Les faits religieux. Qu`entend-on par là

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Les faits religieux. Qu`entend-on par là
Les faits religieux. Qu'entend-on par là ?
Résumé mis en forme de l'article « Faits religieux » de Jean-Paul Willaime dans le « Dictionnaire des faits
religieux ».
(Sous la direction de Régine Azria et Danièle Hervieu-Léger. Presses Universitaires de France 2010)
« (...) Il faut tout d'abord rappeler que l'expression « faits religieux » vise à saisir les phénomènes religieux
comme « fait historique » d'une part, comme « fait social » d'autre part, ce qui est une façon de souligner
que les phénomènes religieux sont construits comme « faits » à travers diverses approches disciplinaires:
historique, sociologique, anthropologique. Il ne s'agit pas d'une définition, mais d'une façon de qualifier, en
langue française, les approches scientifiques des phénomènes religieux.» p.363
Les faits religieux comme faits collectifs, matériels, symboliques et sensibles
« Ancré dans l'approche des sciences sociales, adoptée par les historiens, l'expression de « fait religieux »
permet de souligner la dimension objectivante des approches scientifiques des phénomènes sociaux
labellisés comme « religieux ». En France, l'expression a été reprise à propos de l'enseignement relatif aux
religions dans l'école publique laïque pour signifier qu'il ne s'agissait
• ni d'une initiation à une religion (teaching into religion),
• ni d'un enseignement à partir des religions (teaching from religion)
• mais d'une enseignement historique, sociologique et culturel sur les religions (teaching about
religion).
Faits religieux et faits convictionnels. « En choisissant cette expression de « faits religieux » dans les
versions françaises des textes qu'elles ont émis à ce sujet, l'Union européenne et le Conseil de l'Europe ont
tenu à souligner le caractère laïque (secular) de leurs approches. Ces institutions internationales parlent
non seulement de « faits religieux » mais aussi de « faits convictionnels » pour bien marquer leur prise en
compte des conceptions non religieuses de l'homme et du monde (secular humanists). A la fois ancré dans
l'épistémologie des approches historiques et sociologiques et dans les approches de certaines politiques
publiques des phénomènes religieux, c'est ainsi que l'expression de « faits religieux » s'est imposée dans
l'usage en France.
Sans représenter une quelconque théorie du religieux mais en considérant comme pratique au plan
pédagogique, l'expression permet de souligner que les phénomènes religieux constituent, quelle que soit la
position personnelle de tout un chacun, des faits au moins sous les quatre angles suivants »:
Les quatre angles d'approche.
« Un fait collectif (les acteurs): des individus qui partagent quelque chose en commun, qui se sentent
appartenir à un même monde et qui se rassemblent plus ou moins régulièrement. (...) »
(Note la religion relie les hommes; relegare, relier)
« Un fait matériel (les traces, les œuvres): Le religieux, ce ne sont pas seulement des hommes, ce sont
aussi des textes, des images, des musiques, des pratiques, des bâtiments et des objets, bref un objet
archéologique, littéraire, artistique, culturel... qui se donne à voir. (...) » p.364.
« Un fait symbolique (les représentations et leur sens): les représentations du monde, de soi, des autres,
de la divinité ou des forces invisibles; les théologies et les doctrines, les systèmes moraux. »
(Note : lecture et relecture, religere)
« Un fait expérientiel et sensible à l'échelle individuelle et collective. (...) Le religieux expérientiel et
sensible, c'est tout simplement le fait que ces mises en formes symboliques de la condition humaine que
sont les phénomènes religieux constituent des sensibilités. (...) Comme fait expérientiel et sensible, le
religieux motive à agir dans tel ou tel sens. Le religieux, plus ou moins intensément, induit des
comportements de vie, stru7cture des conduites de vie, y compris, comme l'a montré Max Weber, dans le
domaine économique. (...) » p.365
Le religieux est à l'intersection des différents aspects distingués ci-dessus. (...)
Singulier ou pluriel? « Privilégier le pluriel (Faits religieux), c'est aussi bien souligner l'extrême variété
phénoménales du religieux que la multiplicité des dimensions impliquées: collectives, matérielles,
symboliques, sensibles. Le fait religieux dans tous ses états, peut-on dire, soit tout un programme qui
consiste à parler de façon non religieuse du religieux tout en reconnaissant la consistance de son
objet (c'est-à-dire sans le réduire à ce qui n'est pas lui) (...) »
La modernité. « Une autre grande leçon de ces sociologues classiques, c'est que l'étude des faits
religieux est une contribution importante à l'analyse de la société dans son ensemble. Si l'on a pu croire,
dans la période des Trente Glorieuses de l'après-guerre, que la religion constituait un phénomène social en
voie de disparition, comme si plus de modernité signifiait obligatoirement moins de religion, l'on en est
largement revenu aujourd'hui. (...) reste que la modernité contemporaine, ce n'est pas moins de
religieux, mais du religieux autrement. Les façons d'être religieux, les façons de se rapporter à une vérité
religieuse et de la vivre socialement évoluent dans le cadre des changements sociaux globaux. (...) »
La condition humaine. « Mises en formes symboliques de la condition humaine en relation avec la
présence-absence d'un Autre (les ancêtres, les figures du divin, les esprits...), les religions sont des
langages et ont une histoire; ces formes symboliques participent à la construction
• du rapport à soi,
• du rapport aux autres
• et du rapport au monde de nombreuses personnes,
elles les affectent et les motivent, génèrent des pratiques et des conduites. »
Comprendre les sociétés. « A travers l'étude des faits religieux, c'est bien l'appréhension des systèmes
symboliques qui est en jeu, une appréhension qui constitue une contribution essentielle à l'intelligence des
sociétés et de leurs évolutions.» p.367