Dictionnaire de philosophie

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Dictionnaire de philosophie
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abstraction, n.f. (lat. abstractio, du v. abstrahere, enlever en
tirant, arracher). Labstraction est à la fois une opération de la
pensée consistant à ôter dun ensemble naturel ou artificiel un
certain nombre déléments pour les considérer seuls, et le résultat de cette opération. Dire dune table quelle est rectangulaire,
ou de lhomme quil est un être pensant, cest effectuer une
abstraction puisque de toutes les qualités que la table et
lhomme possèdent, on nen retient quune seule. Une notion,
une idée, un concept sont des produits de labstraction. Le
contraire dabstrait est concret : est concret ce qui na pas été
lobjet dun travail dabstraction.
absurde, adj. et adj. substantivé (lat. absurdus, discordant).
1. Est absurde ce qui, échappant à la dualité du vrai et du faux,
na pas de sens, soit parce que les règles élémentaires de la
logique sont violées (demain, jétais mort), soit parce que les lois
élémentaires de la physique sont transgressées (une vitesse infinie). Labsurde est au-delà du faux et du contradictoire.
2. Est absurde ce qui transgresse les lois du bon sens dans lordre de laction (lirrationalité), ce qui est dépourvu de finalité
(ainsi la répétition, ou lexcès de souffrance sont-ils absurdes).
Labsurde nest pas seulement déraisonnable (comme il nest pas
seulement, dans lordre logique, irrationnel). Il va au-delà des
dualités fondatrices du symbolique (utile/inutile, efficace/inefficace, etc.). Le cinéma burlesque et les dessins animés
doivent doit une bonne part de leur force comique à la représentation de labsurde.
démonstration par labsurde : voir infra raisonnement par labsurde.
philosophie de labsurde : expression volontiers utilisée pour désigner
lexistentialisme. Chez Sartre, le sentiment de labsurde naît
de la rencontre de la contingence des choses par la conscience
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ACCEPTION
(La Nausée) : par rapport à la conscience, les choses semblent être
« en trop » et navoir aucune raison dexister. Chez Albert Camus, labsurde signale lincommensurabilité de la raison avec le
monde (Le Mythe de Sisyphe) : la raison nest pas faite pour comprendre le monde dans lequel elle se trouve.
raisonnement par labsurde : en mathématiques, déduction
indirecte qui part de la contradictoire de la conclusion à laquelle
on veut aboutir et qui, parvenant à la contradictoire dun principe ou dun théorème considéré comme vrai, conclut à la validité de lénoncé. La forme logique du raisonnement par labsurde
est : si non C, non P, or P, donc C. On distingue la preuve par
labsurde (qui établit la vérité dune proposition par lévidente
fausseté de lune des conséquences résultant de sa contradictoire) et la réduction à labsurde (le raisonnement qui conduit à
rejeter une assertion en faisant voir quelle aboutirait à une
conséquence connue comme fausse ou, à linverse, à lhypothèse
elle-même).
acception, n.f. Sens dans lequel un mot est employé. Le mot
qui a plusieurs acceptions (comme celui darbre ou davocat) est
dit ambigu ou équivoque. Celui qui na quune seule acception est
dit univoque.
accident, n.m. (lat. accidens, participe présent du v. accidere,
tomber sur et, au figuré, arriver par hasard). Désigne ce qui peut
apparaître ou disparaître sans que le sujet soit pour autant
détruit. Tout ce qui affecte une substance (ou essence) sans
modifier sa nature profonde. Cest la contingence (et non,
comme aujourdhui, le hasard fâcheux) qui définit le concept
daccident en philosophie. Les philosophes du Moyen Âge
disent que lhomme est parlant par essence et riche par accident.
acquis, n.m. et adj. (participe passé de acquérir). Est acquis
chez un être vivant tout ce qui, par opposition à inné (ou naturel), est le résultat de la vie générique et de lexpérience individuelle.
Linné ne doit pas être confondu avec le naturel : qui est inné
chez un individu peut avoir été acquis par ses ancêtres.
ACTE
Inversement, acquis ne signifie pas nécessairement culturel : un
réflexe, par exemple, peut être acquis sans avoir pour cela été
appris.
acte, n.m.
1. Expression dune force virtuellement consciente. Lacte est à la
fois plus restreint et plus large que laction : on dira laction du
temps ou de la pluie, mais non pas lacte du temps ou de la
pluie. Mais, dun autre côté, alors que laction est consciente,
lacte ne lest pas toujours (tel est le cas de lacte réflexe).
2. Aristote oppose lacte (énergéia, doù vient notre énergie) à la
puissance (dunamis, doù a été tirée notre dynamique) comme la
forme à la matière. Cette opposition correspond à celle de la
virtualité du possible et de la réalité effective. Elle nous enseigne
que lacte est lextériorisation, le déploiement dune force. La
statue est en puissance dans le bloc de marbre, elle existera en
acte lorsque le sculpteur laura achevée. Pour Aristote, lacte est
antérieur à la puissance : a) du point de vue logique (la notion
dêtre en puissance ne peut se définir que par rapport à celle
dêtre en acte), b) du point de vue chronologique (lêtre en acte
ne provient dun être en puissance que sous limpulsion dun
autre être en acte), c) du point de vue substantiel (lêtre en puissance tient toute son essence dun être en acte). Lacte est finalité
première.
acte de parole (on dit aussi, plus improprement acte de langage ou,
plus adéquatement, acte de discours) : traduction de lexpression
anglaise speech act proposée par J.R. Searle daprès les travaux
dAustin. Le langage nest pas seulement la description du
monde et il ne sert pas seulement à apprendre et à connaître. Il
est aussi action sur le monde et sur autrui. Il existe des circonstances où pour agir, il suffit de parler : ainsi en va-t-il avec les
actions de prêter ou de promettre : cest alors agir par le langage
et pas seulement dire quelque chose. La notion dactes de langage remet en question lopposition simple des actes et des
paroles.
acte gratuit : acte qui, selon toute apparence, nest déterminé par
aucun motif ni mobile et qui, de ce fait, manifeste lexistence
dune liberté absolue identifiée à la liberté dindifférence. Le crime
accompli par Lafcadio dans Les Caves du Vatican de Gide (le
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ACTUEL
« héros » pousse un inconnu par la portière dun train en marche) est lexemple classique de lacte gratuit. Contre cette
conception, il a été répondu que la volonté de prouver sa liberté
sans mobile constitue par elle-même un mobile.
acte manqué : acte qui pour la conscience constitue un échec mais
qui, daprès Freud, manifeste la réalisation dun désir refoulé.
Lacte manqué nest manqué que pour la conscience ; pour
linconscient, il est réussi. Les oublis, les lapsus, les maladresses
sont des actes manqués dans la mesure où leur cause est psychique et non physique. Les rendez-vous que nous avons « oubliés », les objets que nous avons cassés ne devaient pas être
dune très grande importance à nos yeux.
en acte : par opposition avec « en puissance », désigne laccomplissement dun processus ou la perfection dune essence.
actuel, elle, adj.
1. Au sens courant : présent, contemporain.
2. Au sens philosophique, dorigine aristotélicienne : qui est
réalisé (par opposition à potentiel ou virtuel), effectif (ex. : la
présence actuelle de la statue que son auteur vient dachever).
adéquation, n.f. (lat. adaequatio). Équivalence parfaite entre
deux choses – qui peuvent être des objets, des idées, des signes
ou encore des objets, idées et signes entre eux.
adaequatio rei et intellectus : « adéquation de la chose et de
lintellect » en latin, expression par laquelle Isaac Israël, philosophe juif du Moyen Âge, caractérisait la vérité. Comprendre, cest
rendre son esprit adéquat à la chose même et une idée est vraie
si elle est adéquate à la réalité. La théorie de ladéquation sera
adoptée par la plupart des philosophes classiques et donnera la
définition traditionnelle de la vérité.
affect, n.m. (lat. affectus, participe passé du v. afficere, agir sur,
susciter). Tout ce qui, chez lêtre humain, touche le corps et
lâme et trouble sa tranquillité au point daltérer sa raison et sa
liberté daction. Tout ce qui touche la part non rationnelle de
lindividu humain peut être appelé affect : les émotions (la peur,
la joie, la colère), les désirs, les sentiments (lamour, la tristesse),
les sensations (le plaisir, la douleur) les passions, les fantasmes...