La police sensibilisée à l`homophobie
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La police sensibilisée à l`homophobie
Le Soir La police sensibilisée à l’homophobie Pierre Vassart Mis en ligne il y a 47 minutes En une journée, les policiers sont invités à interroger leurs pratiques. Une riche expérience pour les volontaires. Debaets et Smet à l’Europride de Riga La secrétaire d’Etat bruxelloise à l’Egalité des chances Bianca Debaets (CD&V) prend son rôle à cœur. En compagnie de Pascal Smet (SP.A), elle assistera à l’Europride de Riga (Lettonie) le 28 juin prochain. « Parce que ça s’y passe nettement moins bien que chez nous », souligne-t-elle. D’autres délégations officielles étrangères seront également présentes, explique-t-elle, dont les Pays-Bas, les Etats-Unis et les Nations unies. Et plus tard, elle espère pouvoir organiser cette Europride à Bruxelles. L’engagement, en tout cas, est sans faille. P.V. Ils sont une quinzaine, hommes et femmes, francophones, assis en cercle dans un espace de la Maison arc-en-ciel (MAC). Face à eux, Claire et Emma, deux formatrices du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, Oliviero, qui représente la MAC, et Max, de l’association Genres pluriels. Dans un espace voisin, un groupe identique, néerlandophone, écoute et intervient dans la même ambiance détendue. Nous assistons à une formation de policiers bruxellois (ici, ils viennent de Schaerbeek, d’Etterbeek et d’Ixelles) à l’accueil de personnes victimes d’actes homophobes ou transphobes. Lancée en 2011 à l’initiative du Centre pour l’égalité des chances et du secrétaire d’Etat bruxellois à l’Egalité des chances Bruno Delille (Groen), l’action a été reprise avec enthousiasme par Bianca Debaets (CD&V), qui a succédé à Bruno Delille. Une même convention existe par ailleurs entre le Centre et la police fédérale pour une formation semblable auprès de policiers fédéraux. Et manifestement, le sujet ne rend pas les policiers insensibles. Effet du bouche-à-oreille sans doute, la formation rencontre un succès croissant : quatre-vingts policiers issus des six zones de police bruxelloise l’ont suivie en 2013, cent vingt en 2014, et pour 2015, il a fallu créer une liste d’attente. C’est sans doute aussi qu’elle est bien conçue. Alternant des séquences courtes et variées (théorie, vidéo, prise de parole, théâtre action par un duo de comédiens, re-prise de parole, cadre législatif, encodage de la plainte, témoignage d’un policier membre des « rainbow cops » – des policiers qui ont fait leur coming-out, partage d’expérience avec des représentants de la police liégeoise, qui a mis en place une politique de sensibilisation spécifique…), cette formation ne laisse pas, en effet, les participants s’endormir dans leur coin. C’est librement, toutefois, qu’ils s’expriment, posent des questions, loin, très loin des clichés (parce que les policiers, parfois, sont aussi victimes de préjugés…). Comme après cette séquence émouvante, jouée en direct par deux comédiens. Une jeune fille raconte à un homme, peut-être son père, qu’elle s’est fait agresser en rue par une bande de jeunes hommes qui l’avait vue marcher main dans la main avec sa compagne. Insultes, coups, blessures, la jeune victime est traumatisée, se sent légèrement coupable, et l’homme tente de la convaincre d’aller déposer plainte à la police. Elle hésite. Elle a peur. « De toute façon, ça ne sert à rien », se résigne-t-elle. Parole, ensuite, aux policiers. « - Plus l’agression est grave, dit l’une, moins les victimes osent venir déposer plainte. – Il y a une peur du jugement, dit l’autre. Comme dans les cas de viol. Les victimes pensent souvent : «On va croire que c’est moi qui les ai provoqués.» – C’est pareil dans les cas de violence intrafamiliale, ajoute un troisième. Il y a cette difficulté de revivre l’agression en déposant plainte. – En fait, nous enregistrons le plus souvent des plaintes pour – comment dire ? – des faits de discrimination légère, dit encore une autre. – La difficulté, c’est que nous enregistrons beaucoup de plaintes «par principe» . – Que voulez-vous dire ?, interroge la formatrice. – Des gens qui viennent et nous disent : «Je viens déposer plainte pour le principe»… – Des casse-pieds, parfois. Des disputes de voisinage où en deux semaines, chacun des voisins vient déposer cinq plaintes parce que l’autre l’a insulté. Ou des couples qui se séparent… – Mais dans le cas des plaintes pour agressions homophobes, peut-être les victimes ont-elles besoin d’être mises en confiance pour pouvoir expliquer précisément ce qui leur est arrivé. Vous ne pensez pas ?, demande la formatrice. – De toute façon, c’est notre job, d’enregistrer les plaintes convenablement, constate encore une autre. – Mais nous ne sommes pas formés pour l’accueil, regrette celui-ci. Alors parfois, entre les casse-pieds et les autres, on ne prend pas toujours le temps. – Prendre en compte la victime est toujours délicat. par exemple, une personne âgée qui s’est fait voler son portefeuille pour la première fois de sa vie peut vivre cette expérience comme très traumatisante, observe celle-là. Mais c’est notre job. (…) La discussion se poursuit. Certes, l’accueil de toutes les victimes par les policiers est une tâche difficile. Mais petit rappel au passage de l’animatrice : l’enregistrement des plaintes est un outil de mesure qui permet d’orienter les politiques de prévention. Là, les policiers paraissent convaincus. La formation, en fait, dépasse largement le thème de l’homophobie, qui n’apparaît plus ici que comme un emblème de toutes les formes de rejet.