Objet d`étude : Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à

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Objet d`étude : Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à
Objet d’étude : Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours.
CORPUS DE TEXTES
- Texte A : Boris Vian, « Ils cassent le monde », Poésies, Dernier recueil, 1951-1953. Edition
posthume, 1962.
- Texte B : Alphonse Esquiros ( 1812-1816 ), « Comme le grand lion … », Sainte-Pélagie, avril
1841, Les chants du prisonnier.
- Texte C : Albertine Sarrazin, « Il y a des mois … », Fresnes, 1954.
- Texte D : Jacques Prévert, Le miroir brisé, Paroles, 1949.
Texte A
Ils cassent le monde
en petits morceaux
Ils cassent le monde
à coups de marteau
Mais ça m’est égal
ça m’est bien égal
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j’aime
cette pierre corrodée
ces crochets de fer
où s’attarde un peu de sang
Je l’aime, je l’aime
la planche usée de mon lit
la paillasse et le châlit
la poussière de soleil
J’aime le judas qui s’ouvre
les hommes qui sont entrés
qui s’avancent, qui m’emmènent
retrouver la vie du monde
et retrouver la couleur
Il suffit que j’aime
une plume bleue
un chemin de sable
un oiseau peureux
Il suffit que j’aime
un brin d’herbe mince
une goutte de rosée
un grillon de bois
Ils peuvent casser le monde
en petits morceaux
il en reste assez pour moi
il en reste assez
J’aime ces deux longs montants
ce couteau triangulaire
ces messieurs vêtus de noir
C’est ma fête et je suis fier
Je l’aime, je l’aime
ce panier rempli de son
où je vais poser ma tête
Oh, je l’aime pour de bon
J’aurai toujours un peu d’air
un petit filet de vie
dans l’œil un peu de lumière
et le vent dans les orties
Et même, et même
s’ils me mettent en prison
il en reste assez pour moi
il en reste assez
Il suffit que j’aime
un petit brin d’herbe bleue
une goutte de rosée
un amour d’oiseau peureux
Ils cassent le monde
avec leurs marteaux pesants
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez, mon cœur.
Boris VIAN, Poésies, Je voudrais pas crever, 1962.
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Texte B
Texte C
Comme le grand lion de la ménagerie,
Captif au mois de mai dans des barreaux de fer,
Crispant son front terrible et sa face amaigrie,
Jette superbement sa chevelure en l’air,
Il y a des mois que j’écoute
Les nuits et les minuits tomber
Et les camions dérober
La grande vitesse à la route
Et grogner l’heureuse dormeuse
Et manger la prison les vers
Printemps été automne hivers
Pour moi n’ont aucune berceuse
Car je suis inutile et belle
En ce lit où l’on n’est plus qu’un
Lasse de ma peau sans parfum
Que pâlit cette ombre cruelle
La nuit crisse et froisse les choses
Par le carreau que j’ai cassé
Où s’engouffre l’air du passé
Tourbillonnant en mille poses
Lorsque le vent du sud aux haleines plus lentes,
Comme un souffle sorti du sein de Caliban, 1
Apporte, vers le soir, dans le Jardin des Plantes,
Le parfum résineux du cèdre du Liban,
Moi, dans cette saison où renaît le bocage,
Soulevant vers le ciel ma tête avec fierté,
Je rugis quand je sens pénétrer dans ma cage
L’odeur des arbres verts et de la liberté.
Alphonse Esquiros, Les chants du prisonnier,
1841.
Albertine Sarrazin, Fresnes, 1954.
Texte D
Le miroir brisé
Le petit homme qui chantait sans cesse
le petit homme qui dansait dans ma tête
le petit homme de la jeunesse
a cassé son lacet de soulier
et toutes les baraques de la fête
tout d’un coup se sont écroulées
et dans le silence de cette fête
dans le désert de cette fête
j’ai entendu ta voix heureuse
ta voix déchirée et fragile
enfantine et désolée
venant de loin et qui m’appelait
et j’ai mis ma main sur mon cœur
où remuaient
ensanglantés
les sept éclats de glace de ton rire étoilé.
Jacques Prévert, Paroles, 1949.
1
Caliban est un personnage de fiction, monstrueux, de la pièce de théâtre La Tempête de William Shakespeare.
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Question sur le corpus (4 points).
Par quelles ressources poétiques les différents poètes expriment-ils leur mal de vivre ?
Écriture : vous traiterez ensuite un seul des trois sujets (16 points).
Commentaire : vous ferez le commentaire littéraire du poème de Boris Vian, texte A.
Dissertation : « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, / Et j’en sais d’immortels
qui sont de purs sanglots », écrivait Alfred de Musset (1810-1857) dans sa Nuit de Mai. Commentez
et discutez cette affirmation en vous appuyant sur les textes ci-après et sur les poèmes que vous
connaissez personnellement ou pour les avoir étudiés en classe. Pensez-vous que le poète soit
condamné à l’incompréhension, et que la source de la poésie se trouve le plus souvent dans la
souffrance ?
Ecriture d’invention : Les quatre textes de ce corpus ont été adressés à la rédaction du
journal de votre lycée. La discussion s’engage sur l’intérêt de leur publication. Vous imaginez le
dialogue entre deux lycéens, l’un favorable à leur publication et l’autre qui s’y oppose, développant
une conception différente de la poésie.
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