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Les Mains Libres Vénérable Maître, vous tous mes frères en vos degrés et qualités. J'ai choisi de traiter le thème des mains libres pour cette planche de passage au grade de maître. A l'évocation de ce sujet deux choses me sont venues naturellement à l'esprit : Libre faisant écho à une des questions que l'un d'entre vous m'a posé lors de mon passage sous le bandeau et Gloire au Travail associé au cinquième voyage du compagnon qu'il effectue les mains libres. Je me souviens très précisément de cette question qui sur le moment m'a paru simple et à laquelle je me suis empressé de répondre pour au bout du compte avouer humblement que je ne savais pas ce qu'était un homme libre. Cette question m'a taraudée toute la soirée et je n'ai eu la réponse que bien plus tard lorsque j'ai commencé à travailler sur le rituel. Effectivement j'étais loin du compte. Quant au travail, il a structuré toute ma vie profane car étant un éternel insatisfait j'ai toujours travaillé sur divers plans pour améliorer ma condition sociale, professionnelle, matérielle et aujourd'hui spirituelle. Très jeune, j'ai par exemple bâti avec mon père ma première maison que nous avons fait sortir de terre des fondations jusqu'au faîtage sans qu'un seul artisan n'intervienne. Je faisais mes premières armes avec le fil à plomb, le niveau et l'équerre. Sans être un « bourreau du travail », j'y consacre une partie importante de ma vie. Les mains libres est donc un thème qui à priori me convient, m'inspire. J'ai bien sûr commencé à me documenter sur ce sujet et comme je m'y attendais, j'ai trouvé très peu de littérature et les rares planches que j'ai trouvées (en fait une seule) m'a paru ne pas traiter le fond du sujet. Donc fort de ces recherches vaines, j'ai décidé de m'attaquer au sujet avec comme seule matière le rituel, mes convictions, ma sensibilité, mon coeur. Intuitivement, j'ai eu envie de traiter des mains, puis des mains libres et enfin de la maxime Gloire au Travail. Les mains. Les mains font parties intégrantes du rituel du Franc-maçon. En effet elles nous sont utiles aussi bien à l'intérieur du temple qu'à l'extérieur. A quoi reconnait-on un Franc-maçon ? à ses signes, mots et attouchements. Et les mains sont utiles à l'exécution des signes et des attouchements. En effectuant le signe d'ordre, l'apprenti Franc-maçon plaçant sa main sous sa gorge symbolise le fait d'empêcher ses passions et les pulsions de son corps de venir perturber le travail de son esprit et le cas échéant d'altérer ses capacités de jugement. Le compagnon en plaçant son bras gauche en double équerre (coude et épaule) symbolise la rectitude et la droiture du Francmaçon. En complément des signes d'ordres, les signes pénaux sont aussi des symboles lourds de sens; jurer de se donner la mort si d'aventure nous transgressions notre serment de secret en se coupant la gorge (la main droite représentant le couteau) ou en s'arrachant le coeur avec notre main droite les doigts repliés pour symboliser une griffe. Avec les signes, les attouchements permettent aux Francs-Maçons de se reconnaître. En l'exécutant l'apprenti ou le compagnon signifie sa demande du mot sacré et révèle ainsi sa qualité de Franc-Maçon. Les mains jouent aussi un rôle essentiel lorsqu'à la fin de chaque tenue nous nous assemblons pour former la chaîne d'union. Symbole fort de l'union entre frères, de la fraternité, de l'égrégore que nous cherchons à former dans nos loges. Les mains sont aussi un lien essentiel entre notre esprit et la matière, car symboliquement elles sont le trait d'union entre notre esprit et la pierre brute, en permettant la transmission de notre volonté de perfectionnement en actions réelles, visibles et mesurables. Elles sont aussi de vrais outils qui peuvent servir à pincer, saisir, frapper. Enfin elles participent à notre communication se joignant à nos paroles pour renforcer nos propos et faire partager nos convictions, pour illustrer notre discours, pour attirer l'attention de nos auditeurs. Pendant la cérémonie de passage au grade de compagnon elles sont pleinement employées lors des quatre premiers voyages en se saisissant de nos outils de bases, maillet, ciseau, équerre, compas, règle, Levier, fil à plomb et niveau. Les voyages Le premier en tenant fermement le Maillet et le Ciseau qui nous a permis au tout début de notre vie maçonnique de tailler la pierre brute, notre pierre brute. Ce premier voyage fut aussi l'occasion d'être sensibiliser aux cinq sens (Odorat, Vue, Ouïe, Goût et Toucher) et de se rappeler l'usage du maillet et du ciseau pour exprimer notre volonté et notre discernement, en se rappelant qu'il est primordial de travailler le « connait-toi toi-même ». Le second en utilisant la Règle et le Levier pour découvrir les cinq ordres architecturaux (Ionique, Dorique, Corinthien, Toscan et Composite). C'est l'occasion pour le compagnon d'être en contact avec un nouvel outil, le levier, qui lui permettra de déplacer les pierres servant à édifier le temple. Le levier permet de décupler notre volonté et de triompher de tous les obstacles. Le thème de l'architecture présenté lors de ce voyage rappelle à la fois la tradition des bâtisseurs remontant dans le temps mais aussi la nécessité d'élever ses constructions dans un objectif d'harmonie et de beauté. Le troisième voyage très symbolique pour le compagnon par les outils qui lui sont remis par le frère expert : le fil à plomb et le niveau, pour passer de la verticalité à l'horizontalité, d'une introspection de soi-même à la découverte du monde et des autres. Le programme d'étude proposé lors de ce voyage au travers des 7 arts libéraux : Grammaire, Rhétorique, Logique, puis, Arithmétique, Géométrie, Astronomie et Musique, montre au compagnon l'étendu des thèmes qu'il doit aborder. Le compagnon peut ainsi mesurer la diversité des sujets, leur complétude, le chemin qui lui reste à parcourir. A la fin du quatrième voyage accompagné d'une équerre symbole de rectitude et complémentaire au fil à plomb et au niveau dans l'élévation de notre édifice nous découvrons les noms de quelques grands maîtres spirituels : Moïse, Pythagore, Socrate, Jésus, Koung-Fou-Tseu, maillons de la chaîne des initiées depuis la nuit des temps. Autant d'exemples dont nous pouvons nous inspirer pour guider nos travaux et qui peuvent nous accompagner sur notre chemin. Enfin le cinquième dernier voyage et premier à être effectué sans outil nous a permis de redécouvrir un des éléments essentiels de la Franc-Maçonnerie, le travail, au travers de la maxime : Gloire au travail. Je reviendrai à la fin de cette planche sur ce sujet, central dans nos loges. Mais pourquoi le compagnon finit-il son cinquième voyage les mains libres ? Quel est le sens de tout cela ? Quelle symbolique se cache derrière ? Cela veut-il dire que le temps du travail est terminé et que celui de repos commence ? Le compagnon ayant utilisé tous ses outils, la pierre étant taillée, peut-il, doit-il s'arrêter de travailler ? Ou bien, est-ce que le compagnon a maintenant acquis suffisamment d'expertise pour se passer des outils et continuer son travail les mains libres sans aucune entrave ? Je pense que le compagnon après la phase d'apprentissage a acquis suffisamment de dextérité pour choisir entre plusieurs outils et n'est plus seulement focalisé sur sa pierre brute. Il peut et doit se consacrer à son entourage, au monde environnant et travailler sur d'autres plans que la verticalité. C'est notamment ce que lui permet le niveau et le levier. Les mains libres lui permettent donc de changer d'outils à sa guise ou selon ses besoins et de se consacrer à d'autres travaux. En effet, comme le lui ont montrés les quatre premiers voyages, il devra utiliser aussi tous ses sens et étudier les arts architecturaux traditionnels, les arts libéraux, les travaux des grands initiés. La vocation du compagnon étant le voyage et au-delà de ces cinq premiers il devra parcourir le monde afin de se confronter à d'autres réalités, de partager les expériences, de s'enrichir spirituellement des rencontres qu'il fera. Est-ce que justement ses mains libres ne vont-elles pas favoriser les rencontres, ne vont-elles pas lui permettre de ramener de ses voyages toutes les découvertes qu'il va y faire, d'amasser tous les trésors spirituels que chaque rencontre va lui apporter ? C'est dans ce sens aussi que l'on peut je pense interpréter ce symbole : libre pour recevoir, libre pour échanger, libre pour accueillir. Les mains libres sont aussi à rapprocher de la notion de liberté et d'homme libre que le compagnon à commencer à acquérir depuis son initiation. Nous avons pu travailler à nous affranchir de nos préjugés et ainsi mieux comprendre notre entourage, nous avons commencé à nous libérer. C'est à ce niveau que les mains libres se distinguent des mains nues ou vides. En effet libre ne veut pas dire vides qui pourrait sous-entendre que le compagnon est un être désœuvré. Bien au contraire, le compagnon va devoir mettre les bouchées doubles pour accomplir son devoir, gagner son salaire et mériter peut-être ses galons de maître. Revenons un instant sur le cinquième voyage, à l'issue duquel et contrairement aux autres, il n'est pas proposé au compagnon un thème particulier d'étude mais une simple maxime : Gloire au Travail. Pourquoi cette maxime est-elle affichée à ce moment-là, à la fin de la cérémonie comme un point d'orgue ? Cela signifie-t-il que le travail du compagnon doit continuer sans relâche comme le stipule notre rituel ? La franc-maçonnerie a pour objectif d'améliorer les conditions morales et intellectuelles de notre société dans un mouvement de progrès et de perfectionnement incessant et perpétuel. Cet objectif ne peut être atteint (pour autant qu'il ait une fin) qu'à la force de notre travail, essentiellement personnel partant du principe que pour changer l'ensemble nous devons faire évoluer chaque partie. Pour construire notre temple, chaque pierre devra avoir été taillée, rectifier, polie, puis assemblée. Conclusion Notre Travail Maçonnique est donc avant tout un moyen de perfectionnement, un instrument pour la recherche de la vérité. Car s'il est vrai que nous faisons référence à « connais-toi toi-même » (ce qui est essentiel pour espérer progresser), il me semble que pour se perfectionner il faut aussi travailler collectivement comme nous le faisons lors de nos tenues pour partager, transmettre, s'encourager et s'entre-aider. Le Travail est omni présent dans notre rituel et nous rappelle que toutes les minutes doivent être pleines et qu'il doit s'accomplir à l'intérieur comme à l'extérieur du temple. Ce Travail que nous réalisons sur nous-mêmes, que nous partageons et transmettons n'est pas une contrainte et doit continuer sans relâche, car sans lui pas d'avancée possible sur le chemin de la vérité et de la lumière. Il est important, en effet, de le glorifier et je partage sans aucun détour le fait que la Franc-Maçonnerie le fasse, allant jusqu'à en en faire une religion, permettant d'établir ainsi une relation entre le Franc-Maçon et le Grand Architecte De L'Univers. Je l'ai évoqué en introduction, le travail a toujours été un des moteurs de ma vie. Je suis persuadé que seul ce dernier peut permettre de nous élever, et pas seulement matériellement, dans la société et ainsi contribuer au perfectionnement de celle-ci. Il m'est venu à l'esprit une citation de Brancusi que je trouve appropriée, je cite « Crée comme un Dieu, Ordonne comme un Roi, Travaille comme un esclave ». Je ne crois pas que Brancusi ait été Franc-maçon mais je trouve que cette phase contient plusieurs notions proches de nos préoccupations et tisse un lien entre le principe créateur et le Travail du Maçon en passant par l'ordonnancement des choses de ce monde. En effet, crée comme un Dieu avec sagesse et beauté, ordonne comme un Roi avec force et vigueur et travaille comme un esclave sans ménager ta peine de midi à minuit. Le travail est le meilleur outil du perfectionnement le seul peut-être et le perfectionnement est un de nos objectifs, alors comment faire sans lui ? Comment espérer progresser, se transformer en restant inactif ? N'est-ce pas là notre sort : rectifier, tailler, vérifier notre rectitude. Enfin j'ai beaucoup lié la notion de travail à l'action, au mouvement. Cela ne signifie pas part qu'il faille s'agiter que le travail soit efficace et productif, cela n'est ni nécessaire, ni suffisant et qu'à l'inverse l'immobilité ne peut être considérée comme un travail dans la mesure où elle nous permet de contempler ou de méditer et donc de travailler sur un autre plan. On voit là que sont liés ces trois symboles que sont les mains, la liberté et le travail. Les Mains car elles sont le moteur de nos convictions, de notre volonté. La Liberté car tout travail doit être réalisé dans un objectif de perfectionnement, avec discernement, sans préjugé, autre que celui de progresser. Le Travail car sans lui rien de se fera, seul l'immobilisme régnera, pire nous régresserions, ce qui est à l'inverse de nos objectifs et de notre raison d'être. J'ai dit.