Bonjour, - Au pays du tempo

Transcription

Bonjour, - Au pays du tempo
Nous y voilà ! Le mot terrible est lâché et je vous sens quelque peu crispé à la
simple évocation d’un sujet pour le moins délicat.
C’est en le constatant tout au long de ma carrière que j’ai pu mesurer les
dégâts causés
par
le
refus
massif, fort
légitime
eu égard
à son
mode
d’apprentissage et à la place démesuré qu’on lui accorde, d’un système d’écriture
et/ou de lecture dont l’Humanisme fonde pourtant le socle original.
Mais qu’est-ce qu’il me chante encore !
Le solfège, humaniste ?
Je comprends aisément que vous doutiez, pour ne pas dire plus, de la
justesse d’un postulat dont votre raison ne détient aucune preuve tangible. Aussi
ai-je délibérément choisi d’opérer sous la forme d’un dialogue imaginaire plutôt
qu’une fastidieuse argumentation classique, abordant le plus légèrement possible
des questions essentielles hélas trop rarement posées.
N’y voyez aucune trace d’ironie déplacée mais uniquement la volonté
pédagogique de rendre vivant un propos le plus souvent vide de sens pour ceux à
qui il s’adresse.
Premièrement…
Qu’est-ce que le solfège ?
Ben, des partitions
C'est-à-dire ?
J’sais pas moi…des notes qu’on
doit lire et jouer ! C’est ça ?
Oui et non, enfin pas seulement
Alors là, j’vois pas ?
Démonter et comprendre l’ensemble du
système musical, c’est l’exacte définition
du solfège telle que l’ont voulu ses pères
fondateurs ; La partition ne représente
donc que la partie émergée d’une
connaissance bien plus fondamentale.
Deuxièmement…
Le solfège…à quoi ça
sert ?
A jouer des morceaux, bien sûr ! Enfin,
quand on arrive à les déchiffrer…
C’est tout ?
Comment ça ?
D’après toi, pourquoi ça a été
inventé ?
Bah ! Parce que sinon, on
pourrait pas faire de la musique
Tiens, promène tes doigts sur le clavier
ou écoute un bon vieux blues du delta
joué par un vieux guitariste qui ne
connait même pas le nom des cordes de
sa guitare… Tu m’en diras des nouvelles !
Mais alors ?
Le solfège, dans sa dimension écrite
et/ou lue, n’a d’autre utilité que de
fixer la mémoire d’une œuvre
préalablement composée.
C’est pourquoi nous disposons pour notre plus grand
plaisir d’un héritage couvrant des siècles entiers de
sensibilités musicales, tout comme nous pouvons
coucher par et pour nous-mêmes sur la portée le
produit de créations personnelles dans des buts qu’il
nous appartient de décider.
Troisièmement…
Le Solfège…comment ça
marche ?
Ben, c’est c’que j’disais tout à
l’heure… y’a des notes à jouer,
dans des mesures, avec plein de
signes et d’indications !
D’accord, mais peux-tu dégager
une façon de procéder ?
Attends…oui ! déjà, je dois
savoir lire les notes à jouer,
suivant leur … hauteur ?
Oui, on peut dire ça. Rien
d’autres ?
En plus, y’à les rondes, les blanches,
les noires, les croches et puis les
petites, là, super dures, les ….
Double-croches, c’est ça !
Qui te donne le ?
Rythme ?
Que tu relies à ton fil conducteur, le
débit. Rien d’autre ?
Non j’vois pas…Ah si ! des chiffres, au
début, avec parfois plein de dièses ou de
bémols qu’il faut faire. Enfin, j’sais pas
vraiment là, c’est trop compliqué !
Bien. Tu vois, c’est tout le contraire ! Le
nombre de dièses ou de bémols t’indique dès
le début la tonalité du morceau et tu
identifies à l’avance la gamme et les accords
que tu rencontreras à coup sur !
De plus, ta lecture est
grandement facilitée
car imagine ta
partition s’il fallait à
chaque mesure la
surcharger des
symboles # et b alors
que par ce moyen, tu
sais quelles notes le
sont pour tout le
morceau.
A ce propos, je suppose que tu les aimes pas trop les # et les b et
que pour toi ça complique les choses ? Alors imagine une seconde
qu’ils n’existent pas et tu obtiens 12 noms de notes au lieu de 7,
une écriture s’étalant d’autant de lignes nécessaires pour une
lecture « de l’espace », une organisation du cadre harmonique
chaotique, histoire là de réellement compliquer les choses en lieu
et place d’un système que ses fondateurs ont souhaité le plus
léger possible.
Les deux chiffres, quant à eux, fixent très
précisément une courbe rythmique vitale à
une juste interprétation du morceau. La
représentation écrite du temps et le
rapport des notes entre elles deviennent
alors évidents.
J’ai pas tous compris mais ça
voudrait dire que j’ai pas de
raisons d’avoir peur ?
Bien au contraire ! C’est sur que dit comme
ça c’est pas facile à digérer mais si on
prend le temps de t’en expliquer toute la
logique, tu verras que la vision du solfège
que l’on t’as imposé n’est pas la bonne.
Quatrièmement…
N’y a-t-il qu’une sorte de solfège ?
J’ai vu sur internet des morceaux ou y’a
des lettres avec des chiffres. C’est quoi ?
C’est du solfège américain
!?
Il est notamment utilisé par les jazzmen qui, à
partir d’un thème mélodique fixé, improvisent
des versions différentes d’un même morceau.
Mais comment c’est possible ?
En déroulant le tapis harmonique et
mélodique d’un morceau en laissant à
tout un chacun la liberté d’une
expression pleine et entière.
Mais comment c’est possible ?
Grâce à tes connaissances musicales
que tu appliques ensuite en fonction
de tes possibilités instrumentales.
Mais je sais à peine déchiffrer !
Oui, une œuvre écrite de type classique où
s’exprime très précisément la volonté du
compositeur.
Mais si ta sensibilité te conduit à visiter
d’autres répertoires, à toi d’employer dans
ce cas cet outil adapté à tes attentes.
Et finalement …
Alors si je résume bien,
Je peux jouer une partition écrite à la
note près et/ou une plus accessible qui
me permet de me faire plaisir en jouant
un bon vieux morceau que j’aime…
du style « Hotel California » si tu vois
c’que j’veux dire !
Pas que ça…
Y’a encore une autre
option ?
Oui, tu peux jouer aussi
sans aucune partition.
Pas possible !
Réfléchis. Qu’il s’agisse de BEETHOVEN
ou des EAGLES, comment ont-ils pu
accoucher d’une inspiration musicalement
aussi cohérente ? Par hasard ? En
déchiffrant une partition volée ?
C’est bien parce qu’ils possédaient les moyens objectifs
et intelligibles d’un pouvoir créatif qu’ils furent les
géniaux compositeurs d’œuvres dont l’écriture témoigne.
Par conséquent,
si tu relies l’apprentissage du solfège à l’expression
rythmique de toutes formes musicales, si tu explores les
liens invisibles unissant les notes et si tu remets la partition
à sa juste place, alors là tu t’affranchis de ce prétendu
cauchemar pour un extraordinaire outil de communication !