Journée de la Femme Turriers

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Journée de la Femme Turriers
Bonjour à tous,
Lorsque nous avons reçu la lettre de la Mairie de Bayons nous demandant de signaler une femme
méritante que nous souhaiterions honorer, nous avons tout d’abord été perturbés par « issu des
Sports et de la Jeunesse».
Oui, bien sûr, nous avons des femmes impliquées dans la vie associative à Turriers. Mais dans le
terme de « méritante » nous avions également compris « remarquable », tournée vers les autres,
disponible, aimable, cherchant à créer une vie sociale harmonieuse au sein du village.
Et là, bien sûr, nous avions une évidence : c’était Mado.
Nous disons Mado, parce que tout le monde a oublié que cette femme
connue de tout le monde, y compris des touristes, s’appelle en effet
Magdeleine BAYLE, et fut l’épouse d’Emmanuel AYASSE.
Elle est née le 14 avril 1927 à Turriers, dans le département des BassesAlpes.
Fille de Célestin Bayle, notaire à Turriers et La Motte-du-Caire, et
d’Hélène Tourniaire, 3ème de cinq enfants, Mado a toujours vécu dans la
maison où elle est née.
Comme les gens de la région, Célestin devait être peu « diseux » : Mado n’a pas beaucoup de
souvenirs des récits de son père racontant sa vie au Mexique à Guadalajara. Mado se souvient
par contre très bien d’un très beau cartable en peau de crocodile qu’il avait rapporté de ces
voyages..
Après l’obtention du certificat d’étude passé à la Motte du Caire, elle est partie au collège de Digne
pendant deux ans (6ème et 5ème), puis 2 ans à Gap où elle a dû interrompre ses études en 3ème pour
seconder sa maman malade qui tenait une des 4 épiceries du village. Et elle ne l’a plus jamais
quittée.
Sa principale activité sera l’épicerie, droguerie, mercerie, bonneterie, vêtements, chaussures dans
ce tout petit magasin bien rempli, tel la caverne d’Ali Baba. Cela allait depuis la morue salée, l’huile
et le café au détail, jusqu’aux rouges à lèvres, les fils à canevas et les rubans à lavande …
combien de fois elle a posé ces questions, reprises dans un sketch par Roland Magdane, «10° ou
11° » «avec les bulles ou sans les bulles» «nature ou aux fruits».
Faire les allers-retours entre la « cave » et le comptoir, entre le sol et le plafond sur l’échelle :
c’était l’époque où le client se faisait servir ! et les additions se faisaient à la main !
Il ne faut pas oublier les visites des représentants de commerce qui arrivaient avec leur grande
malle bourrée d’articles en tous genres, venant de tous les coins de la région. Mado faisait son
choix et ses commandes en offrant le café entourée de ses enfants aux yeux grands ouverts.
Toujours disponible pour tous, matin, midi, soir, dimanches et jours de fêtes, pour une bobine de
fil, une bouteille de vin, et même à 10 h du soir pour satisfaire une envie de biscuits pour faire
trempette dans le mousseux !
Il n’y avait pas d’heure pour sonner à l’épicerie qui faisait partie de la maison d’habitation.
Dans les années 80, l’épicerie change de place et devient un libre-service, avec plus de facilités
dans le travail, plus de temps pour la discussion et la cuisine à la maison…
Mado a su s’adapter à tous ces changements tout au long du siècle, notamment le changement de
monnaie : de l’ancien franc au nouveau franc, puis à l’euro. Elle sera en plus infirmière de
campagne, le médecin de l’époque, le Dr Sauvan lui apprend à faire les piqûres, geste qu’elle
pratiquera pendant des années sur de nombreuses personnes du village, et jusqu’à son fils atteint
de jaunisse qui en a bien profité 2 fois par jour pendant 15 jours !
Dans cette vie bien remplie, il y a toujours de la place pour les autres avec le sourire, la
bienveillance, la générosité : quel enfant devenu grand ne se souvient pas des petits bonbons
donnés par Mado ? et quel visiteur impromptu ne s’est pas retrouvé à la table familiale déjà bien
garnie.
C’est ainsi qu’elle a été très impliquée dans la vie de la paroisse, et assuré la gestion des
abonnements du journal « Notre Amitié », gazette familiale des communes environnantes.
Aujourd’hui, Mado ne tient plus l’épicerie mais reste dans le cœur de tous, en témoignent les
vacanciers qui ne passent pas dans le village sans venir la saluer !
Je voudrais ajouter un mot plus personnel. Mado était la filleule de mon beau-père et chaque été
et chaque Toussaint, les sept enfants, puis leurs conjoints, et les 28 petits-enfants pensent
« Mado » avant de penser « Turriers ».
Tous les enfants et petits-enfants ont toujours quitté Turriers, après un dernier au-revoir à Mado,
avec les mains et les poches remplies de bonbons, plus un paquet de biscuits pour la route.
Mais ne vous y trompez pas ! derrière cette bienveillance, cette générosité, ce sens du devoir
aussi, il y a une femme de caractère.
Mariée dès 28 ans, à Emmanuel qui pour l’épouser s’était, selon ses propres paroles, « armé de
patience », elle a élevé ses quatre enfants, pris en charge ses parents, sa belle-sœur Isabelle, son
oncle Elie, l’oncle Charles, et mené son activité de commerçante, 365 jours par an, et sans
congés.
Mais avec l’âge et plus de temps disponible, aller chez Mado c’était aussi passer un moment
ensemble, un point de rencontre pour le village et les habitants des villages environnants,
Bellaffaire, Gigors, Bréziers et aussi Bayons !
Si dans le magasin on trouvait la presse locale et nationale, c’était aussi le lieu où l’on apprenait
tout ce qu’il n’y avait pas dans les journaux. C’était aussi le lieu où l’on pouvait trouver du réconfort
à raconter nos petites misères. Toujours attentionnée pour chacun.
Et l’âge de la retraite venant, Mado tenait tous les matins la caisse du magasin, pour aider son fils
Jean-Maurice, bien sûr. Mais tout le monde savait que c’était pour elle une nécessité : ne plus voir
personne, ce serait pire que tout.
Et maintenant que l’ouverture du magasin où elle a passé tant d’heures est réduite, si vous montez
en voiture au village à la belle saison, après la Basse Fontaine, soyez prudent ! Mado est peut-être
dans la rue …