Cette édition spéciale du Courrier des agriculteurs se veut un survol
Transcription
Cette édition spéciale du Courrier des agriculteurs se veut un survol
Cette édition spéciale du Courrier des agriculteurs se veut un survol des audiences publiques sur le mandat d’initiative portant sur l’accaparement des terres tenues les 16 et 17 mars derniers à l’Assemblée nationale. En publiant ce bulletin, l’Union souhaite transmettre le bilan qu’elle fait de ces audiences à ses représentants régionaux et sectoriels ainsi qu’à l’ensemble des députés de l’Assemblée nationale. Au total, 19 groupes ont eu l’occasion de présenter leur position et point de vue aux membres de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN) au cours de ces deux journées d’auditions. En plus de l’Union des producteurs agricoles, de trois de ses fédérations régionales et de la Fédération de la relève agricole, la CAPERN a entendu les présentations des organismes suivants : la Fédération québécoise des municipalités, le Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA), les MRC de Kamouraska et de Lac-Saint-Jean-Est, les représentants de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), le Fonds d’investissement pour la relève agricole (FIRA), la Financière agricole du Québec (FADQ), la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), Pangea et la Ferme Aly Blackburn, l’Union paysanne (UP), Partenaires agricoles S.E.C, la Coalition pour la souveraineté alimentaire et l’Université de Montréal (CIRANO). Par leur présentation, les représentants de FRAQ , des Fédérations régionales de l’UPA d’Abitibi-Témiscamingue, du Bas-Saint-Laurent et du Saguenay-Lac-Saint-Jean1 ainsi que de la Confédération ont clairement démontré que le phénomène d’accaparement des terres ne peut plus être considéré comme marginal au Québec. Nos analyses récentes indiquent hors de tout doute que le phénomène est en croissance et que si rien n’est fait rapidement, il pourrait avoir des conséquences irréversibles et compromettre l’avenir de l’agriculture familiale. Nos groupes ont été les seuls à présenter des données récentes de la situation. Des éléments factuels qui démontrent toute l’urgence d’agir : — En 5 ans, le nombre annuel de transactions foncières agricoles est passé de 1605 à 2678 (une hausse de 67 %) et la valeur moyenne des transactions a bondi de 84 % — Depuis 2010, les 15 sociétés les plus actives sur le marché des terres auraient acquis plus de 27 000 hectares. — Un hectare de terre qui valait en moyenne 1 620 $ en 1990 vaut aujourd’hui 10 115 $ et depuis 5 ans, cette hausse du prix des terres est beaucoup plus rapide que la tendance à long terme. — Ces dernières années, de nouveaux acteurs ont fait leur apparition sur le marché, notamment des acteurs du monde financier : Banque Nationale, PANGEA, Agriterra, Partenaires agricoles S.E.C., Solifor, Haig. Ils achètent chaque année de très grandes superficies de terre, parfois dans des régions très ciblées. 1 Les Fédérations de l’UPA d’Outaouais-Laurentides et de la Montérégie ont aussi transmis un mémoire à la Commission. A) DRESSER UN PORTRAIT DÉTAILLÉ DE LA SITUATION ET INSTAURER UN MÉCANISME DE SUIVI DES TRANSACTIONS Cette proposition de l’Union émane d’une résolution adoptée à l’unanimité (99,7%) à son Congrès général de décembre 2014. Cette mesure donnerait au gouvernement le temps de trouver des solutions à long terme afin d’éviter la financiarisation des terres, assurer l’accessibilité des terres pour la relève et veiller au maintien de l’agriculture familiale dans l’intérêt de toute la société québécoise. Le registre foncier du Québec, les publications spécialisées dans lesquelles sont colligées toutes les transactions relatives au monde agricole ainsi que les données Notre analyse des issues de la récente réforme transactions autres cadastrale sont autant d’outils qu’intergénérationnelles permettant au MAPAQ ou à la révèle qu’au cours des CPTAQ : « La Financière agricole ne possède pas un registre de toutes les transactions sur les terres agricoles du Québec. Plusieurs de ces informations existent déjà, mais à différents endroits, notamment au 5 dernières années, une ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et vingtaine d’acheteurs ont — de suivre et de surveiller de l'Alimentation, à la Commission de l’évolution des transactions acquis plus de 100 ha de terre protection du territoire agricole et dans foncières en zone agricole; à au moins deux reprises. Si certains autres organismes — de dresser un portrait plus elle avait été en place, notre gouvernementaux ou ministères. En complet des propriétaires de proposition aurait touché somme, je suis d'avis que La Financière la zone agricole. environ 20 acheteurs. pourrait apporter une précieuse collaboration pour l'élaboration d'un tel L’information nécessaire pour mécanisme de suivi. » Robert Keating, PDG, Financière assurer un bon suivi des transactions existe. Elle est agricole du Québec, 17 mars 2015 disponible et publique. Il ne suffit que de la colliger, de la traiter et de procéder aux analyses pertinentes. Mentionnons que tous les intervenants qui ont participé aux audiences ont souligné l’importance ou l’utilité de connaître la situation et de suivre son évolution. Il y a unanimité sur cette question! B) LIMITER POUR UNE PÉRIODE DE TROIS ANS À 100 HECTARES PAR ANNÉE (300 HA EN 3 ANS), LA SUPERFICIE QUE TOUTE PERSONNE OU ENTITÉ PEUT ACQUÉRIR À DES FINS AUTRES QUE LE TRANSFERT INTERGÉNÉRATIONNEL Cela permettrait de faire une véritable analyse et de trouver des solutions globales à l’accaparement et à l’accès à la profession pour la relève entrepreneuriale. Cette proposition est simple et permet aux producteurs de continuer leur expansion et d’établir leur relève tout en rendant moins attrayant l’achat de terres par des financiers : — Les notaires auraient la responsabilité de faire signer aux acheteurs une déclaration sous serment de conformité à ce règlement — La CPTAQ traiterait les cas d’exception et vérifierait que cette règle est respectée (ex : par des échantillonages) 1) DES MESURES FISCALES ET RÉGLEMENTAIRES POUR 2) 3) 4) 5) 6) INCITER L’UTILISATION DES TERRES À DES FINS AGRICOLES UN ENCADREMENT DES TRANSACTIONS ET DE LA LOCATION DES TERRES UN RÉPERTOIRE DES TERRES DÉVALORISÉES UN FONDS DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE LA BONIFICATION DES AIDES AU DÉMARRAGE DES BANQUES DE TERRES En vertu de la Loi constitutive du MAPAQ, le ministre a le pouvoir de constituer des banques de terres et d’ainsi favoriser la relève agricole qui cherche à s’établir (article 24). 7) SOCIÉTÉ D’AMÉNAGEMENT ET DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE DU QUÉBEC (SADAQ) Société parapublique tenue de rendre des comptes au gouvernement et à la population du Québec. Elle comprendrait plusieurs volets (mécanismes de surveillance du prix des terres, banques de terres destinées à la relève, etc.) Inspirée des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) françaises qui ont le mandat d’acheter des terres pour ensuite les louer ou les revendre en priorité aux jeunes agriculteurs français Intéressant, en particulier pour la relève non apparentée Notre voisin nous a clairement dit que « nous n’avions pas les moyens de lui offrir ce qu’il (un groupe d’investissement) lui avait offert. Maintenant, ce groupe d'investissement là possède toutes les terres autour de mon entreprise », de raconter Simon. La présentation conjointe de trois fédérations régionales de l’UPA (Abitibi-Témiscamingue, Bas-Saint-Laurent, Saguenay-Lac-Saint-Jean) le 17 mars, aura été un moment fort de cette commission avec les témoignages très émouvants de jeunes ayant vu leurs rêves anéantis par des investisseurs venus de l’extérieur acheter à gros prix les terres où ils voulaient s’établir. Alexandre et Maxime Bégin, de Sainte-Germaine-Boulé, Nathalie Lemieux, de Saint-André-de-Kamouraska, Simon Boily, de Saint-Félicien et Michelle Lalancette, de SaintBruno, ont ceci en commun : ils sont jeunes, bien formés et passionnés d’agriculture. Maxime et Alexandre voulaient reprendre la ferme familiale et l’agrandir en achetant une terre voisine. Nathalie et Michelle avaient planifié leur projet d’entreprise avec leur conjoint respectif; cela incluait l’achat d’une terre voisine de celle où ils prenaient la relève. Après avoir fait ses études, Simon est devenu copropriétaire de l’entreprise familiale avec sa mère; ils avaient le projet d’acheter des terres voisines afin que la ferme devienne autosuffisante pour l’alimentation de leur bétail. Malheureusement, tous ces jeunes se sont fait couper l’herbe sous le pied. « Ceux qui l’ont acquise (la terre) ont un gros pouvoir financier, on s’est fait voler notre rêve », de clamer Maxime. « À ce prix-là, avec les cultures et les saisons courtes de notre région, c’est impossible à rentabiliser », d’affirmer Michelle. « Faites confiance à vos familles agricoles et à la relève. On est capables de relever le défi, d’être efficaces … mais il faut nous aider », de demander Nathalie. Pour visionner ces vidéos La terre n’est pas une marchandise que l’on peut produire toujours en plus grande quantité. C’est une ressource limitée, un bien rare qui sert à la production d’un bien essentiel et stratégique pour la survie d’une société. L’arrivée de nouveaux acteurs très actifs sur le marché des terres agricoles, et qui concentrent leurs acquisitions dans certaines régions ciblées afin d’occuper une position dominante, milite en faveur d’un mécanisme permettant au gouvernement de freiner le phénomène. À cet égard, nous proposons de limiter pour une période de trois ans à 100 hectares par année (300 ha en 3 ans), la superficie que toute personne ou entité peut acquérir à des fins autres que le transfert intergénérationnel. Les fonds d’investissement installent un seul opérateur sur leurs terres et pousse graduellement à l’abandon les producteurs en périphérie qui, eux, ne voient plus de possibilité d’expansion. Dans 10 ans, 20 ans, qui va acheter leurs actifs? Un plus gros fonds d’investissement avec pignon sur rue à Montréal, mais dont le siège social est à Hong Kong? C’est maintenant que nous devons agir et ce ne sera pas la première fois que le gouvernement placera les intérêts généraux des Québécois au-dessus des intérêts privés des acquéreurs de terres agricoles. Il l’a fait au moins à deux reprises par le passé avec l’adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole et de la Loi sur « L’accaparement des terres (…) est certainement une l’acquisition des terres par les non-résidents. voie néfaste pour l’agriculture. J’ai écouté votre déclaration (proposition de l’UPA formulée au Congrès Aujourd’hui, le gouvernement doit à nouveau poser un de décembre 2014) à la télévision. Si vous réussissez à geste et modifier la LPTAA afin de tenir compte de ce créer un précédent, c’est l’humanité entière qui devra nouveau phénomène d’accaparement des terres. vous dire merci. Vous avez les moyens de le faire. » Ce devoir, le premier ministre du Québec l’a d’ailleurs clairement exprimé le 23 avril 2014 dans son discours d’assermentation du Conseil des ministres alors qu’il s’adressait au ministre de l’Agriculture : « Votre secteur de responsabilité est majeur pour l’économie du Québec. (…) La question de l’utilisation et de la propriété des terres agricoles est prioritaire, de même que le maintien des fermes familiales et leur transfert à la prochaine génération. Vous aurez à proposer des outils pour favoriser ce transfert. » Albert Allain, président de l’UCC/UPA de 1969 à 1973 et vice-président de la Commission de protection du territoire agricole de 1978 à 1982.