244 - SMSM

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244 - SMSM
Comportement mécanique en grandes déformations : cas du tréfilage d’un cuivre
G. VEGAa,b , A. HADDIc, A. IMADa
Laboratoire de Mécanique de Lille, CNRS UMR 8107, Université de Lille1, Ecole Polytech’Lille, Cité Scientifique,
Avenue Paul Langevin, F-59655 Villeneuve d’Ascq, France
b
NEXANS France, Nexans Metallurgy Centre, Boulevard du Marais, BP39, F-62301 Lens, France
c
Laboratoire d’Artois de Mécanique, Thermique, Instrumentation, Faculté des Sciences Appliquées, Université d’Artois,
Technoparc Futura, F-62400 Béthune, France
a
1- INTRODUCTION
Le tréfilage est un procédé de mise en forme à froid qui
consiste à réduire progressivement, sous l’action d’une
traction continue, le diamètre d’un fil par un passage à
travers une filière : dans une machine de tréfilage multipasses, le fil est tiré entre chaque filière par des cabestans.
Le fil, les filières, et les cabestans sont complètement
immergés (ou arrosés) dans un bain d’émulsion (huile/eau
ou huile) qui joue le rôle de lubrifiant et d’échangeur
thermique (Fig.1). Ces différents éléments montrent
l’importance des paramètres qui peuvent influencer sur les
performances du procédé tels que : la nature et les
caractéristiques du matériau tréfilé (cuivre et alliages de
cuivre, aluminium et alliages d'aluminium, fils plaqués,
etc.) et des filières ainsi que leurs géométries, la vitesse de
tréfilage, le type et les caractéristiques du lubrifiant, le
diamètre du fil, de même que les problèmes liés au
phénomène de frottement (Chin R.K. et Steif P.S. [1], Dixit
U.S. et Dixit P.M. [2], Luis C.J. et al. [3]). D’un point de
vue mécanique, le tréfilage d’un fil provoque une
déformation plastique du matériau conduisant ainsi à une
modification générale de ses propriétés mécaniques (Vega
G. et al. [4,5]). Cette variation des propriétés mécaniques,
en fonction de l’écrouissage matériau, est exploitée pour
obtenir des fils possédant : une bonne résistance à la
traction, une limite d’élasticité élevée, un allongement
contrôlé, etc. Le présent travail traite principalement une
étude visant à analyser l’influence de la géométrie interne
des filières et des paramètres liés au procédé (frottement,
taux de réduction) sur l’effort de tréfilage et l’écoulement
du métal dans le cas du tréfilage d’un fil en cuivre. Trois
aspects seront développés : (1) Une partie sur le
développement des modèles analytiques (2) Une seconde
sur l’approche expérimentale réalisée à l’aide d’une
machine instrumentée, en utilisant deux types de filières
différentes (3) Enfin une présentation des résultats de
simulations
numériques
utilisant
une
loi
de
comportement élastoviscoplastique.
Filière
2- ETUDE EXPERIMENTALE
Une machine de tréfilage multipasses est utilisée pour
réaliser le tréfilage d’un fil de cuivre au travers des filières
de différentes géométries. Un fil de cuivre initialement
recuit de diamètre 0.513 mm est tréfilé à un diamètre
0.403mm (soit une réduction r=0.375) à une vitesse de
1m/s.
Deux types de filières, noyau en Diamant Mono cristallin
(MD), ou Diamant Poly Cristallin (PCD), sont utilisés de
façon à mettre en évidence l’influence des conditions
d’interface (frottement). Un système de mesure laser
(Conoptica) permet d’obtenir les valeurs des géométries
internes des filières (tableau 1). Les différents essais sont
menés pour un angle de travail 2α variant de 14.75 à 19.05
degrés et deux valeurs de portée, 25 et 40% du diamètre
final. (Fig.2). La lubrification s’effectue par immersion
dans de l’huile entière. L’effort de tréfilage, mesuré avec
une jauge de déformation, varie de 35 à 41 N pour les
différentes configurations étudiées. Les résultats
expérimentaux sont comparés avec ceux obtenus par trois
modèles analytiques développés par Siebel [6], Wistreich
[7] et Avitzur [8-9] (tableau 1). Il est à noter la bonne
concordance entre nos valeurs obtenues expérimentalement
et ceux déterminés par les modèles de Siebel et celui
d’Avitzur. Par contre, le modèle de Wistreich donne des
valeurs sous estimées du fait que la
déformation
inhomogène n’est pas prise en compte dans sa formulation.
Pour les calculs, la valeur du coefficient de frottement µ est
comprise entre 0.1 et 0.2, qui correspond à l’intervalle des
valeurs couramment observées dans le cas du type de
lubrification utilisée. Il est à noter que, pour une
configuration donnée (P =40% par exemple), l’effort de
tréfilage est supérieur pour des filières constituées en poly
cristallins (PCD) qu’en diamant (MD).
Diamètre
[mm]
Matériaux –
Filière
Portée P
[% diamètre]
Angle de
cône 2α [°]
0.405
MD
MD
MD
MD
PCD
PCD
PCD
PCD
25
25
40
40
25
25
40
40
14.90
16.85
15.60
19.05 15.05
18.45 14.75 17.25
Force de tréfilage[N]
Cabestans
Expérimental 35
37
35
34
Siebel [6]
33.95
35.42
Wistreich [7] 32.6
29.84
Avitzur [8-9] 34.07
33.14
35.91
41
37
37
41
33.72 35.80
34.7
36.02 34.48
31.95
29.47 32.45
30.94 32.74 30.64
34.30
33.60 34.01
33.47 34.57 33.89
Tableau 1. Effort de tréfilage en fonction des paramètres.
Fil
Figure 1. Machine de tréfilage multi-passes.
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9ième Congrès de Mécanique, FS Semlalia, Marrakech
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Plusieurs simulations sont effectuées, en appliquant une
vitesse de déplacement de 1mm/s, pour calculer la force de
tréfilage et étudier comment le phénomène de tréfilage
influe sur l'écoulement plastique et sur la distribution de
contraintes dans la zone de déformation pendant le tréfilage
du fil de cuivre.
350
Figure 2 : Géométrie d’une filière
3. ETUDE NUMERIQUE
Les calculs numériques par éléments finis a été effectué
pour déterminer les champs de contrainte ou de
déformation et pour prédire le comportement du fil lors de
sa mise en forme.
Dans cette étude, le frottement
à l'interface, fil-filière, est
modélisé par la loi de Coulomb
avec
un
coefficient
200
150
EXP 0.083 10 -3 s -1
EXP 1.6 10 -3 s -1
EXP 3.33 10 -3 s -1
M o dè le EF 0.083 10 -3 s -1
M o dè le EF 1.6 10 -3 s -1
M o dè le EF 3.33 10 -3 s -1
100
50
0
0
0,05
0,1
0,15
0,2
0,25
Déformation
Fig. 4. Courbes de traction.
de
0.15. Les géométries du fil et de
la filière sont décrites par la
figure 3, dans le plan x-y, des
éléments axisymétriques sont
utilisés pour décrire le problème
3D initial, en 2D. Le fil est
modélisé pour chaque géométrie
avec 10 éléments le long du
rayon.
Les
filières
sont
considérées comme des corps
rigides (Fig.3).
Fil
Interface
Fig.
3
Modèle
d’éléments finis
La loi de comportement élastoplastique de Ludwick utilisée
pour la simulation numérique, est obtenue à partir d’essais
de traction du fil (Ø 5.13 mm) qui est décrit par l’équation
suivante :
σ = σ y + K (ε p ) ,
n
avec σy.est la limite élastique. Pour l’état quasi statique
σy=σy0.=166MPa, les paramètres d’écrouissages sont le
coefficient de contrainte K, (K=484MPa) et le coefficient
d'écrouissage n (n=0.82). Afin de prendre en compte les
différentes vitesses de déformations lors du tréfilage, nous
avons utilisé un modèle viscoélastoplastique (Fig. 4) du
type Perzyna [5]:
⎡ ⎛ ε& ⎞m ⎤
,
p
σ y = σ y0 ⎢1 + ⎜ ⎟ ⎥
⎢ ⎜ γ ⎟ ⎥
⎢⎣ ⎝ ⎠ ⎥⎦
Avec m coefficient d’écrouissage (m=0.737) et γ paramètre
de viscosité du matériau (γ=2.3). Le taux de déformation
plastique équivalente ε& P varie entre 0.083 10-3 et 3.33 10-3
-1
250
Filière
frottement qui varie en 0.05 et
s
Contrainte [MPa]
300
4. DISCUSSIONS DES RESULTATS
La figure 5 montre les résultats de l’effort de tréfilage en
fonction de l’angle du cône de travail calculé
numériquement dans la configuration P=40% et r = 0.375 et
pour différentes valeurs de µ (µ=0.01, 0.05 et 0.15). On
peut remarquer que l’angle de cône de travail optimal
augmente avec l'augmentation du coefficient de frottement.
En outre, la variation de la force de tréfilage avec
coefficient de frottement est plus significative pour les
petits angles en comparaison avec des angles plus
importants.
Dans la figure 5, la valeur optimale de la force de tréfilage
est obtenue avec un angle α de 5° pour un coefficient de
frottement µ de 0.05; 7° pour µ=0.1 et 8° pour µ=0.15.
La figure 6 montre l’évolution de l’effort de tréfilage
obtenu numériquement pour µ=0.05 et P=40%, en faisant
varier le taux de réduction r de 0.2 à 0.35. On constate que
plus la valeur du taux de réduction diminue plus on
retrouve la convexité de la courbe, qui peut s’expliquer par
la répartition des contributions énergétiques : Pour une
valeur de α faible, l’énergie dissipée par les frottements est
prépondérante, tandis que pour une valeur de α élevée, la
majeure contribution à l’effort de tréfilage est attribuée à
l’énergie de déformation. Pour des valeurs importantes de r,
l’énergie dissipée par le frottement devient négligeable
devant l’énergie de déformation quelle que soit la valeur de
α, ce qui explique la perte de convexité de la courbe.
On observe, dans la figure 6, qu’avec un angle de 10 degrés
la force de tréfilage est minimale pour un coefficient de
frottement 0.05 et des taux de réduction de 0.25, 0.3 et 0.35.
Dans le procédé de tréfilage, la section du fil est réduite à
travers la filière par la déformation plastique. Les figures 7
et 8 montrent les résultats de la déformation plastique
équivalent en fonction du rayon du fil et pour un coefficient
de frottement de 0.1 et pour quatre angles alpha. On
remarque que la déformation plastique équivalente atteint
une valeur maximale à proximité de la surface et cette
valeur diminue avec la diminution de l’angle alpha.
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9ième Congrès de Mécanique, FS Semlalia, Marrakech
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La distribution de la déformation est généralement
uniforme le long du rayon pour des angles alpha de 7° et 8°.
70
P = 40%
r = 0.375
Force de tréfilage [N]
60
50
40
30
µ=0,05
20
µ=0,1
10
µ=0,15
0
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
Angle de cône de travail α
Fig. 5. Influence du coefficient de frottement sur l’effort
55
µ=0.05
P=40%
Force de tréfilage [N]
50
45
40
35
30
r = 0,2
r = 0,25
25
r = 0,3
r = 0,35
20
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
Angle de cône de travail α
Fig. 6. Effort de tréfilage pour différents taux de réduction.
Zone de
déformation
Déformation plastique équivalente εeqv/εy
60
50
Coefficient de frottement = 0.10
Portée P = 40%
Filière
P
α
Surface
40
R
Fil
Centre
30
Angle α
20
7
8,5
14
18
10
0
Milieu
Centre
Surface
Radius R
Fig. 7. Evolution de la déformation plastique équivalente
en fonction du rayon à l’entrée de la zone de
20
Zone de
déformation
Déformation plastique équivalente
Coefficient de frottement = 0.10
Portée P = 40%
25
ε
/ε aa
30
15
Centre
P
7
8,5
14
18
Filière
R'
α
Angle α
Surface
Fil
Fig. 8. Evolution de la déformation plastique équivalente
adimensionnée en fonction du rayon à la sortie de la zone
de déformation (εy déformation élastique calculée).
5. CONCLUSION
Cette étude a permis la détermination de l’évolution de
l’effort de tréfilage en fonction des différents paramètres
liés au procédé à partir d’une étude expérimentale, d’une
formulation analytique et d’une méthode numérique basée
sur la méthode des éléments finis.
Une première série de relations entre la géométrie de la
filière et l’optimisation de la déformation pendant le
tréfilage a été obtenue. L’application de la méthode
numérique à différents types de situations permettra
d’évaluer les meilleures conditions (profils et forme de
filières, taux de réduction…) pour un procédé industriel
optimisé. Les résultats obtenus montent que l’angle de
travail α, la portée P, et le coefficient de frottement µ, ont
des effets significatifs sur l’effort de tréfilage pendant la
déformation du fil de cuivre. Dans ce travail, nous avons
montré que l’effort de tréfilage augmente avec
l’augmentation du taux de réduction et l’angle de cône de
travail.
La déformation plastique équivalente maximale augmente
significativement avec la valeur de l’angle de travail. Cette
variation conduit à une déformation plus inhomogène le
long de la section du fil, principalement près de l’interface
fil-filière, conduisant à l’endommagement du fil.
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10
5
0
Centre
Surface
Milieu
Radius (R')
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