APECinfos MAÎTRISE DE PARIS - Association des Parents d`Eleves

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APECinfos MAÎTRISE DE PARIS - Association des Parents d`Eleves
APEC infos
N°30 Mai 2000
ASSOCIATION DES PARENTS D’ELEVES, ELEVES, ANCIENS
ELEVES ET AMIS
DU CONSERVATOIRE SUPERIEUR DE PARIS – CNR
Association membre de la FNAPEC*
Numéro spécial
MAÎTRISE DE PARIS
SOMMAIRE
- Editorial
Page 1
- La Maîtrise de Paris a 20 ans
Page 2
- Les grands concerts de la Maîtrise
Page 2
- Le Conseil d’Administration
Page 3
- L’équipe pédagogique
Page 3
- Interview de Patrick MARCO
Page 3
- Interview de Marie-France GOUGEON
Page 4
- Voix de l’enfant et enseignement vocal
par Annie-Béatrice LEPRE
Page 5
- Interview de Virginie DAO
Page 9
- Interview de David DUPIRE
Page 9
EDITORIAL
PAR JACQUES TADDEI
DIRECTEUR DU CONSERVATOIRE
SUPERIEUR DE PARIS – CNR
complet de l'établissement avec une vaste salle de
chœur dotée d'un orgue, depuis notre installation
dans les nouveaux locaux du 14, rue de Madrid en
1996. A la rentrée prochaine, elle pourra utiliser les
locaux situés au rez-de-chaussée dans le nouveau
bâtiment face à notre petit jardin "cloître".
En tant que président, j'ai toujours eu beaucoup de
plaisir à favoriser le développement et le
rayonnement de la Maîtrise et soutenir l'action de son
directeur musical, Patrick Marco, dont j'apprécie les
qualités humaines et musicales. En tant que directeur
du Conservatoire Supérieur de Paris, j'ai eu à cœur
de renforcer ses structures pédagogiques et de
permettre aux classes maîtrisiennes d'intégrer les
classes instrumentales et vocales du Conservatoire
pendant et à l'issue de leurs études.
La Maîtrise de Paris s'intègre ainsi harmonieusement
dans l'ensemble des études du Conservatoire. Je me
réjouis que vos enfants puissent y trouver leur
épanouissement, tant sur le plan artistique que sur le
plan humain.
Il y a plus de dix ans maintenant, préoccupé par la
situation et l'installation précaire des Petits
Chanteurs de Paris, j'ai suggéré de les associer au
Conservatoire.
La Ville et l'Etat ayant accepté l'intégration
pédagogique que je proposais, la Maîtrise, devenue
Maîtrise de Paris et département du Conservatoire
Supérieur de Paris - CNR, dispose d'un étage
*
Fédération Nationale des Associations de Parents d’Élève de Conservatoires et Écoles de Musique
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Mai 2000
LES GRANDS CONCERTS
DE LA MAÎTRISE DE PARIS
LA MAÎTRISE DE PARIS
A 20 ANS
La Maîtrise de Paris a été fondée en 1980, à l'initiative de la
Mairie de Paris et du Ministère de la Culture, sous le nom des
Petits Chanteurs de Paris. Elle ne comprenait à l'origine que des
garçons; elle est devenue mixte en 1992 et compte aujourd'hui
73 enfants, qui sont en majorité des filles. 33 élèves font partie
du Chœur Préparatoire et 40 du Chœur de Chant.
Depuis dix ans, la Maîtrise de Paris est un Département du
Conservatoire Supérieur de Paris - CNR. Comme les
instrumentistes, les Maîtrisiens suivent, le matin, une scolarité
normale (du CM1 ou CM2 à la Terminale), dans l'un des
établissements scolaires parisiens dotés de classes à horaires
aménagés; l'après-midi, ils reçoivent au Conservatoire une
formation musicale complète et gratuite : chant choral, technique
vocale, solfège, pratique instrumentale (piano, orgue, flûte à bec,
flûte traversière…), avec éventuellement un second instrument.
Recrutés à partir de huit ans, garçons et filles intègrent le Chœur
Préparatoire ou le Chœur de Chant, en fonction de leur niveau
vocal, et sont encadrés par une équipe de professionnels de la
voix. Patrick Marco en assure la direction musicale depuis la
création.
Le professionnalisme des enfants de la Maîtrise de Paris est bien
connu. A leur entrée au Chœur de Chant, ils sont initiés à la
pratique du concert et se produisent régulièrement en France et
à l'étranger avec de prestigieux chefs et orchestres; ils participent
à des productions lyriques et à des créations mondiales. Leur
répertoire très large leur permet d'aborder tous les styles, de la
musique ancienne à la musique contemporaine.
Clarté, fraîcheur des voix, émotion, possession de leur art
caractérisent, avec une force expressive très vive, leur
interprétation des œuvres des grands compositeurs.
LA MAÎTRISE A L'HONNEUR
La Maîtrise de Paris s'est vu décerner
le prix de chant choral Liliane Bettencourt de
l'Académie des Beaux-Arts, qui lui a été
remis solennellement le 24 novembre1999,
sous la coupole de l'Institut.
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H
Les Maîtres de Chapelle au XVIIè siècle
(Festival d'Ile-de-France, décembre 1987)
H
Xè anniversaire de l'IRCAM (avril 1987)
H
Le Grand Echiquier, avec R. Raimondi (déc. 1989)
H
Symphonie n°3 en ré mineur et Symphonie n°8 en mi
bémol majeur (Des mille) de Gustav Malher
(Théâtre du Châtelet, avril 1989)
H
Musique du XXè siècle avec l'ensemble Aleph (1989)
H
Prestige de la musique : La Dame de pique
de Tchaïkovski (Salle Pleyel, mars 1990)
H
Requiem de Fauré, dir. Michel Corboz
(Eglise de la Trinité, 1992)
H
Le Tombeau de Gilles de Rais d'Edith Canat de
Chizy (création, Festival d'Avignon, juillet 1993)
H
Bicentenaire Palestrina, concert et disque
avec l'ensemble vocal Sagittarius (1993)
H
Prestige de la musique : War Requiem
de Benjamin Britten (Salle Pleyel, 1993)
H
La Femme sans ombre de Richard Strauss
(Théâtre du Châtelet, 1994)
H
Carmina Burana de Carl Orff (Salle Pleyel, 1995)
H
Festival d'Art Sacré : Les Vêpres solennelles
et la Messe du Couronnement de W. A Mozart
(Eglise Saint-Séverin, 1995)
H
Ceremony of Carols de Benjamin Britten, avec
Marielle Nordmann, harpiste (Salle Gaveau, 1995)
H
Le Tour d'Ecrou de Benjamin Britten
(Opéra Comique, 1996)
H
Messe de l'Ascension, d'Edith Canat de Chizy
(création, 1996)
H
L'Enfant et les Sortilèges de Maurice Ravel
(Tremblay-en-France, Saint-Germain-en-Laye, RueilMalmaison et Valence, 1996)
H
Festival d'Art Sacré : Let' s Begin Again, dir. John
Tavener (création, Eglise Saint-Eustache, nov. 1996)
H
Concert de Noël, avec Barbara Hendricks et
Eric Ericson (Palais des Congrès, déc. 1996)
H
Requiem de Maurice Duruflé, dir. Didier Benetti
(Eglise Sainte-Clotilde, avril 1997)
H
Festival des Musiques Sacrées du Monde,
avec Soeur Marie Keyrouz (Fez, mai 1997)
H
Magnificat de J.-S. Bach (Eglises de Saint-Germaindes-Prés, Saint-Louis-en-l'Ile et Notre-Dame-duTravail, juin 1997)
Mai 2000
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H
Pawana de J.-M. G. Le Clézio (Théâtre National de
l'Odéon, 1997)
H
Festival d'Art Sacré : Messe de l'Aurore, dir. Marcel
Landowski (Eglise de la Trinité, déc. 1997)
Directeur musical
Patrick MARCO
Chœur Préparatoire
Marie-France GOUGEON
H
Brundibar de Hans Krasa
(Opéra Bastille, mars 1998)
Chef de chant
Catherine CHARLES
Accompagnateur
Pierre ASTOR
H
Festival d'Auvers-sur-Oise : Regina Coeli et
Requiem de W.A Mozart (mai 1998)
Technique vocale
H
War Requiem de Benjamin Britten
(Cathédrales de Dijon et de Reims, juin 1998)
M.-Christine DEMANGEL
Annie-Béatrice LEPRE
Sylvie PORTAL
Chœur Préparatoire
Sophie GEOFFROY-DECHAUME
H
L'An Mil de Gabriel Pierné (Salle Pleyel, nov. 1998)
Solfège
Virginie DAO
H
Festival d'Art Sacré : Angelus Domini et Nunc
dimittis (création) de Renaud Gagneux
(Eglise Sainte-Clotilde, déc. 1998)
Piano complémentaire
David DUPIRE
Sylvie MALLET
Emmanuelle MOUTIER
H
Litanies à la Vierge Noire et Gloria de Fr. Poulenc
(Conservatoire Supérieur de Paris-CNR, mars 1999)
Secrétariat
Michèle BAUTIAN
H
Journal d'un Usager de l'espace II de Didier
Lockwood (Opéra Bastille, mai et novembre 1999)
H
Festival d'Art Sacré : M. Ohana, J. Brahms,
F. Mendelssohn (novembre 1999)
H
Concert Charité 2000 : Beatus Vir de H.M. Gorecki,
dir. John Nelson (Notre-Dame de Paris, mars 2000)
L'EQUIPE PEDAGOGIQUE
_______________________________
Plusieurs professeurs ont accepté de répondre aux questions de
l'APEC ou de rédiger un article pour ce numéro spécial
Maîtrise. Nous leur en sommes très reconnaissants et tenons à
les remercier ici vivement.
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INTERVIEW DE PATRICK
MARCO
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DIRECTEUR MUSICAL DE LA MAÎTRISE
LE CONSEIL
D'ADMINISTRATION
DE LA MAÎTRISE
Président :
Vice-Présidents :
Secrétaire :
Trésorier :
Administrateurs :
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•
•
•
APEC - Pourriez-vous vous présenter ?
P. M. - Comme vous le savez, j'ai été nommé chef de chœur de la
Maîtrise à ses tout débuts. J'en suis devenu le Directeur musical en
1984. J'ai moi-même fait des études de violoncelle, d'harmonie, de
musique de chambre et de chant choral et me suis spécialisé dans la
direction de chœur avec Michel Piquemal. Au Conservatoire Supérieur
de Paris - CNR, je suis également Directeur musical du Département de
Direction de chœur depuis 1993. Je dirige par ailleurs des stages de
chant choral et lyrique et collabore avec les grands orchestres pour la
préparation des chœurs, comme par exemple le Chœur de l'Orchestre
Colonne. J'ai aussi fondé en 1990 un ensemble vocal, Le Paris Consort.
- M. Jacques TADDEI
- M. Gilles CANTAGREL
- M. George SCHNEIDER
- Mme Bernadette GREGOIRE
- M. Henri LAGRANGE
- M. Jean-Louis FLORENTZ
- M. Renaud GAGNEUX
- Mme Sabine VATIN
- Mme Bernadette SATIN
- les représentants de :
APEC - La Maîtrise a été fondée en 1980. Voudriez-vous nous
rappeler ce qui a motivé sa création ?
P. M. - Il y a vingt ans, la France manquait d'un chœur d'enfants
capable de se hisser au rang des meilleurs ensembles étrangers, tels que
les maîtrises anglaises, les Petits Chanteurs de Vienne ou l'Escolania de
Montserrat.
Le premier souci des fondateurs a été de traduire dans les faits cette
exigence de qualité. Il a donc été décidé de renouer avec la tradition
plus que millénaire des "écoles maîtrisiennes" des cathédrales, où
étaient dispensées la formation musicale par la voix et la polyphonie
vocale en complément de l'enseignement général. C'est la révolution de
1789 qui marqua le déclin de l'institution.
A quelques exceptions près - Maîtrise de Notre-Dame de Paris et
Maîtrise de la Cathédrale d'Angers -, il fallut attendre 1948 et la création
de la Maîtrise de la Radio (qui fut la première maîtrise laïque) pour
qu'un montage pédagogique voisin de celui des maîtrises anciennes soit
réalisé dans le cadre de l'Education Nationale avec des aménagements
d'horaires. C'est ainsi que la Maîtrise de Paris a pu bénéficier du mitemps pédagogique, actuellement accordé à nos élèves.
M. le Maire de Paris :
la Direction des Affaires Culturelles de la Ville de Paris :
- M. Philippe MORAS
la Direction Régionale des Affaires Culturelles :
- M. Pierre COSTES
la Direction de la Musique et de la Danse du Ministère de
la Culture
la Direction de l'Académie de Paris
la FNAPEC :
- Mme Simone du BREUIL
l'APECSP-CNR :
- Mme Marieke HOUSSEAU
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APEC - A-t-elle gardé un statut particulier, en devenant un
département du Conservatoire ?
P. M. - Oui, en effet. La Maîtrise est un département du CSP - CNR à
part entière et, à ce titre, elle bénéficie de ses infrastructures. Il n'en est
pas moins vrai qu'elle a conservé le statut particulier d'association loi de
1901, qu'elle avait à sa fondation. C'est ainsi qu'elle est gérée par un
Conseil d'Administration, qui est actuellement présidé
par
M. Taddei et où siège statutairement Mme Housseau en tant que
représentant de l'APEC. La Maîtrise de Paris a son budget propre et elle
fonctionne grâce essentiellement aux subventions de la Ville de Paris et
de la Direction Régionale des Affaires Culturelles. Il faut savoir que les
trois quarts de son budget servent à rémunérer la part du corps
enseignant qui n’est pas pris en charge par la Ville pour son
Conservatoire. J'en profite d'ailleurs pour préciser aux parents, qui ne
le sauraient pas, qu'en principe les Maîtrisiens ne touchent aucune
rémunération pour les concerts, représentations ou productions diverses
auxquels ils participent, car les prestations font partie de leur formation.
Vous me direz que les élèves de la Maîtrise de Radio France perçoivent
des indemnités pour leur participation aux activités de Radio France,
mais la situation est très différente : cette Maîtrise a un statut de chœur
professionnel permanent.
P. M. - Cette question a été abordée à l'initiative de l'APEC au dernier
Conseil d'Administration et a suscité beaucoup d'intérêt de la part de ses
membres. Un cours de chant "intermédiaire" semble difficile à mettre
en place dans l'état actuel des moyens financiers de la Maîtrise de Paris.
Cependant l'idée d'une formation de choriste professionnel va être
creusée.
APEC - Comment la Maîtrise a-t-elle évolué depuis sa création ?
P. M. - Au cours de ces vingt années la Maîtrise a beaucoup évolué.
Dès sa création, elle a connu du succès et a donc rapidement grandi en
effectifs, puisque de 10 enfants au début, elle est passée cette année à
73 élèves. Mais c'est surtout sa physionomie qui a changé avec l'arrivée
des filles. Dans les premières années, j'ai été assez vite confronté au
problème de la mue des garçons, car elle pouvait remettre en cause à
tout moment l'équilibre du chœur. D'où l'intégration des filles, qui
paradoxalement sont devenues majoritaires. Non pas que les garçons
soient exclus, bien au contraire, et je suis d'ailleurs satisfait d'avoir pu
accueillir plusieurs garçons au Chœur Préparatoire à la dernière rentrée.
Il semble simplement que l'enseignement choral ne soit plus considéré
de nos jours comme une formation "sérieuse" pour les garçons et bien
des familles, mal informées, s'imaginent que nous renvoyons les
adolescents à leur mue. Ce qui est totalement faux. Les garçons peuvent
tout à fait rester jusqu'à la Terminale : ils apprennent à gérer leur mue,
notamment en chantant en voix de tête. Ils ont également la possibilité
de poursuivre, s'ils le souhaitent et si leur niveau le permet, un cursus
instrumental au Conservatoire. Je peux vous citer un certain nombre de
cas.
__________________________________________________
APEC - Quels sont les projets pour la Maîtrise ?
P. M. - Je peux vous annoncer que la Maîtrise vient de se voir
officiellement rattachée au Théâtre du Châtelet comme chœur d'enfants
: à ce titre elle participera régulièrement à des représentations et se
produira dès le mois de novembre 2000 dans Hänsel und Gretel de
Engelbert Humperdinck. Des cours d'expression corporelle devraient
pouvoir être assurés pour aider les élèves à se présenter sur scène.
Par ailleurs une tournée aux Etats-Unis est prévue au mois de juillet
prochain : hélas, je ne pourrai emmener que 18 ou 20 enfants ! Nous
avons également reçu une invitation pour nous produire à Montserrat en
Espagne en novembre 2000. Enfin, comme vous me l'avez suggéré, il
serait sympathique d'organiser une manifestation à l'occasion du
vingtième anniversaire de la Maîtrise et j'aimerais notamment y faire
participer les anciens Maîtrisiens. Je compte sur les parents pour mettre
en œuvre ce projet.
INTERVIEW DE M.-F. GOUGEON
RESPONSABLE DU CHOEUR
PREPARATOIRE
APEC - Pourriez-vous vous présenter ?
M-F. G. - J'ai suivi des études musicales classiques (piano, chant,
harmonie et préparation au CAPES d'éducation musicale) au CNR de
Reims. Au cours de mes études, j'ai eu l'occasion de travailler
régulièrement avec le Maître de chapelle de la Cathédrale de Reims et
d'assurer quelques cours à la Maîtrise de la Cathédrale : c'est là que j'ai
attrapé le "virus" du chœur d'enfants. A Paris, j'ai intégré le cadre des
professeurs d'enseignement musical de la Ville de Paris et je me suis
passionnée pour l'initiation à la musique des jeunes enfants.
J'ai été appelée, en 1991, à m'occuper du Chœur Préparatoire de la
Maîtrise de Paris et, aujourd'hui, je suis toujours aussi heureuse du
travail que je fais avec les petits Maîtrisiens. Cependant j'ai conservé
une mission à la Direction des affaires scolaires de la Ville, où j'assure
la coordination des actions d'animations musicales des professeurs et
des élèves des écoles élémentaires parisiennes : j'ai pu organiser, par
exemple, un concert, Place des Vosges, avec 600 écoliers parisiens pour
la Fête de la Musique.
APEC - Il y a plusieurs niveaux dans le Chœur de Chant. Pourriezvous les distinguer ?
P. M. - Oui, le Chœur de Chant comporte deux niveaux, celui des
débutants et le degré dit Supérieur, auquel les Maîtrisiens accèdent vers
14-15 ans. Mais l'âge de passage varie d'un enfant à l'autre, en fonction
de son développement physique, de son épanouissement vocal, de sa
motivation personnelle...
APEC - Voudriez-vous nous expliquer en quoi consiste le cursus du
Chœur Préparatoire ?
M-F. G. - Le cursus idéal s'étale sur trois ans, du CM1 à la 6ème, et doit
être entamé le plus tôt possible. Bien entendu, il est variable suivant les
enfants : certains resteront quatre années; pour d'autres, entrés un peu
plus tard et qui ont déjà fait de la musique, deux ans peuvent suffire.
Pour l'entrée au Chœur Préparatoire, des qualités musicales sont certes
requises, mais pas obligatoirement une formation préalable. L'enfant
doit avoir une voix saine, claire et juste, de l'oreille, du rythme et... de
la motivation !
APEC - Quel avenir professionnel les Maîtrisiens peuvent-ils
envisager ?
P. M. - Là encore, cela diffère pour chaque élève. La plupart viennent
à la Maîtrise pour acquérir une solide formation musicale. Par la suite
un certain nombre poursuivent un cursus d'instrumentiste ou intègrent
un cours de chant en conservatoire. Quelques-uns connaissent un
parcours encourageant, comme ce jeune homme qui est entré dans le
Chœur de Radio France ou cette jeune fille qui, dès sa sortie de la
Maîtrise, a réussi le concours d'entrée dans le cours de chant de Fusako
Kondo et qui, au bout de trois ans, vient d’être admise au CNSM de
Paris. Mais tous les Maîtrisiens n'ont pas forcément vocation à devenir
des choristes professionnels ou des chanteurs lyriques. Il y a d'autres
débouchés possibles, tel l'enseignement du chant ou la direction de
chœur, par exemple.
APEC - Quelle formation reçoivent les élèves du Chœur
Préparatoire ?
M-F. G. - J'assure pour les élèves du Chœur Préparatoire le cours de
polyphonie, dont l'objectif principal est d'apprendre aux enfants à se
situer à l'intérieur d'un chœur. La formation est essentiellement vocale,
mais le travail de l'oreille est primordial, car les enfants devront
progressivement savoir s'écouter et écouter les autres de manière à
parvenir à un son homogène, à développer la personnalité de leur voix,
tout en la modulant en fonction de la qualité d'ensemble recherchée. Les
enfants étant au début de leur formation à la technique vocale (ils
bénéficient d'un cours individuel hebdomadaire avec un professeur de
APEC - Ne pensez-vous pas qu'il manque au Conservatoire un
maillon intermédiaire, qui permettrait aux Maîtrisiens qui se
destinent au chant, de préparer les concours du Supérieur ou
d'intégrer un chœur professionnel ?
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technique vocale), il est un peu prématuré de les classer et de les
spécialiser en différents pupitres selon le timbre ou la tessiture
spécifiques de leur voix. Répartis en trois groupes, ils changent de voix
à chaque partition, passant donc régulièrement de la voix la plus grave
à la voix la plus aiguë, ce qui a l'avantage de les habituer à se situer
différemment dans la polyphonie, sans risque de fatiguer, de forcer ou
de s'abîmer la voix.
Paris. Enfin nos petits Maîtrisiens sont régulièrement sollicités pour
chanter dans le cadre d'un stage d'une semaine organisé pour la
formation au chant choral des professeurs de la Ville de Paris.
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VOIX DE L'ENFANT
ET ENSEIGNEMENT VOCAL
A LA MAÎTRISE DE PARIS
Enfin il est important de former le goût musical des jeunes Maîtrisiens,
de leur apprendre à chercher et à sentir la musicalité dans une pièce, à
en saisir le style, à en réaliser le phrasé, les nuances... Pour cela je
choisis bien sûr un répertoire à leur portée. Il n'est pas question de les
lancer trop tôt dans des partitions trop difficiles et qui dépasseraient
leurs compétences : un répertoire apparemment plus facile n'en est pas
moins intéressant musicalement parlant. Par contre l'occasion leur est
souvent donnée d'aborder des partitions plus complexes lorsqu'ils sont
amenés à chanter avec le Chœur de Chant; de se trouver soutenus et
entraînés musicalement par les plus grands, l'expérience est toujours
enrichissante.
PAR ANNIE-BEATRICE LEPRE
PROFESSEUR DE CHANT
ET DE TECHNIQUE VOCALE
En réponse aux questions posées par l'APEC
En préambule, je souhaite rendre hommage ici aux deux grands maîtres
qui ont si largement contribué à faire de moi un professeur de chant
heureux de la profession qu'il exerce, parfaitement à l'aise dans son
enseignement, enthousiaste et comblé par son inépuisable source
d'invention pédagogique et musicale, la richesse des contacts humains
qu'il autorise. Tout d'abord mon maître et ami Paul von Schilhawsky, du
Mozarteum de Salzbourg, malheureusement disparu en 1995, pour nos
dix années de travail sur l'interprétation de la musique sacrée, du
répertoire mozartien et de la musique romantique allemande et
autrichienne. Et puis, Richard Miller pour les deux années de formation
à la pédagogie de la voix, denses et riches, dont j'ai eu le privilège de
bénéficier et le travail vocal que nous avons fait ensemble.
APEC - Les enfants du Chœur Préparatoire passent-ils tous au
Chœur de Chant ?
M-F. G. - Il faut savoir que les enfants n'ont pas tous vocation à entrer
au Chœur de Chant. Le passage d'un enfant est fonction de multiples
paramètres. Il faut bien entendu avoir acquis un bon niveau musical et
vocal, mais il est nécessaire aussi de faire preuve de qualités d'attention,
de concentration, de curiosité, d'une attitude positive et équilibrée,
composée à la fois de calme, de patience ainsi que de dynamisme et de
motivation active.
Les enfants ne développent pas tous ces capacités idéales et il est
souvent difficile de pronostiquer "à coup sûr" ce que sera l'évolution
d'un enfant. Il arrive que pour certains l'enthousiasme des débuts
s'émousse devant les difficultés, la rigueur et les efforts demandés; la
fatigue et l'ennui s'installent parfois, compromettant bien sûr la
poursuite de la progression. Par expérience, je peux vous assurer que,
si un enfant s'ennuie au Chœur Préparatoire, c'est qu'il n'est pas
foncièrement intéressé par l'activité chorale. Je conseille à ces enfants
de quitter la Maîtrise et de continuer à pratiquer la musique de manière
moins intensive ou de se motiver pour une autre activité. Il faut
toutefois faire attention que le non-passage ou le départ ne soit vécu
comme un échec de la part de l'enfant.
Ma carrière de pédagogue du chant débute en 1980, d'abord à la Schola
Cantorum, tout en continuant, en parallèle, une autre carrière dans les
cabinets ministériels. En 1989-1990, j'ai présenté les épreuves du C.A.
de technique vocale et abandonné définitivement mon long parcours
administratif à Matignon. Une fois mon C.A. en poche, j'ai recherché
une classe de chant vacante, facilement accessible depuis Paris. J'ai
donc accepté le poste qui m'était offert dans une Ecole Nationale de
Musique de Basse-Normandie. C'est à cette occasion, par hasard et sous
la "contrainte", que je me suis trouvée confrontée pour la première fois
à la voix de l'enfant.
Ce poste incluait, en plus de la responsabilité de la classe de chant, de
consacrer quelques heures à la maîtrise de l'école, c'est-à-dire, dans la
réalité, à jouer le rôle de chef de chœur pour les enfants des classes de
formation musicale. Je n'avais jamais rien dirigé de ma vie ! jamais fait
partie d'un chœur, sauf quelques productions du Théâtre du Capitole,
dans le cadre de mes études au CNR de Toulouse, quelques vingt-cinq
années en arrière ! Pour comble, je n'allais disposer d'aucune aide dans
l'établissement, ni d'aucune partition ! Enfin, la plupart des enfants de
l'école de musique ne souhaitaient pas alourdir leurs activités du
mercredi par ce cours "obligatoire". Une petite fille était d'ailleurs
entrée violemment dans ma classe en me criant avec colère : "C'est ici
le chant obligatoire ?" Elle a refermé la porte : je ne l'ai plus revue.
Mais, comme dit le proverbe : "à quelque chose malheur est bon". Deux
mois après, j'entrais à l'hôpital - sans lien de cause à effet avec ce qui
vient d'être dit précédemment - et, à mon retour, "ma maîtrise" s'était
volatilisée ! Il me restait deux sopranos : un garçon et une fille d'une
dizaine d'années, adorables et motivés, qui ne m'ont jamais fait grâce
d'une seule minute de leur cours. Nous avons donc fait du chant, du
chant, encore du chant et c'est auprès d'eux que j'ai découvert les
spécificités de la voix d'enfant, dont la différence avec celle de l'adulte
femme ne tient, à mon sens, qu'à l'état de miniaturisation de
l'instrument.
L'année suivante, j'ai accueilli deux groupes d'enfants : un très jeune,
entre 5 et 8 ans, dont deux enfants présentaient des déficiences
auditives, l'une doublement appareillée; l'autre composé d'enfants de 8
à 13 ans.
APEC - Vos élèves travaillent-ils avec des partitions ? Doivent-ils
travailler à la maison ?
M-F. G. - Le travail avec les partitions fait partie de leur formation. Les
élèves doivent apprendre à utiliser intelligemment une partition :
comme ils forment leur oreille à se situer dans la polyphonie, ils doivent
former les yeux à suivre le guide que constitue la partition, tout en les
gardant disponibles pour suivre le chef de chœur. C'est tout un ensemble
de réflexes qu'il faut acquérir en jouant en permanence avec la lecture,
l'oreille et la mémoire auditive et visuelle. Enfin la partition est le
support qui permet d'analyser la musique et la polyphonie, de l'annoter,
de la travailler.
Le travail effectué à la Maîtrise est assez dense pour de tout jeunes
enfants, c'est pourquoi je ne leur donne pas de travail à la maison, sauf
exception.
APEC - Le Chœur Préparatoire participe-t-il à des manifestations
?
M-F. G. - Le Chœur Préparatoire n'a pas pour objectif de se produire,
mais il participe parfois à des représentations ou à des concerts avec le
Chœur de Chant, comme par exemple dans Le Journal d'un Usager de
l'espace II à l'Opéra Bastille ou plus récemment à la Cathédrale NotreDame de Paris pour le Concert Charité 2000. Cependant, afin de nourrir
et d'entretenir la motivation des enfants, je tiens à le faire participer, au
moins une fois par an, à une manifestation où il se présente avec son
propre programme. Ainsi il animera le 21 juin prochain, à la Salle des
Fêtes de l'Hôtel de Ville, la cérémonie de remise des prix du Maire de
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Nous avons débuté un vrai travail vocal et abordé quelques notions
basiques mais essentielles de physiologie de la voix chantée, avec un
vocabulaire "scientifique" adapté à la maturité des enfants. J'ai été
surprise de constater qu'ils accordaient à cette approche physiologique
un réel intérêt, que leur attention était captivée, leur capacité à
répertorier et modifier les comportements défectueux de posture,
soufflerie, articulation ou de résonance, aiguisée.
A défaut d'être dirigés, ils ont fait des progrès remarquables sur le plan
vocal. Nicole Corti, à l'occasion d'un stage de direction de chœur que
j'avais entrepris de suivre pour décrisper la situation, avait eu la bonne
idée de me dire : "Tu ne sais pas diriger (c'était clair pour moi aussi !)
, sers-toi de ta voix, fais les chanter". Cette parole a été salutaire pour
m'empêcher de sombrer dans la dépression du mauvais chef, lucide mais
ô combien malhabile. Heureusement je pouvais confier les enfants à un
vrai chef de chœur, à l'occasion des spectacles et concerts auxquels ils
ont participé, dont Carmen de Bizet, les Carmina Burana de Carl Orff.
répartissent l'ensemble des enfants de la Maîtrise : Christine Demangel,
Sophie Geoffroy-Dechaume, Sylvie Portal et moi-même.
Pour moi, dans cet échange privilégié et intime, je considère l'enfant
comme un chanteur soliste à part entière, en recherche de la conscience
de sa propre voix, de son propre timbre, de la correction des difficultés
vocales qui lui sont propres. C'est aussi grâce à cette approche
individualisée que toute "anomalie vocale" momentanée ou non peut
être décelée.
Pour l'enfant, c'est l'occasion de se responsabiliser davantage. De sortir
de l'abri confortable du chœur, où ses inévitables erreurs de notes, de
rythme ou de phrasé, ont plus de chance de passer inaperçues et où il
reste subordonné au chef de chœur qui assume, lui, l'entière
responsabilité des choix musicaux pour le chœur. Soudainement plongé
dans l'univers soliste, c'est pleinement responsable et à découvert, qu'en
prise directe avec sa seule voix, il va devoir contrôler son émission
vocale, respecter la partition qu'il interprète, créer sa propre expressivité
musicale.
Bien entendu, mes élèves sont très friands de ce moment où ils partent
à la conquête de leur voix. Ils quittent le monde familier et touffu de la
polyphonie pour celui intimiste de la voix soliste. Ils savourent, c'est
certain, cette occasion unique de s'abandonner à cette joie hebdomadaire
de n'être plus menés à la baguette, mais enfin placés sous la férule de
leur professeur de chant !
C'est à partir de cette toute neuve mais très riche approche du travail
vocal avec ces enfants, que s'est répandue, par Rachid Safir, directeur
du Centre d'art polyphonique d'Ile-de-France, l'assertion que j'étais "la
spécialiste de la voix de l'enfant". Cela m'a valu, et je l'en remercie,
d'intervenir dans d'innombrables formations destinées à des chefs de
chœur d'enfants, des candidats aux concours d'Etat de Direction de
chœur et de chant, des enseignants en milieu scolaire... et dans le même
temps de rejoindre le CSP-CNR et la Maîtrise de Paris, à la demande de
Patrick Marco, en recherche d'un second professeur de chant. J'y
enseigne depuis la rentrée 1992, déjà huit années scolaires.
Dès ma deuxième rentrée au CNR, j'ai pris en charge, en plus des
enfants qui m'étaient confiés individuellement, la responsabilité de la
formation vocale collective du Chœur de Chant.
LA MUE CHEZ LE GARCON
La Maîtrise de Paris est l'une des rares maîtrises à prendre en compte
l'aspect psychologique des difficultés du garçon en période de mue. Elle
ne le raye pas de ses listes en lui montrant la porte et il garde sa place
dans un des pupitres du chœur. Ce temps de non-rejet lui permet de
renoncer plus facilement au passé, puis de décider, de lui-même et sans
frustration, le moment de son départ de la Maîtrise. C'est excessivement
important, car la mue est un moment particulièrement délicat et
douloureux pour l'enfant en passe de devenir adolescent. Il perd sa voix
cristalline qu'il aimait tant et dont sa maman était folle... Il doit quitter
l'enfance.
Mon approche de cet apprentissage spécifique comporte deux objectifs
:
- Le premier, l'harmonisation du geste vocal collectif des enfants.
L'apprentissage vise l'amélioration de la qualité générale d'émission du
chœur. La technique est identique à celle d'un travail individuel, mais
elle met davantage l'accent sur les moyens de mettre en synergie
l'ensemble des voix du chœur. Elle veille à la précision et garantit le
nécessaire "fondu" de l'ensemble des voix. C'est ce travail spécifique
qui, pour ce qui concerne son aspect vocal technique, est le garant de la
qualité du chœur. Il permet la magie de l'émergence de ce timbre si
homogène et si rond des enfants de la Maîtrise de Paris. C'est cette
sensation d'homogénéité de précision et de musicalité que le public
reçoit lorsqu'il écoute notre maîtrise.
C'est d'autant plus magique que, si l'on individualise ce qui se passe à
l'intérieur du chœur, la réalité est tout autre. Les disparités de niveau de
compétence vocale d'un enfant à l'autre sont souvent très grandes,
compte tenu de la fourchette des âges, et en fonction du niveau vocal de
chaque enfant, de son investissement dans l'apprentissage, de son talent
personnel.
Mais n'oublions pas que tous sont à des degrés divers des apprentis
chanteurs, plus ou moins maladroits, empêtrés dans une conscience
vocale encore peu élaborée et globalement confrontés aux difficultés
d'ambitus, de tessiture, de dynamique, de texte et d'écriture des
partitions travaillées.
Les modifications de la voix lors de la puberté chez le garçon font de la
mue un véritable caractère sexuel secondaire.
En voix spontanée, les jeunes enfants utilisent, pour la plupart, leur
registre dit "de tête" (système léger). A l'occasion de sa puberté, dans
nombre de civilisations, dont la nôtre, le garçon se doit de confirmer son
"identité masculine", en changeant le registre de sa voix parlée. Il va
passer progressivement au registre dit "de poitrine" (système lourd). Ce
changement de registre, entièrement d'origine culturelle, très différent
de celui utilisé dans l'enfance, complique encore la mue. Il nécessite, au
cours de la mue, une adaptation musculaire constante pour transformer
le régime vibratoire physiologique des cordes vocales. Pendant quelques
mois, l'adolescent oscille entre les sons aigus infantiles et les sons plus
graves et plus timbrés de la voix adulte. Une fois l'adaptation faite, la
voix parlée se stabilise définitivement dans le registre d'adulte, environ
une octave plus bas que la voix d'enfant. La mue est terminée.
Physiologiquement, au cours de la mue, sur une période de 6 à 18 mois,
le larynx s'agrandit dans toutes ses dimensions, il s'abaisse, les
cartilages qui en constituent la structure s'épaississent, le cartilage
thyroïde se ferme à 90° avec la formation de la pomme d'Adam, les
cavités de résonance augmentent de volume, le thorax se développe, le
cou s'allonge, la portion membraneuse des cordes vocales augmente de
4 à 8 mm suivant la catégorie vocale, à laquelle ce tout jeune homme
va désormais appartenir (1 à 3,5 mm seulement pour les filles).
- Le deuxième objectif, aussi important que le premier, concerne la
protection individuelle des voix contre les risques de fatigue vocale
générée par la pratique en chœur. Il donne aux enfants des notions
collectives d'émission et d'écoute touchant, par exemple, à la nécessité
d'accepter comme étant sa propre voix le son collectif du chœur, à éviter
toute surenchère vocale, pour jouer la "locomotive de son pupitre" ou
pour n'entendre à aucun prix son voisin immédiat qui commet quelques
fautes qui vous sont "insupportables", à ne pas pousser au-delà de
l'actuel possible les limites de sa voix...
Ces modifications perturbent tout particulièrement le garçon chanteur,
qui sent se décaler subitement les repères vocaux qu'il connaissait bien.
Une voix inconnue et instable s'installe, octaviant de façon sournoise
vers le grave les notes écrites sur la partition. De grosses difficultés
apparaissent dans le registre grave et la première partie du médium de
sa voix d'enfant. C'est cette zone devenue délicate qui deviendra par la
suite la zone du registre aigu de sa voix d'adulte, qu'il soit devenu basse,
baryton ou ténor. De plus, il commence à éprouver des difficultés dans
l'aigu de sa voix d'enfant, le timbre général de sa voix se modifie.
C'est pourquoi, compte tenu de tout ce qui vient d'être dit au-dessus, il
est fondamental, et ce n'est malheureusement pas le cas dans toutes les
maîtrises, que chaque enfant bénéficie d'un travail personnalisé et
individualisé avec un professeur de chant. Quatre professeurs se
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Il va de soi que le professeur dans cette période joue un rôle
d'accompagnement psychologique et vocal essentiel auprès de son
élève. Il doit, avant tout, dédramatiser la situation et, en lui faisant
chanter les notes présentes et facilement émissibles de sa nouvelle voix,
l'habituer à son étrange nouveauté, l'amener à l'accepter, le rassurer sur
sa potentialité d'avenir vocal et l'apprécier.
LA MUE CHEZ LA FILLE
Comparativement au garçon, les modifications organiques existent,
mais elles sont moins brusques et surtout moins intenses chez la fille.
En premier lieu et en lien avec ce qui vient d'être dit plus haut pour le
garçon, contraint d'affirmer sa masculinité par l'aggravation de sa voix,
l'absence de modification vocale, pour la fille, lors de la puberté, ne
renforce pas un doute quant à son identification sexuelle. Elle était fille,
elle le reste et avec la même voix. Tout s'avère donc bien plus simple
pour elle.
Sur le plan strictement pédagogique, travailler cette zone vocale
naissante est indispensable. Ces incursions chantées sur cette partie de
voix définitive, qui commence à se dessiner, sont propices à atténuer les
tensions induites par le fait que ce jeune "mutant" tient toujours sa place
dans le chœur, où il chante encore dans le système léger de sa voix
d'enfant, alors que son larynx, en pleine mutation, s'engage de plus en
plus dans un nouveau mode de fonctionnement, musculairement plus
lourd.
Dès le début de sa vie, la fondamentale, c'est-à-dire la hauteur de son
qui revient le plus fréquemment dans sa voix conversationnelle, va
s'aggraver. Il en va de même pour le garçon jusqu'à sa mue. Il est clair
qu'une voix de petite fille ou de petit garçon n'est pas la même à deux,
quatre, six ou dix ans. De la naissance à la puberté, le larynx infantile
va graduellement changer de proportions et descendre, d'environ une
vertèbre cervicale. La dimension des cordes vocales d'une fille,
d'environ 4,5 mm à la naissance, atteindra 8 mm à l'âge de six ans, 17
mm après la puberté. La croissance des cordes vocales, au moment de
la puberté, est comprise entre 1 mm et 3,5 mm. C'est donc très peu
comparé au garçon.
Médicalement la fourchette d'âge de la mue en voix parlée concerne les
11 à 16 ans. La mue trop précoce ou trop tardive peut révéler une
pathologie ou un problème psychologique. Par expérience, je peux dire
que la mue, en voix chantée, démarre le plus souvent autour de 13/14
ans. J'ai pu constater que l'enfant, dont le niveau de conscience
technique vocale est assez faible, éprouvera plus de difficulté à
l'apparition de la mue. Sa voix d'enfant n'ayant jamais été parfaitement
libre, il se montrera peu en mesure de s'adapter aux changements qui
s'opèrent en elle. A contrario, l'enfant à la conscience plus accomplie,
une fois le premier choc vocal et psychologique passé, intègrera
rapidement de nouveaux repères.
Il n'y a donc pas de rupture marquée de la voix chez la fille au moment
de la puberté. Le timbre va prendre plus d'ampleur, de richesse, et, en
dehors d'une pathologie d'ordre psychologique - volonté de garder une
voix de petite fille ou d'affirmer son indépendance par une virilisation
vocale - l'ensemble des modifications de la puberté doivent passer
inaperçues.
Compte tenu du peu d'amplitude des modifications intervenant, qu'elle
commence à apprendre le chant ou dispose d'un passé vocal, on peut
considérer que la fille utilise un larynx qu'elle connaît depuis toujours.
Elle dispose d'un instrument plus fiable, auquel elle a toujours pu
s'habituer sans s'en apercevoir. C'est pourquoi tout jury de chant,
pédagogiquement compétent, se fait un devoir d'être plus indulgent dans
ses jugements avec une jeune basse, un jeune baryton ou un jeune ténor,
mis en compétition avec une fille du même âge.
Parmi les garçons qui ont travaillé avec moi et dont j'ai accompagné la
mue, deux cas étonnants :
Camillo Angarita, soprano-garçon soliste du Chœur de Chant pendant
de nombreuses années, magnifique artiste par la maîtrise parfaite de sa
voix, sa rigueur, sa musicalité et ses talents d'interprète. Après un
moment de flottement très court, au début de sa mue, il a pu reprendre
sa place de super-soliste et continuer de représenter la Maîtrise en
France et à l'étranger, auprès de chefs prestigieux, pendant plus d'une
année. Il a poursuivi sa carrière dans le chœur de la Maîtrise de Paris
jusqu'à la fin de sa Terminale. Il chante aujourd'hui en voix de ténor.
C'est incontestablement grâce à sa conscience très pointue de sa voix
d'enfant, à son extrême sensibilité aux modifications qui s'opéraient
dans sa voix, à sa faculté d'analyser la moindre sensation musculaire, à
son invention pour trouver l'antidote, propre à chaque difficulté. Enfin
c'est grâce à notre degré de connivence et de liberté d'échange pendant
les années de travail fait ensemble, dont cette période compliquée de la
mue, que je peux aujourd'hui aborder mon accompagnement
psychologique et vocal des jeunes garçons de la Maîtrise en "mutation
vocale" sans angoisse et avec une bonne conscience de ce qu'il faut
faire. Merci Camillo, tu as été un super-prof !
L'imprégnation hormonale devient complète chez la fille au bout d'une
période d'environ dix-huit mois, après la première menstruation. La
puberté commence, à quelques exceptions près, entre 11 ans et 13 ans.
La fille est donc très avantagée sur le plan vocal par rapport au garçon.
Aucune rupture de sa conscience vocale n'est à craindre. Il n'y a donc
pas de mue significative chez la fille et il est dangereux, pour des
raisons d'ordre psychologique identiques à celles du garçon et qui
touchent uniquement à l'abandon du monde de l'enfance, que le
pédagogue mette l'accent sur de potentielles difficultés vocales en lien
avec une mue qui, dans la réalité, s'installe naturellement, graduellement
et sans heurt ou soubresaut sur les 18 mois nécessaires à la mutation
hormonale complète de "l'enfant à la femme".
En revanche, il est à craindre que, pour au moins les trente années à
venir, l'apparition des règles s'accompagne de modifications
désagréables. A chaque période, la voix est plus difficile, souvent
soufflée, la conscience vocale modifiée, une inflammation plus ou
moins importante peut parcourir tout le conduit vocal, jusqu'à provoquer
une sorte d'angine, dont les femmes se sont souvent plaintes. La
chanteuse sera d'autant plus sensible à ces "sautes d'humeur de
l'instrument" qu'elles modifient ses sensations vocales. Suivant sa
personnalité et son degré de technicité, ce moment délicat sera porteur
ou non d'une angoisse passagère.
Autre phénomène, Florent Martin, doté d'une conscience vocale très
sûre, qui a chanté, pendant les deux ans de l'installation définitive de sa
voix chantée d'adulte, simultanément en voix de soprano-garçon et de
baryton-basse. Florent était capable d'interpréter en soliste, à 16 ans,
en voix d'enfant, les Lieder de Strauss, dont les aigus et les pianissimi
constituent une des difficultés, et, immédiatement à la suite, en voix
d'homme, l'air de basse du Magnificat de Bach et quelques airs d'opéra.
Il a quitté la Maîtrise, après avoir passé avec succès son baccalauréat.
Aujourd'hui installé définitivement dans sa voix d'adulte, il est capable
d'aborder, avec le même degré de conscience vocale et la même
musicalité que lorsqu'il était enfant et d'une voix magnifique, le
répertoire de baryton.
Qui peut avoir oublié Camillo et Florent, chantant côte à côte dans le
pupitre de soprano de la Maîtrise, jetant en concert au comble de
l'exaltation, avec une joie et une fougue incroyable, les magnifiques
mais ultimes notes de leur voix de soprano-garçon ?
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LA SANTE VOCALE DU MAÎTRISIEN
ils pas déjà payé un lourd tribut aux méfaits d'un mauvais enseignement,
ou laissé leur voix sous l'emprise du "je ne sais pas très bien ce que je
fais". Ils ont par ces pratiques redoutables détruit et brûlé leur potentiel
vocal au feu dévorant du hasard. Les cabinets d'orthophonie de la place
de Paris en regorgent !
A mon sens - et ma longue expérience pédagogique, qui fête ses vingt
ans à l'aube du nouveau millénaire, m'y autorise - on peut à partir de
seulement 10% de voix, mais avec les 100% de capacités mentales
nécessaires à l'apprivoisement et l'appropriation de sa propre voix,
comprendre en quelques années la subtilité de l'alchimie vocale. La
conscience vocale du chanteur, c'est sa capacité à créer un outil de
pointe de haute technicité, fait de sensations musculaires et de
perceptions sonores mentalisées. C'est à partir de cette construction
subtile de "l'instrument-voix", porté à un degré de "haute facture
instrumentale", que le chanteur a toutes les chances d'accéder à un
niveau vocal et, en possession de tous les moyens techniques dont il a
besoin, d'autoriser ainsi le jaillissement de sa sensibilité musicale et
artistique.
Il est, et cela tombe sous le sens, tout à fait indispensable que le jeune
Maîtrisien, en train de construire sa voix, bénéficie d'un suivi médical
sérieux. Ses parents doivent se montrer très soucieux de le faire
consulter chaque fois qu'il se plaint d'une fatigue vocale excessive, due
le plus souvent, compte tenu de son peu d'expérience vocale, à
l'inadéquation entre la demande forte du chœur et son incapacité à s'en
protéger. Au même titre, toute manifestation de souffrance de la sphère
ORL, qu'elle intervienne par contamination microbienne ou
manifestation allergique, ne doit pas être négligée et nécessite
consultation médicale.
Le chanteur doit savoir prendre en compte ce qui peut l'handicaper dans
sa pratique vocale et altérer sa voix. S'il est clair que certaines
pathologies sans gravité, désagréables en ce qu'elles modifient les
sensations au niveau du conduit vocal, peuvent autoriser la pratique du
chant, en revanche, toute altération de la voix au niveau laryngé doit
s'accompagner d'un impératif repos vocal.
Mais, me direz-vous, après toutes ces précisions si techniques, pas un
instant vous n'avez fait référence au "plaisir du chant" ? Ne vous y
méprenez pas, le plaisir du chant est immense et présent à chaque
instant, à part égale pour le pédagogue et le chanteur, même si
l'apprentissage est émaillé de difficultés. Oui, il peut prétendre toucher
aux frontières paradisiaques du plaisir le chanteur qui interprète une
partition ! C'est certain, son bonheur est parfait et incomparable,
lorsque, asservis à son impulsion mentale, la musique, le verbe et les
sentiments qui le traversent s'unissent pour porter haut et fort sa verve
lyrique à travers les airs !
Point commun aux chanteurs des deux sexes
Quel que soit son sexe, le chanteur est le seul instrument au monde à
être, à la fois "et dans le même étui", l'instrument et l'instrumentiste.
C'est unique, extraordinaire mais parfois peu rassurant. Toute
perturbation ressentie au niveau de l'instrument ou toute indisposition
physique est à coup sûr pour lui source d'inquiétude mentale. Seule la
qualité de sa technique vocale est à même de lui offrir la capacité de
s'adapter à la difficulté du moment et, partant, de diminuer son stress.
Il en va, bien entendu, tout autrement lorsque la technique est aléatoire.
Annie-Béatrice Lepré
L'ENTRAÎNEMENT VOCAL A LA MAISON
Il est extrêmement rare que je demande à mes élèves de travailler le
chant chez eux. Seulement parfois, quand l'attitude est par trop
dilettante. Je considère qu'ils sont, le plus souvent, en over-dose de
pratique vocale plutôt qu'en manque, et qu'ils doivent se reposer, ce qui
ne les empêche pas, s'ils ont su entrer dans la bonne démarche de
l'apprentissage du chant, de réfléchir "dans leur tête", donc sans chanter,
à la manière de faire passer dans leur voix les informations
pédagogiques qu'ils ont reçues à l'occasion de leur cours.
EN QUOI CONSISTE LA TECHNIQUE VOCALE ?
Expliquer en quoi consiste le chant et la technique qui s'y rattache, est
tellement vaste et complexe que, bien entendu, quelques lignes n'y
suffisent pas.
Côté pédagogue, et c'est ce que je mets en pratique, il s'agit
d'accompagner enfant ou adulte chanteur tout au long d'un
apprentissage subtil et délicat. Il faut l'aider à construire et harmoniser
sa voix, la rendre fiable et capable de révéler sa sensibilité musicale.
C'est un travail "sur mesure", de longue haleine, précis et rationnel.
C'est une entreprise passionnante qui doit avoir pour éthique le respect
de la personne enseignée, de sa personnalité, de ses rythmes et capacités
d'apprentissage, des facilités ou difficultés qui lui sont propres. C'est un
échange et un moment de partage extraordinaire.
CONFERENCE SUR LA VOIX
La conférence, organisée à l'initiative de l'APEC le jeudi 2 mars
2000, à l'Auditorium du CSP-CNR, a connu un très vif succès.
Le Dr Claude FUGAIN, qui avait accepté d'y intervenir
gracieusement, est une phoniatre de renom. Elle a expliqué avec
une grande clarté ce qu'est la voix, comment elle fonctionne,
comment l'on chante. Le chant suppose de la part du chanteur
une excellente maîtrise du mécanisme, grâce à une technique
vocale appropriée, mais aussi une implication du corps tout
entier. La conférencière a ensuite évoqué les troubles qui
peuvent affecter la voix et, pour finir, a prodigué toutes sortes de
conseils d'hygiène vocale aux jeunes chanteurs. Qu'elle soit ici
remerciée pour son intervention si passionnante.
Côté élève, celui-ci doit se convaincre, dès le début, qu'il doit s'imposer
à sa voix par un geste vocal connu et conscient, où le hasard n'a pas sa
place. Ainsi, il entre dans la bonne démarche de l'apprentissage du
chant, si passionnante. Elle va lui permettre, à son rythme et au fil du
temps, de s'approprier les informations pédagogiques qui lui sont
données de façon à devenir un chanteur autonome. On est, dans cette
approche, aux antipodes de la voix dite "naturelle", toute faite d'une
spontanéité hasardeuse, absolument impropre à garantir la santé, la
longévité et la beauté de la voix.
Il est vrai que certains ont reçu en cadeau, dès le départ, une voix plus
facile, au timbre plus intéressant. Pour eux, comme pour ceux moins
favorisés, seul l'apprentissage d'un geste vocal sain et contrôlé est garant
de longévité, donc d'avenir. Tant d'artistes, aux voix somptueuses, n'ont-
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C'est pourquoi la décision a été prise d'intégrer dorénavant cette matière
culturelle au cours de formation musicale, en tenant compte des acquis
et des manques des Maîtrisiens.
INTERVIEW DE VIRGINIE DAO
PROFESSEUR DE FORMATION MUSICALE
APEC - En ce qui concerne les œuvres chantées en concert, les
resituez-vous dans leur contexte historique et évoquez-vous les
compositeurs ?
V. D. - Il est bien évident qu'un travail parallèle, voire en amont, peut
et doit être mené en cours de formation musicale. Au-delà d'un simple
aperçu historique, il me semble intéressant de bâtir également un travail
technique et analytique sur les œuvres, axe vers lequel s'est orientée la
formation musicale depuis une vingtaine d'années.
Or toutes les œuvres ne sont pas exploitables dans tous les niveaux et
à tous les âges. Il m'appartient donc de sélectionner les œuvres de
concert susceptibles d'être traitées en cours et de les inclure dans le
programme de l'année, pour chaque niveau. Il ne faut pas oublier que les
temps de cours restent restreints. Aussi me paraît-il difficile d'aborder,
même succinctement, toutes les œuvres chantées dans l'année. Je pense
que le travail de renseignements sur une œuvre (recherche du
compositeur, du genre) peut être également effectué par les enfants à la
maison... avec les parents !
APEC - Pourriez-vous vous présenter personnellement ?
V. D. - Voici un bref curriculum vitae pour me situer :
- Hautboïste et pianiste (Prix de perfectionnement en hautbois)
- Expériences professionnelles de soliste, chambriste,
musicienne d'orchestre
- Cours de chant lyrique et pratique du chant choral
- Titulaire du Certificat d'Aptitude et Diplôme d'Etat de
formation musicale
- Maîtrise de musicologie en cours (sur l'enseignement de la
formation musicale)
- Enseigne la formation musicale depuis 1986.
APEC - Vous êtes chargée depuis l'an passé de l'enseignement du
solfège aux Maîtrisiens. Voudriez-vous faire un bilan général de
l'année 1998-1999 ?
V. D. - Dans l'ensemble, j'ai pu constater une bonne motivation des
élèves, qui sont assez sérieux et conscients de l'importance de la matière
pour eux. En ce qui concerne les cours, je dois dire que l'organisation
inhérente à la Maîtrise, avec ses périodes intensives de répétitions et de
concerts, ne permet pas un travail régulier tout au long de l'année. C'est
pourquoi il a été adopté cette année un système d'évaluation plus souple,
à savoir une évaluation continue et non plus ponctuelle.
__________________________________________________
INTERVIEW DE DAVID DUPIRE
PROFESSEUR DE PIANO
APEC - En combien de niveaux les Maîtrisiens sont-ils répartis ?
V. D. - Il existe 5 niveaux de formation musicale, dont les appellations
sont propres à la Maîtrise.
QUELQUES REFLEXIONS ET CONSEILS
A L'INTENTION DES MAÎTRISIENS POUR LA
PRATIQUE DU PIANO COMPLEMENTAIRE
APEC - Quelle est la finalité de la formation musicale pour les
élèves de la Maîtrise ?
V. D. - La formation musicale doit permettre aux élèves d'acquérir une
autonomie vis-à-vis des partitions, de façon à ce qu'ils soient capables
de les comprendre et de les restituer.
APEC - Pourriez-vous vous présenter ?
D. D. - C'est depuis cette année que j'enseigne le piano comme
instrument complémentaire aux Maîtrisiens. En ce qui me concerne, j'ai
effectué mon cursus d'études musicales en piano, solfège et musique de
chambre à l'Ecole Nationale de Musique d'Arras. Après quoi, j'ai eu la
chance de perfectionner ma pratique pianistique en compagnie d'André
Dumortier, grand pédagogue et interprète belge. Et dernièrement j'ai
passé avec succès le Diplôme d'Etat de piano.
APEC - Combien de temps les enfants doivent-ils travailler le
solfège à la maison ?
V. D. - Il est souhaitable que l'enfant travaille au moins deux fois dans
la semaine, en plus du cours, car la répétition est nécessaire pour
acquérir les réflexes visuels, vocaux et auditifs. La durée de travail
varie, bien sûr, d'un élève à l'autre, cependant une moyenne de 30
minutes est nécessaire pour réaliser les différents exercices demandés.
Ce qui importe surtout, c'est la concentration, la rigueur, l'exigence avec
lesquelles est effectué le travail personnel.
Parallèlement, j'avais entrepris d'étudier l'orgue sous la direction de
Stéphane Detournay à l'Académie Saint-Grégoire de Tournai, d'Aude
Heurtematte au CNR de Lille, puis de Marie-Louise Langlais au CSPCNR de Paris, où j'ai obtenu mes prix. Par ailleurs je poursuis des
études universitaires, préparant actuellement une thèse de littérature
française sur saint Augustin.
APEC - Vous avez assuré l'année dernière un cours de culture
musicale. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'il en est cette année ?
V. D. - Il s'agissait l'an passé d'un cours de culture musicale basé sur
l'écoute. Il avait été en effet constaté un manque de culture musicale
chez la plupart des élèves. Il m'a donc paru nécessaire de donner, en
premier lieu, aux élèves un maximum d'outils auditifs, afin qu'ils
puissent repérer les instruments, les styles.
La Maîtrise étant souvent appelée à se produire avec des
instrumentistes, j'ai donc basé mon programme sur les instruments et les
genres musicaux :
Reconnaissance des principaux instruments occidentaux utilisés en
musique "savante".
Formations de musique de chambre.
Evolution de la formation orchestrale (du Baroque au XXè siècle).
Genres : symphonie, concerto.
Ces différents aspects étant, je le rappelle, abordés par le biais de
l'écoute, il a été proposé aux élèves environ 90 extraits musicaux de
toutes époques.
Le cours du Chœur de Chant regroupant 45 enfants âgés de 12 à 17 ans,
il s'est avéré délicat de gérer l'intérêt de chacun et de contenter tout le
monde : le fossé était grand entre un jeune élève, dénué de repères
historiques, linguistiques et auditifs, et un lycéen en section musique,
bénéficiant de 3-4 heures hebdomadaires d'histoire de la musique et
d'analyse.
APEC - Quel est, selon vous, le but de l'enseignement du piano ?
D. D. - L'enseignement du piano, tel que je le conçois, se propose
d'utiliser et de découvrir en soi un patrimoine de richesses
inconscientes. Il consiste à amener l'élève à parcourir une sorte de
chemin intérieur.
APEC - Quelle est la méthode pour y parvenir ? De quelle
manière faites-vous travailler vos élèves ?
D. D. - Il s'agit en premier lieu de mettre en œuvre les possibilités
nombreuses de ce que Pascal appelait "l'automate" - c'est-à-dire la part
de réflexes que chacun de nous possède - par un travail bien conscient
et méthodique, orienté autour de plusieurs axes.
La lenteur d'abord. On ne dira jamais assez les vertus de l'entraînement
au ralenti, où non seulement le tempo, mais aussi l'ensemble des
gestes (déplacements, attaques...) se trouvent effectués calmement,
avec le souci de mouvements mentalement décomposés. En effet, tandis
que cela s'effectue, dans l'esprit déjà la vitesse s'acquiert sans qu'il ne
soit vraiment nécessaire de s'en soucier particulièrement. Disons, de
façon imagée, que plus les fondations de l'édifice sont ancrées
profondément dans le sol, plus la construction peut s'élever haut.
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Dans cette perspective, il est intéressant d'opter pour une division en
phrases (et, si nécessaire, en toutes petites sections) des pièces à monter.
Les élèves, assez naturellement, pratiquent la séparation préalable des
mains, pour vaincre la difficulté de la superposition des voix, mais trop
peu songent à construire, puis juxtaposer des unités de petites
dimensions, dont la longueur sera fonction de la complexité des
passages étudiés. C'est là un second moyen de se maintenir en position
de constante maîtrise face à l'œuvre en cours de mise en place, ainsi
qu'une chance supplémentaire pour la mémoire d'intégrer rapidement
l'apprentissage et de le faire mûrir.
Représentants de l'Association
auprès de la Maîtrise de Paris
Isabel BIDAULT
01 43 46 86 40
Vice-Présidente Maîtrise
Annie BLANCHARD
01 42 85 07 12
Trésorière
Marieke HOUSSEAU 01 46 33 42 12
Représentant auprès du
Conseil d'Administration de la Maîtrise
Il faudrait aussi insister sur la nécessaire recherche, au cours du
déchiffrage, de doigtés cohérents et simples, limitant le nombre des
passages de pouces et des substitutions. Cela permet de réfléchir sur le
texte, d'avoir une attitude intelligente - non pas passive -, de fixer le plus
tôt possible écarts et autres parcours "géographiques" pour une
assimilation d'autant plus naturelle.
Telles sont les pistes que je conseille de suivre, pratiques dont je ne
saurais trop recommander enfin la régularité journalière , même quand
le temps semble manquer cruellement. Chacun pourra éprouver la plus
grande efficacité de fréquents quarts d'heure à des demi-heures
consacrées sporadiquement à l'instrument, tant il est vrai que l'on
s'enrichit mieux d'un art souvent remis sur le métier, ne serait-ce que
brièvement.
AIDE AUX LOGEMENTS
L’association a mis en place une aide au logement pour les
étudiants du Conservatoire. Les étudiants de province n’ont en
particulier pas les « bon plans » pour se loger. Cette année, une
nouvelle citée étudiante mise en place Porte de Clichy a bien
simplifié la vie des musiciens. A partir du mois de septembre des
propriétaires nous contactent. Si l’étudiant mis en contact ne se
présente pas sans prévenir, il pénalise un autre qui aurait pu
profiter de cette location sans frais d’agence.
Nous remercions en particulier le foyer « les enfants des arts »
qui héberge des enfants du Conservatoire (12-18 ans) venant de
tous les horizons (province mais aussi de l’étranger).
APEC - Et comment envisagez-vous l'éveil proprement musical,
interprétatif ?
D. D. - En plus des indispensables éléments de style que tout Maîtrisien
se doit d'intégrer au cours de sa formation musicale, il convient pour
l'élève, à mon avis, de porter prioritairement l'attention sur l'écoute de
la qualité sonore et sur la réunion des moyens permettant de l'obtenir.
Ainsi il lui est nécessaire, en travaillant chez lui, de veiller à la bonne
position de doigts acteurs, aux phalanges se recourbant dans le bon
sens (qu'il prenne garde notamment aux "4" et "5" écrasés) et auxquels
il doit accorder un poids, une rapidité d'attaques bien déterminés, dans
la logique d'une main stable, portée par des bras et poignets légers et
souples, et à peine soulevée en direction de l'auriculaire.
Il s'agit pour le jeune musicien d'adopter une structure propre à éveiller
en lui, grâce au bon résultat acoustique obtenu, une richesse de désirs
expressifs et toute une gamme d'émotions tendant à se manifester,
jaillissements qui, en retour, l'inciteront à perfectionner son outil
corporel et à le rendre véritablement l'instrument de ses volontés
artistiques. Combien de personnes se voient qualifiées de non-réceptives
à l'expression musicale, tout simplement parce qu'elles sont dépourvues,
ne les ayant cultivées, des dispositions physiques qui permettent à l'âme
de se dévoiler, aux ressources de sortir de l'ombre ! Tant il est vrai qu'un
corps mal connu est souvent un empêchement et un fardeau pour
l'esprit. N'invitait-on pas l'individu, dans les temps anciens, à "se
connaître soi-même " ?
Nous manquons de familles d’accueil pour recevoir les élèves
pendant l’année scolaire.
Si vous voulez devenir famille d’accueil, rien de plus simple
contacter Mme SURZUR au 01 40 37 01 67
Comment nous contacter
- Soit par téléphone :
demander nos coordonnées à
l’accueil du Conservatoire
- Soit par courrier :
APECSP-CNR
14, rue de Madrid
75008 PARIS
LE BUREAU
Jean-Paul WALD
Isabel BIDAULT
Bronwenn SURZUR
Annie BLANCHARD
Joceline HAMON
Président
Vice-Présidente (maîtrise)
Vice-Présidente (danse)
Trésorière
Secrétaire
Violon / Piano
Maîtrise / Viole de Gambe
Danse contemporaine
Maîtrise / Viole Gambe
Piano / Violon / Orgue
Les courriers peuvent être également
déposés à la Maison de la Danse,
30, rue Germain Pilon 75018 PARIS
LE CONSEIL D’ADMINISTRATION
Marieke HOUSSEAU
Dominique SENASSON
Katia NOVACK-PASCAL
Brigitte GRIES de la BARBELAIS
Nicole MOUTON de MONTAIGNAC
Joëlle OPOH
Maîtrise
Contrebasse
Danse
Piano
Danse
Piano
Danielle CORBEL
Membre honoraire
APEC infos n° 30
Mai 2000
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