontrer les travailleurs en entrevue individuelle, ce qui est souvent difficile dans les contextes de travail répétitif. L’objectif central a été de développer une approche améliorant, d’une part, les échanges de points de vue autour d’un même objet (TMS et travail répétitif), et, d’autre part, les connexions entre les données elles-mêmes, les objets de recherche (comme les facteurs de risque physique vs psychosociaux, par exemple). Plus spécifiquement, les objectifs étaient de développer une approche permettant de mieux intégrer le point de vue du travailleur, de mieux interconnecter les facteurs de risque et les déterminants pour identifier les pistes d’action et de mieux interrelier facteurs psychosociaux et facteurs physiques. 2 Méthodologie L’idée centrale a été d’utiliser des outils déjà courants et de développer des outils de connexion, en fait, trois questionnaires. Ces différents outils sont expliqués dans la première section ; l’approche globale et les différentes étapes sont décrites en deuxième section ; et le contexte d’application, soit les postes et les travailleurs, en troisième. 2.1 Les outils d’évaluation choisis et développés 2.1.1 Outils d’évaluation retenus Le premier outil est un schéma corporel (version NIOSH, disponible sur son site)9 accompagné d’une échelle de perception avec ancrage sémantique à dix degrés. Il vise à tracer un portrait de la santé musculosquelettique. La question retenue pour le travailleur était d’identifier les régions pour lesquelles il éprouvait un problème (gêne, inconfort, douleur, tels que définis dans le questionnaire Nordique10) et d’en situer l’intensité. Une liste de symptômes a été ajoutée, moins dans la perspective de cueillir des données, que dans celle d’aider le travailleur à entrer en mode d’explicitation par rapport à son corps. 9 Voir NIOSH (1994). Voir IRSST (2001). 10 5 Le second, le Quick Exposure Check (QEC)11, qui est disponible sur le site web de la CSST avec son guide de 24 pages12, vise à identifier les postes qui présentent des risques de TMS pour le dos, le cou, les bras / épaules et les mains / poignets. Il a été adopté par la CSST pour permettre à ses inspecteurs d’identifier les postes requérant des transformations. Le QEC offre la possibilité de traduire les observations en pointage ; des tables permettent de combiner les points. Trois valeurs frontières aident à estimer si le risque est considéré comme faible, moyen ou élevé. Son utilisation est structurée en 5 étapes : identification des postes ou tâches à évaluer (sans objet ici), évaluation, compilation des données, interprétation, et évaluation post-transformation (sans objet ici). Cet outil est aussi largement utilisé par les professionnels de la santé. Il comporte une section d’observation complétée par des questions adressées aux travailleurs. La partie observation nécessite donc de recueillir du matériel vidéo (elle peut aussi être remplie in situ). Les facteurs de risque retenus sont centrés sur trois items : la posture, les efforts et la répétition. Les deux principaux paramètres d’évaluation sont l’intensité et la durée. Quelques facteurs psychosociaux (vitesse, précision visuelle requise, rythme, stress) sont inclus dans la partie questionnaire, mais ils ne sont pas inclus dans le système de pointage. Ils servent à moduler l’interprétation. Le troisième outil est une combinaison écourtée du questionnaire sur les facteurs psychosociaux de Bourbonnais et al. (2005) qui combine 26 items du Job Content Questionnaire de Karasek (latitude décisionnelle : 9 items ; demande psychologique : 9 items ; support des collègues et supérieurs : 8 items) et celui de Siegrist sur l’équilibre effort / reconnaissance (7 items). Les questionnaires demandent normalement au travailleur de choisir entre quatre degrés d’accord avec un énoncé. Un pré-test ayant montré que les travailleurs avaient de la difficulté à préciser leur niveau d’accord et que cela risquait de prendre trop de temps, un format oui-non a été retenu. 2.1.2 Questionnaires développés Les trois questionnaires développés sont spécifiques et contextuels à chaque poste ou tâche, en termes de questions ou de réponses attendues. Le premier, par exemple, porte sur les opérations exécutées au poste. Les deux autres impliquent des réponses qui ne peuvent concerner que leur poste. Le premier questionnaire explore les sources de difficulté (physiques et psychosociales) en fonction des opérations. Son but est d’aider à connecter les facteurs psychosociaux et physiques en les associant à une même unité, l’opération. Les opérations étant spécifiques à chaque tâche, ce questionnaire est individualisé. Le travailleur doit, dans un premier temps, indiquer les opérations (elles sont énumérées par l’interviewer) qui sont tant soit peu exigeantes, ou difficiles, ou « emmerdantes ». Le niveau de référence devait être de trois sur dix, ce qui signifie un peu difficile / exigeant sur l’échelle de Borg13. L’interviewer revient par la suite sur chaque opération identifiée, et demande si cette opération est difficile / exigeante pour le dos (en termes de posture ou d’effort, ou les deux), pour les membres supérieurs (idem), en termes d’attention, d’habileté, d’imprévus / incidents, de risques d’erreurs et de blessure. Quand un item est pointé, l’intervieweur demande de préciser en quoi. 11 12 13 Voir Li et Buckle (2004). Voir CSST (2005). Il s’agit d’une échelle de perception à ratio de 10 niveaux, avec ancrage sémantique. Voir Borg (1982). 6 Le second questionnaire porte sur l’identification de ce qui est difficile (situation, contexte, action, opération) pour chacune des régions du corps. Le but est d’identifier plus directement des déterminants et de relier de façon plus spécifique les facteurs psychosociaux aux TMS. Pour chacune des régions (dos, cou, épaules, coude, poignet-main, doigts, membres inférieurs, soit trois régions de plus que le QEC), on demandait au travailleur d’indiquer les deux moments ou circonstances où le travail était plus difficile pour cette région du corps (même référence de trois sur dix). L’interviewer demandait des précisions si la réponse ne permettait pas de comprendre en quoi cela pouvait être difficile. Le travailleur pouvait en indiquer une, ou aucune. Le troisième questionnaire est centré sur les pistes de transformations et il explore huit éléments : l’aménagement du poste, les outils, le matériel, le produit transformé, la formation, l’organisation, les consignes données et la cadence / rythme. Pour chacun, l’interviewer demandait si on pouvait améliorer la situation de travail en transformant cet item (oui, non), l’importance de l’impact potentiel de cette transformation (+, ++, +++) et de quelle façon on pouvait le transformer. 2.2 Procédure générale La première étape consistait à sélectionner des situations et à préparer la phase d’observations à partir des données fournies par l’entreprise (descriptions des tâches, rapports d’évaluation de la demande physique – charges à déplacer ou efforts à déployer – complétés par un consultant professionnel) et par les superviseurs. Cette étape n’a pas été formalisée puisqu’elle utilise des approches usuelles en ergonomie. Dans cette étude, les postes eux-mêmes ont été choisis par l’entreprise. 2.2.1 Observations Cette étape visait quatre buts : développer une compréhension adéquate de la situation de travail ; déterminer le matériel vidéo à recueillir pour pouvoir compléter la partie observation du QEC ; pouvoir introduire des éléments de spécificité dans les questionnaires ; et vérifier / obtenir l’accord des travailleurs. La procédure correspond globalement à celle utilisée pour une chronique d’activité : identification des opérations et des cycles, repérage des produits et du matériel utilisé, identification des facteurs de variation au niveau du système de production (par exemple, état des équipements, format des produits, matériel utilisé) et de l’activité elle-même (par exemple, modes opératoires, façons de se placer, travail d’équipe). En fait, ces sources de variation sont le plus souvent des déterminants. Ces informations servent aussi à déterminer ce qu’il faut filmer (13 heures) et comment (par exemple, position des caméras). Différents aspects étaient notés pour leur pertinence potentielle : postures contraignantes, efforts, attention soutenue, exigences d’habileté ou de précision. Il ne s’agissait que de les identifier. 2.2.2 Entrevues Le but de l’étude, son déroulement général, les attentes, les précautions au niveau de la confidentialité étaient d’abord expliqués et le consentement vérifié. L’entrevue commençait avec le bilan de santé MS, suivi des questionnaires sur les opérations / difficultés, régions / contextes, pistes de transformation, puis de la section 7 verbale du QEC, et enfin du questionnaire sur les facteurs psychosociaux. La durée prévue était de l’ordre de 60 minutes. 2.2.3 Repères d’interprétation et analyses Tel que mentionné précédemment, le QEC comporte une procédure pour combiner les pointages. Le total obtenu permet de statuer sur le niveau de risque (faible, moyen, élevé). Pour les questionnaires, les niveaux de risque ont été établis à partir de trois facteurs : le consensus des réponses, l’importance en termes de fréquence ou de durée, l’intensité du problème. Une situation a été considérée à risque élevé si l’intensité du problème était de 5 et plus (sauf si le problème était rapporté comme découlant d’une condition antérieure), si la majorité identifiait les mêmes éléments (difficultés, opérations ou situations) et si ces derniers occupaient une partie significative du travail. Un poste était jugé à risque modéré si le problème se situait à un niveau de 3 à 5, quand une ou plusieurs opérations étaient mentionnées par la moitié des travailleurs, ou bien les mêmes conditions évoquées. Les postes jugés à faible risque pouvaient inclure des cas où plusieurs difficultés étaient rapportées sans que ce ne soit consensuel. Comme il s’agissait de questionnaires semi-fermés très structurés, les verbatim recueillis étaient relativement simples à analyser. Le plus souvent, il s’agissait d’explications qui permettaient de comprendre la nature des liens entre le travail et les TMS, les facteurs physiques et les facteurs psychosociaux, les facteurs de risque et les déterminants. Pour certains sujets à explorer, les verbatim ont été utilisés pour procéder à des analyses classificatoires et thématiques (Bardin 1977). Ce type de résultats n’est pas rapporté dans ce texte. 2.2 Les postes et les travailleurs rencontrés L’entreprise, qui relève du secteur pharmaceutique, prépare des produits destinés avant tout aux hôpitaux, en particulier des solutions. Les normes de stérilisation y sont élevées. Comme le concept de poste est plus ou moins adéquat dans cette entreprise, nous utiliserons plutôt celui de « fonction ». Une fonction peut comporter plusieurs tâches ou postes. Par exemple, la fonction de remplissage des sacs peut être exécutée à une table tournante ou à un convoyeur (donc deux postes). Celle de déchargement des plateaux comporte trois postes ou stations différentes, chacun comprenant des tâches différentes qui sont occupées en rotation. Un travailleur peut être affecté à deux fonctions. L’entreprise a identifié douze fonctions présentant des risques potentiels de TMS ou comportant des situations pointées par les travailleurs, les superviseurs ou le personnel de SST. Ces fonctions étaient occupées par 61 personnes, généralement réparties sur deux quarts (jour et soir). Peu d’entre elles faisant les mêmes tâches au même moment, leur libération a été difficile à organiser. Le plus souvent, un superviseur devait prendre la relève. Au total, 24 personnes (9 hommes, 15 femmes) occupant 31 fonctions ont été interviewées. Lorsque le travailleur occupait deux fonctions, il devait préciser pour le questionnaire MS quel problème était associé à quelle fonction. Les travailleurs ont très spontanément commenté leurs réponses tout au long de l’entrevue. 8 3 Résultats 3.1 Dialogue inter outils 3.1.1 Entente inter outils Les outils peuvent être utilisés pour esquisser un portrait d’ensemble et prendre des décisions d’ordre stratégique, à savoir : y a-t-il beaucoup de postes à risque? Faudrait-il élaborer une politique de transformation globale? À cet égard, les résultats compilés à la figure 1 montrent que les portraits qui se dégageraient des questionnaires sur la santé musculosquelettique, sur les opérations difficiles et les contextes plus difficiles par région du corps seraient sensiblement les mêmes (n=192, soit 12 fonctions x 4 régions x 4 outils). Le QEC se distingue, en ce qu’il tracerait un portrait nettement plus positif, à savoir : peu de situations présentent des risques élevés (6 %), la majorité présentant pas ou peu de risques (58 %). Figure 1 Évaluation du niveau de risque pour quatre outils Faible Moyen Élevé Comme les décisions se prennent aussi poste à poste, le consensus sur chaque poste a été vérifié (n= 84 ; 12 fonctions x 7 régions). Comme on peut le voir au tableau 1, les postes à faible risque sont ceux pour lesquels l’entente est la meilleure. Pour les postes à risque élevé, plus d’une fois sur deux, une des évaluations diverge notablement des autres, c’est-à-dire par au moins deux classes (faible vs élevé). Généralement, c’est l’évaluation du QEC qui s’éloignait des autres. En fait, on se retrouve peu souvent dans deux zones adjacentes (faible vs moyen ; moyen vs élevé) où les évaluations peuvent en fait être proches l’une de l’autre si chacune est à la limite de sa classe. Il s’agit donc de francs désaccords. 9 Tableau 1 Pour chaque situation, répartition en pourcentage des niveaux d’entente selon le risque estimé Entente d’évaluation Risque Parfaite Bonne Évaluations identiques Une évaluation domine Faible 34 Moyenne Élevé Partagée Moitié/moitié : Éclatée Faible vs moyen ou moyen vs élevé Faible vs élevé 21 21 24 12 20 36 32 7 27 13 53 3.1.2 L’échange des points de vue Nous résumerons d’abord sommairement deux cas où les conclusions associées au QEC ont été nettement différentes de celles issues des autres questionnaires, et les raisons de ces divergences. Les points dominants qui sont ressortis des questionnaires psychosociaux sont résumés. Poste 1 : Les sacs à soluté comportent deux tubes dans lesquels le soluté est injecté. La tâche consiste à insérer ces tubes à la verticale sur deux tiges de remplissage. Ce qui permet aux tubes de bien tenir en place lors du remplissage est leur diamètre, ajusté à celui des tiges, et le fait de les insérer jusqu’au bout. Le dos est droit, le sac vide pèse peu, les tiges sont placées pour que la position du coude soit normale. La conclusion du QEC est que le poste est à faible risque pour le dos, les épaules, le cou et moyen, et pour les poignets, alors que les cinq travailleurs rapportent des problèmes importants au dos, aux épaules, et moyens aux coudes et aux mainspoignets. Les tubes doivent être tenus très fermement car ils sont dimensionnés pour enserrer les tiges afin que le sac puisse tenir en place lors du remplissage. Comme les sacs vides arrivent empilés, les tubes peuvent être écrasés, ce qui rend leur insertion plus difficile. Le fait de pousser jusqu’à la butée les tubes pour s’assurer que le sac est bien inséré génère un micro contrecoup aux deux secondes. Les sacs plus larges doivent être insérés en passant à l’arrière des tiges avec une contorsion du poignet qui se transmet au coude et à l’épaule. Les bras ne sont pas supportés. Comme les sacs vides sont souvent collés, il faut les « peler » en passant les doigts par en-dessous pour éviter que la pile ne bouge et tombe. Sur un des postes, la table est rotative : les travailleurs craignent de se coincer les doigts. Sur un autre, les tiges sont plus hautes : les plus petites opératrices s’assoient sur le bord de la chaise. Avec la fatigue, le dos s’affaisse et les travailleurs trouvent difficile de s’ajuster, d’autant plus que la chaise est également difficile à ajuster. Au niveau des facteurs psychosociaux, le portrait suivant domine : la latitude décisionnelle est considérée comme faible (69 % des réponses). Cependant, les travailleuses donnent des réponses qui divergent sur plusieurs points. Par exemple, la nécessité de faire attention ainsi que les responsabilités sont perçues par certaines comme des compétences et des possibilités d’apprentissage ; le contrôle sur la vitesse et la méthode sont rapportés comme des éléments positifs (items : liberté de faire comment on fait ; possibilité de prendre des décisions de façon autonome). Au niveau de la demande, les réponses sont homogènes intra item, mais il y a autant de oui 10 (par exemple : il faut aller très vite, le travail demande de la concentration) que de non (par exemple : mon travail exige de travailler très fort mentalement). Il s’agit d’un des postes où les opératrices évaluent le plus souvent qu’il y a un déséquilibre entre les efforts investis dans leur travail et la reconnaissance qu’elles en tirent (35 % de réponses négatives). Poste 2 : Les opératrices saisissent des sacs qui arrivent perpendiculairement sur un convoyeur pour les empiler en escalier ; ces piles sont ensuite emballées dans un autre sac. Les deux travailleurs rapportent des problèmes sévères au dos et modérés aux autres régions (épaules, coudes, mains-poignets, cou). Les risques sont estimés faibles pour le dos par le QEC, et moyens pour les épaules et les mains-poignets. Le dos est relativement droit, il bouge peu et il y a peu d’efforts. Cependant, il faut souvent saisir les sacs avant qu’ils n’atteignent la table, car les sacs chauds tendent à coller sur le métal. Les décoller prend du temps et les autres vont se coller de plus en plus. Tout sac – ou pile de sacs – qui tombe à terre doit être jeté. Le poste est considéré comme présentant peu de latitude décisionnelle, mais pas de façon marquée (61 %). Les habiletés et responsabilités sont associées à des qualifications, à des défis. La demande n’est pas jugée élevée (72 %). Le soutien et la reconnaissance sont très bien évalués (100 % de réponses positives). D’autres exemples de point de vue exprimés sont résumés au tableau 2. Le constat dominant qui se dégage est que plusieurs des difficultés pointées par les travailleurs sont autres que celles que la grille d’évaluation considère : rigidité, micro impacts répétés, perte de fluidité, gestes saccadés, cumul de micro contraintes, absence de micro-pauses, de marges de manœuvre, efforts soudains, arrêts brusques. Cependant, le consensus sur les facteurs retenus et identifiés par le QEC est excellent. Si le QEC évalue qu’une situation présente un risque, les autres outils mènent aux mêmes conclusions. Dans le cas des facteurs psychosociaux, leur association à des données sur l’activité permet d’en situer le rôle. Les sources de stress y sont décrites de façon différenciée. La nécessité de faire des gestes précis, la rapidité, la crainte de faire des erreurs sont associées à de la rigidité (au dos ou aux membres supérieurs), celle de se blesser, à de la crispation. Le fait de ne pas pouvoir bouger rapidement (par exemple : pour éviter de créer de la turbulence dans l’air) est perçu comme étant de l’immobilisme. Dans ces cas, l’impact est le plus souvent, non pas général, mais spécifique à une région et à l’activité concernée. Le stress réfère tantôt directement aux tissus : il a alors une action « biomécanique ». Tantôt, il est plutôt décrit en tant que déterminant. Ainsi, la crainte de ne pas pouvoir parer à un imprévu occasionne des actions supplémentaires, coûteuses sur le plan musculosquelettique. On constate aussi que les explications fournies par les travailleurs sur les items de latitude décisionnelle, en particulier la compétence et les qualifications, réfèrent à des éléments relativement absents des listes d’items usuels ou bien méconnus dans ce type de tâche : habiletés motrices fines, capacité d’aller vite, capacité de trouver la façon de faire, responsabilités (par exemple, en termes de détection des défauts, d’impact des erreurs ou de non identification des défauts / impacts / erreurs), capacité de s’ajuster aux impondérables. Ces compétences, ces qualifications réfèrent pour l’essentiel aux habilités développées sur l’activité de travail. Le travail répétitif y est décrit comme présentant des défis et comme étant varié, dans la mesure où il permet de progresser encore. Les exemples donnés par les travailleurs réfèrent à des techniques, des habiletés, des façons de faire qui peuvent être d’une grande finesse. 11 3.2 Connaissances et questions soulevées par les travailleurs Les travailleurs ont une connaissance de leur travail et de ses difficultés qui est spécifique et contextuelle. Cependant, les questions soulevées ont parfois une portée plus générale. Nous résumons dans cette section les questions soulevées par les travailleurs qui ont une pertinence en termes de recherche et qui sont peu abordées dans la littérature scientifique. Ainsi, comme nous venons de le voir, le point de vue exprimé sur le travail statique est plus sophistiqué que ce qu’il est habituel de considérer. Les travailleurs distinguent quatre notions. En premier lieu, l’immobilisme réfère à une situation où les mouvements sont restreints en termes d’amplitude ou de vitesse ; les travailleurs référent clairement à une sensation et non au fait de ne pas bouger comme tel. En deuxième lieu, le statisme décrit les situations où il faut rester longtemps dans une même position, debout ou assise. L’échelle de temps est « longue », ou macro ; le plus souvent, elle réfère à la durée totale de l’exposition (20 minutes, deux heures). Troisièmement, la rigidité est décrite comme étant une immobilisation active d’un segment pour exécuter une activité, des opérations qui nécessitent de la précision ou un contrôle gestuel ou visuel ; la rigidité peut découler d’actions qui doivent être rapides. Enfin, la crispation est décrite en lien avec des craintes de blessures ou la peur de faire des erreurs ; les risques évoqués sont les plus souvent des blessures mineures (se piquer les doigts par exemple), mais leur omniprésence engendrerait cet état de crispation. Chacun de ces états est donc associé à des circonstances, des déterminants et des facteurs psychosociaux différents. En fait, le stress est décrit comme pouvant générer de la rigidité ou de la crispation, mais aussi comme une raison d’accélérer les gestes. De façon secondaire, il engendre aussi des postures plus contraignantes : pour mieux voir, pour aller chercher en avance un produit et gagner une micro seconde de marge de manœuvre ou pour palier un risque (par exemple, les sacs chauds collent : il faut donc éviter qu’ils s’empilent). Aller vite n’est ni décrit comme un problème en soi, ni associé à une demande psychologique élevée. La vitesse n’est décrite comme un problème que si le travailleur a des difficultés à l’atteindre ou à la maintenir, ou n’a pas de marge de manœuvre pour s’ajuster. Un élément d’exécution auquel les travailleurs ont aussi tacitement fréquemment référé est la perte de fluidité14 ressentie au niveau des mouvements. Celle-ci découle directement des états décrits ci-dessus – rigidité, crispation et immobilisation –, ou du fait de devoir accélérer pour récupérer un imprévu ou, au contraire, parer à l’imprévu. En fait, le temps apparaît comme un enjeu déterminant. Les arrêts brusques occasionnés par les imprévus (par exemple, un plateau qui coince), les efforts soudains pour décoincer, les légers déséquilibres ressentis (par exemple, pour aller chercher plus loin sans pouvoir avancer un pied), ou encore les micro impacts sont autant d’événements qui altèrent la fluidité du mouvement. Les travailleurs posent aussi clairement la problématique du cumul des contraintes sur lequel ils insistent dans plusieurs situations. C’est la combinaison des contraintes, leur cumul, qui rend le travail difficile. Aucun outil ne rend compte du cumul. Les rotations de postes, utilisées comme un moyen de limiter la durée des expositions, un paramètre d’évaluation important dans les grilles, amplifient ce problème de sousestimation. 14 Les travailleurs n’utilisent pas ce terme comme tel. Ils en décrivent les diverses manifestations : arrêts brusques, changements de direction, mouvements saccadés ou soudains, etc. 12 3.3 Les pistes d’action Les travailleurs ont identifié 97 pistes d’action, soit en moyenne trois par personne pour chaque fonction questionnée (voir tableau 3). Les suggestions portaient autant sur des éléments « physiques » (aménagement, matériel, produits, équipements) qu’immatériels (vitesse, organisation, formation, consignes, maintenance). Pour un même problème, plusieurs pistes pouvaient être proposées. Par exemple, pour diminuer l’inconfort lié à la dégradation de la posture en cours de quart, les propositions ont porté sur les procédures d’essai des chaises (comme les tester au travail), les caractéristiques du matériel acheté (possibilités d’ajustement, matériel de recouvrement, appuis) et la formation (comment s’ajuster). Pour un même item, les suggestions avancées étaient aussi multiples. Ainsi, les suggestions pour améliorer la rotation ont porté sur la durée, la séquence des tâches, l’équilibre entre les tâches, leur nature, et l’équité. Pour l’aménagement, il pouvait s’agir des hauteurs de plan de travail, des différentiels de hauteur, des distances, de l’organisation de l’espace, du manque d’espace, des surfaces. Les raisons invoquées étaient aussi multiples : ne pas bien voir, difficile pour le dos (trop bas, trop haut, trop loin) ou les épaules, perte d’efficacité, risque de heurt et d’accrochage, gêne causée à l’autre (on le dérange), etc. Les suggestions énoncées visaient à réduire les efforts et les contraintes physiques, mais aussi à améliorer l’efficacité et l’efficience, à mieux atteindre les objectifs de production. Les demandes de transformations les plus souvent suggérées et perçues comme recelant un potentiel d’amélioration important ont concerné l’aménagement et la vitesse (voir figure 2). Par contre, certaines pistes très spécifiques pouvaient avoir un impact important sur un poste précis. Par exemple, sur un des postes, les principaux moyens évoqués pour améliorer la mobilité et diminuer les efforts ont porté sur la gestion des rejets (vider régulièrement les poubelles permet par exemple de fractionner la tâche, de bouger et de réduire le poids). Il s’agit d’une amélioration très spécifique et contextuelle à un poste. Figure 2 Impact projeté par les travailleurs des différentes pistes de transformation suggérées 13 4 Discussion Parmi les questions soulevées dans l’introduction sur les échanges, nous avions insisté sur le processus de production des connaissances, quant à la nature des connaissances produites et échangées. Les échanges y étaient vus en fait comme un moyen de construire des connaissances mieux appropriées. Nous aborderons dans la discussion ces questions en quatre points : la validité-validation des connaissances produites, le type et mode de production des connaissances, les questions soulevées par les travailleurs et le dialogue inter-outils. 4.1 La notion de validité La question de validité est souvent posée en termes de : reproductibilité, taille des effectifs et représentativité. L’approche développée et son contexte d’utilisation ne répondent pas bien à ce type de critères. Par exemple, le milieu où cette approche a été appliquée est spécifique. Les résultats pourraient être différents dans un autre milieu, même s’il s’agissait de travail répétitif. Ici, la question de représentativité ne se pose pas vraiment. Au moment de l’étude, ce sont ces travailleurs particuliers qui occupent les postes. Qu’ils soient ou non représentatifs d’une population plus large n’a pas d’importance. Les effectifs pour chaque fonction étaient aussi petits ; les résultats quantitatifs présentés visaient à résumer les données et non à effectuer des analyses statistiques. Cependant, il est reconnu en design que des essais effectués auprès de quatre ou cinq utilisateurs suffisent pour identifier les trois-quarts des problèmes (Wilson et Corlett 1995). L’étude montre que trois ou quatre travailleurs pour un poste donné suffisent pour identifier une partie significative des problèmes ou des difficultés. Les propos sont consensuels et apportent en même temps des éclairages différents, que ce soit parce que les travailleurs sont différents (petit vs grand) ou qu’ils travaillent différemment. Dans la mesure où le lien entre des problèmes rapportés sur des échelles de perception (questionnaire de santé MS) et le développement de pathologies a été démontré (Baron et al. 1996), nous pouvons assumer que les difficultés identifiées sont représentatives de risque réels. En fin de compte, ce n’est pas tant la reproductibilité qui apparaît importante, que la cohérence des éléments soulevés. Il est par ailleurs connu que les questions se rapportant aux croyances ou qui sont à caractère quantitatif peuvent présenter des écarts importants par rapport à la réalité (Dillman 1978 ; Warwick et Lininger 1975). C’est sans doute une des raisons de vouloir s’éloigner du « subjectif » dans les évaluations. Cependant, les questions posées ici étaient surtout factuelles (hormis les opinions concernant les pistes de transformation) et ramenaient le travailleur à ce qu’il ressentait en termes de difficultés pour des opérations, des contextes, des situations spécifiques. La travailleur est la meilleure source d’information quant il s’agit de savoir ce qui occasionne des inconforts ou exacerbe un problème. La donnée est subjective, mais parce qu’elle se rapporte au sujet en tant que source de connaissances. Ainsi, dans l’ensemble, le portrait présenté nous apparaît valide pour cette situation, même si la méthode s’éloigne de certains standards. L’importance de mettre en contexte les résultats, en particulier au niveau socioéconomique, et d’être capable d’interrelier les facteurs sont de plus en plus 14 souvent soulignées (Wilson 2000). Cependant, le contextuel est avant tout compris en tant que lieu d’application et d’ajustement. Or, les explications des travailleurs font surtout ressortir le fait que certaines données ne peuvent être interprétées hors contexte, sans prendre en compte d’autres éléments. Cela peut engendrer une erreur d’interprétation. Par exemple, les sacs de petit poids / format sont plus difficiles pour le dos et les jambes que les plus gros parce qu’il faut se pencher plus longtemps et plus souvent pour les saisir ; ceci induit un déséquilibre exigeant à contrôler. La table élévatrice fournie pour ajuster la hauteur empêche d’avancer le pied pour aider à l’équilibre. Cela peut aussi occasionner une erreur d’identification des facteurs à prendre en compte. Par exemple, le poids et la hauteur de l’entonnoir où déverser les bouchons sont certes des facteurs pertinents ; cependant, le plus difficile est d’avoir à manipuler des sacs qui sont mous et instables, de devoir faire attention à ne rien laisser échapper (efforts plus longs, plus crispés), tout en arrivant à bien voir (posture). La remise en question que suscite les explications des travailleurs va donc au-delà de l’applicabilité ; elle renvoie au fait que les connaissances acquises dans une logique « silo », sans prendre en compte les interrelations, sont valides sur le plan expérimental, mais pas forcément dans un système réel ; elles peuvent devenir marginales par rapport à d’autres facteurs. Or, bien que des auteurs en appellent à étudier les activités en milieu réel, la tendance lourde consiste à favoriser les approches expérimentales (Bedny et Karwowski 2004). En fait, en termes de validité, la question qui nous apparaît la plus importante est la suivante : où se situe le plus grand risque d’erreur? Et pour qui? Les écarts constatés ici entre les évaluations des travailleurs et celles basées sur nos connaissances et les outils d’évaluation usuels montrent que ces derniers présentent un risque d’erreur non négligeable par omission, dans la mesure où les travailleurs intègrent des éléments qui ne sont pas présents dans le QEC comme dans la plupart des outils d’évaluation. Cette erreur pénalise donc le travailleur et l’entreprise. Par exemple, un poste perçu exigeant sur le plan MS mais qui est évalué à faible risque engendre des situations de grande frustration et empêche l’entreprise d’entreprendre une véritable démarche de prévention. Cette dernière est privée de moyens de comprendre, ce qui peut générer une discorde interne. À cet égard, peu d’études ont confronté l’opinion des travailleurs aux résultats issus des outils d’évaluation15. Et ces enjeux sont d’autant plus importants que les éléments présentement retenus dans les outils sont en train d’être adoptés comme fondements des standards internationaux (Delleman et Dul 2007 ; Occhipinti et Colombini 1999) alors que la marge d’erreur en termes de facteurs qui nous échappent n’est pas connue. 4.2 Quelles connaissances et quels savoirs? Les préoccupations quant à la fiabilité des données ont amené la communauté scientifique à privilégier les données objectives et mesurables qui sont alors en grande partie devenues les connaissances considérées acceptables et recherchées. Traditionnellement, le savoir était lié au discours et mis au service d’une thèse à démontrer. Ce savoir subjectif – c’est-à-dire du sujet – a été transformé ou remplacé par un savoir objectif, organisé en base de données. Au lieu de lier les connaissances dans 15 Il existe plusieurs domaines où le subjectif est naturellement considéré, tels que les études sur le confort ou la satisfaction, ou les études psychophysiques en manutention. Les échelles de perception sont aussi un outil usuel en ergonomie. 15 une séquence narrative ou argumentaire, les auteurs de bases de données les organisent en série, en tableaux (Melançon 2005). Or, le savoir exprimé par les travailleurs est avant tout discursif. D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, l’ouïe était la faculté de l’intelligence par excellence : elle était prise comme la faculté d’entendement. La crainte16 du verbal et du non quantifiable, souvent considérés de par leur nature subjective comme non fiables, est forte dans le domaine du musculosquelettique, dominé par les approches biomécaniques et épidémiologiques. Cette méfiance se retrouve par ailleurs aussi au niveau des gestionnaires qui accordent beaucoup plus de valeur à ce qui est mesuré et quantifié qu’à ce qui est dit. Les outils d’évaluation répondent d’ailleurs à cette demande. Comme leur contenu s’appuie sur de nombreuses études, cela en rend l’utilisation rassurante. En fait, cela gêne le développement d’un réel contexte de partage, d’échange et de dialogue. Dans cette étude, les travailleurs ont démontré un constant besoin – et une capacité – d’expliquer les liens entre les éléments. Même avec le questionnaire sur les facteurs psychosociaux, a priori fermé, ils ont souvent ajouté des explications. Or, cela échappe aux outils d’investigation conçus pour repérer des facteurs précis plutôt que leurs liens avec l’ensemble des éléments du travail. Par exemple, les travailleurs ont souvent situé les facteurs dans un cadre qui inclue des objectifs de confort MS mais aussi des objectifs de production, d’efficacité et d’efficience. Leur point de vue est systémique alors que les connaissances produites et les outils développés le sont peu. Toutefois, il faut signaler que la volonté de prendre en compte le contexte et d’établir une dynamique d’échange avec les travailleurs et les diverses personnes impliquées n’est pas nouvelle. Les approches participatives développées en sont une des manifestations sans doute les plus exemplaires ; on sait que les résultats sont mitigés (Rivilis et al. 2008). Cependant, ces approches ont été développées surtout dans une perspective de résolution de problèmes, et non dans le but de contribuer à l’évolution des connaissances. Un autre problème mis en évidence par cette étude est que la logique du « grand nombre, des probabilités » fonctionne mal dans « du poste à poste ». Une multitude de déterminants interviennent et il est hasardeux d’en modifier un si l’on ne comprend pas les liens qui l’unissent aux autres. Ce constat n’a rien de nouveau en ergonomie17. Mais il n’est pas intégré aux outils d’évaluation. Il ressort aussi que ce qui rendait certains postes difficiles étaient la combinaison et le cumul d’éléments. Or, il n’existe ni dosimètre, ni méthode de compilation. Au total, les résultats montrent un décalage entre les connaissances produites pour détecter les risques et les risques réels – ou du moins les difficultés – et les déterminants à transformer pour améliorer la prévention. La liste des facteurs de risque et déterminants utilisés – poids, efforts, posture, répétition, hauteur, durée et fréquence – apparaît ainsi trop sommaire. 16 On comprendra que le discursif est largement utilisé dans certaines disciplines ou domaines où les données qualitatives existent. Il existe une abondante littérature sur les analyses de discours. Le commentaire ci-dessus est contextuel au cas des TMS. 17 Il est existe de nombreux ouvrages en ergonomie, surtout en français qui exposent ces questions, à commencer par Comprendre le travail pour le transformer, de Guérin et al. (2006). 16 4.3 Questions soulevées par les travailleurs sur les risques Les travailleurs ont identifié plusieurs facteurs et soulevé plusieurs questions pertinentes à la compréhension des TMS, dont l’importance apparaît mésestimée (comme la fluidité) ou traités trop sommairement (comme le statisme). Dans le cas du statisme, les nuances que font les travailleurs contrastent avec la façon simpliste avec laquelle ce facteur est généralement abordé et évalué (sommairement : rester longtemps dans une position). Ils ont distingué le fait de rester longtemps dans une même position (statisme), l’immobilisme (dans le sens de restriction de mouvement), la rigidité et la crispation. Ils les ont associés à des impératifs d’activité (par exemple la précision) ou à des facteurs psychosociaux diversifiés. Ces nuances expliquent sans doute en partie pourquoi les études sur les facteurs psychosociaux ont des difficultés à en dégager les mécanismes d’action. Les propos mettent aussi en évidence une contradiction inhérente à certains outils : la notion de répétition amène à considérer l’absence de mouvements et d’effort comme un facteur positif. Ici, les restrictions dans les mouvements sont au contraire rapportées comme constituant un problème car il faut constamment limiter et contrôler le geste. Les travailleurs ont souvent référé à des éléments de fluidité. Ces questions retiennent un peu l’attention en manutention (Marras et al. 1987 ; Patterson et al. 1987; Lavender et al. 1989 ; Authier et Lortie 1993 ; Nastasia et al. 2007), mais pas du tout au niveau du travail répétitif18. Si on ajoute les références aux situations de soudaineté (mouvement / efforts), il pourrait s’agir d’un enjeu important. D’autres points abordés ont une pertinence en termes de problématique. Un exemple en est la difficulté mentionnée sur « comment se réajuster au cours de la journée à cause de la fatigue ». Ce commentaire est très sensé. On sait qu’avec la fatigue, le dos tend à s’arrondir alors que l’effet du temps augmente le tassement des vertèbres, surtout en position statique : les effets différenciés sur la position des yeux et des mains expliquent sans doute la difficulté à s’ajuster. Les études menées au début des années 1970 auprès des opératrices dans l’électronique et la couture avaient bien montré la complexité des ajustements posturaux du dos dans des tâches fines qui devaient concilier précision gestuelle et visuelle (Laville et Duraffourg 1972 ; Teiger et al. 1973), alors que les connaissances sur le tassement vertébral et le travail statique datent des années 1990. Les questions d’ajustement seraient donc plus complexes que ce que l’on suppose en général. Le point du vue exprimé sur le stress et certaines manifestations apparaît aussi plus sophistiqué qu’il n’est coutume dans le domaine des TMS. Les travailleurs dégagent des pistes à creuser, dont celle de mieux faire la distinction entre les diverses dimensions du stress. Par exemple, la peur de blessures engendre de la crispation, alors que la crainte de ne pas atteindre les objectifs de production résulte, entre autres, en des gestes plus rapides, plus saccadés (moins fluides) ou en actions plus contraignantes (par exemple, saisir plus loin). Le contexte physique peut être une source de stress. Ainsi, devoir restreindre les mouvements est rapporté comme stressant parce qu’il faut constamment limiter, contrôler les gestes, faire des gestes plus lents ou faire attention. La rigidité, associée au besoin d’immobiliser le tronc lorsque les gestes requièrent de la précision et du contrôle visuel fin, est parfois décrite comme une 18 La question de fluidité est souvent mentionnée en référence aux métiers de danseur et de musicien, mais par les spécialistes du domaine. 17 réponse au stress (pour aller vite), mais pas forcément. Ces diverses manifestations lorsqu’elles sont considérées uniquement en lien avec le stress, sans comprendre la finalité de l’activité, sèment de la confusion. Par ailleurs, dans cette étude, malgré un niveau élevé de contraintes rapportées pour plusieurs postes, peu de travailleurs ont décrit leur poste comme étant « stressant », dans la mesure où ils s’estimaient capables de répondre aux exigences. 4.4 Le dialogue inter outils Les limites soulignées des outils actuels ne les rendent pas caduques pour autant. Ils présentent des avantages certains : observations répétables, résultats facilitant les comparaisons, valeurs numériques qui offrent des repères intéressants. Ils offrent un bon support au verbal. Il s’est avéré que ces outils, introduits dans une logique discursive, ont souvent induit des explications complémentaires intéressantes. Même le court questionnaire du QEC a amené des compléments d’explications. De plus, le questionnaire sur les facteurs psychosociaux a présenté l’avantage d’aborder des aspects souvent négligés en ergonomie parce qu’ils ne découlent pas directement de l’activité. Habituellement, le passage se fait de l’activité vers les implications psychosociales et non l’inverse. Il permet aussi d’aborder des sujets délicats comme la reconnaissance des autres, les relations inter-travailleurs, la perception d’eux-mêmes (compétence, qualification). Les explications des travailleurs renvoyaient systématiquement à l’activité. Les divers outils permettent donc des allers-retours intéressants. Les réponses articulées autour d’un même objet – l’activité – permettent d’éclaircir les liens entre les dimensions physiques et psychosociales. 5 Conclusion S’agit-il d’instruire la société et ses acteurs de ce que font les chercheurs universitaires ou d’instaurer un nouveau dialogue entre les uns et les autres autour de projets désormais communs? Lévesque 2008 : 5 19 Cette interrogation résume bien le dilemme rencontré en ergonomie et dans le domaine des TMS. L’approche proposée visait à favoriser l’organisation d’un dialogue à plusieurs niveaux, mais pas tant à travers l’instauration d’un projet commun qu’en fournissant des outils qui le favorisent et le permettent. Les outils proposés sont en quelque sorte des outils de traduction. Ils permettent de mieux comprendre les enjeux soulevés par les travailleurs, et de ramener la complexité et le contextuel dans une perspective de transformation au lieu d’en rester au niveau de l’évaluation. Ceci n’est apparu possible qu’en ramenant le « subjectif », c’est-à-dire le travailleur et le verbal, au centre des données, et en faisant une place à sa compréhension et à sa connaissance des problèmes ainsi que des solutions. Cela signifie également qu’il est nécessaire de mieux intégrer les connaissances issues du terrain dans le processus scientifique et de faire en sorte que, a posteriori, les connaissances contextuelles puissent être généralisées, afin de trouver une voie pour remonter vers les expérimentalistes. 19 Dans le numéro spécial de la revue Découvrir «dynamique complexe : écosystèmes, climat et humains» publiée par l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) et qui est consacrée au transfert. 18 Références AUTHIER M. et M. 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Boca-Raton, Taylor& Francis, ème 2 édition. 22 Tableau 2 Région Comparaison de situations où les évaluations / les points de vue sont différents Raison pour laquelle la situation est considérée comme difficile / exigeante QEC Facteurs psychosociaux Sanitation Cou Extension relevée, mais ne dure pas assez longtemps (20 minutes) pour être considérée à risque Cou en hyper extension pour voir le plafond lors de sa désinfection. Ensemble du travail de désinfection exigeant pour le cou, car il faut constamment regarder. Certaines zones sont difficiles à voir (par exemple, arrière des machines, petites zones). Sensation de crispation. Demande une attention visuelle constante. Nécessité de pencher le cou tout en tournant la tête (extension) pour voir certaines zones. Bonne latitude décisionnelle : même si les protocoles à suivre sont stricts, possibilité de s’organiser de différentes façons. Demande psychologique pas considérée comme forte. Préparation des solutions Dos Membres supérieurs Risques évalués comme moyens pour plusieurs régions du corps parce qu’il faut verser le produit dans un entonnoir qui est haut. Considéré comme le plus dur pour le dos. Ce qui est difficile : surtout le fait qu’il ne faut pas en échapper à côté, sinon le dosage n’est plus bon (il faut alors tout jeter). On voit mal. Il ne faut pas se tromper de recette. Le plancher est glissant lorsque mouillé. Responsabilité perçue comme importante à cause des impacts des erreurs. Transfert des sacs d’un convoyeur dans des plateaux. Dos Membres supérieurs Risques évalués comme moyens pour plusieurs régions du corps à cause de la répétitivité, du poids des sacs et de la durée de cette tâche. Transfert des sacs exigeant. Tirer les plateaux est difficile car ils sont abimés et accrochent. Il faut faire attention à ne pas se blesser (échardes, doigts coincés, etc.). Inspecter les sacs pour détecter les défauts demande une attention soutenue. Nécessité de ne pas faire d’erreur sur le nombre car la stérilisation n’est pas garantie et il faudra tout jeter. Être attentif et responsable est vu comme une qualification. Dans l’ensemble, latitude et demande psychologique perçues comme faibles. Transfert des sacs du plateau vers le convoyeur Dos Membres supérieurs Identique à l’évaluation précédente. Portrait semblable. Attention pour détecter les fuites. Nécessité de s’étirer pour prendre les sacs car il n’y a pas de place pour mettre les pieds ; plus on prend loin, plus c’est dur, et plus on est en déséquilibre. Petits sacs plus exigeants (il faut se pencher plus souvent, et rester plus de temps en déséquilibre) ; sacs en aluminium coupants ; sacs chauds plus difficiles à manipuler. Nécessité de vérifier tout en bougeant : demande habileté et coordination. Certains n’y arrivent jamais. Deux voient ce travail comme permettant de la latitude (compétences, qualification, choix des méthodes…) et deux le décrivent comme étant à faible latitude. Les deux premiers jugent aussi ces tâches comme constituant une demande psychologique certaine. Fabrication des bouchons Cou Moyen, autres régions à faibles risque. Entonnoirs hauts et sacs lourds. Sacs de bouchons mous, donc difficiles à verser. Nécessité de décoincer les bouchons avec une baguette, de corriger le cheminement à bout de bras. Demande de l’attention pour surveiller / détecter les mauvais bouchons : lots qui ont plus de défauts (maintenant de moins bonne qualité). Nécessité de beaucoup bouger pour surveiller. Risque de se cogner. Un des postes considérés comme les plus faciles par le superviseur. Bonne latitude décisionnelle. Demande psychologique faible sauf quand souvent interrompu (arrêt machines) et quand sentiment d’un travail mouvementé. 23 Tableau 3 Pistes de transformation identifiées Objet de la proposition Exemple d’explication Dimension matérielle Hauteur Différences de hauteurs Entonnoir trop haut : difficile de voir quand on verse poudre. Ne pas en verser à côté (change dosage du produit). Aménagement Espace disponible insuffisant Facile de se cogner ; il faut faire continuellement attention. Il faut changer la façon de faire. 23 % Organisation de l’espace Déplacements inutiles, pourrait regrouper autrement. Sols Glissant ; inconfortable à cause de la dureté. Environnement : Température, éclairage Problème d’ombrage. Machine Pourrait être plus efficace. Plateaux Souvent endommagés : risques de blessure, demande de l’attention. En acquérir des plus résistants. Charriots Trop électrostatiques. matériel Étagères Trop hautes, pas besoin d’utiliser celles du haut. 18 % Chariot élévateur Manque de versatilité. Outil Trop pesant. Équipement personnel Formation de condensation dans les lunettes ; risques d’accidents. Chaise Mal adaptée, difficile à ajuster, trop haute. Sacs, bouchons Conditionnement : sacs trop chauds / secs plus difficiles à manipuler ; collent ensemble. Améliorer la qualité : moins souvent défectueux. Équipement, Produits 7% Produits de nettoyage Manque d’efficacité. Dimension organisationnelle Organisation 10 % Rythme-vitesse 17 % Formation 9% Communications 3% Maintenance 13 % Rotation : équilibre, séquence, vitesse Améliorerait climat car sentiment d’injustice. Éviter de mettre des tâches exigeantes consécutivement. Pauses : organisation, fréquence Pour améliorer aspect social, plus fréquent pour briser immobilisation et travail statique. Travail d’équipe Équipe équilibrée : rythmes différents créant difficultés. Quand nouveau, moins habile, ou fatigué : compenser. Organisation des tâches Par exemple, décuplé une opération comme la manipulation des déchets pour rompre la monotonie et bouger. Matériel qui manque Perd du temps et de l’efficacité Vitesse, contrôle Réduire vitesse : permettrait de prêter plus d’attention à une opération comme manipulation des plateaux qui coincent. Donner du contrôle pour parer aux imprévus, donner une marge de manœuvre. Contenu, Mieux ajusté, moins théorique. Modalités : durée, formateurs Passer plus par le corps, durée d’apprentissage qui tient compte de ceux qui ont des difficultés, meilleur encadrement du compagnonnage Plus formelle et organisée Explications dans les corridors trop rapides et incomplètes. Machine, matériel, entretien Plateaux : coincent souvent. Revenir à l’ancien contrat de maintenance pour les chariots. 24