Les définitions de nom et les autres

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Les définitions de nom et les autres
Les définitions de nom et les autres
Stefan Neuwirth
Introduction
Je propose de mener une enquête sur la définition mathématique à partir d’un
exemple géométrique : l’angle droit. Ce nom d’angle droit peut être défini en bonne
et due forme, mais nous allons nous apercevoir que ce n’est le cas d’aucun des termes
utilisés pour ce faire. Il est bien connu qu’on ne peut pas tout définir !
Les dictionnaires passent outre : j’en profite pour consulter la définition des mots
d’angle et de droite et me demander s’il s’agit de définitions de ces choses. C’est l’occasion
de constater que les dictionnaires épousent la mode de leur temps, et de documenter les
difficultés de définir la droite.
Dans la dernière partie, j’étudie dans quelle mesure la méthode axiomatique de Pasch
peut proposer une définition implicite des termes primitifs de la géométrie.
Nous serons guidés dans cette enquête par l’opuscule De l’esprit géométrique de Blaise
Pascal.
1
Un exemple : l’angle droit.
Le discours mathématique contemporain circonscrit étroitement le rôle de la définition : elle introduit un terme nouveau en l’exprimant au moyen de termes connus.
Je vais traiter un exemple en détail : la définition 10 du premier livre des Éléments
d’Euclide, datés des « premières décennies du troisième siècle avant l’ère chrétienne »
(Caveing 1990, page 15). Le manuscrit le plus ancien connu à ce jour qui contienne cette
définition est un papyrus postérieur d’un demi-millénaire (voir Turner et collab. 1985).
1.1
Définir l’angle droit.
La définition 10 a deux parties, dont la première concerne l’angle droit et la deuxième
la droite perpendiculaire.
10. Et quand une droite, ayant été élevée sur une droite, fait les angles adjacents
égaux entre eux, chacun de ces angles égaux est droit, et la droite qui a été élevée est
appelée perpendiculaire à celle sur laquelle elle a été élevée. (Euclide d’Alexandrie
1990, page 160.)
Considérons la première partie de cette définition. Selon la terminologie de Friedrich
Ueberweg (1857), elle est composée d’un definiendum (gérondif du verbe latin definire,
ce qui est à définir), et d’un definiens (participe présent, ce qui définit) :
definiendum
definiens
angle droit
angle d’une droite élevée sur une autre égal à l’angle adjacent.
L’angle droit est défini au moyen des termes angle, droite, élever, égal, adjacent.
1
1.2
Invoquer la définition.
Cet exemple est particulier pour la raison suivante : c’est la première des six définitions du premier livre (sur 23) à être invoquée dans une démonstration des Éléments,
tandis que les autres sont inertes du point de vue du raisonnement déductif et absentes
de la suite du traité. La proposition 11 du premier livre, qui est un problème et non un
théorème, c’est-à-dire qu’elle a « pour but de procurer, de rendre manifeste, de construire
ce qui en un certain sens n’existe pas » (Proclus de Lycie, Commentaire au premier livre
des Éléments d’Euclide, voir Caveing 1990, page 133), est la première à invoquer cette
définition.
Voici ce problème avec la figure qui l’accompagne sur le folio 13 du manuscrit MS
D’Orville 301 de l’an 888. Contrairement aux apparences, les lettres de la figure concordent bien avec les lettres de la démonstration : les points de la base de la figure sont,
de gauche à droite, les points Α, Δ, Γ, Ε et Β, et le point au sommet est le point Ζ. On
y distingue le symbole de l’angle droit, .
11. Mener une ligne droite à angles droits avec une droite donnée, à partir d’un point
donné sur celle-ci.
Soit d’une part la droite donnée ΑΒ et
d’autre part le point Γ donné sur elle.
Il faut alors mener, à partir du point Γ, une
ligne droite à angles droits avec la droite ΑΒ.
Que soit pris au hasard le point Δ sur ΑΓ,
et que soit placée ΓΕ égale à ΓΔ (Prop. 2).
Que soit construit sur ΔΕ le triangle équilatéral ΖΔΕ (Prop. 1), et que ΖΓ soit jointe.
Je dis que la droite ΖΓ est menée à angles droits avec la droite donnée ΑΒ à
partir du point Γ donné sur celle-ci.
En effet puisque ΓΔ est égale à ΓΕ, que ΓΖ est commune, alors les deux ΔΓ, ΓΖ
sont égales aux deux ΕΓ, ΓΖ, chacune à chacune. Et la base ΔΖ est égale à la base ΖΕ
(Df. 20). Donc l’angle sous ΔΓΖ est égal à l’angle sous ΕΓΖ (Prop. 8). Et ils sont
adjacents.
Quand une droite, ayant été élevée sur une droite, fait des angles adjacents
égaux entre eux, chacun de ces angles égaux est droit (Df. 10). Donc chacun des
angles sous ΔΓΖ, ΖΓΕ est droit.
Donc la droite ΓΖ a été menée à angles droits avec la droite donnée ΑΒ à partir du
point Γ donné sur celle-ci. Ce qu’il fallait faire. (Euclide d’Alexandrie 1990, pages 217218.)
La définition est invoquée de la manière suivante : la démonstration construit une
droite sur la droite donnée, établit qu’elle fait les angles adjacents égaux, constate alors
explicitement et mot pour mot le definiens, et conclut qu’on a bien le definiendum. C’està-dire que le definiendum abrège le definiens : dans ce sens, la définition est souvent
qualifiée d’abréviation.
1.3
Établir la possibilité d’un concept.
Je conclus de la présence de cette proposition 11 que la définition 10 impose seulement
le nom d’angle droit et qu’elle ne dit rien sur la possibilité ou l’impossibilité de ce nom ;
c’est la proposition 11 qui établit cette possibilité.
Voici comment Blaise Pascal a exprimé en février 1648 le rôle spécifique de la définition vis-à-vis des propositions et postulats dans sa lettre à Jacques Le Pailleur.
2
D’où il est évident qu’il n’y a point de liaison nécessaire entre la définition d’une chose
et l’assurance de son être ; et que l’on peut aussi bien définir une chose impossible
qu’une véritable. Ainsi l’on peut appeler un triangle rectiligne, ou rectangle, celui
qu’on s’imaginerait avoir deux angles droits, et montrer ensuite qu’un tel triangle
est impossible. Ainsi Euclide définit d’abord les parallèles, et montre après qu’il y en
peut avoir ; et la définition du cercle précède le postulat qui en propose la possibilité.
(Pascal 1970, page 563.)
En d’autres mots, la définition donne un nom à une chose, mais la possibilité ou l’impossibilité de la chose est indépendante de sa définition : elle doit être prouvée ou postulée.
2
2.1
La définition de nom.
Théorie.
On trouve dans l’opuscule De l’esprit géométrique de Blaise Pascal la théorie de la
définition telle que je viens de la présenter, appelée définition de nom. Cet opuscule
daterait de 1655 (voir Pascal 1991, pages 368-376).
On ne reconnait en géométrie que les seules définitions que les logiciens appellent
définitions de nom, c’est-à-dire que les seules impositions de nom aux choses qu’on
a clairement désignées en termes parfaitement connus ; et je ne parle que de celles-là
seulement.
Leur utilité et leur usage est d’éclaircir et d’abréger le discours en exprimant,
par le seul nom qu’on impose, ce qui ne se pourrait dire qu’en plusieurs termes ; en
sorte néanmoins que le nom imposé demeure dénué de tout autre sens, s’il en a, pour
n’avoir plus que celui auquel on le destine uniquement. En voici un exemple.
Si l’on a besoin de distinguer dans les nombres ceux qui sont divisibles en deux
également d’avec ceux qui ne le sont pas, pour éviter de répéter souvent cette condition, on lui donne un nom en cette sorte : j’appelle tout nombre divisible en deux
également nombre pair.
Voilà une définition géométrique, parce qu’après avoir clairement désigné une
chose, savoir : tout nombre divisible en deux également, on lui donne un nom que
l’on destitue de tout autre sens, s’il en a, pour lui donner celui de la chose désignée.
D’où il parait que les définitions sont très libres, et qu’elles ne sont jamais sujettes
à être contredites ; car il n’y a rien de plus permis que de donner à une chose qu’on
a clairement désignée un nom tel qu’on voudra. (Pascal 1991, pages 393-394.)
La « géométrie » est ici une métonymie pour toutes les mathématiques. Voici l’exemple
donné par Pascal :
definiendum
definiens
2.2
nombre pair
nombre divisible en deux également.
Définition de nom et définition de chose.
Pascal écrit qu’il ne parle que de définitions de nom parce que les philosophes scolastiques du Moyen Âge (comme Guillaume d’Ockham, Jean Buridan et Pierre d’Espagne)
en considèrent une autre : la définition de chose. Cette théorie s’est élaborée sur la base
des Topiques d’Aristote, dont voici deux citations, et de ses Seconds Analytiques (voir
Gomez-Lobo 1981).
Une définition est une formule qui exprime l’essentiel de l’essence d’un sujet. (Aristote 1967, I, 2, 101 b 38, page 6.)
3
Une formule définitionnelle a pour composants un genre et des différences. (Aristote
1967, I, 5, 103 b 15-16, page 12.)
La formule dédoublée « l’essentiel de l’essence » proposée par le traducteur reprend le
dédoublement du verbe être dans la formule d’Aristote τὸ τί ἦν εἶναι, qui se traduit littéralement par “le qu’est-ce que c’est qu’être” (un sujet) et est traduit traditionnellement
par “la quiddité” (du sujet).
Le rapport entre la philosophie d’Aristote et les mathématiques d’Euclide est étudié
plus en profondeur par Caveing (1990), Mueller (1991), Wolff (2000).
Les deux définitions que nous avons vues sont bien composées d’un genre et d’une
différence.
genre
différence
angle droit
angle de deux droites
égal à l’angle adjacent
nombre pair
nombre
divisible en deux également.
La citation de Paul Imbs au paragraphe 4.2 donne un exemple non mathématique de
définition ainsi composée.
2.3
Dans la philosophie scolastique.
Voici comment Guillaume d’Ockham distingue dans la Somme logique de 1323 définition de chose (quid rei) et définition de nom (quid nominis). Les trois premiers paragraphes de cette citation proposent une classification très précise de la définition de
chose, et le dernier est consacré à la définition de nom.
La définition se comprend de deux façons. Elle peut exprimer ce qu’il en est de
la chose ou ce qu’il en est du nom. La définition exprimant ce qu’il en est de la chose
se comprend elle-même de deux façons. Au sens large, elle inclut la définition prise
au sens strict et la définition descriptive. Au sens strict, c’est une formule abrégée
exprimant toute la nature de la chose définie et ne manifestant rien qui lui soit
extrinsèque.
Cela peut se faire de deux façons. Parfois, dans un tel énoncé se trouvent des
cas obliques exprimant des parties essentielles de la chose, comme lorsque je définis
l’homme en disant : “l’homme est une substance composée d’un corps et d’une âme
intellective” ; en effet, les noms qui sont à un cas oblique, “corps” et “âme intellective”, expriment des parties de la chose. Cette définition peut être appelée définition
naturelle.
Autre est la définition dans laquelle ne se trouve aucun cas oblique, mais où
le genre se trouve au nominatif, de même que la différence, et où les différences
expriment les parties de la chose définie, à la manière dont “blanc” exprime la blancheur. Et pour cette raison, de même que “blanc”, bien qu’il exprime la blancheur,
ne suppose pas pour la blancheur mais seulement pour le sujet de cette blancheur, de
même ces différences, bien qu’elles expriment les parties de la chose, ne supposent pas
pour ces parties mais pour le tout qui en est composé. Telle est cette définition-ci de
l’homme : “animal rationnel”, ou celle-là : “substance animée, sensible, rationnelle”.
Car les différences “animée”, “sensible” et “rationnelle” supposent pour l’homme,
puisque l’homme est rationnel, animé et sensible ; pourtant ces termes renvoient à
une partie de l’homme, tout comme les abstraits qui leur correspondent renvoient à
une partie ou à des parties de l’homme, mais sur un mode différent. Cette définition
peut être appelée définition métaphysique, puisque c’est ainsi que le métaphysicien
définirait l’homme.
...............................................................................
La définition nominale, quant à elle, est une phrase manifestant explicitement
ce à quoi renvoie un mot, comme lorsque quelqu’un, voulant apprendre à un autre
4
ce que signifie le nom “blanc”, dit que cela signifie la même chose que l’expression
“quelque chose possédant la blancheur”. [. . .] (Guillaume d’Ockham 1988, pages 88-89
et 92.)
Dans ce dernier exemple, seule la blancheur est susceptible d’une définition de chose,
parce que “blanc” se rapporte au sujet de la blancheur.
2.4
Dans la Logique de Port-Royal.
On retrouve dans La logique, ou l’art de penser (première édition en 1662) d’Antoine
Arnauld et Pierre Nicole l’opposition de la définition de nom à la définition de chose.
Le meilleur moyen pour éviter la confusion des mots qui se rencontrent dans
les langues ordinaires, est de faire une nouvelle langue, et de nouveaux mots qui ne
soient attachés qu’aux idées que nous voulons qu’ils représentent. [. . .]
C’est ce qu’on appelle la définition du nom, definitio nominis, dont les géomètres
se servent si utilement, laquelle il faut bien distinguer de la définition de la chose,
definitio rei.
Car dans la définition de la chose, comme peut-être celle-ci : l’homme est un
animal raisonnable : le temps est la mesure du mouvement, on laisse au terme qu’on
définit comme homme ou temps son idée ordinaire, dans laquelle on prétend que sont
contenues d’autres idées, comme animal raisonnable, ou mesure du mouvement ; au
lieu que dans la définition du nom, comme nous avons déjà dit, on ne regarde que
le son, et ensuite on détermine ce son à être signe d’une idée que l’on désigne par
d’autres mots. (Arnauld et Nicole 2011, I, XI, pages 232-233.)
En d’autres mots, une définition de chose n’est pas une définition au sens que lui donne
le discours mathématique contemporain : c’est une proposition qui semble seulement
définir un terme en énonçant qu’il satisfait une certaine propriété, alors qu’il signifie déjà
son « idée ordinaire ».
Arnauld et Nicole donnent un contre-exemple dans la suite.
Et de là il s’ensuit, 1. Que les définitions de noms sont arbitraires, et que celles
des choses ne le sont point. Car chaque son étant indifférent de soi-même et par sa
nature à signifier toutes sortes d’idées, il m’est permis pour mon usage particulier,
et pourvu que j’en avertisse les autres, de déterminer un son à signifier précisément
une certaine chose, sans mélange d’aucune autre. Mais il en est tout autrement de la
définition des choses. Car il ne dépend point de la volonté des hommes que les idées
comprennent ce qu’ils voudraient qu’elles comprissent ; de sorte que si en les voulant
définir nous attribuons à ces idées quelque chose qu’elles ne contiennent pas, nous
tombons nécessairement dans l’erreur.
Ainsi pour donner un exemple de l’un et de l’autre, si dépouillant le mot parallélogramme de toute signification je l’applique à signifier un triangle, cela m’est
permis, et je ne commets en cela aucune erreur, pourvu que je ne le prenne qu’en
cette sorte ; et je pourrai dire alors qu’un parallélogramme a trois angles égaux à
deux droits ; mais si laissant à ce mot sa signification et son idée ordinaire, qui est
de signifier une figure dont les côtés sont parallèles, je venais à dire que le parallélogramme est une figure à trois lignes, parce que ce serait alors une définition de
chose, elle serait très fausse, étant impossible qu’une figure à trois lignes ait ses côtés
parallèles. (Arnauld et Nicole 2011, I, XI, pages 234-235.)
Pour donner un exemple et non un contre-exemple, je propose de considérer que
la proposition 11 est, prise dans sa totalité, avec sa démonstration, une définition de
chose de l’angle droit au sens qu’elle assure l’existence d’une droite perpendiculaire à
une droite donnée et menée à partir d’un point donné de cette droite. Mais Arnauld et
5
Nicole ne proposent pas de tel exemple. Pascal, dont on a vu au paragraphe 1.3 qu’il
est parfaitement conscient du rôle essentiel de telles propositions, choisit ses exemples en
dehors des mathématiques et se borne à faire la mise en garde suivante.
Combien y en a-t-il de même qui croient avoir défini le mouvement quand ils ont
dit : Motus nec simpliciter actus nec mera potentia est, sed actus entis in potentia
[Le mouvement n’est ni simplement acte, ni pure puissance ; mais l’acte de ce qui est
en puissance, version latine de la définition donnée par Aristote, η῾ το῀υ δυναμει
΄
οντος
῎
εντελ
᾿
εχεια,
΄
ᾗ τοιο῀υτον, κ΄ινησ΄ις εστιν
᾿
(Physique III, 1, 201 a 10-11)] ! Et cependant,
s’ils laissent au mot de mouvement son sens ordinaire, comme ils font, ce n’est pas une
définition, mais une proposition. Et ainsi, confondant les définitions qu’ils appellent
définitions de nom, qui sont les véritables définitions libres, permises et géométriques,
avec celles qu’ils appellent définitions de chose, qui sont proprement des propositions
nullement libres, mais sujettes à contradiction, ils s’y donnent la liberté d’en former
aussi bien que des autres ; et chacun définissant les mêmes choses à sa manière, par
une liberté qui est aussi défendue dans ces sortes de définitions que permise dans
les premières, ils embrouillent toutes choses et, perdant tout ordre et toute lumière,
ils se perdent eux-mêmes et s’égarent dans des embarras inexplicables. (Pascal 1991,
pages 399-400.)
Je vais donc ne plus parler de définition de chose qu’avec précaution, la prochaine
fois au paragraphe 6.3.
Je dois concéder ici que de nombreux mathématiciens et philosophes attribuent à
la définition un rôle créateur de la chose définie : voir le paragraphe 8.2. Cela explique
pourquoi Proclus appelle les définitions les « hypothèses » d’une science (voir Caveing
1990, pages 122-123).
Richard Robinson (1950) propose une analyse de la place de la définition de chose
dans la pratique mathématique.
3
Définir les termes qui définissent l’angle droit.
Pascal écrit encore dans De l’esprit géométrique qu’« une méthode encore plus éminente et plus accomplie, mais où les hommes ne sauraient jamais arriver [. . .] consisterait
[. . .] à définir tous les termes ». Regardons donc l’exemple que nous avons choisi et étudions comment Euclide définit les termes droite, élever, angle, adjacent, égal au moyen
desquels la définition 10 est formulée. Ils font l’objet d’un traitement très varié.
3.1
Définir adjacent et élever.
La construction élever est considérée comme parfaitement connue et ne fait pas l’objet
d’une définition ou explication (voir Caveing 1990, note 320, page 131).
Il en est de même du prédicat adjacent ; en voici une définition par Leibniz (1677).
Des angles sont deux à deux consécutifs lorsqu’ils se situent de part et d’autre
d’une unique droite et d’un seul côté d’une autre droite située dans le même plan.
(Leibniz 1995, fragment II, page 65.)
Euclide pourvoit parfois des définitions de relations de situation comme la suivante, issue
du troisième livre.
9. Quand les droites contenant l’angle découpent une certaine circonférence, l’angle
est dit s’appuyer sur celle-ci. (Euclide d’Alexandrie 1990, page 388.)
6
3.2
Définir égal.
L’usage du prédicat égal est décrit par la section des « Notions communes » du
premier livre des Éléments, c’est-à-dire par une liste d’axiomes :
1. Les choses égales à une même chose sont égales entre elles.
2. Et si, à des choses égales, des choses égales sont ajoutées, les touts sont égaux.
..................................................................................
7. Et les choses qui s’ajustent les unes sur les autres sont égales entre elles.
8. Et le tout est plus grand que la partie. (Euclide d’Alexandrie 1990, pages 178-179.)
C’est-à-dire qu’Euclide énonce les règles qui permettent d’établir l’égalité et l’inégalité de
deux choses ; il invoque ces axiomes très souvent, plus de soixante fois dans le premier livre
(voir cependant Mueller 1981, pages 32-40). Ces règles ne peuvent pas être interprétées
comme une définition de nom, mais j’y vois la première occurrence d’une « définition
implicite » (l’expression remonte à Gergonne 1818, page 23).
En voici deux autres exemples dans les Éléments.
— Dans le cinquième livre, Euclide propose ainsi une définition implicite du rapport.
4. Des grandeurs sont dites avoir un rapport l’une relativement à l’autre
quand elles sont capables, étant multipliées, de se dépasser l’une l’autre.
5. Des grandeurs sont dites être dans le même rapport, une première relativement à une deuxième et une troisième relativement à une quatrième
quand des équimultiples de la première et de la troisième ou simultanément
dépassent, ou sont simultanément égaux ou simultanément inférieurs à des
équimultiples de la deuxième et de la quatrième, selon n’importe quelle
multiplication, chacun à chacun, [et] pris de manière correspondante. (Euclide d’Alexandrie 1994, pages 38 et 41.)
— Dans le onzième livre, il procède ainsi pour l’angle dièdre.
6. L’inclinaison d’un plan relativement à un plan est l’angle aigu contenu
par les [droites] menées à angles droits avec la section commune, au même
point, dans chacun des plans.
7. Un plan, relativement à un plan, est dit être incliné de la même manière
qu’un autre, relativement à un autre, quand lesdits angles des inclinaisons
sont égaux l’un à l’autre. (Euclide d’Alexandrie 2001, pages 77-78.)
La définition implicite aura une place importante en axiomatique formelle et j’en
parlerai plus longuement dans la section 8.
3.3
Définir angle.
L’angle et l’angle rectiligne sont l’objet des définitions 8 et 9.
8. Un angle plan est l’inclinaison, l’une sur l’autre, dans un plan, de deux lignes qui
se touchent l’une l’autre et ne sont pas placées en ligne droite.
9. Et quand les lignes contenant l’angle sont droites, l’angle est appelé rectiligne.
(Euclide d’Alexandrie 1990, page 158.)
À première vue, nous pourrions interpréter la définition 8 comme une définition de
nom, mais elle repose d’une manière essentielle sur un terme, « inclinaison », qui ne fait
l’objet d’aucune explication et ne nous semble pas plus connu que le terme à définir.
Néanmoins, cette définition précise les conditions sous lesquelles on parlera d’angle :
— il s’agit d’un rapport qu’entretiennent deux lignes ;
— elles doivent être planes, se rencontrer (mais pas nécessairement en un point qui
limite ces lignes) ;
— l’une n’est pas une ligne droite que l’autre prolonge en ligne droite.
7
3.3.1
L’angle du demi-cercle.
En fait, la définition 8 autorise Euclide à considérer des angles non rectilignes
dans la proposition 16 du troisième livre :
« l’angle du demi-cercle, celui contenu par
la droite ΒΑ et la circonférence ΓΘΑ » ainsi
que « l’angle restant contenu par la circonférence ΓΘΑ et la droite ΑΕ », qui est « la
droite menée à angles droits avec le diamètre
du cercle », c’est-à-dire la demi-tangente au
cercle en Α (l’angle droit sous ΔΑΕ de la
figure ci-contre, extraite du folio 53 du manuscrit MS D’Orville 301 a l’air obtus ; les
lettres de la figure concordent bien avec les
lettres du texte).
Cette proposition 16 montre que l’inclinaison de deux lignes se constate au voisinage du sommet de l’angle : sa démonstration considère un angle aigu sous ΔΑΖ et la
projection orthogonale Η du centre du cercle Δ sur ΑΖ (l’angle droit sous ΔΗΖ de la
figure a l’air encore plus obtus) et établit qu’il est absurde que Η soit à l’extérieur du
cercle. Or l’angle sous ΔΑΖ est l’angle sous ΔΑΗ et il est donc plus petit que l’angle du
demi-cercle. Dans le langage de la géométrie du 20e siècle, je dirais que l’angle contenu
par deux lignes issues d’un point est le germe de segments arbitrairement petits de ces
deux lignes limités par ce point.
Le fait que le point Η puisse se retrouver arbitrairement proche du sommet Α a pu
inspirer la critique suivante de Sextus Empiricus dans Contre les géomètres au 2e siècle.
[. . .] ceux qui le décrivent, lorsqu’ils disent que « l’angle est la partie minimale sous
l’inclinaison de deux droites non juxtaposées », soit définissent la partie minimale
comme un corps sans partie, soit comme ce qu’ils appellent signe, c’est-à-dire le
point. [. . .] de l’angle ils disent qu’il est soit plus grand soit plus petit ; mais rien
n’est plus menu qu’un corps minimal, puisque c’est ce plus menu-ci et non ce moins
menu-là qui sera minimal. Il reste donc à dire que 〈l’angle〉 est pour eux le point ; ce
qui ouvre la voie là encore à des apories. (Giovacchini 2010, page 147.)
Si je reprends l’interprétation d’un angle comme germe, aucuns des deux segments qui le
constituent ne sont les plus petits, à moins de considérer le point lui-même comme deux
segments, ce qui est absurde.
Pourtant Proclus rapporte ainsi la définition de l’angle par Apollonius : « l’angle est
la contraction [συναγωγη],
΄ en un point, d’une surface par une ligne brisée » (voir Caveing
1990, note 47, page 159). Jacques Peletier écrit dans Les six premiers livres des Éléments
géométriques d’Euclide (1557, page 11 de la traduction française de Jean II de Tournes
de 1611, voir Barbin 1994, Loget 2002) que « l’angle consiste en un point, mais c’est
l’inclination qui le fait plus grand ou plus petit » : « le point de la section est pressé et
comme rendu plus étroit, par la mesure de l’inclination ».
3.3.2
Peut-on invoquer cette définition ?
Cependant, Arnauld et Nicole montrent dans La logique, ou l’Art de penser que le
terme angle n’est pas utilisé selon sa définition dans le premier livre en appliquant « un
remède très sûr et très infaillible » de Pascal : « substituer mentalement la définition à
la place du défini » (Pascal 1991, page 394).
8
Euclide définit l’angle plan rectiligne, la rencontre de deux lignes droites inclinées
sur un même plan. Si on considère cette définition comme une simple définition
de mot, en sorte qu’on regarde le mot d’angle comme ayant été dépouillé de toute
signification, pour n’avoir plus que celle de la rencontre de deux lignes, on n’y doit
point trouver à redire. Car il a été permis à Euclide d’appeler du mot d’angle la
rencontre des deux lignes. Mais il a été obligé de s’en souvenir, et de ne prendre
plus le mot d’angle qu’en ce sens. Or pour juger s’il l’a fait, il ne faut que substituer
toutes les fois qu’il parle de l’angle, au mot d’angle la définition qu’il a donnée, et
si en substituant cette définition il se trouve quelque absurdité en ce qu’il dit de
l’angle, il s’ensuivra qu’il n’est pas demeuré dans la même idée qu’il avait désignée ;
mais qu’il est passé insensiblement à une autre, qui est celle de la nature. Il enseigne,
par exemple, à diviser un angle en deux. Substituez sa définition. Qui ne voit que
ce n’est point la rencontre de deux lignes qu’on divise en deux, que ce n’est point
la rencontre de deux lignes qui a des côtés, et qui a une base ou soutendante ; mais
que tout cela convient à l’espace compris entre les lignes, et non à la rencontre des
lignes. (Arnauld et Nicole 2011, IV, IV, pages 538-539.)
En réalité, Euclide n’invoque jamais la définition 8. En particulier, la question de la
possibilité de l’angle ne se pose pas. Les Commentaires de Proclus rendent compte de
la question embarrassante à quelle catégorie appartient l’angle : est-ce une relation, une
qualité ou une quantité ? Sa conclusion est que l’angle est tout cela à la fois.
Je reviens sur la difficulté de définir l’angle au paragraphe 5.2.
3.4
Définir droite.
La ligne droite est l’objet de la définition 4.
4. Une ligne droite est celle qui est placée de manière égale par rapport aux points
qui sont sur elle. (Euclide d’Alexandrie 1990, page 154.)
Cette définition aussi repose aussi de manière essentielle sur une formule, « placé de
manière égale par rapport à », qui ne fait l’objet d’aucune explication et ne me semble
pas plus connue que le terme à définir. En fait, même la forme logique de cette formule
est ambigüe : est-ce un rapport de la droite à chacun de ses points comme je le pense, ou
est-ce un rapport de la droite à ses extrémités comme le soutiennent Michel Federspiel
(1991) et Enrico Giusti (2000) ? Nous allons revenir sur cette définition dans la section 6.
Euclide n’invoque non plus jamais la définition 4, mais la possibilité des droites est
postulée dans la section des « Demandes ».
1. Qu’il soit demandé de mener une ligne droite de tout point à tout point.
2. Et de prolonger continument en ligne droite une ligne droite limitée. (Euclide
d’Alexandrie 1990, pages 167-168.)
L’usage moderne du terme de droite en fait un objet infini en extension, alors qu’Euclide ne considère que des segments de droite qu’il prolonge au besoin. L’adverbe « continument » fait ici sa seule apparition dans les Éléments : il exprime que la droite que l’on
prolonge “tient ensemble” avec le prolongement, de sorte que la limite au-delà de laquelle
la droite a été prolongée devient un point quelconque de la droite prolongée.
3.5
Le contexte de la définition de l’angle droit.
En étudiant les termes au moyen desquels l’angle droit est défini, nous avons découvert
au fur et à mesure le contexte de sa définition, dans lequel je distingue une composante
épistémologique et une composante mathématique.
9
Voici comment David Hilbert et Paul Bernays rendent compte du contexte épistémologique de la géométrie euclidienne dans leurs Fondements des mathématiques (1934).
[. . .] l’axiomatique matérielle (inhaltlich) introduit ses concepts fondamentaux en
référence à des évènements connus, et [. . .] ses principes fondamentaux sont, soit
présentés comme des faits évidents qu’on peut discerner clairement, soit formulés
comme un extrait d’un complexe empirique, donnant par là l’occasion d’exprimer
la croyance qu’on est arrivé sur la trace de lois de la nature, tout en ouvrant la
perspective d’appuyer cette croyance sur le succès de la théorie. (Hilbert et Bernays
2001, page 56.)
Le contexte mathématique est d’abord celui d’une géométrie où l’égalité se constate
uniquement par superposition et dont les fondements se passent du nombre. Puis c’est
celui d’un agencement où les angles sont définis immédiatement après la ligne droite et
avant le cercle. Je n’imagine pas d’autre définition de l’angle droit dans ce contexte !
Notons que l’angle droit fournit un étalon d’inclinaison, alors qu’un étalon de longueur
ne peut être posé qu’arbitrairement. C’est peut-être une des motivations de la demande 4.
4. Et que tous les angles droits soient égaux entre eux. (Euclide d’Alexandrie 1990,
page 173.)
Nous avons pu observer que c’est la description du contexte qui fournit les clés de la
définition. Celle-ci est claire dans la mesure où son contexte l’est.
4
La définition de mot.
Le fait que les définitions 4 et 8 ne sont jamais invoquées pose la question de leur
sens : à quoi bon les formuler si elles ne servent pas en tant que telles ? En fait, je
constate que ce ne sont pas des définitions mathématiques au sens que leur donne le
discours mathématique contemporain. Mais selon quelle acception du terme sont-elles
alors des définitions, et de quelle nature est leur pertinence ?
Notons déjà que les définitions 4 et 9 répondent aux exigences d’Aristote dans la
mesure où elles sont composées d’un genre et d’une différence, alors que la définition 8
introduit un genre premier.
genre
différence
4.1
droite
ligne
placée de manière égale
par rapport aux points sur elle
angle rectiligne
angle
contenu par deux droites.
Définir définition.
Rappelons avec Bernard Vitrac ce que signifie « définition », le premier mot des
Éléments d’Euclide :
ὅρος désigne les bornes de pierre, les limites de propriété, les bornes hypothécaires, les
frontières. Par analogie, le mot a pris le sens de « détermination » et de « définition ».
C’est le nom des énoncés liminaires que nous sommes en train de commenter. (Euclide
d’Alexandrie 1990, note 57, page 161.)
“Définir” a donc en grec le sens étymologique de délimiter, d’exprimer où commence et
où s’arrête un terrain (sens propre) ou l’extension d’une notion (sens figuré). Le verbe
a été repris en latin dans ces deux sens (cf. le Gaffiot), et on les retrouve dans l’Oxford
10
English dictionary et dans le Dictionnaire du moyen français (1330-1500) ainsi que dans
le Trésor de la langue française, mais le sens propre s’est peu à peu effacé au profit du
sens figuré dans le français contemporain.
L’histoire de ce mot est en tous points parallèle à celui du mot “terme”, dont voici
le sens propre.
TERME. n. m. Borne marquant une limite et faite d’un buste terminé en gaine,
en souvenir du dieu Terme qui, chez les Romains, marquait et protégeait les limites
des terres. Planter des termes. [. . .] (Académie française 1935, page 650.)
4.2
Théorie.
Les définitions 4 et 8 des termes de droite et d’angle ont disparu des manuels de
géométrie et sont aujourd’hui reléguées dans les dictionnaires. Arnauld et Nicole font de
telles définitions l’objet de l’avertissement suivant au chapitre XI du premier livre de
leur Logique (de 1664).
Il faut aussi prendre garde de ne pas confondre la définition de nom dont nous
parlons ici, avec celle dont parlent quelques philosophes, qui entendent par là l’explication de ce qu’un mot signifie selon l’usage ordinaire d’une langue, ou selon son
étymologie. (Arnauld et Nicole 2011, I, XI, page 233.)
Puis ils leur consacrent le dernier chapitre du premier livre.
CHAPITRE XIII. D’une autre sorte de définitions de noms, par lesquels on marque
ce qu’ils signifient dans l’usage.
Tout ce que nous avons dit des définitions de noms ne se doit entendre que de
celles où l’on définit les mots dont on se sert en particulier : et c’est ce qui les rend
libres et arbitraires, parce qu’il est permis à chacun de se servir de tel son qu’il lui
plait pour exprimer ses idées, pourvu qu’il en avertisse. Mais comme les hommes ne
sont maitres que de leur langage, et non pas de celui des autres, chacun a bien droit
de faire un dictionnaire pour soi ; mais on n’a pas droit d’en faire pour les autres, ni
d’expliquer leurs paroles par les significations particulières qu’on aura attachées aux
mots. C’est pourquoi quand on n’a pas dessein de faire connaitre simplement en quel
sens on prend un mot, mais qu’on prétend expliquer celui auquel il est communément
pris, les définitions qu’on en donne ne sont nullement arbitraires ; mais elles sont liées
et astreintes à représenter non la vérité des choses, mais la vérité de l’usage, et on
les doit estimer fausses, si elles n’expriment pas véritablement cet usage, c’est-àdire si elles ne joignent pas aux sons les mêmes idées qui y sont jointes par l’usage
ordinaire de ceux qui s’en servent. Et c’est ce qui fait voir aussi que ces définitions
ne sont nullement exemptes d’être contestées, puisque l’on dispute tous les jours de
la signification que l’usage donne aux termes.
Or quoique ces sortes de définitions de mots semblent être le partage des grammairiens, puisque ce sont celles qui composent les dictionnaires, qui ne sont autre
chose que l’explication des idées que les hommes sont convenus de lier à certains
sons, néanmoins l’on peut faire sur ce sujet plusieurs réflexions très importantes
pour l’exactitude de nos jugements.
La première, qui sert de fondement aux autres, est que les hommes ne considèrent pas souvent toute la signification des mots, c’est-à-dire que les mots signifient
souvent plus qu’il ne semble, et que lorsqu’on en veut expliquer la signification, on ne
représente pas toute l’impression qu’ils font dans l’esprit. (Arnauld et Nicole 2011,
I, XIII, pages 245-247.)
On trouve chez Sylvain Auroux (1993) une étude des trois types de définition dans
la Logique de Port-Royal.
11
Les définitions de mot ont en commun avec les définitions de chose qu’elles ne sont pas
arbitraires. Elles diffèrent par leur validité et leur mode de vérification : les premières
rendent compte de l’usage alors que les deuxièmes recherchent le vrai, de sorte que
les premières sont appuyées par des exemples et des citations, alors que les deuxièmes
appellent à une justification. Voici comment Paul Imbs (1971) décrit cette différence dans
la préface du Trésor de la langue française.
C’est pourquoi la définition lexicographique peut sans difficulté assumer la conception aristotélicienne de la définition, conçue comme un énoncé indiquant d’abord
le genre prochain (banc a pour genre prochain « siège avec ou sans dossier ou bras,
assez large pour servir à plusieurs personnes », genre prochain qu’il partage par
exemple avec canapé), puis la différence spécifique (par rapport à canapé, banc a
pour différence spécifique d’être moins profond et plus dur et de ne pas figurer dans
le mobilier de salon). Par le genre prochain la définition insiste sur la substance sémique en orientant le mot vers l’objet trans- et extralinguistique (le référé, ou, selon
la terminologie habituelle, le référent) qu’elle montre (c’est la fonction désignative
ou déictique de la définition) ; par la différence spécifique elle délimite le mot par
rapport à ses voisins et lui sert en quelque sorte de guide et de garde-fou dans son
cheminement vers le référé. Toutes les définitions lexicographiques n’ont cependant
pas cette forme classique : elles peuvent remplacer l’indication du genre prochain par
celle du genre éloigné (« action de. . . ») ou par celle de l’ensemble (cf. supra [les classificateurs collectifs]) qui groupe en un singulier une pluralité d’entités identiques ;
ou encore par celle d’une similitude (« espèce de. . ., sorte de. . . ») ou d’une privation
(« absence de. . ., cessation de. . . »), c’est-à-dire par des déterminations sémantiques
du premier mot de la définition, souvent réduite dans ce cas à un synonyme.
Mais à la différence de la définition aristotélicienne qui cherchait à dire le vrai,
c’est-à-dire ce qui existe réellement en dehors et indépendamment de nos représentations de la réalité, la définition lexicographique ne vise qu’à appréhender celles-ci
sans avoir à se préoccuper de leur vérité. Elle n’a donc pas à connaitre la différence
entre définitions de choses (c’est-à-dire de réalités non créées par notre esprit) et
définitions de mots (comme par exemple celles qu’appellent les concepts mathématiques, œuvres conventionnelles de notre esprit sans relations substantielles avec le
réel). En revanche, du fait qu’elles ne visent pas à saisir la réalité, mais des vues sur
la réalité ou des créations imaginaires, les définitions linguistiques sont toujours sujettes à variation, liées qu’elles sont à la situation contingente des sujets parlants qui
ont élaboré ces vues ou ces créations imaginaires : celles-ci sont fragiles comme tout
ce qui est historique et culturel, et comme la langue elle-même, création et recréation
continue d’un donné malléable parce que maniable dans et pour des situations seulement historiques et naturellement non éternelles. Elle n’a pas davantage à s’inquiéter
outre mesure de la distinction entre ce qui est linguistique et ce qui est encyclopédique, les informations encyclopédiques allant par nature au-delà des traits déictiques
et différenciateurs que relève l’analyse componentielle et qui, comme on l’a rappelé
plus haut, constituent l’essence même de la définition en tant qu’elle a un contenu :
celui-ci n’est que le contenu utile pour le fonctionnement correct du langage, et non
pas le contenu nécessaire pour la connaissance exhaustive du référé. Elle reflète le
statut même de la langue, qui dans sa structure interne n’est ni physis [nature] ni
thesis [théorie], mais poiesis [création]. (Imbs 1971, page XXXVIII.)
La théorie lexicographique de la définition est décrite plus en détail par Bernard
Quemada (1967).
5
Définition du mot angle dans les dictionnaires.
Nous allons consulter la 1re, 8e et 9e édition du Dictionnaire de l’Académie française,
datant respectivement de 1694, de 1932 et de 1992. Ce dictionnaire
12
ne cite point, parce que plusieurs de nos plus célèbres Orateurs et de nos plus grands
Poètes y ont travaillé, et qu’on a cru s’en devoir tenir à leurs sentiments. [. . .]
[L’Académie] a donné la Définition de tous les mots communs de la Langue dont
les Idées sont fort simples ; et cela est beaucoup plus malaisé que de définir les mots
des Arts et des Sciences dont les Idées sont fort composées ; Car il est bien plus aisé,
par exemple, de définir le mot de Télescope, qui est une Lunette à voir de loin, que
de définir le mot de voir ; Et l’on éprouve même en définissant ces termes des Arts
et des Sciences, que la Définition est toujours plus claire que la chose définie ; au
lieu qu’en définissant les termes communs, la chose définie est toujours plus claire
que la Définition. Ainsi quoique Aristote ait fait une définition excellente quand il
a défini l’homme Animal Raisonnable, il est constant néanmoins que le mot Homme
nous représente mieux ce qu’il signifie que cette définition. (Académie françoise 1694,
préface.)
Ce dictionnaire pourvoit donc des exemples fabriqués par les Académiciens. Ils s’expriment sur leur utilité dans la 7e édition.
C’est par des exemples nombreux et bien choisis que l’Académie, depuis qu’elle
s’occupe du dictionnaire, s’est efforcée de remédier à cette nécessaire insuffisance
des définitions. Les exemples, en plaçant successivement un mot sous tous ses jours,
corrigent et rectifient ce que la définition a d’incertain et de trop vague dans ses
termes généraux, et conduisent, en quelque sorte, naturellement l’esprit d’un sens au
sens voisin par une gradation insensible. À un coup d’œil superficiel, on serait tenté
de croire peut-être que l’Académie multiplie trop les exemples, tant ils semblent
quelquefois différer peu les uns des autres ; un examen plus attentif fait revenir
vite de cette erreur. Les exemples sont la vraie richesse et la partie la plus utile
du dictionnaire. C’est là qu’avec un peu de patience le lecteur est toujours sûr de
trouver ce qu’il cherche, soit qu’il ait des doutes sur la justesse et la propriété d’un
terme, soit que le sens même d’une expression lui échappe. (Académie française 1878,
page VII.)
Les préfaces des neuf éditions du Dictionnaire ont été rééditées avec un commentaire par
Bernard Quemada (1997).
Voici les définitions successives du mot angle.
ANGLE. s. m. Inclination de deux lignes qui aboutissent à un même point. Angle droit.
angle aigu. angle obtus. angle de tant de degrés. cette muraille fait un grand angle.
angle saillant. angle rentrant. l’angle du centre. l’angle de la circonférence. une figure
à plusieurs angles. (Académie françoise 1694, page 40.)
ANGLE. n. m. T. de Géométrie. Ouverture de deux lignes qui se rencontrent
en un point, degré d’inclinaison qu’elles ont l’une à l’égard de l’autre. Angle droit.
Angle aigu. Angle obtus. Angle de quarante-cinq degrés. Angle de cent degrés. Angle
saillant. Angle rentrant. Angle rectiligne, curviligne. Une figure à plusieurs angles.
Angle optique. Angle visuel. Angle de réflexion, de réfraction. Angle d’incidence.
Sommet, côtés d’un angle. [. . .] (Académie française 1932, page 57.)
ANGLE n. m. xiie siècle. Du latin angulus, « angle, coin ».
1. géom. Figure formée par deux demi-droites, deux courbes planes ou deux
demi-plans qui se coupent. Le sommet, les côtés d’un angle. Le grade, le degré, la
minute, la seconde sont des unités d’angle. Dans le Système international, l’ouverture
d’un angle plan se mesure en radians. Angle droit, dont les côtés sont perpendiculaires entre eux. Angle aigu, plus petit que l’angle droit. Angle obtus, plus grand que
l’angle droit. Angles complémentaires, dont la somme vaut un angle droit. Angles
supplémentaires, dont la somme vaut deux angles droits. Angles adjacents, ayant
même sommet et un côté commun. Angle dièdre, formé de deux demi-plans qui se
coupent, limités à leur intersection. Angle solide, portion d’espace intérieure à un
13
cône. L’unité d’angle solide est le stéradian. Angle horaire d’un astre, une des coordonnées qui caractérisent, à un instant donné, la position de l’astre par rapport au
méridien du lieu. [. . .] (Académie française 1992, page 89.)
Cette dernière entrée renvoie successivement aux entrées suivantes pour la définition de
l’angle droit.
PERPENDICULAIRE adj. xive siècle, perpendiculer ; xve siècle, perpendiculaire. Emprunté du latin perpendicularis, de même sens, lui-même tiré de perpendiculum, « fil à plomb ».
1. géom. Se dit de droites ou de plans qui forment entre eux un angle de 90°.
(Académie française 2011, page 327.)
DEGRÉ n. m. xie siècle, au sens de « marche d’escalier ». Probablement composé latin tardif de la préposition de, marquant un mouvement de haut en bas, et
gradus, « pas, marche (d’un escalier), hiérarchie, rang », de gradi, « marcher, s’avancer ».
...............................................................................
IV. Unité de mesures scientifiques. 1. Chacune des divisions égales d’une circonférence ; unité de mesure des angles formés par les rayons d’un cercle (abréviation °).
géom. Le degré centésimal ou grade est la quatre-centième partie de la circonférence ;
le degré sexagésimal, ou simplement degré, en est la trois-cent-soixantième partie.
360° = 400 grades ou 2 π radians. Le quart de cercle comprend quatre-vingt-dix
degrés. [. . .] (Académie française 1992, page 622.)
Antoine Arnauld définit lui aussi dans ses Nouveaux éléments de géométrie (1667) que
« toute circonférence se conçoit divisée en 360 parties égales qui s’appellent degrés »
(livre cinquième, XX) et que les angles rectilignes se mesurent par « la partie proportionnelle d’une circonférence dont le centre est au point où ces lignes se joignent » (livre
huitième, II), mais les droites perpendiculaires sont définies séparément (voir Arnauld
2009, pages 363, 454 et 366-367). Le Dictionnaire ne précise pas le rapport entre angle
et circonférence de cercle ; quant au « quart de cercle », il renvoie à une application du
problème suivant, traité dans le troisième livre des Éléments d’Euclide.
30. Couper une circonférence donnée en deux parties égales.
Cependant, la démonstration de ce problème repose de manière essentielle sur le problème 11 du premier livre, que nous avons vu dans le paragraphe 1.2 !
5.1
Définition de mot ?
La 1re et la 8e édition s’inspirent de la définition 8 d’Euclide et en font une définition
de mot. La comparaison des deux éditions montre que comme Arnauld et Nicole, les
Académiciens avaient pour souci de voir dans l’angle une quantité et non pas une qualité :
voir le paragraphe 3.3.2.
5.2
Définition de nom ?
La 9e édition rompt avec la tradition euclidienne : j’interprète la définition qu’elle
donne comme une définition de nom et je l’analyse comme suit :
definiendum
definiens
angle
figure formée par deux demi-droites, deux courbes planes
ou deux demi-plans qui se coupent.
Consultons la définition du mot figure dans la même édition :
14
FIGURE n. f. ixe siècle. Emprunté du latin figura, « forme, aspect, représentation sculptée, mode d’expression, manière d’être », dérivé de fingere, « façonner ».
...............................................................................
III. Combinaison d’éléments divers dessinant une forme, s’organisant en un motif. 1. Représentation graphique de lignes, de surfaces, de volumes. Le cercle, le trapèze sont des figures géométriques. Tracer la figure d’un cône. (Académie française
2000, page 129.)
C’est précisément en ce sens que j’ai utilisé ce mot aux paragraphes 1.2 et 3.3.1 ; les
Grecs utilisent le mot διαγραμμα
΄
pour ce sens.
Mais Arnaud et Nicole ne donnaient certainement pas ce sens au mot figure dans
l’extrait cité au paragraphe 2.4 : je constate qu’il est incohérent avec l’usage du mot
dans la définition d’angle. En effet, un terme géométrique ne peut être identifié à ses
représentations graphiques.
Essayons d’appliquer la définition euclidienne du mot figure, qui correspond au mot
grec σχ῀ημα.
13. Une frontière est ce qui est limite de quelque chose.
14. Une figure est ce qui est contenu par quelque ou quelques frontière(s). (Euclide
d’Alexandrie 1990, page 161.)
Je constate que la « figure formée par deux demi-droites » est illimitée et que la
définition d’angle de la 9e édition ne pourrait donc pas être insérée après la définition 14
des Éléments. J’objecte aussi que la notion d’angle est censée être plus élémentaire que
celle de figure.
Elle ne permet pas non plus d’exprimer la proposition 16 du troisième livre puisque
si on considère l’angle rectiligne aigu sous ΔΑΖ et l’angle du demi-cercle comme des
figures, elles ne satisfont plus aucune relation de la partie au tout.
D’aucuns considèrent les « deux demi-droites » comme la figure elle-même et non
comme une frontière. Mais alors cette définition ne permet plus une lecture quantitative,
contrairement à la définition euclidienne (un angle est d’autant plus petit que deux lignes
sont plus inclinées l’une vers l’autre), et oblige à définir séparément une relation d’ordre :
voir le paragraphe 3.3.2.
6
Définition du mot droite dans les dictionnaires.
Voici à présent la définition du mot droite dans la 1re, 8e et 9e édition du Dictionnaire
de l’Académie française.
DROIT, OITE. adj. Qui n’est pas courbé, qui ne penche ni de côté ni d’autre. Ligne
droite. droit comme un jonc. de droit fil. en droite ligne. il vient en droite ligne d’un
tel. tenir la tête droite. petit garçon, tenez-vous droit.
On dit, Le droit chemin. le plus droit chemin, pour dire, Le plus court.
On dit, qu’Un homme est droit comme un cierge, comme un jonc, pour dire,
qu’Il se tient fort droit.
Il sign. quelquefois, Qui n’est pas couché, qui est debout. Se tenir droit sur ses
pieds. demeurer droit en son séant. cette statue paraitra bien plus belle quand elle sera
droite, qu’à présent qu’elle est couchée. [. . .] (Académie françoise 1694, page 350.)
DROIT, OITE. adj. Qui n’est pas courbe, qui va d’un point à un autre par
le plus court chemin. Cette rue est toute droite. De droit fil. Avoir la taille droite
et bien prise. La rivière est droite depuis tel village jusqu’à telle ville. Voilà le droit
chemin, le plus droit chemin.
15
En termes de Géométrie, Ligne droite, ou par ellipse, comme nom féminin, La
droite, Le plus court chemin d’un point à un autre.
Être droit comme un I, se dit de Quelqu’un qui se tient très droit.
Fig., La droite voie, en termes de Dévotion, La voie du salut. La voie droite, en
termes de Morale, La voie du bien, de la vertu.
Il signifie aussi Qui est perpendiculaire à l’horizon, qui ne penche d’aucun côté.
Ce mur n’est pas droit, il penche. [. . .] (Académie française 1932, page 422.)
DROIT, DROITE adj., adv. et n. xie siècle, dreit, « juste, vrai, exact ». Du
latin directus, « qui est en ligne droite, à angle droit » ; au figuré, « direct, sans
détour, juste ».
I. Adj. Qui n’est ni courbe ni incliné. 1. Qui s’étend sans déviation ni inflexion
d’un point à un autre. Un tronc d’arbre droit comme un mât. Une rue droite. Cette
règle millimétrée n’est pas tout à fait droite. Pour qu’il soit parfaitement droit, l’alignement des peupliers a été tracé au cordeau. Être droit comme un I. Se tenir bien
droit, très droit. Spécialt. Ligne droite. La ligne droite peut être matérialisée par un
fil tendu entre deux points. La ligne droite est le plus court chemin d’un point à un
autre.
...............................................................................
III. N. 1. N. f. géom. Une droite, une ligne telle que deux des points par lesquels
elle passe sont nécessaires et suffisants pour la définir. Segment de droite, portion de
droite limitée par deux points. Décrire une droite, la tracer. Deux droites parallèles
ne se rencontrent jamais. Droites concourantes, qui convergent vers un même point.
(Académie française 1992, pages 739-740.)
6.1
Définition de mot ?
Je constate que la 1re et la 8e édition concordent sur la signification que l’usage donne
au terme droite et qu’elles en donnent une définition de mot.
La 9e édition propose une définition de l’adjectif droit dans le même esprit (sauf
qu’elle produit un I qui est incliné !), mais rajoute une définition du nom droite d’une
nature complètement différente : on peut y reconnaitre la première demande citée au
paragraphe 3.4 pour la suffisance et la notion commune 9 ci-dessous pour la nécessité.
9. Et deux droites ne contiennent pas une aire. (Euclide d’Alexandrie 1990, page 179.)
Cette 9e édition proposerait donc une définition à partir d’énoncés qu’Euclide a rangés
parmi les postulats et axiomes ! Nous allons y revenir dans la section 8. Mais on peut y
reconnaitre aussi la définition de la droite par Leibniz (voir Bkouche 2009, page 181) :
Ce qui est déterminé par la donnée de deux points est l’extensum le plus simple
passant par eux, que nous appellerons droite. (Leibniz 1995, fragment XIV, page
279.)
6.2
Commentaire de la définition euclidienne.
Toutes les éditions du Dictionnaire évitent la formule « de manière égale par rapport
à » de la définition 4. On constate en fait que la définition de la droite par Euclide
était déjà obscure pour Proclus au cinquième siècle de notre ère. Plutôt que de lire
son commentaire, lisons celui de Christoph Clavius (1589, pages 30-31) dans la deuxième
édition de sa traduction latine des Éléments, selon la version de Denis Henrion (1632). On
y retrouve les références de Proclus : la définition métrique par Archimède (lignes 12-14),
la définition optique par Platon (lignes 14-20) et la définition mécanique par Geminos
comme « flux uniforme et privé d’inclinaison latérale d’un point » selon un « mouvement
uniforme et minimal » (ma traduction de Proclus, lignes 21-29).
16
4. La ligne droite, est celle qui est également comprise et étendue entre ses points.
1
Les Mathématiciens ont de trois sortes de lignes, c’est
à savoir la ligne droite, la ligne circulaire, qu’ils appellent
aussi ligne courbe, et la ligne mixte : Euclide définit ici la
droite, laquelle il dit être celle-là qui est également étendue entre ses points : ainsi la ligne ACB est dite ligne
droite, pour ce que tous les points entremoyens d’icelle
ligne, comme C, sont également posés entre les extrêmes A et B, l’un n’étant
plus élevé ou abaissé que l’autre : ce qui n’advient aux trois autres lignes ADB,
AEB, AFB, car il est manifeste que les points entremoyens D, E, F sont bien plus
élevés que les extrêmes A et B. Quelques autres Auteurs ont diversement défini la
ligne droite : car Campanus dit, que c’est le plus court chemin d’un point jusqu’à
un autre : et, selon Archimède, la ligne droite est la plus courte de toutes celles qui
ont mêmes extrémités. Mais Platon dit que c’est celle-là dont les points du milieu
ombragent les extrêmes : comme par exemple, si en la ligne ACB, le point extrême A
avait la vertu d’illuminer, et le point du milieu C la force de cacher : icelui point C
empêcherait que le point extrême B fût illuminé de l’autre extrême A. Et aussi l’œil
étant au point extrême A, il ne pourrait voir l’autre extrême B, à cause du point C
posé entre iceux extrêmes : ce qui n’arriverait pas aux lignes non droites, comme le
démontrent les lignes ADB, AEB, et AFB.
Or tout ainsi que les Mathématiciens conçoivent la ligne être décrite par le flux
et mouvement imaginaire du point, ainsi aussi entendent-ils la qualité de la ligne
décrite par la qualité d’icelui mouvement : car si on entend que le point coule droit
par le plus court chemin, ne se détournant çà ni là, la ligne ainsi décrite sera appelée
ligne droite : mais si le point fluant vacille en son mouvement, et s’écarte çà et là,
la ligne décrite sera appelée mixte : et finalement si le point fluant ne vacille en son
mouvement, mais est porté en rond d’un certain mouvement uniforme et régulier,
gardant toujours une égale distance à quelque certain point à l’entour duquel il est
porté, cette ligne décrite sera appelée circulaire. Or Euclide ne traite ici que de deux
simples lignes, savoir est de la droite et de la circulaire. Il a défini celle-là ci-dessus,
et il définira cette-ci à la 15. déf. Mais quant à la mixte, il en omet la définition,
pour ce qu’elle n’a aucun usage en ses éléments géométriques : il y en a de plusieurs
sortes, et d’icelles traitent amplement Apollonius Pergeus, Nicomède, Archimède et
autres Auteurs. (Henrion 1632, pages 2-3)
2
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34
Je retiens de ce commentaire que la définition d’Euclide est une tentative désespérée
de trouver une formulation positive pour “non courbé”. Les mots « de manière égale »
traduisent l’expression grecque ἐξ ἴσου, qui est en fait bien mieux rendue par l’expression
latine ex aequo : comme le dit Henrion, la ligne droite est la ligne décrite par un point
« ne se détournant çà ni là », c’est-à-dire selon un « mouvement » qui s’écoule de manière
égale.
Je conclus donc au titre d’une telle interprétation que la définition 4 réalise une
définition de mot.
6.3
Définition de chose ?
Cependant, les mathématiques du 19e siècle permettent de prouver cette interprétation dans le cadre de la discipline qui traite des lignes et des surfaces courbes, c’est-à-dire
la géométrie différentielle. En effet, on y prouve qu’une géodésique ne se courbe que dans
la mesure où la surface sur laquelle elle est décrite se courbe ; or la surface plane est
de courbure nulle et la droite est une géodésique du plan par la proposition 20 du premier livre. J’estime que cette preuve, adjointe à la définition 4, permet de formuler une
définition de chose de la droite !
17
Cependant, ce que prouve l’histoire des géométries non euclidiennes, c’est que la véritable définition de chose de la droite de la géométrie euclidienne provient de la cinquième
demande, c’est-à-dire du postulat des parallèles :
5. Et que, si une droite tombant sur deux droites fait les angles intérieurs et du même
côté plus petits que deux droits, les deux droites, indéfiniment prolongées, se rencontrent du côté où sont les angles plus petits que deux droits. (Euclide d’Alexandrie
1990, page 175.)
En effet, il s’avère que c’est lui qui oblige deux droites à toujours garder leur inclinaison
respective (définissons-la comme la différence entre deux droits et la somme des angles
intérieurs et du même côté faits par une droite tombant sur elles) et donc à ne pas se
courber l’une par rapport à l’autre.
6.4
Critique de D’Alembert.
Voici une critique de D’Alembert de toutes les tentatives passées de définir la ligne
droite dans un de ses Éclaircissements de 1767 consacré aux définitions mathématiques,
à commencer par la définition des parallèles.
On parviendrait peut-être plus facilement à la trouver, si on avait une bonne
définition de la ligne droite ; par malheur cette définition nous manque. Il ne parait
pas possible d’en donner une autre que celle dont presque tous les Mathématiciens
font usage ; mais cette définition, comme nous l’avons dit ailleurs, exprime plutôt
une propriété de la ligne droite, que sa notion primitive. Ce n’est pas que je veuille,
avec quelques Géomètres, chercher cette notion dans l’idée que la vision nous donne
de la ligne droite, en nous apprenant que les points de cette ligne se couvrent les
uns les autres lorsque l’œil se trouve placé dans son prolongement. Cette notion de
la ligne droite serait très-peu géométrique, 1o. parce qu’il y a des lignes droites pour
un aveugle, et que l’illustre Saunderson entre autres en avait une idée très-distincte
sans en avoir jamais vu ; 2o. parce qu’il serait impossible de savoir que la lumière
se répand en ligne droite, si, pour connaitre la rectitude d’une ligne, nous n’avions
d’autre moyen que d’examiner si les points de cette ligne se cachent les uns les
autres quand l’œil est placé dans son prolongement. Si la lumière se propageait en
suivant une ligne circulaire d’une courbure déterminée, et que l’œil fût placé sur la
circonférence d’un tel cercle, tous les points de ce cercle se cacheraient les uns les
autres, et cependant la ligne sur laquelle ils seraient placés ne serait pas droite.
On ne définirait pas mieux la ligne droite, en disant avec d’autres Auteurs que
c’est une ligne dont tous les points sont dans la même direction. Car qu’est-ce que
direction ? Et comment en peut-on avoir l’idée, si on n’a déjà celle de ligne droite ?
On est donc comme forcé d’en revenir à la définition ordinaire, que la ligne droite
est celle qui est la plus courte d’un point à un autre. Mais il est aisé de sentir que
cette définition n’est pas telle qu’on pourrait le désirer. En premier lieu, d’où sait-on
que d’un point à un autre, il n’y a qu’un seul chemin qui soit le plus court ? Pourquoi
ne pourrait-il pas y en avoir plusieurs, tous différents, tous égaux, et tous les plus
courts ? On n’est persuadé de la vérité contraire, et on ne la suppose dans la définition
de la ligne droite, que parce qu’on a déjà dans l’esprit ou plutôt dans les sens, si
je puis parler de la sorte, une notion de la ligne droite qui renferme implicitement
cette vérité. C’est cette notion qu’il faudrait exprimer ; mais les termes, et peut-être
les idées, nous manquent pour cela. Hoc opus, hic labor est [voilà l’obstacle, voilà
l’épreuve].
En second lieu, supposons qu’en effet la ligne droite soit le plus court chemin d’un
point à un autre, que ce plus court chemin soit unique, et qu’il n’y en ait pas deux
égaux ; je vois clairement comment on peut conclure de là, que si on veut mener une
ligne droite d’un point à un autre, tous les points par lesquels doit passer cette ligne,
18
sont nécessairement donnés, et que la ligne qui joint deux quelconques de ces points,
est aussi la plus courte qu’on puisse mener ou imaginer de l’un à l’autre. Mais je ne
vois pas avec la même évidence, en partant de la définition supposée, qu’une ligne
droite tirée par deux points ne puisse être prolongée que d’une seule manière, ou ce
qui revient au même, que deux lignes droites, tirées d’un même point à deux autres
points, ne puissent pas avoir une partie commune : je ne dis pas que cela ne soit
évident, je dis (et je me flatte qu’on en conviendra après y avoir fait attention) que
cela ne suit pas évidemment de la définition supposée, mais d’une notion primitive
de la ligne droite que nous avons dans l’esprit, sans pouvoir en quelque façon la
rendre par des expressions ; idée dont la définition supposée n’est que la suite.
La définition et les propriétés de la ligne droite, ainsi que des lignes parallèles, sont donc l’écueil, et, pour ainsi dire, le scandale des éléments de Géométrie.
([D’Alembert] 1767, § XI Sur les éléments de Géométrie, pages 203-207.)
Voici deux références pour prolonger cette enquête sur la définition de la droite :
Barbin et Itard (1993), Bkouche (2009).
7
L’impossibilité de tout définir.
Notre enquête sur la définition de l’angle droit nous a menés à la définition des
cinq termes de la section 3, puis nous nous sommes éloignés du discours mathématique
pour chercher conseil auprès des lexicographes. Or les dictionnaires ont pour vocation de
définir tous les mots. Est-ce envisageable pour les définitions de nom ? Voici comment
Pascal introduit son opuscule.
Mais il faut auparavant que je donne l’idée d’une méthode encore plus éminente
et plus accomplie, mais où les hommes ne sauraient jamais arriver : car ce qui passe
la géométrie nous surpasse ; et néanmoins il est nécessaire d’en dire quelque chose,
quoiqu’il soit impossible de le pratiquer.
Cette véritable méthode, qui formerait les démonstrations dans la plus haute
excellence, s’il était possible d’y arriver, consisterait en deux choses principales :
l’une, de n’employer aucun terme dont on n’eût auparavant expliqué nettement le
sens ; l’autre, de n’avancer jamais aucune proposition qu’on ne démontrât par des
vérités déjà connues ; c’est-à-dire, en un mot, à définir tous les termes et à prouver
toutes les propositions. (Pascal 1991, page 393.)
Pourquoi est-il impossible de tout définir ? Pascal l’explique après avoir donné sa théorie
de la définition de nom.
Certainement cette méthode serait belle, mais elle est absolument impossible :
car il est évident que les premiers termes qu’on voudrait définir en supposeraient de
précédents pour servir à leur explication, et que de même les premières propositions
qu’on voudrait prouver en supposeraient d’autres qui les précédassent ; et ainsi il est
clair qu’on n’arriverait jamais aux premières.
Aussi, en poussant les recherches de plus en plus, on arrive nécessairement à des
mots primitifs qu’on ne peut plus définir, et à des principes si clairs qu’on n’en trouve
plus qui le soient davantage pour servir à leur preuve. (Pascal 1991, page 395.)
En d’autres mots, cet idéal est inatteignable parce qu’on s’engagerait dans une régression
à l’infini. Il y a donc des termes primitifs qui sont indéfinissables. Voici comment Pascal
exprime les conséquences de ce constat.
On trouvera peut-être étrange que la géométrie ne puisse définir aucune des
choses qu’elle a pour principaux objets. Car elle ne peut définir ni le mouvement, ni
les nombres, ni l’espace ; et cependant ces trois choses sont celles qu’elle considère
19
particulièrement, et selon la recherche desquelles elle prend ces trois différents noms
de mécanique, d’arithmétique, de géométrie, ce dernier nom appartenant au genre
et à l’espèce.
Mais on n’en sera pas surpris si l’on remarque que cette admirable science, ne
s’attachant qu’aux choses les plus simples, cette même qualité qui les rend dignes
d’être ses objets les rend incapables d’être définies ; de sorte que le manque de définition est plutôt une perfection qu’un défaut, parce qu’il ne vient pas de leur obscurité,
mais au contraire de leur extrême évidence, qui est telle qu’encore qu’elle n’ait pas
la conviction des démonstrations, elle en a toute la certitude. Elle suppose donc que
l’on sait quelle est la chose qu’on entend par ces mots ; mouvement, nombre, espace ;
et, sans s’arrêter à les définir inutilement, elle en pénètre la nature, et en découvre
les merveilleuses propriétés. (Pascal 1991, page 401.)
Pascal fait donc appel à une « extrême évidence » pour les termes primitifs : ils
réfèrent pour tous au même concept. Il y reviendra dans les Pensées pour exprimer ce
qu’elle a d’incertain : voici comment Antony McKenna en rend compte.
Ainsi ces idées, dont la conformité chez les hommes n’est qu’une puissante conjecture,
s’appuient sur des principes que l’esprit humain ne saurait saisir, parce que « l’âme
est jetée dans le corps ». Notre incapacité de douter de ces principes découle ainsi
du corps qui nous empêche de voir au-delà. (McKenna 2001, page 354.)
Chacun peut avoir une opinion différente sur un même concept : redonnons la parole à
Pascal.
On voit assez de là qu’il y a des mots incapables d’être définis ; et si la nature
n’avait suppléé à ce défaut par une idée pareille qu’elle a donnée à tous les hommes,
toutes nos expressions seraient confuses ; au lieu qu’on en use avec la même assurance
et la même certitude que s’ils étaient expliqués d’une manière parfaitement exempte
d’équivoques ; parce que la nature nous en a elle-même donné, sans paroles, une
intelligence plus nette que celle que l’art nous acquiert par nos explications.
Ce n’est pas que tous les hommes aient la même idée de l’essence des choses que
je dis qu’il est impossible et inutile de définir.
Car, par exemple, le temps est de cette sorte. Qui le pourra définir ? Et pourquoi
l’entreprendre, puisque tous les hommes conçoivent ce qu’on veut dire en parlant de
temps, sans qu’on le désigne davantage ? Cependant il y a bien différentes opinions
touchant l’essence du temps. Les uns disent que c’est le mouvement d’une chose
créée ; les autres, la mesure du mouvement, etc. Aussi ce n’est pas la nature de ces
choses que je dis qui est commune à tous ; ce n’est simplement que le rapport entre
le nom et la chose ; en sorte qu’à cette expression, temps, tous portent la pensée
vers le même objet : ce qui suffit pour faire que ce terme n’ait point besoin d’être
défini, quoique ensuite, en examinant ce que c’est que le temps, on vienne à différer
de sentiment après s’être mis à y penser. Car les définitions ne sont faites que pour
désigner les choses que l’on nomme, et non pas pour en montrer la nature. (Pascal
1991, pages 397-398.)
8
8.1
Définition et axiomatique formelle.
Moritz Pasch.
Je me suis cantonné jusqu’à présent au cadre épistémologique euclidien auquel Hilbert
et Bernays (1934) ont donné le nom d’axiomatique matérielle : le discours des Éléments
fait implicitement appel à l’évidence que la géométrie provient de l’espace physique. C’est
particulièrement le cas pour tout ce qui concerne l’ordre : être de part et d’autre d’un
20
point donné sur une droite donnée, être de part et d’autre d’une droite donnée dans un
plan donné, etc.
Vers la fin du 19e siècle, des mathématiciens comme Moritz Pasch ont été amenés à
envisager d’une nouvelle manière le rapport des mathématiques au réel. Celui-ci commence ainsi la préface à ses Leçons de géométrie nouvelle (1882).
Les tentatives passées de mettre les parties fondamentales de la géométrie dans
une forme qui répond aux exigences devenues aigües avec le temps n’ont pas dégagé l’origine empirique de la géométrie avec entière détermination. [. . .] et en se
restreignant d’avance au noyau empirique, on conserve à la géométrie le caractère
de science naturelle, des autres parties de laquelle elle se distingue en ce qu’il ne lui
faut prélever de l’expérience qu’un très petit nombre de concepts et de lois. (Pasch
1882, page III, ma traduction.)
Pasch isole ce noyau empirique par une analyse des tournures qui rendent compte de
la géométrie dans la langue naturelle : l’évidence est explicitée et devient consciente. Il
commence par la ligne droite et isole deux notions fondamentales.
Nous allons d’abord nous occuper de la ligne droite. On dit : par deux points on
peut tirer une ligne droite. Mais la ligne peut être diversement limitée ; l’indétermination de la ligne droite a mené à ce qu’on dit de la ligne qu’elle n’est pas limitée,
qu’il faut se la “représenter” illimitée, d’étendue infinie. Cette demande ne correspond à aucun objet perceptible ; c’est plutôt seulement la ligne droite bien délimitée,
le chemin droit entre deux points, le segment droit qui est appréhendé immédiatement à partir des perceptions. Nous voulons garder cette dernière expression et
parlons
1. du segment droit tracé entre deux points
2. de points situés à l’intérieur d’un segment droit.
Toutes les tournures qui apparaissent dans ce paragraphe peuvent être ramenées
à ces deux tournures données. [. . .] (Pasch 1882, page 4, ma traduction.)
Puis Pasch propose de formaliser quelques évidences.
Les observations les plus primitives sur les segments droits et leurs points livrent
une série de relations ; une partie d’entre elles constitue le contenu des axiomes de
ce paragraphe. Quels que soient les points A et B supposés (dans les limites étudiées
plus précisément à la fin de ce paragraphe), on peut toujours relier A avec B par un
segment droit ; mais on ne peut l’effectuer de plusieurs manières. On peut supposer un point C à l’intérieur du segment.
On peut tirer un segment droit de A à C ; celui-ci ne passe pas par B ; mais il tombe
Aavec tousCses points
B dans le segment précédent. Donc, lorsqu’on relie A avec C et
C avec B, on ne rencontre aucun point qu’on ne trouvait pas déjà dans le premier
segment ; mais les points du premier segment seront eux aussi épuisés par ces deux
segments-là. Les axiomes I.–V. restituent ces remarques.
Axiome I. – Entre deux points on peut toujours tirer un segment droit, et un
seul.
Par conséquent, l’indication des points terminaux suffit à désigner le segment.
Le segment de A à B sera désigné par AB ou BA.
Axiome II. – On peut toujours indiquer un point situé à l’intérieur d’un segment
droit donné.
Axiome III. – Si le point C est situé à l’intérieur du segment AB, alors le
point A est situé hors du segment BC.
De même, le point B est situé hors du segment AC.
Axiome IV. – Si le point C est situé à l’intérieur du segment AB, alors tous les
points du segment AC sont à la fois points du segment AB.
b
b
b
21
Ou : si le point C est situé à l’intérieur du segment AB et le point D à l’intérieur
du segment AC ou BC, alors D est situé aussi à l’intérieur du segment AB.
Axiome V. – Si le point C est situé à l’intérieur du segment AB, alors un point
qui n’appartient à aucun des segments AC et BC ne peut appartenir au segment AB.
Ou : si les points C et D sont situés à l’intérieur du segment AB et le point D
hors du segment AC, alors le point D est situé à l’intérieur du segment BC.
...............................................................................
Formuler une assertion aussi triviale que celle contenue p. ex. dans le troisième
axiome peut facilement être considéré comme inutile. Mais elle a été appliquée dans
les démonstrations ci-dessus, et nous nous proposons de rendre compte de tous
les arguments, même des plus insignifiants. (Pasch 1882, pages 5-6, ma traduction.)
Je constate que la démarche de Pasch est conforme aux conclusions de l’opuscule de
Pascal : le point et le segment droit sont des termes premiers et ne sont pas définis ; leurs
propriétés, c’est-à-dire les relations qu’ils entretiennent, sont posées dans les axiomes.
Toute référence à l’espace physique est proscrit après n’avoir « prélevé de l’expérience
qu’un très petit nombre de concepts et de lois. »
Les axiomes définissent donc les relations entre les termes premiers. De là à affirmer
qu’ils définissent le point et le segment droit, il y a un pas que Pasch ne franchit pas.
Dans la suite de son ouvrage, Pasch ne propose qu’une définition implicite de la
ligne droite en définissant la relation d’alignement, c’est-à-dire d’« être situé dans la
ligne droite de deux points ». Il poursuit sa réflexion sur ce mode de définition dans les
premières pages de Pasch (1909) et dans un article, Pasch (1920).
On peut consulter Nabonnand (2003), Gandon (2005) à ce sujet.
8.2
David Hilbert.
Toutes les éditions des Grundlagen der Geometrie de David Hilbert concordent sur
l’introduction de la relation “entre”.
§ 3. Die Axiomgruppe II : Axiome der Anordnung.
Die Axiome dieser Gruppe definieren den Begriff “zwischen” und ermöglichen
auf Grund dieses Begriffes die Anordnung der Punkte auf einer Geraden, in einer
Ebene und im Raume.
Erklärung. Die Punkte einer Geraden stehen in gewissen Beziehungen zu einander, zu deren Beschreibung uns insbesondere das Wort “zwischen” dient. (Hilbert
1899, page 6.)
Cette introduction est suivie de la donnée d’axiomes qui simplifient les axiomes de Pasch.
Léonce Laugel propose la traduction suivante de ce passage, en accord avec l’auteur qui
en a révisé les épreuves (voir Hallett et Majer 2004, pages 413-414).
§ 3. Le groupe d’axiomes II : Axiomes de distribution.
Les axiomes de ce groupe définissent l’idée exprimée par le mot « entre » et
permettent, en se basant sur cette idée, d’effectuer la distribution des points sur une
droite, dans un plan et dans l’espace.
Convention. — Les points d’une droite ont entre eux une certaine relation qui
s’exprime en particulier au moyen du mot « entre ». (Hilbert 1900, pages 106-107.)
Paul Rossier en propose une traduction très différente.
22
3. Deuxième groupe d’axiomes : ordre.
Les axiomes de ce groupe définissent le terme « entre » ; si l’on s’appuie sur la relation ainsi déterminée, ils permettent d’établir l’ordre des points alignés, coplanaires
ou situés dans l’espace.
Définition. Entre les points d’une droite, il existe une relation dans la description de laquelle figure le mot « entre ». (Hilbert 1971, page 14.)
Le mot « Erklärung » est donc traduit successivement par « convention » et « définition ».
En fait, dans la première édition, Hilbert réserve ce mot, que je traduirais littéralement
par “déclaration”, à l’introduction des termes primitifs de la géométrie et utilise le mot
« Definition » pour les définitions de nom ; dès la deuxième édition, il abandonne cette
distinction pour ne plus utiliser qu’« Erklärung » (voir Hallett et Majer 2004, page 421).
Il ne prend par contre aucune précaution pour le verbe « definieren ». La première traduction montre l’embarras que cela cause à Laugel. Celui-ci se tire d’affaire en déplaçant
l’acte de définition vers le domaine philosophique des idées : Hilbert ne met-il pas en
exergue de son livre la phrase suivante de la Critique de la raison pure, « Toute science
humaine commence par les intuitions, de là passe aux notions [Begriffe] et finit par les
idées » ?
Gottlob Frege critique la démarche de Hilbert dès 1899.
Je commencerai par une formule de Thomae sur votre explication [Erklärung]
du § 3. Il disait en substance : « Ce n’est pas une définition, car on ne donne pas
de caractéristiques (Merkmale) permettant de reconnaitre si la relation « entre » est
réalisée. » Je ne peux pas, moi non plus, la tenir pour une définition ; du reste vous ne
la nommez pas ainsi, et vous parlez d’explication. Vous utilisez visiblement les deux
expressions « explication » et « définition » pour désigner deux choses distinctes,
mais la différence nous échappe. (Frege et Hilbert 1992, page 221.)
Nous sommes donc en droit de lire qu’Hilbert définit les points, les droites et les plans
lorsqu’il écrit ceci.
Convention. — Concevons trois différents systèmes d’êtres : les êtres du premier
système, nous les nommerons points et nous les désignerons par A, B, C, . . . ; les
êtres du deuxième système, nous les nommerons droites et nous les désignerons par
a, b, c, . . . ; les êtres du troisième système, nous les nommerons plans et nous les
désignerons par α, β, γ, . . . ; les points seront aussi nommés éléments de la Géométrie
linéaire ; les points et les droites, éléments de la Géométrie plane ; et les points, les
droites et les plans, éléments de la Géométrie de l’espace ou éléments de l’espace.
Concevons que les points, droites et plans aient entre eux certaines relations mutuelles et désignons ces relations par des mots tels que : « sont situés », « entre »,
« parallèle », « congruent », « continu » ; la description exacte et complète de
ces relations a lieu au moyen des axiomes de la Géométrie. (Hilbert 1900, page 104.)
En fait, en réponse à Frege, il affirme ceci.
Vous dites que mon explication du § 3 n’est pas une définition du concept
« entre », car les caractéristiques font défaut. Or ces caractéristiques sont données en
détail dans les axiomes II1-II5. Néanmoins, si l’on tient à prendre le mot « définition »
précisément dans le sens reçu, il suffit de dire :
« “Entre” est une relation entre points d’une droite, qui possède les caractéristiques suivantes : II1. . .II5. »
Vous ajoutez : « Il en va tout autrement des explications du §1, où la référence
des mots “points”, “droite”, . . ., n’est pas indiquée, mais supposée connue. » Le
cœur du malentendu est ici. Je ne désire rien supposer connu ; je vois dans mon
explication du § 1 la définition des concepts de point, de droite et de plan, si l’on
23
prend comme caractéristiques tous les axiomes des groupes I-V. Si quelqu’un cherche
d’autres définitions de « point », peut-être à l’aide de circonlocutions du type « sans
extension », etc., il me faudra évidemment m’opposer à cette entreprise de la manière la plus nette ; on cherche là quelque chose qu’on ne pourra jamais trouver parce
qu’à cet endroit il n’y a rien, et tout se perd, devient confus et vague, dégénère en
un jeu de cache-cache. Si vous préférez dire que mes axiomes sont les caractéristiques des concepts que mes « explications » posent et amènent donc à l’existence,
je n’ai vraiment rien à objecter, sinon peut-être que cela heurte les habitudes des
mathématiciens et des physiciens. Naturellement, il faut que je puisse poser ces caractéristiques librement. Car sitôt que j’ai posé un axiome, il est là et il est « vrai ».
(Frege et Hilbert 1992, page 226.)
Dans son cours du semestre d’été de 1902, Hilbert ira jusqu’à affirmer que « les choses
dont les mathématiques s’occupent sont définies, mises au monde par les axiomes »
(Hilbert 1902, page 47).
Les axiomes de la géométrie peuvent ainsi être conçus comme une définition de chose
des objets de la géométrie et des relations qui les lient. Cette définition est implicite au
sens du paragraphe 3.2. Elle n’est pas arbitraire aux sens suivants :
— la légitimité des axiomes est mise à l’épreuve de leur simplicité et de leur évidence
lors de leur appréhension ;
— leur efficacité est mise à l’épreuve par leur usage dans les démonstrations ;
— de plus, Hilbert doit prouver leur non-contradiction parce qu’il estime qu’à présent
elle seule assure l’existence des objets mathématiques.
Moritz Schlick (1918, §7, pages 30-37) propose une réflexion philosophique sur la définition implicite des notions primitives de la géométrie.
Voici comment Hilbert et Bernays circonscrivent le nouveau contexte épistémologique
de l’axiomatique formelle dans leurs Fondements des mathématiques (1934).
[. . .] parmi les matériaux objectifs de notre représentation et à partir desquels sont
formés les concepts fondamentaux d’une théorie, la construction axiomatique de la
théorie ne conserve que l’extrait formulé dans les axiomes, et fait abstraction de tout
autre contenu (Inhalt). Un autre moment de cette axiomatique au sens le plus étroit
est celui de la forme existentielle. [. . .] on travaille avec un système bien précis de
choses (resp. plusieurs systèmes de cette sorte), système qui forme un domaine a
priori délimité de sujets, pour tous les prédicats à partir desquels s’assemblent les
énoncés de la théorie.
Ainsi, on pose au départ une telle totalité du “domaine d’individus” ; or cette
supposition est une hypothèse idéalisante – sauf dans les cas triviaux où une théorie porte seulement sur une collection finie, solidement délimitée – ; et cette hypothèse s’ajoute aux hypothèses formulées par les axiomes. (Hilbert et Bernays 2001,
pages 55-56.)
Je précise que le but de cette section est non seulement de rendre compte de ce contexte
qui permet de traiter les concepts fondamentaux d’une théorie exclusivement comme
des « systèmes » « sujets » de « prédicats » (comme “entre”) régis par des axiomes, mais
encore de réfléchir au sens de ces concepts dans ce contexte. Hilbert et Bernays rajoutent
ceci.
L’axiomatique formelle a besoin d’être complétée par l’axiomatique matérielle
(inhaltlich) car celle-ci est seule à diriger le choix des formalismes ; de plus, pour une
théorie formelle existante, elle est seule aussi à servir de guide pour son application
à un domaine de la réalité. (Hilbert et Bernays 2001, page 57.)
Schoenflies (1911) revient sur la définition dans l’axiomatique formelle.
24
9
Conclusion.
Pour la conclusion, je laisse la parole à la Logique démonstrative de Giovanni Girolamo
Saccheri, dont la première édition est de 1697 et qui a été redécouverte par Giovanni
Vailati (1903).
De là s’entend que la définition quidditive [“qui explique la nature de la chose”]
est le plus souvent le fruit d’une longue série de démonstrations sur un sujet donné.
Elle ne peut pas, en fait, être établie sur le genre et la différence prochains si ce n’est
à la suite d’un examen prolongé des propriétés ou des prédicats qui conviennent
au sujet donné. J’ai dit le plus souvent parce qu’il peut arriver que la définition de
nom posée en premier lieu soit elle-même quidditive ; dans tous les cas, qu’elle soit
quidditive peut difficilement être établi dès le début, comme le révèle l’expérience.
Pour cela, si ce n’est sur la base d’une cognition réfléchie, le fait qu’une définition
soit quidditive est toujours le fruit de nombreuses démonstrations. (Saccherius 1701,
page 120, ma traduction.)
P.-S. : après avoir écrit cet article, j’ai découvert le travail de Jacqueline Boniface (2008)
qui a mené la même enquête, et celui de Jean-Pierre Desclés (2008) qui a choisi le même
guide.
Références
Académie française. 1878, Dictionnaire, vol. premier : A-H, 7e éd., Firmin-Didot et Cie,
Paris.
Académie française. 1932, Dictionnaire, vol. premier : A-G, 8e éd., Hachette, Paris.
Académie française. 1935, Dictionnaire, vol. second : H-Z, 8e éd., Hachette, Paris.
Académie française. 1992, Dictionnaire, vol. 1 : A-Enz, 9e éd., Arthème Fayard et Imprimerie nationale, Paris.
Académie française. 2000, Dictionnaire, vol. 2 : Éoc-Map, 9e éd., Arthème Fayard et
Imprimerie nationale, Paris.
Académie française. 2011, Dictionnaire, vol. 3 : Maq-Quo, 9e éd., Arthème Fayard et
Imprimerie nationale, Paris.
Académie françoise. 1694, Dictionnaire, vol. premier : A-L, chez la veuve de Jean Baptiste
Coignard : et chez Jean Baptiste Coignard, Paris.
Aristote. 1967, Topiques : tome I, livres I-IV, Collection des universités de France, Les
Belles Lettres, Paris. Texte établi et traduit par Jacques Brunschwig.
Arnauld, A. 2009, « Nouveaux éléments de géométrie », dans Géométries de Port-Royal,
Sources classiques, vol. 100, édité par D. Descotes, Honoré Champion, Paris, p. 91-798.
Arnauld, A. et P. Nicole. 2011, La logique, ou l’Art de penser, Sources classiques, vol.
108, Honoré Champion, Paris. Édition critique par D. Descotes.
Auroux, S. 1993, La logique des idées, Collection Analytiques, vol. 6, chap. La logique
des idées et la définition, Bellarmin et Vrin, Montréal et Paris, p. 203-215.
25
Barbin, É. 1994, « Sur la conception des savoirs géométriques dans les Éléments de
géométrie », Cahiers de didactique des mathématiques (Thessalonique), vol. 14-15, p.
135-158.
Barbin, É. et G. Itard. 1993, « Le courbe et le droit », dans Histoires de problèmes,
histoire des mathématiques, édité par la Commission inter-IREM Épistémologie et
histoire des mathématiques, Ellipses, Paris, p. 113-137.
Bkouche, R. 2009, « Qu’est-ce qu’une ligne droite ? », dans Histoire du calcul de la géométrie à l’algèbre, édité par L. Sinègre, Vuibert, Rouen, p. 173-186. http://michel.
delord.free.fr/rb/rb-lignedroite.pdf.
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