Recueil des actes du congrès

Transcription

Recueil des actes du congrès
BEAUNE
18 AU 20
SEPTEMBRE
2014
France
Créativité des
pratiques sur
le terrain :
voies
nouvelles
pour la
recherche
1
INTRODUCTION
Notre congrès n'aurait pu se concrétiser sans les nombreuses contributions qui se
sont conjugués au cours de sa préparation. Je remercie la mairie de Beaune pour
son accueil attentif et bienveillant, l'association des Papillons Blancs, principale
organisation de la région à nos côtés depuis le début du projet de ce congrès.
Je ne citerai pas en détail tous les bénévoles, les amis, tous ceux qui ont apporté
une aide, ou un précieux coup de main. Certains étaient ici parmi nous dans
l’auditorium. Qu’ils soient assurés de ma reconnaissance, de notre reconnaissance à
nous, heureux congressistes bénéficiaires de ce travail accompli.
Sans les subventions accordées nous n'aurions pas pu le réaliser : en particulier la
CNSA , le Conseil général de Côte d’Or, l’entreprise Cofely
Et le Palais des Congrès de Beaune avec son équipe efficace et sympathique, qui a
occupé une place majeure dans l'organisation et la logistique : que cette équipe soit
ici chaleureusement remerciée.
Mais le succès d'un congrès dépend d'abord bien sûr de son contenu : ce sont les
congressistes qui sont venus à Beaune qui ont apporté cette contribution.
Ils ont voyagé en nombre depuis le Québec la Belgique et la Suisse ainsi que du
Liban et du continent africain.
Les habitués de l'AIRHM ont retrouvé dans le programme le thème cher à notre
association : favoriser les rencontres entre praticiens et chercheurs. Praticiens
signifie « personnes de terrain » : tous les acteurs du secteur médicosocial, de
l’enseignement, de la santé.
Car notre ambition est justement d'élargir autant que possible l'audience et la
participation à tous ces acteurs dits de terrain : professionnels mais aussi l'entourage
familial et les personnes présentant une déficience intellectuelle.
Car le mot « recherche » ne devrait pas inquiéter ceux qui ne sont pas eux-mêmes
chercheurs.
Il y a aussi une dimension plus sensible, voir polémique, dans l'argument de ce
congrès : le titre-même n’évoque la relation praticien chercheur que dans un seul
sens : du terrain vers la recherche. Certains seraient tentés de penser : du bas vers
2
le haut . Cette vision qui distingue haut et bas serait d'ailleurs en cohérence avec le
climat actuel !
En effet de plus en plus, les bonnes pratiques des professionnels se conçoivent
comme des conduites à tenir venues d'ailleurs, pour ne pas dire d’en haut . Or, tout
en reconnaissant la sagesse nécessaire d'exercer un contrôle pour éviter les dérives,
les erreurs (osons le dire : la maltraitance), nous finissons par nous sentir piégés par
la conception centralisée et monolithique du savoir.
La nécessaire accréditation des centres aidant, au fil des audits successifs, oblige les
directions associatives à suivre comme finalité première la mise en conformité, selon
les normes édictées par les organismes tels que la H A S.
Et voilà le thème de notre congrès : l'accouchement consensuel des bonnes
pratiques par de tels organismes ne doit pas mettre sous cloche la créativité,
l'innovation, l'imagination, la curiosité, à l'œuvre sur le terrain. D'ailleurs nous savons
que les bonnes pratiques sont amenées à évoluer comme elles l’ont toujours fait, et
ceci grâce aux acteurs de terrain. Chacun, quel que soit son niveau d’approche de la
personne dite handicapée doit être reconnu comme créatif, je dirais même chercheur
associé. C'est une condition vitale dans la lutte contre l'épuisement professionnel.
Aussi je m'adresse tout particulièrement aux directeurs d'établissements et
associations gestionnaires.
Autant il est souhaitable d'apporter au personnel les connaissances par les
formations et les directives, éléments consensuels incontournables, autant il est vital
pour les acteurs de terrain d'être reconnus dans leur inventivité, leurs interrogations,
leur recherche de solutions adaptées à ceux qu’ils accompagnent.
Pour ce faire, un travail d'élaboration et de partage en équipe s'impose, ce qui sousentend qu’il faut absolument préserver les réunions d'équipe, de synthèse, d’unité de
vie où d'activité. Invitez chacun à exprimer sa propre créativité. Ce sera pour le plus
grand bien de tous, pour une meilleure santé des institutions au sein desquelles vous
verrez le personnel valorisé et motivé. Du côté de la recherche les universitaires ont
tout à gagner de ce qui aura ainsi émergé. Car de nouvelles pistes seront ouvertes :
aux chercheurs ensuite de valider et approfondir les fruits de cette créativité du
terrain.
Docteur Daniel Frydman
Président
3
TABLE DES MATIERES
PREMIERE PARTIE : TABLES RONDES
5. Nouvelles techniques et technologies : nouveaux enjeux de la recherche face au terrain
9. Propositions nouvelles pour la personne handicapée vieillissante
25 .La personne handicapée, citoyen concerné par les sujets de société, et acteur de la
créativité des projets : prise en considération de sa parole et de la dimension interculturelle
37. Emergence de nouvelles propositions médico sociales : rencontre des acteurs créatifs
sur le terrain et des décideurs de l’administration
48. L’évolution de la technologie des soins médicaux et ses conséquences éthiques, et en
matière de qualité de vie
55. La créativité, dans l’expression artistique et la vie affective
DEUXIEME PARTIE : ATELIERS PREMIERE JOURNEE
59. N°1 : Enfants et adultes en formation
74. N°2 Nouvelles technologies
85. N°3 Troubles du comportement troubles psychiques
ATELIER N°4 ANNULE
97. N°5 Vie adulte 1
107. N°6 Vie institutionnelle
115. N°7 symposium : Enfants à Troubles du comportement et déficience intellectuelle : évaluation,
intervention en cognition sociale, perceptions et attitudes d’enseignants à leur égard »
124. N°8 Symposium : Perspective inclusive de la littératie et participation citoyenne
TROISIEME PARTIE : ATELIERS DEUXIEME JOURNEE
137. N°9 Vie adulte 2
142. N°10 Quand le domaine médical est concerné
157. N°11 Politique du handicap Politique de la recherche
166. N°12 Enfance : parentalité, inclusion, pédagogie
177. N°13 Inclusion
186. N°14 Vers la vie professionnelle
203. N°15 Vie affective, émotionnelle, sexuelle
211. N°16 Des personnes et des mots, dans leur diversité
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PREMIERE PARTIE : TABLES RONDES
Nouvelles techniques et technologies : nouveaux enjeux
de la recherche face au terrain
« Utilisation des technologies de l’information et de
la communication pour l’inclusion des personnes en
situation de handicap »
Par Michel Mercier
Association Psychologie Aide Technique et Handicap
Professeur associé à l’Université de Lille
Professeur émérite à l’Université de Namur
Président du Conseil Wallon de l’Aide Sociale et de la
Santé
Belgique
RESUME
A partir du paradigme porté par la déclaration de Madrid sur la non discrimination et
l’inclusion sociale, ainsi que, par la convention de l’ ONU sur le droit des personnes
handicapées, nous abordons le problème de l'inclusion sociale par I ‘utilisation des
technologies de I ‘information et de la communicationEn effet en tant que fondateur du Centre de Ressources et d'évaluations des
technologies pour les personnes handicapées ( CRETH ) et du service
d'accompagnement technologies informatiques et handicap ( SATHI ) i ‘ai eu le
souci de fournir aux personnes en situation de handicap des outils performants
favorisant I ‘inclusion dans I ‘enseignement, I ‘emploi, les loisirs et les apports
culturels d'une société qui se développe technologiquernent mais qui n'est pas
adaptée aux spécificités liées au handicap.
La déclaration de Madrid n'aborde pas explicitement la problématique des
technologies, mais elle fournit un paradigme nouveau, permettant d'aborder I
‘inclusion sociale des personnes handicapées. La convention de I'ONU sur le droit
des personnes handicapées, aborde, elle, la problématique de l'accessibilité aux
progrès de notre société, en matière d'information et de communication.
Ces deux approches, qui mettent en évidence la citoyenneté sont en cohérence avec
d' autres paradigmes significatifs, notamment, celui mis au point par Henri-Jacques
Sticker, sur I ‘insertion, I ‘intégration et l'inclusion.
5
Nous évoquons également! le paradigme pédagogique de Wolf Wolfensberger, sur la
valorisation des rôles sociaux, la normalisation et la participation sociale. La
problématique des représentations sociales met en évidence des images véhiculées
à propos des personnes en situation de handicap :
I ‘infantilisation et l'impuissance, l'inadaptation et la stigmatisation par les techniques
palliatives, I ‘affectivité close et le malaise de la société.
La définition de Wood, concernant le handicap, reprise par l'organisation mondiale de
la santé, s’ articule sur des composantes analogues : déficience ou efficience,
incapacité ou capacité, handicap ou réadaptation.
Les paradigmes ainsi décrits nous introduisent à des méthodologies d'intervention
qui prennent en compte l’empowerment (réappropriation) et le peer counseling
(consultation par les pairs).
L'utilisation des technologies peut être par ce biais, un lieu d'amélioration de la
qualité de vie mais aussi, un lieu de participation sociale et de réappropriation de la
dynamique individuelle, en vue de I ‘inclusion.
Plan
1. Les droits de la personne handicapée, dans la Déclaration de Madrid
2. Convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapées
3. Paradigmes cohérents avec la Déclaration de Madrid et la Convention de l’ONU
3.1. Définition du handicap selon l’OMS
3.2. Approche historique du handicap selon Henri-Jacques Stiker
3.3. Des paradigmes pédagogiques selon Wolf Wolfensberger
3.4. Les représentations sociales du handicap selon J.-S. Morvan
3.5 Ethique de la communication
3.6 Synthèse concernant l’inclusion
4. Perspective : des démarches scientifiques inclusives en matière de technologies
1.- Les droits de la personne handicapée,
dans la Déclaration de Madrid
(Forum européen des personnes handicapées - FEPH, 2003)
 Non-discrimination : égalité des droits
 Discrimination positive : égalité des chance
 Inclusion : accessibilité généralisée et aménagement raisonnable
 Aide individuelle (aménagement personnalisé)
Application aux TIC
 Accessibilité généralisée: les outils doivent être accessibles aux aménagements
 Aménagements raisonnables: aides Individualisées
2.Convention de l’ONU sur les droits des
personnes handicapées
 Accessibilités à la culture technologique
 Aménagement selon les besoins et les attentes individuelles
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 Droit à l’autodétermination grâce aux technologies
3. Paradigmes cohérents avec la Déclaration de Madrid et la Convention de l’ONU
3.1. Définition du handicap selon l'OMS
 Déficience
 Incapacité
 Désavantage (handicap)
Application aux TIC
 Tenir compte des efficiences:
caractéristiques physiques ou cognitives sur lesquelles on peut s’appuyer
 Capacités: pour pallier les incapacités
 Handicap: transformer en autonomie
3.2. Approche historique du handicap selon Henri-Jacques Stiker
 Insertion sociale
 Intégration sociale
 Inclusion sociale
Application aux TIC
 Insertion: fournir des outils adaptés
 Intégration: accompagnement dans le milieu ordinaire grâce aux outils
 Inclusion: outils ouverts et adaptation Individualisée
3.3. Des paradigmes pédagogiques selon Wolf Wolfensberger
 Valorisation des rôles sociaux
 Normalisation
 Participation sociale
Application aux TIC
 Valorisation des rôles sociaux: les tablettes accessibles aux personnes déficientes
mentales
 Normalisation: utilisation des tablettes « comme tout le monde! »
 Participation sociale: tablettes comme outils d’autodétermination et d’expression
pour les personnes déficientes mentales
3.4. Les représentations sociales du handicap selon J.-S. Morvan
 Infantilisation
 Inadaptation
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 Affectivité close
Application aux TIC
 Infantilisation: être considéré comme des personnes à part entière
 Inadaptation : s’adapter grâce aux technologies
 Affectivité close: Trouver de nouveaux outils d’expressions émotionnelles et
d’expressions culturelles.
3.5. Ethique de la communication Jurgen HABERMAS
 Agir objectivant : déficiences
 Agir communicationnel : différence
 Agir émancipatoire : compétences
Applications aux TIC
 Déficiences: tenir compte des efficiences
 Différence: rompre la fracture numérique
 Compétences: fournir des outils permettant de mettre en œuvre les
véritables compétences des personnes pour l’autodétermination et
l’autoreprésentation
4. Perspectives : des démarches
scientifiques inclusives en matière de
technologies
 Observations et intuitions
 Questions scientifiques
 Hypothèses d’interventions
 Expérimentations technologiques
 Explications théoriques
 Nouvelles expérimentations
 Généralisations et fiches techniques
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technologiques qui se rattachent, quels en sont les enjeux ?
Par Daniel Boisvert Directeur
Consortium national de recherche sur l’Intégration sociale
3351 Boul. des Forges (C.P.500)
Trois-Rivières (Québec) G9A 5H7
Le pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, entré en
vigueur en janvier 1976, stipule que chacun a droit de bénéficier de l’accès aux
innovations scientifiques et aux applications techniques et technologiques qui se
rattachent (art.15). Nous pensons que ces innovations devraient servir à des fins
d’amélioration des problèmes sociaux, vécus notamment par les usagers de
services. Mais quels en sont les enjeux au plan de l’accessibilité, de la participation
à la citoyenneté, de la qualité de vie?
Peut-on répondre aux diverses questions qui se posent pour les établissements, tels
la gestion de l’information, l’intégrité des donnée, des sites Internet et des
didacticiels, la gouvernance des NTT, la gestion et exploitation de l’infrastructure
technologique ainsi que l’adaptation des règlements et des modes de vie, etc.?
Qu’en est-il des enjeux liés au savoir-faire et savoir-être des accompagnateurs et des
parents et à l’impact sur leurs stratégies d’accompagnement? Qu’en est-il de l’apport
de ces usages technologiques sur la qualité de vie et sur l’autonomie, voire
l’autodétermination, des usagers ?
Propositions nouvelles pour la personne handicapée
vieillissante
« Au delà de la clinique et des politiques publiques... quel regard sur ces
personnes dites « handicapées vieillissantes » ?
Par Philippe CHAVAROCHE
Docteur en Sciences de l'Education
Formateur
Les « personnes handicapées vieillissantes »... réalité clinique singulière, nouveau
problème de politique publique en matière de handicap... certes et les deux
intervenants précédents ont chacun dans leur domaine posé des jalons de
compréhension et d'action en faveur de ces personnes.
9
Mais peut-on, puisque nous sommes dans le champ des propositions nouvelles pour
ces personnes dites « handicapées vieillissantes » aller sur d'autres champs
sémantiques et théoriques pour dépasser peut-être ces deux seules approches ?
A l'évidence, est en train de naître une nouvelle catégorisation en matière de
personnes handicapées, et cette table ronde en témoigne, celles des « vieillissantes
» et au passage on remarquera qu'on les affuble de cet adjectif verbal qui signifie «
en train de vieillir »....ce qui est le lot de tout le monde, à ce titre nous sommes tous
et toutes vieillissants (tes). Peut-être une telle nomination participe de ces processus
d'euphémisation que l'on constate à propos du handicap, dire cette réalité trop
crûment : « personne handicapée âgée » (comme on dit une « personne âgée » pour
une personne « normale ») ou, encore pire un « vieux ou une vieille personne
handicapée » serait sans doute perçu comme trop stigmatisant.
On se heurte peut-être en la matière à ce que P. Fustier appelle les « systèmes
d'incompatibilité ».
Dire une « personne âgée » convoque deux représentations, celle d'une personne à
part entière d'un côté, et, de l'autre côté, la réalité de son âge, supposé en fonction
de critère culturels, la classer dans cette identité sociale des « âgés ». Les deux
représentations s'équilibrent à peu près, sont relativement compatibles...pour peu
que cette personne ne présente pas trop de déficiences physiques ou mentales.
Mais dire une « personne handicapée âgée » viendrait, par la juxtaposition des
termes « handicapée » et « âgée » additionner deux déficiences, deux
incomplétudes, celle du handicap et celle de l'âge, le terme de « personne » risquant
alors d'être incompatible puisque supposant un sujet dans sa complétude.
Dire « vieillissantes » vient sans doute atténuer les représentations qui ne manquent
pas de surgir lorsque l'âge, avec son cortège de déchéance vient s'ajouter au
handicap.
Pour déjouer les pièges que nous tendent nos positions inconscientes envers le
handicap et la vieillesse, positions quand même marquées par la répulsion fut-on
professionnel et animé des meilleures intentions, le langage à cette extraordinaire
faculté de transformer la réalité.
« Transformer pour éliminer » dit Paul Fustier1, éliminer par les mots ce qui en nous
vient de manière trop insistante nous rappeler ce que nous ne voulons pas voir, ne
pouvons pas accepter. « Vieillissante » au lieu de « vieux » ou « vieille », c'est
passer un compromis sémantique pour dire
1
à mi-mot une réalité que nous avons peut-être un peu de mal à dire dans sa dureté :
au handicap
avec lequel nous sommes en difficulté s'ajoute la vieillesse avec laquelle nous
sommes aussi en difficulté.
Une autre difficulté à employer les mots « vieux » ou « âgés » à propos des
personnes handicapées tient peut-être au fait que la question de leur vieillissement
reste encore de l'ordre de l'irreprésentable, de l'impensable et ce pour deux raisons à
mon avis. La première s'inscrit bien sûr dans une longévité aujourd'hui patente de
ces personnes.
1
Fustier P., Le travail d'équipe en institution, Dunod, Paris, 1999, p. 75
10
Des progrès de la médecine au progrès de l'accompagnement donnant certainement
plus de sens à leur vie... leur avancement en âge a rattrapé peu à peu celui des
personnes dites « normales » et la surprise vient moins de ces constats que de
l'impréparation du secteur médico-social à faire face à ce qu'il désigne maintenant
comme un nouvel enjeu, un nouveau problème, voire un défi.
Si les connaissances à la fois statistiques et cliniques sur cette question sont quand
même assez anciennes, et le Docteur Gabbaï peut en témoigner, il reste sans doute
un autre travail à faire, celui des représentations, admettre cette réalité non dans le
champ rationnel mais dans un autre champ, celui de nos constructions psychiques et
sociales. Or sur ce plan, et là aussi la tenue de cette table ronde en témoigne, il
semble que cette évidence ne soit pas encore tout à fait inscrite dans les mentalités,
qu'elle exige des aménagements sémantiques pour s'en faire une représentation
acceptable et le terme « vieillissant » et est sans doute la preuve.
L'autre raison tient à mon avis au caractère immuable de la temporalité dans laquelle
sont inscrits nombre de personnes handicapées mentales. Du fait de leur supposée
non évolution intellectuelle, et on observe ici tous les effets de la mesure du quotient
intellectuel de Binet et Simon qui a fortement inscrit cette réalité psychologique dans
les représentations, ils seraient donc « toujours jeunes », immatures et de ce fait
jamais adultes et encore moins vieux.
Si l'on se réfère encore à Paul Fustier et au principe d'incompatibilité, on pourrait
convoquer le syllogisme suivant : « Les enfants sont immatures» - « les personnes
handicapées sont elles-aussi immatures» - donc « les personnes handicapées sont
des enfants »... Fustier souligne à ce propos combien l'expression « adulte
handicapé » est marqué par ce principe d'incompatibilité : « … si je sens que j'ai
affaire à un handicapé mental, alors l'adulte sera gommé de ma représentation ; il
disparaîtra au profit d'une représentation spontanée d'enfant que j'aurais alors »2
Mais on peut aussi avancer que cette difficulté à inscrire les personnes handicapées
mentales dans cette temporalité évolutive tient au caractère immuable de certaines
pathologies mentales, autisme et psychoses infantiles principalement. On dit souvent
d'eux « que le temps n'a pas de prise sur eux » tant ils semblent irrémédiablement
figés dans un temps circulaire, toujours répété à l'identique.
Ainsi certains sont capables de reprendre une conversation interrompue plusieurs
années auparavant à l'endroit exact où elle s'était arrêtée. D'autres sont dans
l'incapacité d'anticiper un avenir qui ne peut être que la stricte duplication d'un
présent... comment pourraient-ils alors s'inscrire dans cet écoulement du temps qui
passe et comment les professionnels qui les accompagnent peuvent-ils, eux-aussi,
les projeter dans cette même temporalité. Souvent la prise de conscience chez ces
derniers surgit brutalement, sans anticipation, lorsque les signes évidents de la
vieillesse ne peuvent plus être niés, encore que la dénégation soit souvent tenace
pour admettre cette évidence.
On sait aussi la puissance de la représentation des « âges de la vie », symbolisée
par la question que pose le Sphinx à Oedipe : « Quel être, pourvu d'une seule voix, a
d'abord quatre jambes, puis deux jambes, et finalement trois jambes ?"
On sait qu'Oedipe échappa au sort funeste que le sphinx réservait à ceux qui ne
répondait pas à ses énigmes en répondant : « l'homme », qui marche d'abord « à
quatre pattes » dans l'enfance, puis sur ses deux jambes à l'âge adulte et enfin en
s'appuyant sur une canne lorsque la vieillesse arrive.
11
Cette représentation est très fortement inscrite dans les mentalités, l'enfance est la
phase du 2. développement, des progrès... l'âge adulte celle de la maturité, de
l'épanouissement et la vieillesse celle de la déchéance, du « naufrage »...comme
disait le Général De Gaulle! On pourrait représenter ces différentes étapes par une
ligne ascendante pour l'enfance, une ligne horizontale pour l'âge adulte et une ligne
descendante pour la vieillesse... On mesure combien cette idée est fortement ancrée
dans les esprits en comparant, dans nos secteurs du soin et de l'accompagnement,
les moyens attribués à l'enfance - assez conséquents, les moyens attribués aux
adultes - justes suffisants, et ceux attribués aux personnes âgées - scandaleusement
insuffisants.
La force de la représentation vient ici confirmer que pour les enfants porteurs de
handicaps, il faut, dit-on couramment, « mettre le paquet » car il ne faut pas rater
cette phase où des progrès peuvent s'installer pour réduire, voire neutraliser la pesée
du handicap. Pour les adultes, l'illusion des progrès s 'étant un peu affaiblie et parfois
carrément éteinte, on va se contenter du « maintien des acquis », dogme
puissamment installé dans tous les projets individuels... et pour les personnes
handicapées dites vieillissantes, on constate avec impuissance la perte des acquis,
le régression, la fin des illusions éducatives...
Si cette vision peut paraître caricaturale, et elle l'est certainement, on en constate
quand même les effets dans les équipes d'accompagnement qu'elles soient de soins
ou médico-sociales, notamment par l'engouement que mettent les professionnels à
travailler avec telle ou telle catégorie d'usagers, les enfants étant bien sûr plus prisés
que les personnes âgées, déclarées handicapées ou non.
La puissance de ces catégorisations présente le risque d'une « essentialisation »,
attribuer à ce qui n'est qu'une singularité d'âge calendaire une généralisation, un
nivellement. LA « personne handicapée vieillissante » existe-elle ?
L'histoire des personnes handicapées est jalonnée de classifications et leur
vieillissement ne risquet- il pas d'en constituer une nouvelle, toute aussi artificielle et
réductrice que celles que nous avons connues : « éducable », « semi-éducable »,
inéducable », « profond », « moyen », « léger »...
Malgré leur caractère factice et leurs délimitations pour le moins incertaines, ces
classifications ont quand même produit, et produisent encore, des phénomènes de
massification et d'agrégation avec leurs statistiques, leurs inscriptions administratives
spécifiques, leurs établissements réservés, leurs formations supposées spécialisées,
et, toujours en arrière plan, une hiérarchisation rampante même si elle se cache
derrière le caractère utilitariste de ces organisations et reste pavée des meilleures
intentions pour une plus parfaite adaptation à leurs besoins.
Comme se sont constitués des sortes de ghettos notamment pour les supposés plus
« bas niveaux » (les Maisons d'Accueil Spécialisées sur lesquelles je travaille depuis
de nombreuses années en sont une illustration même si cette image est
heureusement en train de changer un peu!), ne risque-t-on pas de créer, au sein du
secteur médicosocial d'autres lieux de marginalisation pour les plus vieux,
phénomène que, d'ailleurs, l'on observe pas seulement pour les personnes
handicapées ?!
2
Fustier P., ibid, p. 81
12
Classer n'est pas neutre, cela implique, nous dit l'anthropologue anglaise Mary
Douglas, « de tracer des frontières ce qui est très différent de mesurer. »3. Et elle
ajoute que les hommes : « En construisant leur interprétation de la nature, ( )
contraignent également la construction de leur société. En bref, ils construisent une
machine qui pense et prend les décisions en leur nom. »4
L'interprétation que fait notre secteur de ce phénomène « naturel » qu'est le
vieillissement des personnes handicapées ne risque-t-il pas de construire cette
machine à les penser et à les agir que nous sommes peut-être en train de voir naître
sous nos yeux, encore une fois animée des meilleures intentions ?
De plus, on mesure, dans le fil de la pensée de Mary Douglas, la différence qu'il y a
entre « classer » et « mesurer » au sens de « prendre la mesure » et il est
effectivement important de prendre la mesure des fonctionnements
psychopathologiques particuliers et des problèmes de santé spécifiques de ces
personnes dont l'âge devient alors non un critère de taxinomie mais une expérience
subjective comme le sont les autres moments de la vie.3 4
Comment alors accompagner ces personnes dites « vieillissantes » sans pour autant
les enfermer dans des représentations stéréotypées et des classifications
stigmatisantes ?
S'il y faut bien sûr des adaptations institutionnelles, des connaissances adéquates , il
me semble que leur vieillissement ne doit pas être détaché des autres temps de leur
vie.
Cette période n'a pas de sens en soi, ne se justifie pas d'elle-même et ne devrait
donc pas constituer un objet autonome dans les préoccupations médico-sociales.
La vie de ces personnes handicapées a été marqué pour nombre d'entre-eux par des
ruptures, rupture familiale parfois à l'annonce du handicap, au premier placement en
institution... puis au gré de leurs pérégrinations dans divers établissements selon leur
âge, leur adéquation administrative, leurs troubles... ruptures des relations avec les
professionnels qui les ont accompagnés... décès des parents, des proches... autant
d'attaques contre ce qui reste très précaire chez beaucoup : leur sentiment de
continuité, la possibilité pour eux d'inscrire leur parcours de vie dans une « narration
» dont les épisodes, les enchaînements, les changements... constituent une histoire
qu'ils pourraient se raconter et surtout que l'on pourrait leur raconter.
« L'identité narrative » ainsi que la définit Paul Ricoeur5 est sans doute ce qui reste
le plus fragile chez ces personnes et l'on peut craindre que leur vieillissement ne
constitue qu'une nouvelle péripétie de leur parcours de vie qui en a déjà connu de
nombreuses, péripétie sur laquelle ils n'auraient que peu de maîtrise narrative.
Si les projets institutionnels et personnalisés pour ces personnes reposent le plus
souvent sur une prise en compte de leur fatigabilité, une attention plus soutenue à
leur état de santé plus fragile, un environnement plus calme, un rythme de vie plus
ralenti, une modération des sollicitations pour participer à des activités... tout en
3
4
Douglas M., Comment pensent les institutions, Paris, La découverte poche, 2004, p. 93.
Douglas M., Ibid, p.99.
13
maintenant un niveau de sociabilité et un sentiment d'utilité par une contribution à la
vie communautaire et bien sûr le fameux « maintien des acquis »... cela ne
suffit peut-être pas à donner sens à ce temps singulier qu'est leur vieillesse... même
si par ailleurs ces modalités d'accompagnement sont bien sûr nécessaires et
pertinentes.
A la « pré-diction » qui gouverne aujourd'hui tout projet personnalisé, peut-on
opposer la « rétrodiction » comme fondement même de l'accompagnement de ces
personnes ?
Alors que les projets tentent, souvent vainement, de dire ce qu'il doit advenir de la
personne dans le futur... peut-on inverser cette proposition pour, tout en les
inscrivant bien sûr dans un temps à vivre, dire ce qui s'est passé avant... renouer les
fils d'une histoire qui souvent s'est effilochée dans les méandres des diverses
institutions qu'ils ont fréquentées, dans les oubliettes des multiples mémoires
qui les ont rencontrés, dans des relations familiales qui se sont désagrégées...
La vie d'une personne handicapée mentale a-t-elle un sens ? Cette question reste
bien incertaine dans ses réponses. Ceux qui les accompagnent tout au long de leur
vie, familles, professionnels, luttent en permanence contre ce qui peut apparaître
comme du non-sens, de la « non valeur », « injectent » de la vie face à la pesée des
déficiences et des pathologies, tiennent souvent à bout de bras ces personnes pour
ne pas qu'elle tombent... Mais ces démarches peuvent parfois apparaître comme
posées les unes à côté des autres, alternant des phases d'accompagnement plus
dynamiques et des phases d'essoufflement des équipes, des progrès et des
régressions...
Face au démantèlement du fonctionnement corporel et psychique de beaucoup, on
avance en miroir le démantèlement de ces multiples projets, prises en charges,
intervenants... qui parcellise leur parcours de vie sans qu'une « narration » ne
viennent le lier dans une histoire qui le vectorise et le structure.
Ce temps du « vieillissement » peut-il alors être ce temps de la reprise narrative de
ce parcours pour que leur vie allant vers sa fin, elle trouve ou retrouve un sens, une
inscription dans une continuité.
Le psychanalyste et sémioticien Michel Balat évoque à ce propos la fonction « scribe
», celui qui vient arrêter le « musement », défilement permanent et désordonné d'un
temps qui ne fait pas sens, 5dans ces deux acceptions : sens comme direction et
sens comme signification. « on sent bien que là où rien ne peut s’inscrire, on voit
bien que là où tout coule, tout glisse et rien ne peut se faire, on ne peut pas recueillir.
»… dit M Balat .
Le risque est grand que leur vie ne passe, certes bien remplie de nos projets, de nos
bonnes intentions, de nos prises en charge... mais qu'elle ne laisse pas de traces...
Qu'elle ne soit comme cette évocation du « cimetière des fous », poème de Paul
Eluard7 à propos du cimetière de l'hôpital de Saint Alban en Lozère :
6
Ce cimetière enfanté par la lune
Entre deux vagues de ciel noir
Ce cimetière archipel de mémoire
Vit de vents fous et d'esprits en ruine
Et il termine son poème en disant :
5
6
Ricoeur P., Temps et récit, 1, Paris, Le Seuil, coll. « Points-Essais », 1983
Balat M., Trialogue, Michel Balat, Jean Oury, Marie Depussé, 10 décembre 2007, www.balat.
14
Leur cimetière est un lieu sans raison
Que le vieillissement et la mort des personnes handicapées mentales ne reste pas
sans raison.7
L’avancée en âge des personnes handicapées, un défi à
relever !
Par Patrick GOHET
Ancien Délégué interministériel aux personnes handicapées
Ancien président du Conseil national consultatif des personnes handicapées
Animateur du groupe de travail sur l’avancée en âge des personnes handicapées
Du fait de l’allongement de l’espérance de vie de sa population, la société française
s’interroge sur la meilleure manière de prévenir et d’accompagner les effets de
l’avancée en âge. C’est ainsi qu’elle se dote d’une législation et d’une réglementation
portant sur son adaptation au vieillissement.
De nombreuses initiatives ont déjà été prises, comme les plans « bien vieillir »
inspirés et conduits par le docteur Jean Pierre AQUINO. En s’appuyant notamment
sur les leçons à tirer de ces premières réalisations ainsi que sur les travaux conduits
par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) et Roselyne
BACHELOT sur la dépendance et par Michèle DELAUNAY sur le vieillissement, il est
possible de relever ce défi !
Rappelons ici que la canicule de l’été 2003 a contribué à précipiter la prise de
conscience de la nécessité d’organiser la prévoyance individuelle et la solidarité
collective face au vieillissement et à ses conséquences.
Le débat en cours ne doit pas ignorer que le phénomène du vieillissement n’est pas
univoque. Il revêt de multiples aspects. C’est ainsi qu’il présente de fortes
particularités lorsqu’il s’agit de personnes ayant des besoins spécifiques, par
exemple les personnes handicapées. Pour cette catégorie de citoyens, le plus
souvent et assez précocement, il se caractérise par l’accroissement du handicap
d’origine et par la survenue de handicaps supplémentaires résultant de l’avancée en
âge elle-même.
Il est donc indispensable que la future législation sur la prévention et
l’accompagnement de la perte d’autonomie tienne compte des spécificités des
7
Eluard P ., Asile de Saint-Alban, 1943
15
personnes en situation de handicap tant en matière de besoins que de réponses.
Elles sont développées dans le rapport du groupe de travail que Mmes CARLOTTI et
DELAUNAY, à l’époque Ministres déléguées aux personnes handicapées et aux
personnes âgées, ont installé le 6 février 2013 et dont elles m’ont confié l’animation.
Ce rapport leur a été remis le 28 novembre suivant.
Composé de représentants des associations de personnes handicapées et de
parents, des organisations gestionnaires d’institutions spécialisées, des
départements et des communes, des organismes de protection sociale et de
recherche…, le groupe a dressé le bilan de la situation et des besoins des personnes
handicapées âgées et formulé un certain nombre de propositions de réponses allant
du milieu ordinaire jusqu’aux solutions les plus adaptées.
Le rapport se compose de trois tomes. Le premier présente les analyses et les
préconisations du groupe. Le deuxième est constitué de toutes les contributions
provenant de la plupart des acteurs du sujet : associations, organismes de protection
sociale, organisations appartenant à l’économie sociale et solidaire, institutions de
prévoyance… Le troisième comporte les comptes-rendus des visites effectuées sur
divers sites pour soumettre les propositions du groupe aux réalités du terrain.
Pour commencer, il est impératif d’anticiper le phénomène du vieillissement, d’en
prévenir les effets, de repérer ses conséquences intellectuelles et physiques et
d’accompagner les personnes une fois qu’il est installé. Le régime alimentaire, les
activités physiques, la participation à la vie sociale et citoyenne…, sont autant de
conditions pour s’assurer une avancée en âge la plus positive possible. Cela vaut
pour les personnes handicapées comme pour les autres.
Ces étapes sont à franchir et ces conditions sont à réunir qu’il s’agisse d’une
personne handicapée avançant en âge à son domicile ou dans une institution. Elles
seront intégrées dans les protocoles de l’aide à domicile pour la première et dans les
projets individuels et d’établissements pour la seconde. Pour l’une comme pour
l’autre, elles figureront dans le plan de compensation personnalisé, ce qui implique la
MDPH et la Commission départementale pour l’autonomie des personnes
handicapées, ce qui suppose une formation adéquate de leurs agents et de leurs
membres.
Concrètement, l’avancée en âge de la personne handicapée, qu’elle se produise
chez elle ou au sein d’une structure spécialisée, pourra se traduire par une réduction
progressive de l’activité professionnelle, le recours à un accueil temporaire en
institution pour préparer un changement de lieu de vie, le passage d’un logement
personnel vers un établissement adapté… Elle pourra également impliquer de rendre
plus accessible et de médicaliser la structure d’accueil, de soutenir les aidants,
notamment familiaux…
Des évolutions institutionnelles sont également envisageables comme une meilleure
prise en compte du vieillissement dans les outils d’évaluation de la situation et des
16
besoins de la personne handicapée, dans les enquêtes , les schémas
gérontologiques des ARS et des conseils généraux, les politiques des associations,
notamment gestionnaires d’établissements et de services…
Il est indispensable d’intégrer l’avancée en âge dans la formation des professionnels
de l’aide à domicile et du secteur spécialisé, de l’ouvrir à tous les membres d’une
équipe intervenant auprès des mêmes personnes, de la dispenser sur site, d’y
intégrer la conduite du changement, d’associer des personnes handicapées dans sa
conception et sa dispense…
Comment ne pas comprendre, par ailleurs, qu’il est urgent de simplifier les
procédures de reconnaissance du handicap, d’orientation, d’admission, de suivi…
Comment ne pas comprendre qu’il est impératif de coordonner les innombrables
acteurs que sont les CLIC, les MAIA, les territoires de santé, les MDPH, les maisons
de ceci, de cela…, et de leur faire partager une culture et des pratiques de
coopération.
Ce qui importe finalement d’abord, c’est ce qu’attend, ce que comprend, ce dont a
besoin la personne à qui tout ça est destiné. Ce n’est pas uniquement un
bénéficiaire, un usager, un ayant droit, c’est un citoyen !
Fini le temps du règne exclusif de l’expert qui évalue la personne handicapée, même
âgée, et qui lui octroie ce qu’il estime lui être nécessaire ! Si elle le peut, la personne
concernée, même handicapée, même âgée, doit pouvoir exprimer ce à quoi elle
aspire. Dans toute la mesure du possible, sa compréhension et son assentiment sont
à rechercher, obtenir et respecter.
Enfin, et peut être surtout, il est impératif que l’image que notre société a de
l’avancée en âge change ! Le plus souvent, la personne âgée désire participer à la
vie de la Cité, aider les siens, être utile, prendre sa part dans les débats publics, faire
profiter l’environnement de son expérience, être fière d’elle-même, ne pas être à la
charge des autres. C’est là que réside l’essentiel de l’adaptation de la société au
vieillissement ! C’est là l’enjeu majeur de la législation et de la réglementation en
cours d’adoption…
Film : « L’avancée en âge des personnes handicapées, un
défi à relever ! »
Par Olivier Le Mab
Réalisateur du film
"Bonjour à toutes et à tous et merci pour l'attention que vous venez de porter à ce
film.
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C'est la première fois qu'un rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales,
en l’occurrence un rapport sur l’avancée en âge des personnes handicapées, est
illustré par un film. C'est à la demande de Patrick Gohet, Inspecteur Général des
Affaires Sociales, que j'ai assuré la réalisation et la production de ce film.
Le postulat de départ était d'évoquer en un peu plus de 30 minutes les principales
catégories de handicap : moteur, sensoriel, mental et psychique autour du thème de
l'avancée en âge. Donner la parole aux personnes handicapées elles-mêmes, aux
aidants proches, aux associations et aux professionnels puisqu'ils sont les mieux
placés pour évoquer l'avancée en âge qui les concerne.
Avant que ne commence le tournage du film, Patrick Gohet m'a demandé de
participer aux réunions du groupe de travail qu'il animait afin que je perçoive bien les
attentes et les préconisations des personnes handicapées et des personnes qui
gravitent autour d'elles.
Ensuite, nous sommes allés à leur rencontre sur le terrain à la fois dans le cadre du
rapport et dans celui du film pour leur proposer de participer à des entrevues filmées.
On me demande régulièrement si les personnes handicapées acceptent facilement
de témoigner devant une caméra. Je dirais oui parce que ces personnes vivent une
situation particulière qui n'est pas toujours bien comprise ou bien perçue par les
personnes non handicapées.
Ce sont des personnes, me semble t-il, qui ne demandent qu'a être reconnues
comme des personnes ordinaires mais avec leur particularité. Ces particularités
nécessitent une attention de la part de la société qui se doit de répondre précisément
à leurs attentes et à leurs besoins. Cette attention est indispensable dans leur
quotidien, qu'il soit privé, scolaire ou professionnel. Ceci est un défi constant pour la
société et qui doit être relevé s'il ne l'est pas encore.
Pour conclure, je souhaite pour les personnes handicapées que la future loi sur
l'autonomie tienne ses promesses dans le temps et qu'elle ne soit pas repoussée
d'environ 10 ans comme la loi de 2005 sur l'accessibilité l’a été. La vie d'une
personne handicapée est parsemée d'obstacles à surmonter. Si il y a des personnes
à qui il faut garantir une retraite qui réponde précisément à leurs attentes, ce sont
bien celles-ci. J'espère que ce film contribuera à cette prise en compte. Merci de
votre attention".
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L’avancée en âge des personnes atteintes de troubles du
spectre autistique
Par le Dr Philippe GABBAÏ,
neuropsychiatre, formateur.
[email protected]
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L’institution sur l’expérience de laquelle s’appuie ce propos (la Fondation John Bost à
la FORCE) accueille, accompagne et soigne au long cours des patients atteints de
troubles du spectre autistique, c’est à dire de personnes autistes ou atteintes de
troubles désintégratifs dont les évolutions ont débuté dans l’enfance. Beaucoup de
ces personnes y ont effectué des trajectoires de vie fort longues jusqu’à un âge
avancé. Cette confrontation diachronique prolongée à ces situations cliniques est
encore assez exceptionnelle pour ne pas avoir fait l’objet, à notre connaissance de
publications spécifiques.
Ce propos tentera de rendre compte des données d’observations et des
problématiques étudiées sur près de trente années de travail auprès de ces
personnes atteintes d’autisme infantile, parvenues à l’âge adulte, puis vieillissantes.
Nous examinerons successivement deux aspects :
-
le premier concerne l’évolution des pathologies rattachées à l’autisme
infantile, à l’âge adulte et dans l’avancée en âge.
le second point tente de dégager quelques éléments de projets à mettre en
place vis à
vis des personnes autistes vieillissantes.
L’évolution des états autistiques avec l’âge
Nous ferons appel, ici, pour cette description de la clinique de l’avancée en âge de
ces patients à une perspective psycho-pathologique qui doit beaucoup aux travaux
de Favre, Midenet et Coudrot, comme à ceux de Geneviève Haag, pourtant élaborés
autour des problématiques infantiles. Cette description tente de circonscrire des
modes de fonctionnement psychiques assez différentiés utilisés par les patients en
question et c’est la connaissance de ces modes particuliers qui permet de
comprendre une clinique complexe. Ces modes de fonctionnements que nous
isolerons les uns des autres pour la description, alternent ou s’associent chez un
même patient.
Il existe tout d’abord des fonctionnements autistiques « classiques » : on
observe chez les adultes, comme chez les patients plus âgés essentiellement des
fonctionnements en recours autistiques : les conduites autistiques (stéréotypies
essentiellement) apparaissent par épisodes souvent pluriquotidiens, mais alternant
avec d’autres modes de fonctionnements moins typiquement autistiques. Ces
recours autistiques restent tout à fait compatibles avec une relation à la réalité et à
autrui maintenue. Ils sont surtout utilisés sur un mode « auto-sensuel », quasi
addictif, lors de situations de contrainte, ou de situations anxiogènes, ou encore lors
de moment d’ennui, de rupture relationnelle. Le centrage sur les sensations diverses
(visuelles, kinesthésiques, tactiles) s’effectue cependant sur un mode plus léger,
plus distant, que dans les fonctionnements autistiques vrais des enfants. Il est
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fréquent de voir la stéréotypie évoluer avec le maintien d’un regard tridimensionnel,
attentif au spectacle visuel (Bullinger) et parfois même des expressions mimiques de
demi-sourire ou de regards dirigés vers autrui.
Ces conduites peuvent cesser si la situation anxiogène ou contraignante est
aménagée, ou encore dès que le patient est sollicité dans une interaction qu’il attend
faute de pouvoir toujours la solliciter. Ces fonctionnements en recours sont sensibles
aux approches comportementales pour peu qu’on aménage aussi les situations qui
en favorisent l’apparition (A.B.A).
Les autres éléments du syndrome autistique, en particulier les dysfonctionnements
cognitifs, sont eux aussi souvent modifiés dans l’avancée en âge : l’intersubjectivité
primaire parait bien établie, l’attention conjointe est présente, les capacités
cognitives souvent
améliorées, ouvrant même sur des «performances»
exceptionnelles et quelque peu prodigieuses (calculateur de calendrier, « horloge
parlante, etc…). Ces capacités se maintiennent jusqu’à un âge assez avancé.
Si l’on s’intéresse aux autres modes de fonctionnement mentaux , mois
typiquement autistiques, on identifie une modalité très fréquente dans l’avancée en
âge, et aussi probablement la plus satisfaisante : Elle s’apparente à une relation
symbiotique relativement stable, où le sujet semble évoluer dans des interactions
assez harmonieuses avec l’entourage, avec une angoisse réduite. Cliniquement on
peut remarquer deux aspects assez différents de ce fonctionnement :
- le premier reste marqué par une certaine distanciation autistique : ces patients, au
visage souvent souriant, utilisant une stéréotypie manuelle presque permanente (un
recours autistique discret !), se déplacent dans l’espace proche des soignants ou
éducateurs, attentifs à ce qui se passe, guettant un regard d’autrui ou une
sollicitation, à laquelle il réponde sans difficulté, mais sans insistance. En fait ils ne
sont jamais bien loin, exerçant un contrôle visuel attentif, mais sans angoisse visible.
- les seconds, plus dans l’échange relationnel, sont souvent trop proches, presque
« collants », accompagnant les soignants ou leurs parents, dont ils ne supportent
pas l’absence. Ils sont très sensibles aux états intérieurs de l’autre, capables de
relations affectives nuancées, mais vite menacés d’affects dépressifs en cas de
séparation d’avec leurs accompagnants privilégiés. Actifs, ils participent volontiers
aux diverses activités proposées. Leur intégration institutionnelle s’avère sans
problème majeur, pour peu que le milieu offre une permanence et une continuité
relationnelle suffisante. Ce sont ces résidents adultes et vieillissants que l’on peut
intégrer dans des activités occupationnelles à condition que la sécurisation
relationnelle, spatiale et temporelle soit assurée.
Cependant ce fonctionnement symbiotique n’exclut pas des émergences anxieuses
massives, des affects dépressifs à la moindre distanciation, quelques mouvements
agressifs mêlés aux manifestations affectives. Il peut aussi s’engager dans des voies
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pathologiques lorsqu’il devient exigence tyrannique et exclusive vis à vis de
l’éducateur ou des parents, au prix d’explosions anxieuses en cas de frustration.
Les éclatements anxieux (J.P.Favre, M.Midenet, A et M.Coudrot) se manifestent
par une montée de l’angoisse destructurante avec son cortège habituel d’états
d’alerte, de menaces persécutoires, de préoccupations quant à l’intégrité corporelle
et quant aux orifices corporels, d’immutabilité envahissante, de conduites de
contrôle, etc. L’ensemble des comportements de fuite, d’autoprotection, d’hostilité et
de toute-puissance, les préoccupations vestimentaires, les activités clastiques et de
déchirage, les conduites boulimiques ou potomaniaques, les manipulations de selles,
la constipation, les troubles du sommeil, traduisent, et l’angoisse de perte de l’unité
corporelle et psychique et la tentative d’y porter remède sur un mode finalement
adaptatif.
Cette angoisse peut s’exprimer sur un mode aigu, associant alors une agitation
psychomotrice croissante, des productions vocales allant du gémissement, aux
imprécations et aux hurlements déchirants, des conduites d’auto-vulnérances
intenses, violentes (gifles et coups, morsures, griffures, déchirage de vêtements) et
enfin des comportements clastiques et hétéro-agressifs violents, désordonnés et
brouillons, tant défensifs qu’offensifs, s’exerçant vis à vis des personnes et des
choses situées dans le champ visuel du patient. Souvent confondus avec des accès
de colère, voire de caprice, ces éclatements anxieux succèdent à des émotions, des
frustrations, une stimulation externe vécue comme menaçante, ou surviennent
inopinément à l’occasion d’une émergence pulsionnelle ou émotionnelle. Très
fréquents à l’adolescence, leur réapparition à l’âge adulte, et à fortiori plus tard,
traduit pratiquement toujours une inadéquation de la prise en charge, dans le sens
d’une hyperstimulation et/ou d’une insécurisation : les exemples les plus courants
sont constitués par les excès d’activité, la multiplication, mal articulée, des activités
ou des lieux et des temps de prises en charge, la mise en œuvre d’une socialisation
ou d’une intégration sociale qui ignore la vulnérabilité particulière de ces personnes
(attention aux isolements dans les appartements extérieurs … et aux questions de
sollicitation sexuelle, en particulier chez les femmes). Il faudrait y ajouter les
événements de santé, touchant à l’intégrité corporelle (douleurs, fractures,
interventions chirurgicales) et plus largement tous les défauts de contenance, qu’ils
soient relationnels (fragilisation des parents, des éducateurs) ou institutionnels
(désorganisation, conflits non élaborés, etc…). Chez les patients vieillissants, ce sont
les pathologies somatiques qui alimentent ces éclatements anxieux : parmi ces
pathologies il faut insister sur les déficiences visuelles, qui, privant ces patients des
possibilités de contrôle visuel de leur environnement, font flamber l’angoisse. Toutes
les pathologies douloureuses peuvent entraîner les mêmes phénomènes. La
résolution de ces épisodes d’angoisses paroxystiques ne passe pas tant par des
21
hospitalisations dramatisées en psychiatrie ou des manipulations médicamenteuses,
souvent peu efficaces ou génératrices d’effets secondaires gênants, que par un
réaménagement environnemental et des soins que nous préciserons plus bas.
Mais habituellement, si la prise en charge est adaptée, on assiste chez ces patients
vieillissants à une raréfaction, voire la disparition de ces manifestations d’angoisse :
les sujets sont plus sereins, plus tolérants aux variations environnementales. Leur vie
prend souvent un aspect très routinier, volontiers immuable. Il peut être très difficile
par exemple d’interrompre une activité de travail qu’une limitation somatique impose,
tant tout devient ritualisé. Les changements de groupe de vie, voire d’institution sont
mal tolérés, ou nécessitent une période d’adaptation prolongée.
Les fonctionnements dépressifs constituent probablement un des risques évolutifs
les plus fréquents chez ces patients âgés. Les aspects dépressifs apparaissent en
général chez ces sujets lorsqu’une situation, un événement prend signification pour
eux d’une perte de lien , en particulier de lien symbiotique, quand se profile le
danger d’une rupture, d’un abandon , d’une distanciation par rapport à un objet
significatif : ainsi en est-il des situations telles que le vieillissement ou la maladie des
parents, la naissance de neveux , la raréfaction des visites , le départ d’un
éducateur, un changement d’institution ou de groupe. La dépression se manifeste
par les signes habituels, pas toujours identifiés dans le contexte autistique, et
souvent confondus avec un vieillissement précoce : la tristesse, l’apparition de
pleurs, la fatigue, le désintérêt pour les activités jusque-là investies, l’irritabilité,
l’intolérance aux bruits , l’isolement dans le noir, la clinophilie, la difficulté à se lever
le matin, les plaintes hypochondriaques, la peur d’être atteint de maladie grave, sont
les signes habituels. Il faut y ajouter les troubles alimentaires (anorexie,
amaigrissement, vomissements sans cause organique, parfois boulimie), les troubles
du sommeil avec des insomnies, des déambulations nocturnes.
Le traitement de ces états dépressifs est essentiellement préventif : éviter les
symbioses exclusives (attention aux éducateurs « référents » !), préparer les
distanciations nécessaires avec les familles, veiller à maintenir des liens familiaux
réguliers (la régularité est plus importante que la fréquence et l’intensité), parler des
deuils, des séparations, etc…
Si l’état dépressif est installé, là encore le rétablissement de liens réguliers avec des
personnes de la famille est important. Une action psychothérapique est possible. Un
traitement antidépresseur est intéressant.
Les fonctionnements maniaques, qui alternent parfois avec les précédents, sont
quant à eux moins fréquents chez ces patients âgés. Ces états, bien que rares,
constituent ces tableaux où la toute-puissance, la provocation agressive, l’agitation
euphorique, les préoccupations sexuelles et anales, les comportements d’allure
perverse posent problème. Les conduites auto-vulnérantes y revêtent parfois un
22
aspect « mégalomaniaque », déniant la douleur, dans une affirmation
d’invulnérabilité délirante. L’approche est ici essentiellement neuroleptique.
Le vieillissement et la mort
L'espérance de vie des personnes autistes s'est évidemment considérablement
allongée. Pour les états "non ou peu déficitaire", elle dépasse actuellement 70 ans,
soit 10% environ de moins que les populations normales : le poids du suicide
intervient ici certainement. Les états autistiques déficitaires voit cette espérance
décroître aux alentours de 60 ans environ (sont ici inclus les états d'arriération
mentale profonde avec TSA) (Gabbai). Les états pathologiques sous-jacents aux
autismes (syndromes génétiques divers, encéphalopathies diverses) influent
considérablement sur cette espérance de vie. L’épilepsie, fréquemment associée à
ces états, connaît en général une évolution favorable marquée par la réduction ou la
disparition complète des crises. Cependant il s'avère souvent nécessaire de
maintenir les médications anti-épileptiques, le plus souvent en monothérapie. Les
décès sont en général imputables aux maladies somatiques qui marquent l'avancée
en âge : pathologies cardio-vasculaires, cancers, insuffisances respiratoires ; le rôle
du tabac est à étudier.
Quelles pistes d’action ?
Comment concrètement penser l’accompagnement au long cours de ces personnes
autistes vieillissantes ? Fondamentalement la démarche n’est pas différente de celle
mise en place plus tôt.
La sécurisation est le préalable essentiel : sécurisation spatiale tout d’abord,
architecturalement pensée, protectrice et contenante, mais différenciant bien les lieux
de vie, organisés autour de l ‘hébergement et de la vie quotidienne, les lieux de
soins, autour d’une infirmerie–refuge, espace spécifique du soin, et des lieux
d’activité ; sécurisation temporelle, nous l’avons dit par la programmation, la
prévisibilité et la rythmicité des actions ; sécurisation relationnelle, enfin par la
compétence, la stabilité, la limitation du nombre des intervenants, animés par la
recherche d’une contenance psychique que tentera de maintenir une structuration et
une dynamique institutionnelle sur laquelle nous reviendrons plus tard.
Les soins sont eux aussi essentiels : outre l’attention aux besoins physiologiques
fondamentaux (sommeil, alimentation), ils intègrent avec l’avancée en âge la prise en
compte des diverses pathologies somatiques qui sont plus fréquentes, qui interfèrent
23
souvent avec les problématiques psychiatriques (déficit sensoriels, troubles digestifs,
cardio-vasculaires et dermatologiques). Il y a là nécessité que le médecin généraliste
s’articule bien avec le psychiatre. Les soins spécifiques gardent ici leur
importance. S’il ne faut pas tout attendre des médications psychotropes, leur
utilisation reste nécessaire : mais là encore l’avancée en âge pose le problème de
certaines contre-indications, des effets secondaires. C’est dire tout l’intérêt d’agir
plutôt sur l’environnement. Par contre les abords psychocorporels conservent une
place de choix (massages, psychomotricité, bains thérapeutiques) tant par leurs
effets rééducatifs banaux, que par le maintien d’une unité corporelle, et la
stabilisation relationnelle qu’ils médiatisent.
La quotidienneté s’avère être en fait un médiateur thérapeutique majeur : vécue dans
les groupes de vie de dimension familiale, cette vie quotidienne inscrit dans le
concret
la sollicitude, le partage des affects, les relations significatives et
affectivement investies .Elle est enfin le lieu d’un ancrage dans la réalité
irremplaçable autour de la cuisine, de l’entretien des lieux et des vêtements. On peut
déplorer à cet égard les évolutions actuelles qui déplacent hors des institutions les
activités de cuisine et de lingerie.
La mise en activité et la socialisation gardent leur place, mais l’avancée en âge
oblige à des adaptations : réduction de durée, de fréquence des activités. On
privilégie ici les activités autour d’une quotidienneté signifiante. Par contre les
activités « mémoire », culture, « histoire de vie » acquièrent une place importante.
BIBLIOGRAPHIE
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Communication au congrès de l’AIRHM Paris Juin 2003 (à paraître)
ZRIBI G. , SERFATY J. ( 2003)« Le vieillissement des personnes handicapées mentales «
ENSP. Rennes.
La personne handicapée, citoyen concerné par les sujets
de société, et acteur de la créativité des projets : prise en
considération de sa parole et de la dimension
interculturelle
CONFERENCE introductive à la table ronde
« Du citoyen passif au citoyen contributif »
Par Henri Jacques Stiker,
laboratoire « Identités, cultures, territoires », Université Diderot, Paris 7. Rédacteur en chef
de ALTER, European Journal of Disability Research, Revue européenne de recherche sur le
handicap.
QUELLES PRATIQUES ONT FAIT L’ÉVOLUTION,
QUELLES PRATIQUES FERONT L’AVENIR ?
Résumé
Il fallait affirmer l’égalité des valides et des infirmes (Diderot) et installer des pratiques
éducatives en conséquence (Haüy, l’Épée, Itard etc.). L’infirme est éducable.
Il faillait affirmer la responsabilité collective et sociale (accidents du travail, invalidités de
guerre) et il a fallu créer la rééducation et la réadaptation. L’infirme est réintégrable.
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Il fallait dénoncer l’inadéquation entre l’organisation de la société, dans ses institutions, ses
juridictions, ses mentalités et la vie des personnes (de Bloch Lainé à la CIF ou le PPH en
passant, surtout, par les mouvements des personnes concernées). Recherche et
militantisme se sont conjugués. Il faut établir une société inclusive.
Mais un grand pas est encore à accompmlir pour faire accepter l’idée que les personnes
handicapées et en situation de handicap peuvent contribuer, dans tous les domaines où se
déploie la vie sociale, à améliorer les conditions de vie de tous les citoyens. Quelques
exemples de pratiques à venir.
Introduction
Une remarque terminologique pour commencer : nous parlons de pratiques un peu comme
si les pratiques étaient opposées à la théorie ou aux idées. Michel Foucault parlait justement
de pratiques discursives, c’est-à-dire des discours tenus. Dans celles-ci on peut parler de
pratiques théoriques. En essayant de montrer quelles pratiques ont fait l’évolution et quelles
seraient celles qui feront l’avenir je traite autant de pratiques discursives que de pratiques
empiriques. Nous le verrons à chaque étape.
Autre point en introduction, qui est important à mes yeux : en rappelant quelques points
.d’histoire décisifs je n’entends pas dire que ce qui précédait ces clivages disparaît après.
Le devenir social est complexe, comportant des marches en avant, mais aussi parfois des
arrêts, des retours en arrière, des conservations s’alliant avec de nouvelles donnes etc.
Indiquer des moments de basculement a pourtant l’avantage de nous inviter à repérer des
perspectives décisives, même si elles ne sont jamais définitives, donc toujours à reprendre ;
cela nous invite aussi à avoir l’audace d’ouvrir des voies, fussent-elles ou apparaissent-elles
utopiques ou risquées.
La sortie de la citoyenneté invisible
Un des apports majeurs du siècle dit des Lumières est l’idée d'égalité. L'idée démocratique
prend elle-même désormais appui sur l'idée d'égalité de droit des humains. Egalité de droit
qui va de pair avec une hétérogénéité de fait et donc l'idée et l'amorce d'actions pour
diminuer l'écart de fait afin qu'advienne l'égalité sociale.
L'idée démocratique et d’égalité est liée à celle d'éducation : quoi faire de plus pertinent pour
que la citoyenneté soit réelle, sinon éduquer ? Ce n'est pas pour rien que le dix huitième
siècle se trouve être celui de Rousseau et de Pestalozzi. De façon générale les
encyclopédistes et les philanthropes auront tous cette passion de l'éducation. Diderot écrit sa
célèbre "Lettre sur les aveugles à l'intention de ceux qui voient" (1749), dont un des effets
sera de montrer que tous les esprits se valent dés lors que l'on y met l'instruction et
l'éducation qu'il faut. Les infirmes se trouvent désenclavés de leur spécificité infériorisante.
Ceux qui se trouvent en retard par la déficience, ou enfermés pour délit de non-raison, sont
capables, si l'on y consacre l'ardeur morale et la technicité qui conviennent, de revenir dans
le partage des parts sociales. C’est à partir de Diderot qu'il convient de comprendre : la prise
en charge de l'apprentissage des aveugles par Valentin Haüy (ce qui fera école dans toute
l'Europe) qui trouvera un peu plus tard sa technologie précise avec le braille ; l'éducation des
sourds et l'invention à leur usage d'une langue à eux, le langage signé, par l'Abbé de l'Epée ;
le soin des fous, perçus désormais comme curables, et l'invention de la psychiatrie par
Philippe Pinel. Suivront au dix neuvième siècle les tentatives pour éduquer ceux que l'on
nomme "idiots", "arriérés", "imbéciles" avec Jean-Marc Itard, qui s’attache, sans succès, à
l’enfant sauvage, Victor de l’Aveyron mais qui permettra à Edouard Seguin de reprendre le
26
flambeau et de créer la pédagogie spéciale. On sait que Maria Montessori et bien des
pédagogues viendront chercher chez Seguin une inspiration pour tous les enfants.
Il fallait ce pas décisif de l’éducabilité pour que la voie vers l’intégration s’ouvre et pour que
les courants contraires soient combattus. Courants contraires prenant leur source dans les
perspectives, justifiées parfois au point de vue philosophique, d’une non appartenance à
l’humanité de certains « imbéciles », ou dans les préjugés anciens sur l’absence de
certaines fonctions intellectuelles à cause de la cécité, de la surdité, de la folie etc. Mais je
ne fais pas ici l’histoire de ces courants négatifs car les étapes positives auxquelles je
m’attache seront finalement victorieuses et montrent que l’on doit tenter toujours de
nouvelles étapes.
L’entrée dans l’intégration
Concrètement l’éducabilité touchait principalement les enfants ou les jeunes, même si
l’œuvre de Pinel en psychiatrie concernait tout autant les adultes. Le pas nouveau et décisif
s’est produit précisément du côté des adultes, avec la masse des accidentés du travail et
des invalides de guerre. A la fin du XIXe siècle le problème des accidentés du travail devient
majeur. L'industrie, avec son caractère non réglementé et son exploitation des hommes,
abîme et casse un nombre considérable de citoyens. Il va falloir conquérir l'idée de
responsabilité sociale. Il y aura donc désormais obligation de réparer et plus tard de
compenser les atteintes qu'ont produits les risques du travail et ceci n'appartient plus
seulement aux patrons en tant qu'individus mais à la collectivité nationale toute entière. On
va donc progressivement faire des efforts pour redonner une place économique, et sociale,
aux accidentés du travail. Il faut ici lire l’ouvrage de Francois Ewald 8, montrant cette
révolution tranquille, mais profonde, d’une société qui est parvenue à instaurer une nouvelle
donne sociale autour des idées de responsabilité collective, d’assurance sociale, de norme
comme moyenne, de réparation, de compensation, bref tout ce qui aboutira à la grande
ambition de la « sécurité sociale », sans doute l’une des fondations les plus solides de nos
démocraties modernes. Mais ce que j’ajoute à Ewald c’est que cela s’est fait avec, comme
référence majeure, cette nouvelle vague d’infirmités, créée par le fait industriel, fait social
revendiqué lui-même comme central. Autrement dit non seulement on voit comment la
question sociale se pose toujours à partir des mécanismes centraux qui font fonctionner
l’ensemble, et qui sont admis par tous ou presque, mais on voit comment une question
sociale peut muter à partir d’un groupe posant une question vive. Ce que je lis également à
travers l’événement des accidentés du travail c’est le début d’un nouveau regard sur
l’infirmité, qui, toute entière, va être vue à travers le prisme des accidentés du travail. Toute
infirmité, progressivement, va apparaître comme relevant d’une responsabilité et d’une
solidarité collective, d’une « accidentologie », si j’ose un terme aussi barbare, c’est-à-dire
qu’elle se dénaturalise pour se socialiser. Elle va relever du fléau social autant que de
l’atteinte de santé. L’Etat s’y trouve désormais impliqué, ce qu’avait vu et même voulu les
révolutionnaires mais dont toute la législation était restée inappliquée9. L’infirme n’est plus un
malheureux que le sort a marqué, devant émarger essentiellement à l’assistance publique si
ce n’est à la charité individuelle, mais il commence à être un ayant droit de la solidarité
collective, ayant été victime de la marche même de la société
Un deuxième événement est venu renforcer cette émergence anthropologique: l'hécatombe
de la guerre de 1914-1918. De nouveau les nations se trouvent devant une grande masse
d'hommes que les "patries" ont cassés. La redevance sociale se fait sentir y compris sous la
forme d'une culpabilité collective et un impératif économique de ne pas laisser hors de la
production des agents, qui réclament de surcroît la reprise d'une place et des droits à
8
François Ewald, L’Etat providence, Paris, Grasset, 1986.
On l’a bien vu lors de la loi de 1905 sur les vieillards, infirmes et incurables. Voir par exemple Fernand Charoy
, L’assistance aux vieillards, infirmes et incurables en France de 1789 à 1905, thèse pour le doctorat de droit,
Université de Paris, 1906.
9
27
réparation et compensation, eux aussi. Dés les premières années de guerre une
réglementation voit le jour afin d'ouvrir des services et des établissements de reclassement
professionnel. Le retour dans l'activité devient un impératif et une revendication. A la
révolution tranquille des assurances sociales, les blessés de la première guerre mondiale ont
ajouté la volonté de retour dans la course économique et sociale ; retour à l’antérieur, ou
simplement retour parmi les autres.
Troisième événement que l’on peut encore faire valoir : la condition et les revendications des
tuberculeux. On sait que la tuberculose est non seulement considérée comme contagieuse
mais également liée, au moins majoritairement, à certaines conditions sociales de revenus et
d'hygiène. On en parle comme d'un fléau social et pas simplement sanitaire. Le nombre est,
ici encore, très déterminant, outre que tous ceux qui rentrent des sanatoria demandent leur
part à l'instruction interrompue ou au travail abandonné.
Enfin quatrième événement que je voudrais évoquer, bien qu'il soit de traitement plus délicat,
à savoir les conséquences de l'école obligatoire. Même si l'enseignement spécialisé,
provient tout autant, sinon davantage, du problème des enfants "idiots des hôpitaux" que de
celui des enfants difficiles de l'école 10, il demeure que la normalisation progressive de
l'école, de ses stades et de ses niveaux que consacrent et mesurent les fameux tests de
Binet et Simon sur l'échelle métrique de l'intelligence, met en relief tous ceux qui, pour une
raison ou une autre, ne s'adaptent pas à cette école standard. Là encore la préoccupation de
réintégrer autant que faire se peut va devenir grandissante, car inscrite dans l’obligation
nationale d’instruire tous les enfants, depuis la loi de Jules Ferry en 1881.
Ainsi une nouvelle volonté sociale se lève : il faut ré-intégrer dans le lot et la vie de tous,
ceux qui en sont écartés pour raison d'infirmité quelconque.
Dans la décennie 20 le vocabulaire tourne : si on ne bannit pas les mots que je nomme
"défectifs" (in-firme, im-potent, in-capable, im-bécile, in-valide, etc. etc.) on voit apparaître les
mots du re-tour (re-classement, ré-adaptation, ré-intégration, ré-insertion, ré-habilitation, rééducation etc.).
Plus encore que le langage, est significatif de la nouvelle intention, la floraison de services et
d'organismes, souvent associatifs, qui proclament tous haut et fort leur objectif de retour
dans la société, à part entière. Les institutions spécialisées, surtout pour les déficients
intellectuels, vont se multiplier après la guerre de 39-45 grâce au financement de la sécurité
sociale. Il est bien évident que le fossé restera grand entre les intentions et les exigences
d'une part et la réalité des dispositifs et des financements d'autre part. Mais dans une
analyse comme celle que j'esquisse, d'ordre sociologique et historique, ce qu'il importe de
souligner ce n'est pas seulement l'efficacité, c'est aussi ce qui se met en place dans les
représentations sociales, dans l'opinion, dans la "subjectivation" des intéressés. Je crois être
ici très proche, en terme de méthode, de ce que Gladys Swain et Marcel Gauchet ont mis en
relief quand, face à thèse unilatérale foucaldienne de l’exclusion, ils dégageaient la logique
de l’inclusion dans la naissance même de la psychiatrie de Pinel, reliée à la pensée politique
de la fin du dix huitième siècle11. De même que le lot de contradictions, engendré par cette
nouvelle représentation de l’infirme, est abondant : production progressive de populations
handicapées « nouvelles », soit parce que les risques de la société sont nouveaux
(accidents de la route, du sport, des toxicomanies etc.) soit qu’elle se protège mieux mais
permet la vie et la survie à des personnes qui mourraient il y a quelques années encore. Les
10
Monique Vial, Les enfants anormaux à l’école. Aux origines de l’éducation spécialisée 1882-1909, Préface
d’Antoine Prost, Armand Colin, 1990.
11
Marcel Gauchet, Gladys Swain, La pratique de l’esprit humain. L’institution asilaire et la révolution
démocratique, Paris, Gallimard, 1980.
28
handicaps deviennent trop lourds ou trop associés, pensons aux grands infirmes sauvés in
extremis de la mort par les SAMU ou la chirurgie, ou aux enfants qui restent en vie avec des
déficiences plurielles; soit que le nombre s'accroisse dans une société où le chômage sévit,
pensons ici à tous ceux qui rejetés du travail à la suite d'une défaillance ou d'un incident de
santé ne trouvent plus d'insertion adaptée. Oserai-je insister ici sur la « contradiction » entre
une volonté de gommage, de normalisation et le nombre croissant de déficiences lourdes,
dont beaucoup sont dues aux avancées mêmes de la médecine ? Je pense tout autant aux
prolongations de l’espérance de vie des jeunes myopathes, des trisomiques 21, qu’aux
sauvetages des enfants prématurés ou nés difficilement mais qui deviennent ceux que l’on
appelle les polyhandicapés. Mais quelques que soient ces contradictions, s’est forgée, à
travers la première moitié du vingtième siècle, une figure complètement neuve de l’infirmité.
Comme pour le pas de l’éducabilité il ne faut pas oublier les courants contraires à
l’intégration. Il faut nommer ici le darwinisme social qui, à partir d’une mauvaise interprétation
de Darwin, a voulu établir des hiérarchies de dignité entre les êtres humains en traitant
certains de dégénérés, les personnes handicapées mentales en tout premier lieu, ou une
hiérarchie entre ce qu’on a pensé être des races, visant particulièrement les personnes de
peau noire. Mais l’intégration, malgré l’épisode de la suppression par les nazis des
handicapés mentaux, a triomphé.
La prise de parole
Une fois adoptée l’idée que certains citoyens retardés, ou mis à l’écart, pour des raisons
physiques, sensorielles, mentales, ou même psychiques (on n’a pas vraiment attendu la loi
de 2005 !) relèvent de la solidarité nationale et de la volonté de réintégration, le législateur, le
30 juin 1975 affirme les droits sociaux des enfants et adultes et donne la priorité à la vie au
milieu des autres, à l’école, l’entreprise et la vie sociale courante. Certes, comme je l’ai dis
en débutant, la pratique ordinaire met beaucoup de temps à appliquer ces perspectives,
mais le pas est franchi. Un troisième pas se produit pourtant, issu des mouvements des
personnes handicapées elles-mêmes. Après la phase de l’adoption du mot handicap qui ne
s’est pas montrer suffisant pour sortir du seul point de vue de la « déficience », donc de
l’individu invalidé et d’une prégnance médicale, une évolution forte s’est faite jour, sur la
pression des personnes handicapées elles-mêmes. C’est la longue histoire des mouvements
américains de l’independant living, la naissance de DPI (Disabled people’s international), les
recommandations onusiennes et européennes, mettant en avant les principes de non
discrimination, de mainstreaming, d’empowerment.
C’est ainsi que le modèle social du handicap a émergé.
Mais qu’est-ce que le modèle social ? En simplifiant on peut poser le tableau suivant
Le modèle individuel
Le modèle social
Théorie de la tragédie personnelle
Théorie de l’oppression sociale
Problème personnel
Problème social
Traitement individuel
Action sociale
Médicalisation
Auto-assistance
29
Prédominance professionnelle
Responsabilité individuelle et collective
Expertise
Expérience
Adaptation
Affirmation
Identité individuelle
Identité collective
Préjudice
Discrimination
Attitudes
Comportement
Soins
Droits
Contrôle
Choix
Action
Politique
Adaptation individuelle
Changement social
Ce qu’il repousse peut apparaître assez clairement. Il récuse les évaluations et les discours
médicaux ou psychologiques qui prétendent définir les possibilités, les places, les rôles, les
filières, en fonction des mesures et des diagnostics de la déficience, et d’une manière plus
générale encore, tout ce qui, à partir du point de vue spécifique de la déficience, tente de
circonscrire, ou contribue à repérer, les personnes handicapée et le plus souvent les
infériorise. Pour bien penser le handicap il faut penser les barrières sociales et le pourquoi
des barrières sociales, en termes de déterminants sociologiques et politiques. Et le mieux
pour ce faire, c’est même là un réquisit épistémologique, c’est d’être handicapé soi-même.
Toute parole, toute recherche qui n’est pas « de l’intérieur » ou, mieux encore, qui n’est pas
émancipatrice, est entachée d’un défaut originel, car elle participe forcément d’un discours
externe qui, dans la société occidentale productrice de l’oppression, relève du « modèle
médical », c’est-à-dire essentialiste, individualiste, spécifiant, construit dans le but d’éviter la
participation et l’intégration.
Bien que ce mouvement soit en germe dans la première International classification of
impairments, disabilities and handicaps (1980) on peut voir l’évolution qui s’est réalisé en
comparant celle-ci avec la nouvelle International classification of fonctionning, handicap and
health (2001), toutes deux préparées et publiées par l’OMS. A ces documents il faut en
ajouter un autre, plus pertinent à mes yeux bien qu’il ne soit pas officiel dans les instances
internationales, à savoir le Processus de Production du Handicap (PPH) pensé et mis au
point au Québec, avec son leader Patrick Fougeyrollas.
L’étape de prise de parole est pour moi décisive, entraînant toutes les catégories de
handicaps à faire de même. On le voit aujourd’hui chez les personnes limitées
intellectuellement qui s’organisent de façon autonome pour dire ce qu’elles ont à dire et pour
influencer les décisions publiques. C’est l’exemple de l’association NOUS AUSSI. La
révolution engagée par la parole des personnes handicapées ressemble
davant age à une révolut ion tranquille, pour reprendre cette f ois l’expression
qui a f ait f lorès au Québec dans ces m êmes années 60-70, mais elle n’est
pas loin de l’analyse de de Certeau. Ce dernier n’a pas ignoré que la parole
prise en mai 1968 a été reprise par les institut ions diverses et le pouvoir ; il
n’ignore pas qu’il existe une immense f aille entre le dire et le f aire qui peut
s’ensuivre. Michel de Certeau se rapprocherait du linguiste Austin qui a
montré que le langage avait une f orce perf ormative certaine. Tout ce qui peut
30
f aire oublier une par ole prise, ou tenter de l’annuler ne retir e pas tout de sa
f orce. Je cit e un seul paragraphe de l’analyse de la révolution symbolique
des événements de 68, mais qui s’appliq ue f ort bien à la pr ise de parole dont
je parle ici, au-delà de toutes les dif f érences assez évidentes entre le
bouleversement hist orique d’il y a quar ante ans et la mont ée discrète de la
parole des personnes handicapées : « La parole devenue un lieu sym bolique
désigne l’espace cr éé par la distance qui sépare les repr ésentés de leurs
représent ations, les membres d’une société et les modalités de leur
associat ion. Elle est à la f ois l’essentiel et le rien, puisqu’elle annonce un
déboitage dans l’épaisseur des échanges et un vide, un désaccord, là même
où les appar eils devraient s’art iculer sur ce qu’ils prétendent expr imer. Elle
sort en dehors des structures, mais pour indiquer ce qui leur manque, à
savoir l’adhésion et la participation des assujettis » 12 . On ne saurait m ieu x
décrir e l’intent ion de la pr ise de parole des personnes handicapées, laquelle
constit ue à mes yeux un événement. L’événement laisse toujours une trace
et il ne se perd jamais totalement dans la structure sociale . A un moment de
son livre de Certeau illustre son propos sur la pr ise de parole, toujours
f ragile et combattue, par celle concernant la négritude q ui f ut baf ouée,
récupérée, marginalisée « jusqu’à ce que leur ident ité s’af f irme en se
donnant les condit ions nécessaires à la const itution d’un langage propre,
c’est-à- dire en prenant le pouvoir de s’organiser une représentation…Bien
d’autres exemples le montrent : il est impossible de prendr e la parole et de
la garder sans une prise de pouvoir. Vouloir dire, c’est s’engager à fair e
l’histoir e » 13. Il me parait que ce f aire trouve aujourd’hui pour les personnes
handicapées un lieu de pensée qui s’exprime chez elles dans un mot
intraduisible en f rançais : empowerment et rejoint f ort bien les « capabilités »
d’Am artya Sen.
La prise de parole va de pair avec la volonté de manif ester les capacit és des
personnes réputées plus ou moins invalides. Une des gr andes demandes
dans cette perspective consiste à réclamer de choisir sa vie af in d’exercer
une liberté qui leur est souvent ref usée,
En regard de ces dif f érentes revendicat ions on peut, sans arbitraire, aligner
de nombr eux aspects de la pensée d’Amartya Sen 14 et de sa disciple Marth a
Nussbaum. Les f ameuses « capabilités » sont essent ielles à prendre en
compte pour penser un véritable développement économique et une justice
un peu plus r éelle. Comme le dit une commentatrice : « Sen propose alors
des concepts qui permettent de mettre au jour tous les f reins que les
individus subissent et toutes les entraves qu’ils r encontrent dans leur désir
de mener la vie qui leur convient. Le concept de « capabilités » (qui désigne
une capacité en act ion et pas seulement en attente) de l’individu est alors
central car il permet de ne pas seulement s’intér esser aux vies que les
individus ont vécues, mais également à la liberté r éelle qu’ils avaient de
choisir entre diff érentes f açons de vivr e » 15. Et plus loin, dans la mêm e
page : « L‘attention aux pr ivations relat ives est un autre aspect f ondamental
de l’analyse par les « capabilités » car il met en relief les groupes sociaux
les plus discr iminés, comme les personnes handicapées ou les f emmes dans
12
Michel de Certeau, La prise de parole, et autres écrits politiques, Seuil, 1994, p.38.
Ibid. p.67.
14
Amartya Sen, L’économie est une science morale, La Découverte, 2003. p.150.Un nouveau modèle
économique, développement, justice, liberté, Odile Jacob, 2003.
Martha Nussbaum, Frontiers of Justice :Disability, Nationality, Species Membership, Cambridge (Mass.),
Harvard University Press, 2006.
15
Laurence Fontaine, La justice sociale selon Amartya Sen, Esprit, 10, Octobre 2010, p.150.
13
31
les sociétés patriarcales, groupes qui aj outent aux handicaps de revenus une
f aible capacité à les convert ir ». Concluons provisoirement avec Amart ya Sen
lui-même : « La liberté de mener dif férentes sortes de vies correspond
exactement
à l’ensemble f ormé par
dif f érentes
combinaisons
de
f onctionnement hum ains, ensem ble en lequel une personne est à même de
choisir sa vie. C’est ce qu’on peut appeler la « capabilit é » de la personne.
La « capabilit é » d’une personne dépend de nombreux élément qui
comprennent aussi bien les car actér istiques personnelles que l’organisation
sociale. La responsabilité de la société à l’égard de la liberté individuelle
impose qu’on attache de l’importance à l’accroissement des « capabilit és »
dont disposent réellement les personnes dif f érentes…il f aut aller au-delà
des «capabilit és » liées aux conditions de vie personnelles et prêter attent ion
aux autres objectif s que la personne se donne (par exemple, à ses object if s
sociaux qui n’entret iennent pas de rapport dir ect avec sa vie personnelle)
mais le f ait d’accroître les « capabilit és » humaines doit jouer un rôle
essent iel dans la promotion de la liberté individuelle » 16.
C’est cette capacité à convertir la pauvreté éventuelle, la vulnérabilité, en
puissance d’act ion que les personnes handicapée revendiquent, en se
ser vant de ce mot d’empowerment. Aut rement dit, elles f ont aujourd’hui la
démonstrat ion qu’il est possible de miser sur les capabilités de tous, à
condition de ne pas restreindre ces capacités au r evenus ou à des
perf ormances matérielles. L’aut eure que je viens de citer prolonge bien cette
idée quand elle écrit : «Ces diff érentiat ions sont important es pour déf inir des
polit iques et des priorit és qui prennent en compte - m ême si elles ne
répondent pas à tous les object if s des individus - la liberté des individus ;
elles obligent à ne plus percevoir les personnes com me de simples
réceptacles de bien- être en ignorant l’importance de leurs jugements et de
leurs pr ior ités per sonnels qui f ont d’elles des acteur s et des être
humains » 17.
Vers la participation en tant que contributif.
Le troisième pas qui me semble décisif que je viens d’évoquer n’est pas
encore suf f isant, selon moi. Certes les personnes handicapées se sont
réapproprié leur destin en revendiquant les décisions qui les concer nent,
donc leur autonomie. Ce mouvement touche désormais tout es les catégories
de personnes handicapées, même si celles qui sont polyhandicapées restent
très dépendantes et ne peuvent guère s’exprimer directem ent et en public.
Mais la conquête de l’autonom ie n’est jamais f inie et les petits pr ogrès, si
inf imes soient- ils sont toujours des avancées im portantes.
Je voudrais pour ter miner, montrer le bond en avant encor e à accomplir en
reprenant une par tie de la conclusion de mon livr e intit ulé Les
métamorphoses du handicap et 1970 à nos jours 18.
L’un des grands fantasmes qui nous habitent est celui de toute puissance, comprenant
l’illusion d’immortalité. Les personnes handicapées constituent, à mes yeux, un des
régulateurs, à la fois philosophique et social, de nos excès, de notre hybris pour employer un
16
Amartya Sen, L’économie est une science morale, Paris, La découverte, 2003, p.64-65.
La justice selon Amartya Sen, p.151.
18
Henri-Jacques Stiker, Les métamorphoses du handicap de 1970 à nos jours, soi-même avec les autres,
Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2009.
17
32
terme grec intraduisible. Il serait bon que nous soyons rappelés à la vérité de notre condition,
alors que nous allons de plus en plus vite dans la poursuite de nos conquêtes d’efficacité :
technologiques, sentimentales, d’enrichissements matériel etc. La sagesse, que bien des
philosophes comme certains textes de la Bible exaltent, ne doit-elle pas être honorée, et
payée, tout autant que la performance et la force ? La condition handicapée est une
condition de sagesse, car elle limite. Ce qui ne veut pas dire que toutes les personnes
handicapées soient des modèles de sagesse au sens courant du terme. Il n’est pas difficile
de comprendre le plan sur lequel je situe ma réflexion. Sans sagesse, sans conscience de la
limite nous pouvons facilement, sur le registre individuel et collectif, être emportés par la
déraison de la toute puissance. Combien de guerres, de meurtres, de tortures, ont été
commises au nom du fantasme de la toute puissance ? Plus humblement cette tentation du
"sans limite" engendre ce que certains ont nommé la « validocratie ». Le néologisme met en
relief que nous organisons l’espace social, à tous niveaux, sur la règle dictée par les seuls
valides, voire sur les plus forts, normalisés et sûrs de leur bon droit.
Qu’il nous faille réguler nos excès de toute puissance ne semble pas contestable. Les
objections ne sont pas moins redoutables. Pour être un fantasme illusoire la toute puissance
nous permet de vivre. Si chaque matin nous contemplions le squelette d’un crâne, comme
dans les peintures représentant Saint Jérôme ou quelques autres ascètes, nous n’agirions
plus. Si les personnes handicapées étaient reconnues comme des salariés au titre
d’antidotes de la toute puissance, ne deviendraient elles pas intolérables, provoquant un
rejet pire que celui dont elle sont déjà l’objet ? L’infirmité, comme la pauvreté, doit se
combattre, comme tous les maux dont souffre notre humanité. Donner une valeur, qui plus
est reconnue financièrement, à un mal et un malheur, c’est retomber dans ce qui a été
reproché à un certain christianisme : la nécessité des pauvres pour faire son salut. J’ai eu
l’occasion19 de rappeler l’analyse de Simmel montrant que la société n’entend pas éradiquer
la pauvreté car elle sert les intérêts et le maintien de cette société. S’il faut combattre
l’exaltation de la force qui méprise les faibles jusqu’à les ségréguer, les enfermer ou les
exterminer, ne convient-il pas par ailleurs d’être sainement nietzschéen. Une certaine
exaltation de la faiblesse peut relever soit du ressentiment soit d’une haine de la vie, ce qui
peut être la même chose.
Cette présentation en forme de dramaturgie n’est peut-être pas de trop pour nous mettre
devant un choix radical. Ou bien nous acceptons le fameux « malheur aux pauvres » que
Félicité de Lammenais à crié, ironiquement, du haut de son banc à l’Assemblée en 1848, ou
bien nous leur reconnaissons dignité et valeur. Valeur ne veut pas dire nécessité. Quand
bien même il n’y aurait plus de pauvres, ni de déficients, ni de situations de handicap, il
faudrait trouver le moyen de ne pas verser dans un prométhéisme fou. En attendant, ceux
qui connaissent le plus de limites, le plus de malheurs, nous prodiguent un message
précieux, que nous devons valoriser. Qui oserait du reste reprendre le refrain qui fut parfois
chanté à la fin du dix neuvième siècle : « paix générale, trêve absolue, la question sociale
est enfin résolue » ? Ce n’est pas un renoncement de faible d’affirmer qu’il y aura toujours
parmi nous des déficiences, de la pauvreté, de la misère. La lucidité sur notre condition n’est
ni démobilisatrice ni résignée. Au contraire, c’est la conscience de l’immensité de la tâche à
accomplir devant les obstacles qui nous stimulent. Les guerres, même si différentes les unes
des autres, sont récurrentes, que pouvons-nous construire qui les réduisent chacune ? La
pauvreté, bien qu’il faille en analyser les figures et les degrés, n’est pas éradiquée dans nos
sociétés pourtant industrielles et riches, comment pouvons-nous redistribuer ? La déficience
issue de la maladie ou de l’accident prend sans cesse des formes nouvelles mais continue à
abîmer les corps et les existences de millions de citoyens, que pouvons-nous inventer pour
réduire, voire guérir, compenser et accompagner ? Ces combats ne sont pas diminués parce
qu’on les sait sans fin. En revanche combien seraient-ils dynamisés, puissamment propulsés
en reconnaissant qu’ils méritent beaucoup plus que des aides, souvent mégotées, beaucoup
19
Stiker, 2005, p. 191-225.
33
plus que des allocations. En disant aux personnes handicapées, et peut-être à d’autres, vous
nous êtes précieuses, nous les mettrions dans un nouveau mouvement pour combattre leur
limite. Reconnaître la valeur de la limite, c’est se donner les moyens de la faire reculer.
Prévoir un salaire de la déficience c’est se diriger vers son extinction. Aussi bien, et même
mieux que d’en rester à la soulager et à la compenser. Qui osera mettre en route le chantier
de la contribution, méritant salaire, des personnes handicapées ?
On peut énumérer bien des secteurs où la présence et la participation des personnes
handicapées aux débats et expériences apporteraient cette régulation qui nous est
nécessaire. Dans le travail en réformant les conditions de travail, souvent inutilement
pénibles et en obligeant les managers à inventer et à organiser autrement20. Dans les
politiques sociales en instillant la nécessité de l’accompagnement des personnes en difficulté
et en insérant une politique du care, dans la justice et la solidarité. Dans cette même logique,
la question du handicap peut-être un élément important pour l’équilibre des politiques
sociales devant tenir compte des collectifs mais devant assurer de plus en plus le bien-être
de l’individu. Aujourd’hui où les formes de l’individualisme sont souvent exacerbées les
personnes handicapées peuvent rappeler la nécessité de certaines de ces formes mais sans
négliger le bien de tous.
De cette façon, si les personnes handicapées étaient appelées à participer aux débats sur
chacune des grandes questions sociales, la société deviendrait de plus en plus accessible à
un plus grand nombre de citoyens, handicapés au sens strict ou non. Ce serait la voie de
cette société inclusive que, de bien des côtés, on désire et souhaite21. La société inclusive
est en effet celle où les obstacles sociaux, qu’ils soient de représentations, architecturaux,
pédagogiques, de communication et de compréhension sont abrasés.
Conclusion
On pourrait détailler davantage que je ne l’ai fait les grandes étapes qui ont constitué des
tournants dans les pratiques. On pourrait trouver des sous-étapes. L’important est de se
rendre compte qu’il fallait affirmer le droit et la possibilité de l’éducation, le droit et la
possibilité de l’intégration, le droit et la possibilité d’exercer son autonomie, pour en arriver à
regarder l’avenir où les personnes dites déficientes seront des citoyens à part entière et
politiquement importants. A l’évidence certains, atteints dans leurs fonctions corporelles,
peuvent être les fers de lance de cette avancée mais la reconnaissance du rôle humain et
social primordial de ceux qui sont les plus défavorisés, car atteints dans leur capacités
intellectuelles, est encore plus nécessaire. Aussi ce sont qui nous préoccupent en ce
congrès qui doivent, par et avec nous tous, faire avancer en priorité leur contribution,
indispensable à la marche de la société.
Henri-Jacques Stiker
20
Réfléchir le management au miroir du handicap, collectif, préface de Henri-Jacques Stiker, Le bord de l’eau,
2013
21
Charles Gardou, La société inclusive, parlons-en !, Il n’y a pas de vie minuscule, Erès, 2012.
34
Réflexions sur les fondements la citoyenneté et la créativité
Par Roland Ramzi Geadah
Directeur du C.I.C.E.R.F
Les préoccupations relatives à l’épanouissement de tous les membres du corps
social et, par le fait même, à l’absence de discrimination entre semblables s’articulent
sur des concepts et des idées sans cesse en évolution. Outre l’histoire et l’originalité
philologique des mots les exprimant, c’est le sens recherché qui fonde l’action
inconsciemment influencée, pour partie, par des trajectoires politiques ou
économiques. Or, parmi les termes visés par ce congrès, se rencontrent des
vocables couramment utilisés, dont la pertinence et l’efficience s’avèrent
pragmatiquement difficiles à cerner. Ainsi en est-il tout particulièrement des deux
principaux termes “citoyenneté” et “créativité”.
-
Remontant en fait à la Cité grecque, le premier est plutôt labile ; ses fondement
et contenu n’ont cessé de vaciller jusqu’à sa popularisation par la Révolution. Il
resurgit par moments depuis la fin du XVIIIème siècle et perdure en France
depuis le bicentenaire. Ses acceptions étant nos jours multiples, il envahit tous
les champs, jusqu’à la caricature parfois. Dépassant largement les
problématiques juridique et politique auxquelles il reste pourtant lié, il s’était
construit au gré de volontés et de philosophies inhérentes à l’action publique en
général. Quelle intensité de lien garde-t-il encore avec l’intérêt commun ou le
partage de la charge de l’être-ensemble qui prévalaient à son origine ?
Comment se traduit-il concrètement dans une optique d’épanouissement de
chacun ?
-
La créativité, quant à elle, implique des rapports philosophique et psychologique
à l’activité, voire à la production et parfois à la l’esthétique. Outre la traduction de
certaines dispositions de l’esprit, elle fournit une sorte de mesure de l’état
psychique et des capacités d’établir des relations plus ou moins épanouies puis
de fonder des sensations subséquentes de joie. Elle se révèle en réalité – tels
que le montrent de nombreux penseurs, dont notamment St Augustin, B.
Spinoza, S. Freud et les personnalistes - indissociable d’un regard spécifique
sur autrui et le monde.
En fait, les deux notions restent largement tributaires d’une conception particulière,
spirituellement et politiquement – donc culturellement – fondée. On le sait, la
35
définition de la nature du handicap, les supputations quant à l’origine et le devenir
des situations le sous-tendant, puis la place plus ou moins strictement réservée aux
personnes
concernées
relèvent
en
très
grande
partie
de
la
“générosité” anthropologique et sociale. Inévitable semble alors l’explicitation des
facteurs sous-tendant les opportunités de développement personnel offertes par les
collectivités humaines, notamment à ceux qu’on ne croit malheureusement a priori
pas capables de jouir de toutes les chances de la vie.
A partir d’analyses philosophiques, politiques, anthropologiques et psychologiques,
l’intervenant ouvrira des pistes susceptibles de féconder, dans diverses sociétés, la
réflexion concernant le plein accès aux œuvres culturelles et à l’épanouissement
favorisant la productivité sur ce plan.
___________________________________________________________________
Programme International d’Education à la Citoyenneté Démocratique (PIECD) :
quelques résultats des réflexions relatives au croisement des perspectives
personnelles, professionnelles et culturelles
Par Cedric Routier,
Directeur Unité HADéPaS
Institut Catholique de Lille
http://hadepas.wordpress.com/
Routier,C, D’arripe, A., Cobbaut, J.P. et Tremblay, M.:
Depuis plusieurs années, un Programme International d’Education à la Citoyenneté
Démocratique, (PIECD), construit avec des personnes porteuses d’une déficience
intellectuelle et à partir de leurs attentes et perspectives, se réunit au cours d'un
séminaire annuel. Ses éditions successives ont associé personnes en situation de
handicap (intellectuel ou sensoriel), professionnels, accompagnants et chercheurs. À
travers la reprise, chaque année, des thématiques du séminaire précédent, mais
aussi le développement de nouvelles thématiques, cet espace de discussion et de
débat a permis de mettre en évidence quelques caractéristique des environnements
de soutien nécessaires au développement de l'expression et de la participation
citoyenne de personnes en situation de handicap intellectuel. À travers trois
exemples (les thèmes de travail répartis entre comités ; un atelier collaboratif ; et une
discussion des pistes de recherche), nous évoquerons quelques résultats concrets
de ce programme. Nous soulèverons aussi l'intérêt d'une démarche comparée offerte
par les comités d’usagers participants, provenant de contextes culturels distincts.
36
___________________________________________________________________
Quelles pratiques d’expression collective dans les institutions socioéducatives ? Pour quelle citoyenneté ?
Par Manon Masse
Professeure Haute école de travail social de Genève, Dre en sciences de l'éducation, Psychologue et
Déléguée suisse de l'AIRHM
En Suisse, la plupart des institutions socio-éducatives offre des prestations qui visent
l’autodétermination des résidents ou travailleurs. Au niveau individuel, un projet
personnalisé est réalisé afin de répondre à des besoins et des objectifs fixés avec la
personne et son entourage proche. Au niveau collectif, plusieurs institutions ont
développé des espaces d’expression. Par contre, contrairement à la France ou à
d’autres pays, ces espaces collectifs de parole ne sont pas obligatoires et inscrits
dans la loi, ce qui laisse place à une liberté et à une diversité dans la façon de les
concevoir et de les mettre en œuvre.
A partir des résultats d’une recherche réalisée en Suisse romande de 2010 à 2013,
cette communication dresse une typologie des espaces d’expression existant dans
les institutions socio-éducatives et en analyse les différentes dimensions. Elle permet
d’identifier ce qui contribue ou freine la participation et les pratiques de la citoyenneté
des personnes en situations de handicap et de dégager parmi des caractéristiques
de ces espaces d’expression, ce qui favorise le passage de la participation
individuelle (parole en « Je ») à la participation collective (parole en « Nous ») puis à
une participation représentative (parole en « Pour nous tous »).
__________________________________________________________________
Emergence de nouvelles propositions médico sociales :
rencontre des acteurs créatifs sur le terrain et des
décideurs de l’administration
L’expérience des Invités au Festin (IAF) à Besançon
Par Marie-Noëlle Besançon
Psychiatre, fondatrice des « Invités au festin »
37
Définition
Les Invités au Festin(IAF) œuvrent depuis plus de vingt ans dans le champ de la
santé mentale, en y menant une expérience innovante d’alternative citoyenne. Ils
créent des structures légères et non médicalisées, ayant actuellement l’agrément de
maisons relais, (couplée à des accueils de jour et GEM), offrant logement et
accompagnement psychosocial à des personnes souffrant de solitude, d’inactivité et
de difficultés de relation, quelle qu’en soit la cause : maladie psychique, handicaps
divers, problèmes sociaux22. Ils ont été fondés par Marie Noëlle Besançon,
psychiatre, et Jean Besançon, entrepreneur social, en 1990, à Besançon (Franche
Comté).
Buts, objectifs
Notre but principal est de prévenir l’exclusion chez ces personnes, qui risque de
générer encore plus de troubles de santé physique et psychique, et de permettre
leur réhabilitation psychosociale en organisant une vie de style communautaire
avec accompagnement dans le lieu de vie même de chacun, sur le plan de
l’autonomie et des relations.
C’est une approche globale des personnes grâce à un travail sur le lien social à
ses trois niveaux : sanitaire, social, sociétal.
Nous devons donc recréer le chemin manquant entre les personnes souffrant
de difficultés relationnelles, et la société, et ainsi changer ainsi le regard de
celle-ci sur les personnes très stigmatisées actuellement (la France étant le pays le
plus stigmatisant au monde pour la schizophrénie)
Nous souhaitons enfin, promouvoir une psychiatrie citoyenne qui vise à
développer la pleine citoyenneté des personnes souffrant de troubles psychiques ou
de handicaps, ainsi que la citoyenneté de tous les citoyens vis-à-vis de ces
personnes.
Principes
Il s’agit de considérer avant tout la personne comme « normale », citoyenne,
faisant partie de la famille humaine, comme tout un chacun, et non d’abord comme
malade, sans nier ses difficultés, mais en s’appuyant sur sa partie saine.
Nous constatons que notre philosophie recoupe exactement ce que prônent les
valeurs humanistes et citoyennes qui fondent la démocratie. Nous avons donc, à
partir de ce constat, élaboré un concept IAF de psychiatrie citoyenne, non
enfermant ni stigmatisant, reprenant ces principes fondateurs:
22
Voir l’ouvrage que j’ai écrit sur les IAF : « On dit qu’ils sont fous et je vis avec eux », l’Atelier, Paris,
2006 ; 4ème réédition 2010
38
Fraternité : Vivre avec, être avec, faire avec.
«La convivialité est l’essence même du lien social» (Jean-Claude Sagne, prêtre
dominicain, enseignant en psychologie sociale). Hors d’une institution traditionnelle,
dans un espace intermédiaire, transitionnel, il n’y a pas de fossé entre ceux qui ont
des problèmes et ceux qui sont intégrés. La personne est accueillie sans jugement,
sans hiérarchie, afin de lui rendre sa dignité.
C’est une vision positive de la personne, avant tout comme citoyenne et non d’abord
comme malade. L’ambition est chaleureuse, joyeuse, comparable à ce que peut
apporter une famille.
Liberté : Ouverture vers l’extérieur.
Pour ne pas recréer un «ghetto» qui ne dirait pas son nom, pour la circulation des
personnes, des idées et de la parole dans les deux sens : intérieur /extérieur et
extérieur/intérieur. Pour créer une aire de liberté propre à chacun. Les soins
médicaux se font à l’extérieur de nos structures.
Grâce à la présence de bénévoles, grâce au travail en réseau avec tous les
partenaires locaux et régionaux, ce lieu se veut une passerelle entre le monde des
exclus et celui des inclus.
Égalité : Participation des personnes aux activités et à la gestion de la
structure.
Pour entrer dans la dynamique de l’échange, la prise en compte de la dette sociale,
la découverte que l’on peut avoir une utilité sociale, à égalité avec les autres.
En devenant actrice, responsable dans une association, la personne devient
responsable de sa propre vie et va acquérir peu à peu une autonomie qu’elle n’avait
jamais eue.
Solidarité : Au plan financier, un modèle de l’économie plurielle au sein de
l’économie sociale.
Le concept repose sur un équilibre entre l’économie monétaire (secteurs marchands
et non marchands) d’une part, et d’autre part l’économie non monétaire (bénévolat,
dons en nature). Le bénévolat est assuré, pour une part importante, par les
participants eux-mêmes.
Réalisations
Lieux :
1-A Besançon, sur un même site appelé La Maison des Sources créée en mars
1999 :
39
- Un lieu d’accueil de jour (100 personnes), et un Gem (75 personnes) parrainé par
les IAF, offrant 40 activités de tous ordres (artistiques, manuelles, sportives,
culturelles, conviviales, ludiques, écoute).
- Un lieu de vie, ayant le statut de maison relais, de 13 places, « Les Capucines ».
2-A Pouilley les Vignes, près de Besançon (5 km). : un 2ème lieu de vie, la maison
relais « La Lanterne », ouverte en septembre 2009, de 14 places.
3- Un Samsah (service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés)
de 35 places (suivi de 50 personnes), qui a ouvert en janvier 2014, à Besançon,
pour 14 places, avec montée en puissance sur 3 ans.
5- IAF réseau, un réseau de développement du concept des IAF a été créé en
mars 2007, afin d’essaimer ce modèle. Actuellement, 14 associations sont
rattachées au réseau, dont une association belge de 10 maisons, et un projet de 3
maisons est en cours au Rwanda (avec une association basée à Antony).
Equipe salariée des IAF :
-encadrement: 12 personnes (10,51ETP) sur l’ensemble, dont 2 par maison ; 10
salariés sur le SAMSAH d’ici 2016.
-participants (usagers) : 7 personnes (2,78ETP), dont 1 par maison (cuisine)
Equipe des bénévoles : environ 80 personnes (pour activités, nuits et weekend)
Résultats
Ils sont évidents et reconnus par les professionnels, les pouvoirs publics, les
citoyens, les élus locaux et nationaux.
- Au niveau qualitatif : diminution des symptômes, rechutes, réhospitalisations,
suicides. Augmentation du mieux être et de la qualité de la vie pour tous, y compris
salariés et bénévoles. Sortie en appartements autonomes, sans rechutes, et reprise
du travail (normal ou protégé) pour un certain nombre, et embauche de 7 personnes
accueillies dans la structure;
- Au niveau quantitatif : diminution de la consommation des médicaments, des
hospitalisations : 2000 journées d’hôpital épargnées pour une maison, soit au moins
750000 €/an d’économie pour la société.
Divers prix et reconnaissances nationaux nous ont été attribués dans différents
domaines : économie sociale et solidaire (prix de l’initiative en économie sociale
par la Fondation du Crédit coopératif en 2002, sélection comme entrepreneurs
sociaux innovants par Ashoka en 2006), médical (La fondation de France : grand
prix maladies psychiques 2008 pour notre réseau de développement du concept IAF
en France), grand public (2 prix presse), etc.
40
Au niveau des pouvoirs publics, le gouvernement (ministère de la santé,
secrétariat d’état à la cohésion sociale et au handicap), en 2012, a considéré notre
action « exemplaire et pionnière », même s’il ne l’a toujours pas financée à sa juste
mesure.
Les points d’innovation des IAF se situent à différents niveaux:
- Il s’agit d’une action sociétale, avec l’apport des bénévoles qui bénéficient eux
aussi des bienfaits des structures, selon leurs témoignages23 ; l’action citoyenne se
situe dans les 2 sens, elle crée de la cohésion sociale, et fait du bien ainsi à toute
la société. A travers cette approche de la santé mentale, c’est une transformation
de la société qui est proposée : appliquer enfin les valeurs citoyennes qui fondent la
vie ensemble.
-C’est aussi une approche globale qui vise d’emblée le lien citoyen et donc permet
automatiquement de travailler sur le lien sanitaire, la santé, et le lien social, de
proximité.
-L’approche humaniste : le « vivre avec », la fraternité, le fait de ne pas
considérer les personnes comme malades, ou handicapées, que les lieux
soient ouverts à toute problématique, et non ségrégatifs, la notion du
rétablissement, cette vision redonne confiance et espoir très rapidement aux
personnes, les humanisent et les aide à se remettre debout. En effet, il y a une vie
au delà de la maladie, ou du handicap, les personnes retrouvent un pouvoir sur leur
vie, les résultats prouvent l’efficacité de cette manière d’être avec elles.
-Au niveau économique, la mise en pratique de l’économie sociale et solidaire
permet un autofinancement aux 2/3, et ainsi une responsabilisation de tous, qui
entraine une émulation et une dynamique d’empowerment, de découverte de ses
potentialités qui valorise chaque participant et améliore sa santé et sa vie.
-On peut donc considérer que cette action agit à l’inverse de la situation
actuelle (hospitalo-centrisme, cloisonnement, exclusion) : elle inclut et n’exclut pas,
dé stigmatise, change le regard sur les personnes ; - elle est efficace : un réel travail
est mené, il ne s’agit pas que de logement mais bien d’une alternative qui montre ses
effets bénéfiques sur les personnes, avec des résultats objectifs ; -elle coûte moins
cher : 16€/P/j (au titre des maison relais), au lieu de 350 à 1200€/P/j pour les
structures sanitaires (CHS, CHU) et de 150 à 300€/P/j pour toute structure médicosociale équivalente.
Les points de difficultés
23
Enquête sur le bénévolat, voir : http://www.lesinvitesaufestin.fr/enquetes.html
41
La difficulté principale est le problème du bénévolat, celui-ci étant à la fois une
force et une faiblesse ! Le fonctionnement des maisons reposant sur lui pour le
« vivre avec », il demande un investissement très important au quotidien. Ce qui peut
être un handicap pour l’essaimage du concept, car lorsqu’une association démarre,
elle n’a pas forcément encore beaucoup de relations pour assurer au quotidien une
présence bénévole (tous les soirs après 19h, et le weekend).
C’est pourquoi, bien que tenant à l’action des bénévoles, en tant qu’action
citoyenne, nous voudrions avoir plus d’aide au financement pour permettre
d’avoir un poste salarié de veilleur de nuit, à temps partiel, afin d’être moins
dépendant du bénévolat, et afin de pouvoir pérenniser et essaimer plus
facilement le concept.
Pour conclure
Nous souhaitons avoir un rôle politique, par le biais de notre réseau, afin que
notre modèle essaime en France, et ailleurs, et contribuer à ce que les politique en
santé mentale évoluent pour faire toute sa place à une organisation qui allierait
soins et vie sociale au cœur même de la Cité.24
C’est pour cela aussi que nous avons lancé en Franche-Comté, l’association
régionale pour la psychiatrie citoyenne, (ARPC-FC), et que nous sommes
cofondateurs du Mouvement international citoyenneté et santé mentale (MICSM) qui
œuvre au développement des pratiques qui contribuent à la promotion d’une pleine
citoyenneté pour tous.
Enfin, par l’intermédiaire également d’actions de formation, communication,
recherches (conférences, colloques, émissions de radio, évènements, films, livres,
articles), et en alliance avec toutes les personnes et chercheurs de bonne volonté,
nous agissons, croyons et espérons qu’un jour prochain la situation des personnes
en souffrance relationnelle changera, et que cela changera la société tout entière.
10, rue de la Cassotte, 25000 Besançon
www.lesinvitesaufestin.fr
www.iaf-reseau.com
24
cf. les livres que j’ai écrit avec Bernard Jolivet, psychiatre : « Arrêtons de marcher sur la tête ! Pour
une psychiatrie citoyenne », l’Atelier, Paris, 2009, et « Les soins en psychiatrie, une affaire
citoyenne », L’Atelier, Paris, 2011.
42
La nécessaire reconversion du secteur médico-social
Par Roger Salbreux
Pédopsychiatre
Au sujet du secteur médico-social, de son état, de son avenir, on entend beaucoup
d'opinions, parfois contradictoires, du genre : "Les établissements et services
médico-sociaux pour enfants et adolescents devront bientôt mettre la clef sous la
porte". Dans d'autres milieux on entend au contraire : "Les institutions pour adultes,
constituent l'avenir des malades psychiques stabilisés : ils pourront ainsi quitter
l'hôpital". Ces contradictions trahissent en fait un malaise lié à une mutation profonde
de ce secteur actuellement en plein remaniement. Après avoir exposé l'état de ce
chantier, et ses difficultés actuelles, je m'efforcerai de proposer quelques solutions
de sortie.
Un peu d'histoire
Conçu en mars 1956 comme l’alliance de l’éducation et des soins et destiné aux
enfants en difficulté sanitaires ou sociales, le secteur médico-social n’a cessé de se
transformer, pour accueillir les enfants devenus adolescents, puis adultes et les
personnes très âgées, parvenues à la "grande dépendance. La première de ces
branches est majoritairement gérée par des associations de parents d'enfants
handicapés mentaux, entraînant la création de nombreux IMP et IMpro. Le
développement au bénéfice des personnes handicapées adultes s'est également
opéré au profit des sujets déficients intellectuels, sous la forme d'ESAT, de MAS et
de foyers de vie, devenus FDT, puis FAM.
D'une répartition initiale où les soins étaient prévus à l'égal de l'éducation ou de la
qualité de vie, ce secteur s'est au fil des années transformé en secteur du handicap,
où la notion d'accompagnement est prédominante. Du concept de soins liés à la
maladie ou au traumatisme handicapant on est passé à l'idée de soins secondaires,
voire épisodiques, occasionnés par une affection intercurrente plus que par le
handicap et pouvant être assurés à l'extérieur. L'allongement de la durée de vie,
souvent accompagné de différents types de handicaps, a orienté une autre fraction
de ce secteur vers son statut actuel de domaine des personnes âgées dépendantes.
En bientôt soixante ans d'histoire, ce secteur s'est d'abord fortement spécialisé, ce
qui s'est naturellement accompagné de la constitution d'équipes, nombreuses,
pluridisciplinaires et très compétentes, comportant essentiellement des psychiatres,
en raison de la prééminence des établissements et services dédiés à la déficience
intellectuelle, aux enfants dits "caractériels" ainsi qu'à la création des CMPP, puis
des CAMSP.
43
Enfin, à partir des années 70-80, il s'est très progressivement, mais fortement
démédicalisé. Les raisons de cet appauvrissement technique apparaissent d'origines
très diverses. Un certain nombre de jeunes psychiatres ont considéré ces postes
salariés comme un pied à l'étrier en vue d'une carrière libérale plus valorisante et
prometteuse à leurs yeux, tandis que les contraintes budgétaires ont favorisé le
resserrement de leurs horaires de présence, au point de compromettre leur
intégration à l'équipe. Pour les mêmes raisons financières, une partie de plus en plus
importante des directeurs d'établissements sont devenus des gestionnaires purs, que
la présence des médecins et surtout des psychiatres ne pouvait que gêner. À la suite
de déclarations maladroites de certains professionnels, surtout au cours des années
60-70, mettant en cause le rôle des parents dans la genèse du handicap de leur
enfant, nombre d'associations ont considéré qu'elles n'avaient désormais plus besoin
d'eux25.
L’évolution de la politique du handicap vers l’inclusion scolaire, fortement souhaitée
par les parents et clairement formalisée dans la loi du 11 février 2005 par l'inscription
obligatoire des enfants handicapés à leur "école de référence", quitte à ce qu'ils
soient secondairement réorientés vers le secteur médico-social, a joué
incontestablement un rôle en modifiant radicalement la première destination des
enfants déjà connus comme handicapés. Elle a en effet tendance à retarder, voire à
dissuader les familles d'avoir recours à ce type d'équipements, au savoir-faire
reconnu et souvent indispensable dans les situations d'échec.
De même, la politique de maintien à domicile des personnes âgées favorise la
création de services d'accueil de jour, au détriment des services résidentiels type
EHPAD. Il en résulte, dans les deux cas que certaines institutions sont en nombre
notoirement insuffisant, d'autant plus qu'avec la crise, toute création est bloquée :
c'est le cas pour les personnes autistes ou polyhandicapées devenues adultes et
pour les personnes âgées. Mais pour d'autres cette situation nouvelle les a réduits à
chercher leur clientèle. On arrive ainsi à ce paradoxe : tandis que des familles
attendent en vain une place, pour leur enfant autiste ou polyhandicapé devenu
adolescent puis adulte, en la recherchant jusqu'en Belgique, des établissements ont
vu leur recrutement se tarir.
Ces prémisses posées, quelles sont les raisons d'espérer, quelles sont les
solutions ?
Les connaissances et le savoir-faire accumulés
Depuis une quinzaine d'années, on s'est beaucoup préoccupé des
dysfonctionnements du système sans mettre en exergue l’indéniable "savoir-faire",
acquis durant des décennies par des générations de pionniers et de professionnels.
On a en effet trop tendance à oublier facilement que ce secteur que l'on a longtemps
25
C'est de cette période que datent deux livres phares qui ont finalement fait beaucoup de mal : Maud MANNONI,
(1964) L’enfant arriéré et sa mère, Paris, Seuil, 192 p. et Bruno BETTHELHEIM (1969). La forteresse vide. Paris,
Gallimard, Coll. "Connaissance de l’inconscient", 588 p. réédit. 1998.
44
appelé l'enseignement "spécial" et qui est devenu, avec la loi du 11 février 2005
l'enseignement "adapté", a littéralement nourri l'enseignement tout court.
Sans vouloir refaire l'histoire, que de noms restés célèbres à ce sujet : J. M. G.
ITARD et l'enfant sauvage, É. SEGUIN et le "Traitement moral, hygiène et éducation
des idiots", M. MONTESSORI et la création en 1907 de la première "Maison des
enfants", O. DECROLY et son ouvrage culte "Vers l'école nouvelle" (1921). De
véritables cohortes de professionnels de spécialités diverses, ont poursuivi cette
tradition et n'ont cessé de perfectionner les méthodes pédagogiques adaptées aux
différentes catégories d'enfants et d'adolescents handicapés.
En toute logique, pareille somme de connaissances permettrait à coup sur de rendre
beaucoup plus opérante l’inclusion scolaire. C'est cette même solution de
coopération entre l'Éducation nationale et le secteur médico-social que préconise un
décret qui a eu beaucoup de mal à sortir26.
L'existence de pôles de compétence
Rappeler que le secteur médico-social et l'école ont des difficultés pour travailler
ensemble n'est pas nouveau ! Cette méfiance réciproque s'explique par l'histoire :
lorsque, durant la dernière guerre mondiale, le gouvernement de Vichy a fondé en
1941 le "Comité interministériel pour la protection de la jeunesse", il l'a logé à
l'Éducation nationale. Mais en 1943, quand P. LAVAL, a repris les choses en mains,
il l'a déplacé à la Santé. Lorsqu'enfin, à la Libération F. BILLOUX, devenu ministre de
la Santé, avalise ce dispositif, il introduit une rivalité de compétences entre ces deux
pôles, ce qui ne facilitera assurément pas leur collaboration à l'avenir (M.
CHAUVIÈRE, 1980-2009 ; R. SALBREUX, 2010).
Or, c'est de pôles de compétences que l'on a besoin aujourd'hui, de telle sorte que
depuis quelques années, l'idée se répand de transformer un certain nombre
d’établissements en pôles de compétences et de ressources pour un handicap
précis,, par exemple la déficience intellectuelle ou l'IMC, sans tomber dans les excès
d'éloignement du terrain constaté avec les CRA.
L'utilité des reconversions
L'ensemble du secteur médico-social est marqué d'une certaine rigidité. Celle-ci est
nécessaire parce que la prise en charge d'un enfant sourd aveugle et celle d'un
polyhandicapé différent radicalement. Mais cette spécialisation est également
néfaste, dans la mesure où l'équipement est ainsi rendu inadaptable aux variations
des besoins.
26
Décret 2009-378 du 2 avril 2009 relatif à la scolarisation des enfants et des adolescents handicapés et à la
coopération entre les établissements scolaires et les établissements et services médico-sociaux.
45
À plusieurs reprises les Pouvoirs publics, certaines DDASS, ont tenté, parfois avec
succès, d'assouplir un peu ce dispositif contraignant. Des échecs ont été constatés
lorsque des formations adaptées n'ont pas pu être proposées au personnel. Ignorer
en effet la problématique somatique d'un enfant ou d'un adolescent polyhandicapé
peut lui être fatal. Ne pas se préoccuper des besoins cognitifs d'un sujet autiste peut
compromettre lourdement son avenir.
Il est évident que les progrès de la politique d'inclusion scolaire rendent inutiles
certaines places de déficients intellectuels légers, voire moyens. Des réflexions sont
déjà engagées pour étudier la possibilité d'élargir les critères d'admission dans
certaines institutions au profit des personnes handicapées psychiques sans solution.
Ces études sur les reconversions ont d'autant plus d'intérêt que, dans les
établissements pour enfants et adolescents, coexistent des pathologies déficitaires et
des pathologies psychiatriques, nombre de psychoses infantiles et de syndromes
autistiques évoluant en effet vers la déficience intellectuelle (R. MISÈS, 1975 ; R.
MISÈS, R. PERRON, R SALBREUX, 1994).
Cette troisième voie, basée sur le fait que les pathologies sont rarement aussi
tranchées que ne le veulent les agréments attribués aux institutions, permettrait
d’utiliser l’excédent de places pour déficients intellectuels en vue de combler le
manque de places pour handicapés psychiques.
Conclusion
Le secteur médico-social repose en France sur une réglementation que l'on ne
retrouve nulle part ailleurs. Il est de bon ton de le vilipender et d'annoncer sa
disparition prochaine. Mais tout le monde l'utilise : cette transition entre le milieu
sanitaire et le milieu ordinaire est jugée commode. Elle permet de faire une place à
ceux que le handicap ou l'âge rendent différents des citoyens autonomes et
productifs.. Le caractère plus souple et plus humain du secteur médico-social, sa
philosophie de la prééminence de la personne, pourraient contribuer à le sauver.
Mais il est urgent de travailler les adaptations possibles et les solutions innovantes.
46
Les défis de la créativité chez des intervenants et gestionnaires : entre
décisions d’interventions et croisement des paradigmes de recherche
Par Jean-Claude Kalubi
Jean-Claude Kalubi, Ph.D.
*Directeur scientifique, Institut Universitaire en Di & Ted
*Titulaire de la Chaire de recherche sur les identités et innovations professionnelles, Faculté
d'Éducation.
Université de Sherbrooke, Canada
La transformation des pratiques fait constamment émerger de nouveaux paradigmes.
Elle permet également de comprendre l’évolution des actes d’intervention. Ceux-ci
sont de plus en plus détachés de la relation traditionnelle entre le praticien et le
patient. Ils s’orientent plutôt vers la mise en œuvre de pratiques standardisées, en
rapport avec les besoins de l’ensemble de la communauté.
De nombreux travaux soulèvent des questions sur les processus de normalisation
des actes et pratiques au quotidien. Ils tentent d’élucider les chaînons décisionnels
pour relier la créativité sur le terrain à des repères fonctionnels stables. Les uns
parlent de pratiques exemplaires et des pratiques de référence. D’autres insistent sur
des guides de pratiques et des recommandations de bonne pratique. Dans la foulée
de récentes préoccupations autour des données probantes, une place
prépondérante a été accordée aux savoirs de proximité ainsi qu’au pouvoir d’agir
des intervenants comme moteur des changements continus de gestes, activités et
pratiques sur le terrain.
Des paradigmes de recherche, mettant l’accent sur la participation, ont émergé entre
temps; ils ont mis en évidence l’exigence de travailler avec les professionnels et non
pas sur ces derniers. Au cours de la présente table ronde, l’accent sera mis sur les
défis à relever dans l’articulation entre les caractéristiques des acteurs et celles de
l’environnement, de même que sur les réponses venant de quelques processus
décisionnels (méthodes, modèles, médiation...).
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La création prend ses racines dans le pouvoir d’agir
Par Christel Prado
Présidente UNAPEI
Si l’Unapei a souhaité « le pouvoir d’agir » comme fils conducteur de son projet
associatif 2013-2017, c’est pour mieux répondre aux défis d’un contexte politicienadministratif qui tend à rompre avec une histoire associative faite d’innovations. Des
47
innovations qui se doivent d’être permanentes puisqu’elles répondent aux avancées
sociétales déjà conquises. L’Unapei n’a de sens que par la volonté des territoires de
construire un projet politique commun. Elle entend aujourd'hui, grâce à eux et avec
eux, lever les freins actuels, tant politiques que budgétaires qui mettent un coup
d’arrêt à l’aventure médico-sociale pour en faire au mieux, une aventure de santé qui
ne prend pas en compte les besoins de la personne dans son environnement.
L’évolution de la technologie des soins médicaux et ses
conséquences éthiques, et en matière de qualité de vie
Problèmes éthiques liés au développement des techniques de dépistage
anténatal
Par Pierre ANCET
Maître de conférences en philosophie, Centre Georges Chevrier, UMR CNRS – Université de
Bourgogne
[email protected]
Le développement des techniques de dépistage anténatal a créé de nouveaux
problèmes éthiques, désormais bien avant la naissance, dès lors qu’une vie peut être
considérée comme préjudiciable pour la personne humaine potentielle, sa famille et
la société tout entière. Il y a là un risque de néo-eugénisme contemporain que nous
ne devons pas négliger. Précisons avec Michel Morange (1996) que le terme
d'eugénisme a une acception étroite : un projet eugéniste vise à empêcher la
dégradation du patrimoine génétique humain et une acception large : un projet
eugéniste vise à contrôler la reproduction humaine pour l’améliorer en réduisant ses
risques. Dans ce second sens, les pratiques contemporaines sont eugéniques. Elles
visent à un meilleur « contrôle-qualité » des enfants à naître. Ces pratiques posent le
problème de l’évaluation de ce qui est humainement acceptable en termes de vie ou
de survie individuelle, et il me semble important d'envisager ces questions liées au
dépistage anténatal toujours après avoir considéré ce que peut être une vie avec un
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handicap. Car la question de savoir si une vie vaut ou non la peine d’être vécue est
loin d’être seulement une question médicale.
Je me suis donc intéressé aux pratiques permettant aux parents potentiels de
l’enfant d’avoir un regard non pas objectif permettant d’éclairer leur choix (car une
connaissance « objective » de la situation de handicap n’est pas comme telle
possible), mais au moins susceptible d’élargir leurs représentations. En effet une
présentation « neutre » du handicap présente davantage les atteintes organiques
possibles (impairment) et les déficiences supposées en découler (disabilities), que la
vie au quotidien avec un enfant atteint par ce handicap. Par exemple, la trisomie 21
serait décrite à travers la déficience intellectuelle (rapportée au faible QI), l’hypotonie,
l’hyperlaxité, le visage typique, les pieds et les mains courtes, l’abdomen volumineux,
les risque de malformations oculaires, cardiaques, digestives, de l’appareil urinaire,
etc. Mais si tous ces éléments sont vrais, comme est vrai le « surcoût social de la
prise en charge » d’un tel enfant, ils ne constituent pas une présentation exhaustive
de ce qu’est la trisomie, ni de ce que signifie vivre avec un enfant puis un adulte qui
en serait atteint. Il ne paraît pas inintéressant de combiner cette indispensable
approche médicale avec la rencontre de familles ayant un enfant atteint par la
trisomie (né dans la famille ou adopté) et de personnes qui vivent avec cette
particularité chromosomique. Cette expérience subjective fait la part belle aux
questions d’attachement, de lien, de filiation qui touchent directement les futurs
parents potentiels. Ces expériences individuelles peuvent avoir une dimension
intersubjective essentielle et susciter des interrogations plus tournées vers le
quotidien, comme peuvent l’être les rencontres au sein d’une association lorsque l’on
est parent.
Dans les deux situations (avec un professionnel, avec les membres d’une famille), il
ne s’agit pas de se laisser influencer par une vision qui n’est pas la sienne d’une
difficulté nouvellement rencontrée, surtout dans les moments de sidération, de doute,
de tristesse et de culpabilité qui ont suivi l’annonce du handicap, mais il est important
de pouvoir élaborer une telle décision, c’est-à-dire de peser en soi le pour et le
contre, de sentir l’impact affectif d’un choix qui de toute manière sera difficile (ou
laisser naître l’enfant avec un handicap, ou perdre le fœtus et l’enfant à venir).
Décider a priori et sans concertation préalable qu’une vie avec un handicap mental
ne vaut pas la peine d’être vécue (avec une spécification des types de handicaps
concernés par l’interruption de grossesse) serait nier toute possibilité de choix
éthique et entrer dans des considérations proprement eugénistes au sens péjoratif
du terme. En effet, un handicap ne s’évalue pas seulement en fonction de l’atteinte
organique qui le définit mais de l’environnement humain au sein duquel il s’insère, de
l’aide qu’apporte une société entière aux familles concernées, la véritable contrainte
eugénique étant l’absence de relais sociaux.
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La réponse aux accusations d’eugénisme au premier sens, péjoratif, tient
généralement au fait que nous sommes très loin d’un eugénisme historique (Carol,
1995) raciste, antisémite, attaché au darwinisme social (la sélection des individus
« plus adaptés » à la société) et imposé par l’Etat (Gayon, 2006). L’eugénisme
contemporain serait universaliste et libéral car il respecterait tout individu et les
libertés de choix individuelles. Or cet universalisme, s’il n’est pas raciste ou
antisémite, n’est pas nécessairement égalitaire, puisqu’il présuppose une échelle de
valeur, notamment liée au handicap physique ou intellectuel d’une personne ; quant
à son caractère « libéral », il est à entendre en un double sens (liberté – libéralisme
économique), et pose la question du libre choix et de ses conditions.
Le choix parental est d'autant plus délicat que les moyens de dépistage n'amènent
pas toujours à une certitude absolue de présence d'une anormalité mais souvent à
des pourcentage de (mal)chance que le fœtus soit ou non atteint. Surtout, des
études sociologiques (Memmi, 2003) ont pu montrer que ce choix parental est en
pratique très largement influencé par la manière dont les médecins présentent
l’anomalie aux parents. Il devient très difficile de nos jours de décider de conserver
un enfant trisomique pour le mettre au monde, sauf à invoquer une inébranlable
croyance religieuse, meilleur moyen en pratique de manifester son droit à la décision.
Il nous semble qu’en matière de handicap, les équipes ont aussi à apprendre des
parents et des familles pour rendre la démarche éthique véritablement concertée. Ce
n'est ni la compétence des médecins ni leur bonne volonté qui est en cause, mais la
grande difficulté à ne pas insister sur la dimension pathologique du handicap qui
constitue le cœur de leur activité. Dans le champ éthique, il est essentiel que
l'information et la réflexion se fasse de manière interdisciplinaire, avec l'aide par
exemple d'un psychologue ou d'autres personnes qui puissent poser le problème
sous un angle autre que médical. Sans quoi il est très difficile de respecter la volonté
parentale ou simplement de la laisser s'exprimer.
De manière significative d'ailleurs, on parle d'IMG (Interruption Médicale de
Grossesse) comme si le choix revenait à l'équipe médicale, alors qu'il n'existe selon
les textes de loi que des interruptions volontaires de grossesse pour raisons
médicales.
On notera que le regard médical sur le handicap est très différent en fonction des
circonstances de l'intention qui guide le regard : si le handicap est la résultante de la
technique et des efforts médicaux mis en place pour sauver un grand prématuré, la
vie risque d’être plus valorisée que le handicap, celui-ci est jugé moins sévèrement.
En revanche, si le handicap est le problème recherché lors du dépistage anténatal, le
handicap est jugé très sévèrement et la vie de l'individu passe au second plan par
rapport à l'importance de l’atteinte organique (Paillet, 2007).
Cette différence d’attitude des équipes concernant le handicap est renforcée par le
droit français qui autorise l'interruption volontaire de grossesse pour raisons
médicales jusqu'à terme, tout en permettant la réanimation néo-natale d'enfants de
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très petit poids et de très peu de mois de gestation, dont on sait qu'ils présentent des
risques de handicaps importants par la suite comme l’a montré l’étude EPIPAGE
(Etude EPIdémiologique sur les Petits Ages GEstationnels) commencée en 1997. Il
est donc légal en France de provoquer la mort d'un fœtus trisomique pratiquement à
terme, mais possible de tenter la réanimation d'un enfant né à 5 semaines de
grossesse et pesant moins de 500 grammes si l'équipe en a décidé ainsi. Ce sont
des problèmes éthiques contemporains d'importance, car ne plus réanimer par
précaution conduirait évidemment à limiter les progrès très importants de la
réanimation néo-natale (une prématurité à 7 ou 8 mois de grossesse étant désormais
très peu risquée grâce aux progrès de l'activité technique réalisée pour des enfants
de plus petit poids et de plus petit âge gestationnel).
La perception du handicap est donc liée à la dynamique du groupe humain qui
l’entoure, et les équipes médicales et soignantes ne font pas exception à ce
processus. Mais ces décisions concernent toujours plus les parents que les équipes,
car en définitive, ce sont eux qui devront élever l'enfant et prendre soin de lui. En
pratique, je ne sais s'il faudrait mettre explicitement en exergue le « choix parental »,
car les conditions d’une décision « libre et éclairée » ne sont en fait jamais remplies :
mieux vaut s’en souvenir sans ajouter de pression aux parents (ainsi que la
culpabilité d’avoir le cas échéant fait le mauvais choix), mais s’intéresser aux
soutiens, y compris non institutionnels, dont ils disposent.
Il me paraît donc essentiel de combiner l’annonce du handicap à la parole des
familles et des personnes concernées à la manière dont l’avaient fait Danièle Moyse
et Nicole Diederich (1997). Contrairement à ce que l'on pourrait croire, toutes les
personnes atteintes par le handicap ne sont pas défavorables à l’interruption
médicale de grossesse qui ne leur aurait pas permis d’exister. Mais elles rappellent
également que leur qualité de vie ne saurait être déduite de leur apparence et de leur
condition organique, car il n’y a pas de lien de causalité direct entre la nature du
handicap et la qualité de la vie vécue. Ces personnes n’entendent pas dicter à de
futurs parents ce que devrait être leur choix, mais leur permettre de faire un véritable
choix. Les initiatives en ce sens (les rencontres dans les moments suivant l’annonce)
devraient donc faire l’objet d’études qualitatives montrant si leur apport sur le terrain
est une véritable aide pour les parents concernés par cette situation lors du
dépistage.
Bibliographie :
CAROL A. (1995), Histoire de l’eugénisme en France - XIXème-XXème siècles, Paris, Seuil, 1ère partie,
p. 17-77
GAYON J. (2006), Le mot « eugénisme » est-il encore d’actualité ?, in L’Éternel retour de l’eugénisme,
sous la dir. de J. Gayon et D. Jacobi, Paris, PUF, p. 120-122.
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MEMMI D. (2003), Faire vivre et laisser mourir, Paris, La Découverte, p. 171-172.
MORANGE M. (1996), article Eugénisme, in Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, sous la
dir. de M. Canto-Sperber, Paris, PUF, p. 703.
MOYSE D. et DIEDERICH N. (2001), Les personnes handicapées face au diagnostic prénatal. Eliminer
avant la naissance ou accompagner ?, Ramonville, Erès.
PAILLET A. (2007), Sauver la vie, donner la mort. Une sociologie de l’éthique en réanimation
néonatale, Paris, La Dispute.
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Les pathologies somatiques , l’évolution des soins , et leurs conséquences en
pédiatrie
Par Michelle Blanc
Pédiatre hospitalier, médecin directeur de Centre d’Action Médicosociale Précoce,
présidente d’Intercamsp, présidente de l’Association internationale de pédiatrie
sociale(ASSIPS)
Apres une brève présentation de mon parcours professionnel,j’évoquerai dans un
premier temps l’évolution des soins des années 70 à la décennie 2010.
Elle est sous-tendue par les progrès des connaissances scientifiques, médicales et
des techniques proprement dites
Les modifications ont été très importantes en terme d’accueil des patients et de leurs
familles, des soins intensifs et invasifs
devenant plus performants, de la prise en charge de la douleur et de la souffrance
Les prises en charge concernent de facto des patients avec des pathologies de plus
en plus lourdes et les séquelles peuvent être plus nombreuses, associées, voire plus
lourdes
Ensuite nous évoquerons la spécificité des problématiques périnatales:
L’évolution des techniques, la miniaturisation, la prise en charge de la tres grande
prématurité, l’éthique
dans les prises de décision (place des parents, équipe de soins, comite d’éthique)
Nous analyserons enfin les conséquences en terme de qualité de vie et de parcours
de vie, liées aux différentes pathologies (souffrance périnatale, prématurité,
cardiopathies opérées, maladies métaboliques…)
Nous analyserons également les conséquences sur les relations mère –enfant et
parents-enfant.
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Regard d'un praticien de terrain, impliqué régulièrement dans le diagnostic
prénatal pour raison neurologique.
Par Vincent Des Portes
neuropédiatre, Hospices Civils de Lyon, professeur de pédiatrie, Université Lyon 1
L’imagerie prénatale offre un paradigme des questions éthiques soulevées par
la confrontation entre les techniques d’imagerie médicale – échographie, IRM – et
l’imaginaire des patients. Dans le cadre de l’imagerie prénatale, l’objet de l’étude
n’est pas la patiente elle-même mais l’être porté dans la matrice maternelle ; être
d’espérance, être de désir, fortement investi par les projections parentales. À travers
le dévoilement permis par la technologie, les images font brutalement irruption dans
cet imaginaire des parents.
À ce regard parental, vient s’intercaler celui du médecin, pour qui le fœtus est
avant tout objet d’étude. Ainsi, l’être en devenir est évalué à l’once d’une check-list
permettant de se prononcer sur sa vraisemblable « normalité ». L’image du foetus, et
non le bébé lui-même, est soumise à un raisonnement, à une interprétation
diagnostique et pronostique. Or, cette interprétation médicale de l’image ne va pas
de soi : elle se heurte aux limites de la technique et du savoir. À partir de
connaissances souvent relatives est émis un « avis médical » dont les enjeux
éthiques sont majeurs... puisqu’il peut en résulter une décision d’interruption
médicale de grossesse. De cette image échographique incertaine, doit émerger une
parole que les parents puissent s’approprier.
Or – et c’est bien la singularité de la médecine prénatale – celui dont on parle
est un bébé qui n’est pas encore né, non encore porté dans les bras. Comment
rendre humainement pensable cette image échographique ou IRM ? Comment aider
les parents à tenter de se représenter mentalement cet être en devenir, à lui donner
corps ? Un espace de parole est indispensable pour que l’humanité de cet être de
chair puisse se déployer.
Lorsque l’échographie révèle l’existence d’une image anormale, la
consultation d’un « spécialiste de l’organe en cause » – ici le cerveau – doit
permettre de situer cette découverte prénatale angoissante dans la réalité clinique
d’enfants déjà nés. La rencontre du couple par le neuropédiatre est alors l’occasion
de situer dans sa famille ce bébé en devenir, de lui [re]donner une singularité. Les
représentations du handicap de chaque parent sont interrogées, en fonction
notamment de son histoire personnelle. Puis les connaissances médicales sur la
pathologie suspectée sont précisées. Il s’agit souvent de pronostics incertains, d’une
apparence de savoir avec, au cœur de ce savoir, un non-savoir considérable. Cette
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relativité du caractère prédictif de la connaissance médicale ne doit pas être
dissimulée aux parents. En outre, le médecin doit connaître sa propre subjectivité
avec ses ambivalences : ses convictions personnelles, sa propre représentation du
handicap, l’image de lui-même qui est en jeu par rapport à ses collègues…
L’enjeu est d’aider le couple à se projeter dans l’avenir en prenant
effectivement en compte les deux issues envisageables de la grossesse – l’IMG ou
la naissance, et permettre aux parents de passer d’une « image » sur écran à une
représentation mentale du bébé, redonner corps au fœtus, en quelque sorte. Cela
suppose de décrire tout le champ des possibles si l’enfant naît. Cela suppose
d’autoriser le couple à penser le bébé mort, et aussi le bébé né. Cela suppose une
information médicale loyale et symétrique – y compris sur les modes de prise en
charge post-natale, si le bébé se révèle être handicapé. Tout cela demande du
temps. Du temps pour que la parole s’exprime, pour que la pensée émerge de la
sidération psychique. S’autoriser à penser l’impensable. Et y consentir… ou pas. La
pratique clinique nous apprend que dans leur grande majorité, les couples qui sont
confrontés à la discussion d’IMG manifestent une conscience aiguë, dramatique, des
enjeux humains et éthiques d’une telle décision. Souvent, leur réflexion est marquée
par des allers-retours incessants entre la décision d’interrompre une vie et celle
d’accepter pour cet enfant -par procuration- une vie de personne handicapée. De fait,
le simple fait de connaître cette malformation découverte à l’échographie – source de
handicap potentiel – confère au médecin et au couple une responsabilité. Il est
impossible de faire comme si on ne savait pas…
En guise de conclusion, l’imagerie fœtale ne serait-elle qu’un cadeau
empoisonné de la science à la médecine ? Si elle permet assurément l’accès à de
nouveaux savoirs, contribuant ainsi à une amélioration de la prise en charge de
l’enfant à naître, elle ouvre aussi des champs infinis de non-savoir qui décuplent nos
doutes et nos incertitudes…
Un repère sûr, cependant : tout progrès augmente notre responsabilité. Cette
décision psychiquement et humainement impossible que doit prendre la patiente
confiée à nos soins ne peut, quelle qu’elle soit, être qualifiée de « bonne » ou de
« mauvaise ». Elle sera éthiquement acceptable si elle a été prise dans un espace
de parole réellement libre et bienveillant entre les parents et les professionnels.
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L'éthique de la rencontre avec les enfants : la question du savoir de l'adulte sur
leur pathologie.
Par Regine Scelles
Professeur de psychopathologie, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense
laboratoire CIYPSYD EA 4430
Déléguée scientifique AERES
L'enfant sait que les médecins, ses parents savent des "choses" sur sa pathologie.
Les mots, les explications entendues le conduiront l à construire, comme il le pourra
souvent de manière très solitaire, un sens à ce que les adultes évoquent entre eux
sur ce thème. Les progrès de la médecine, la plus grande diffusion des savoirs
conduisent les adultes à voir évoluer leur manière de penser, de se représenter,
leurs savoirs sur la pathologie. Les enfants ne sont pas insensibles à cela et il
convient de réfléchir aux processus, aux dispositifs qui l'aiderait à se penser, se
positionner comme sujet de ce savoir.
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La créativité, dans l’expression artistique et la vie affective
Créativité des pratiques et des projets dans l’accompagnement de l’autisme
inventivité dans la rencontre clinique vs contraintes de la pensée unique, de
l’ingérence politique, et des méthodologie de la recherche
Par Fabien Joly
Psychologue – Psychanalyste – Psychomotricien – Docteur en Psychopathologie
Conseiller Scientifique (et ancien coordinateur) du C.R.A. Bourgogne (CHU Dijon)
Membre de la CIPPA – membre titulaire de la SFPEADA – Vice-Pdt du CEP de Bourgogne – Pdt de « Corps et
Psyché » - Comité de direction du « Journal de la Psychanalyse de l’Enfant » (PUF)
Dans le champ du handicap, l’autisme comme singulier paradigme et dans
l’extraordinaire diversité des tableaux cliniques toujours subjectifs « des » Autismes
ou « des » Troubles Envahissant du Développement convoquent et actualisent dans
toutes leurs formes et leurs difficultés des particularités de fonctionnement très
spécifiques qui exigent une compréhension, un soutien et une prise en charge
adaptée et facilitante, et des enjeux « non-spécifiques » propre à cette singulière
personne dans son histoire unique et son actualité subjective qui sont tout autant de
points de souffrance à traiter bien sûr.
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L’accompagnement de la personne avec autisme - à travers tous les âges de la vie
et dans toutes les formes du « spectre » autistique - nécessite donc à chaque endroit
une évaluation subjective très fine et un projet individuel « à la carte » …
L’incarnation de ce projet toujours réadapté dans le quotidien de la clinique - en
institution ou en réseaux ambulatoires voire au domicile - exige donc in fine et
impose (dans chaque dispositif, pour chacun des intervenants ou aidant, et dans
chaque contexte technique) une inventivité et une créativité permanente.
Pour autant que l’autisme a été désigné comme grande « cause nationale » et qu’il
est l’objet d’un souci politique médiatique et de recherche presque unique (au regard
de toutes les autres formes de handicap) et en tous cas d’une attention indéniable
depuis une vingtaine d’année, pour autant les orientations actuelles dans une sorte
de « balancier de l’histoire » monolithique et en pensée unique, d’ingérence politique
hallucinante, de contraintes pragmatiques, économiques et méthodologiques
monumentales, stérilisent parfois – a contrario de leurs revendications affichées l’inventivité et la créativité nécessaire à cet accompagnement spécifique...
Nous voudrions illustrer à l’endroit théorique et psychopathologique, comme au lieu
même du concret et des enjeux pratiques de la clinique la plus quotidienne de
l’autisme (dans des suivis individuels comme dans la clinique institutionnelle), cette
tension entre inventivité et créativité nécessaire dans l’accompagnement de la
personne, et méthodes uniques et contraignantes interdisant cette adaptation et ce
jeu permanent du soin créatif à la personne avec handicap.
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Etre créateur de sa vie
Par Simone Korff Sausse
MCF (CRPMS), Université Diderot Sorbonne Paris Cité
Etre créateur de sa vie : voilà un objectif ambitieux énoncé par de nombreux artistes.
Qu’en est-il pour les personnes qui ne sont pas des artistes ? Et qu’en serait-il pour
des personnes atteintes de déficience mentale ? Peuvent-elles faire de leur vie un
objet de création ? On décrit une vie psychique assez pauvre, une tendance à la
répétition, la peur de la nouveauté, qui constituent des obstacles pour la créativité,
en plus des difficultés cognitives de communication et de compréhension directement
liées au handicap.
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Mais ne pourrait-on voir des modalités de créativité dans l’expression même de ces
difficultés, qui donneraient lieu alors à des formes innovantes « hors-norme », de la
créativité, témoignant de ce qu’on pourrait nommer une « pulsion créatrice » active
chez tout être humain. L’auteur se propose de repérer ces manifestations créatrices
originales dans la clinique et de les illustrer par l’œuvre de certains artistes d’Art Brut.
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Médiations thérapeutiques en situation de handicap
Par Silke Schauder
Maître de conférences-HDR à l´IED-Université Paris 8, Laboratoire de psychopathologie et
de neuropsychologie, Responsable pédagogique du DESU Art-thérapie, Paris
L’utilisation des médiations thérapeutiques constitue une bonne indication dans des
projets de soins et d’accompagnement des personnes en situation de handicap.
Permettant de tenir compte des limitations fonctionnelles qu’imposent les divers
handicaps - sensoriels, mentaux, moteurs - les ateliers ouvrent un espace
d’expression créatrice dont la visée re-narcissisante, communicative et hédonique
n’est plus à démontrer. Quel médiat choisir, par exemple en fonction de quelle
thématique ou de quelle stimulation spécifiquement recherchées ? Quel lien se tisse
entre le clinicien, son patient et l’activité proposée ? Quel statut revient-il à l’œuvre
créée ? Notre contribution sera illustrée par plusieurs exemples cliniques et des
propositions de recherche.
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Le soliloque de l’adolescent déficient
Par Denis Vaginay
Docteur en psychologie clinique, psychanalyste, formateur, Denis Vaginay travaille
en cabinet libéral et en institutions. Il est également responsable scientifique pour la
préparation de colloques, et conférencier.
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Nombre de jeunes déficients intellectuels se mettent à soliloquer à l’approche de
l’adolescence. Si cette particularité, inédite dans la population lambda, amuse parfois
l’entourage lors de son apparition, elle ne cesse de l’inquiéter dès lors qu’elle
s’installe et plus encore lorsqu’elle se poursuit à l’âge adulte. D’autant plus quand
elle semble se confondre avec une production délirante.
Peut-on comprendre ce phénomène comme une tentative créatrice d’un roman
familial d’autant plus difficile à élaborer que les personnages qui l’animent résistent
dans la réalité à se laisser manipuler sur le plan imaginaire ? Dans ce cas, le
soliloque témoignerait du travail d’un sujet cherchant à émerger d’une relation
magmatique, divisé mais à la recherche d’une unité fictionnelle, capable de sa propre
énonciation et d’une entrée dans une vie affective et sexuelle partagée. L’enjeu est
bien celui de l’adossement du sujet à la dimension tragique de son existence
humaine, dont la dette à l’égard de l’autre l’écarte possiblement du désespoir. Si
l’issue pour lui se dessine, le sujet, tout handicapé qu’il soit (reconnu ainsi dans le
discours de l’autre), participe à sa mise au monde symbolique. Dans l’impasse, il
reste aliéné à l’autre dont il dépend, dans une sidération commune, sans autre
créativité ratée que celle de la répétition.
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DEUXIEME PARTIE : ATELIERS PREMIERE JOURNEE
atelier N°1 : Enfants et adultes en formation
Stress, coping et burnout des enseignants des milieux ordinaire et spécialisé
intervenant auprès d’élèves ayant un trouble du spectre de l’autisme
Auteurs :
Emilie Cappe1, Nathalie Poirier2, Emilie Boujut3
Inscription institutionnelle, coordonnées téléphoniques et mails :
1
Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé (LPPS – EA4057), Institut
de Psychologie, Université Paris Descartes – Sorbonne Paris Cité (France), Tél. :
0033155205880, [email protected]
2
Département de Psychologie, Université du Québec à Montréal (Canada), Tél. :
(514) 987-3000 poste 4359, [email protected]
3
Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé (LPPS – EA4057), Institut
de Psychologie, Université Paris Descartes – Sorbonne Paris Cité (France), Tél. :
0033155205733, [email protected]
Résumé :
Dans le contexte de la loi du 11 février 2005 et du plan autisme 2013, la scolarisation
des élèves autistes constitue, plus que jamais, une priorité éducative. La
scolarisation de ces élèves peut se faire en milieu ordinaire ou spécifique, mais
quelle qu’en soit la forme, les enseignants doivent apporter des réponses
pédagogiques adaptées aux besoins particuliers de ces élèves. Peu d'études font
référence à la façon dont ces enseignants s’adaptent. Ainsi, nous avons mis en place
une étude visant à examiner les différences selon les contextes scolaires et les
relations entre antécédents (empathie, auto-efficacité), processus transactionnels
(stress, soutien social, coping) et issues adaptatives (épuisement professionnel). Une
première analyse réalisée sur les réponses de 33 enseignants du milieu ordinaire et
34 du milieu spécialisé, formés aux enseignements adaptés, montre que ces derniers
présentent une meilleure adaptation : ils sont moins épuisés émotionnellement,
perçoivent plus la situation comme un défi, peuvent plus compter sur l’aide de leurs
collègues et utilisent plus de stratégies centrées sur le problème ou sur la recherche
de soutien social. Afin d’approfondir ces résultats, d’autres enseignants ont été
sollicités. Nous disposons de 76 nouveaux participants dont 14 enseignants toutvenant pour la constitution d’un groupe contrôle. Un recrutement québécois est aussi
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en cours. Nous proposons donc de présenter les résultats issus de ces données
additionnelles.
Ce projet est subventionné par la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la
performance (DEPP) du Ministère de l'éducation nationale, l'Agence nationale pour la
cohésion sociale et l'égalité des chances (l'Acsé) et le Défenseur des droits (DD),
dans le cadre de l’appel à projets « L’égalité des chances à l’école ».
3 mots clés :
Autisme, enseignants, burnout
Publication en rapport avec le thème traité :
Boujut, E., & Cappe, E. (sous presse). La scolarisation des élèves ayant un trouble
du spectre autistique : résultats préliminaires d’une étude comparative du vécu
des enseignants entre milieu ordinaire et milieux spécialisés.
Thèmes :
-
Bonnes pratiques, qualité, bientraitance, inclusion, référentiels : apports des
lois et rôles des décideurs
- Les innovations sur le terrain dans les domaines scolaire, éducatif,
institutionnel, et artistique
Formation « Participation sociale des personnes en situations de handicap »
Création d’un kit pédagogique dans le cadre d’un partenariat européen Leonardo da
Vinci
___________________________________________________________________
Viviane GUERDAN
Partenaire du GIFFOCH et du projet LEONARDO
Professeure émérite HEP VD
Présidente honoraire AIRHM
Courriel : [email protected]
Dans le cadre de la ratification de la Convention relative aux droits des personnes
handicapées (ONU, 2006) et de sa mise en oeuvre progressive par les Etats Parties,
des partenaires27 ont souhaité créer une offre de formation continue permettant aux
27
Partenaires LEONARDO
Belgique : Haute Ecole Libre de Bruxelles I. Prigogine - HELB I. Prigogine (coordinateur du partenariat) - France : Ecole des
Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) - France : Institut de Formation en Pédicurie-podologie, Ergothérapie et Massokinésithérapie (IFPEK) - Roumanie : S.S.E.O. TECHNICAL ASSISTANCE srl - Suisse : Haute Ecole Pédagogique du canton de
Vaud (HEP VD) - Suisse : Haute Ecole Fribourgeoise de Travail social ( HEF TS).
60
professionnels concernés par la problématique du handicap de connaître les
dispositions de ladite convention et de valoriser dans leur pratique professionnelle
une approche inclusive du handicap.
Ce projet a été financé par la Commission européenne et mené dans le cadre du
Programme d’Education et de Formation tout au long de la vie ; il a porté sur la
création d’une formation s’adressant à l’ensemble des professionnels :
paramédicaux, médicaux, éducateurs, enseignants, travailleurs sociaux, autorités
locales, … concernés par la problématique du handicap. Le but visé était d’outiller
ces professionnels pour développer leur capacité à : 1/appliquer une évaluation
écosystémique (personne<>environnement<>participation sociale) des besoins
particuliers d’une personne handicapée ou d’un groupe de personnes handicapées ;
2/construire des stratégies d’intervention favorisant la participation sociale, le
développement de projets inclusifs et l’accès aux droits (éducation, travail, loisirs,
citoyenneté, santé, etc.).
La communication présentera le résultat de ce travail mené de septembre 2012 à
août 2014 : la création d’un kit pédagogique composé de diaporamas et de manuels
de formation. Elle exposera également le processus de construction adopté, et
mettra en évidence la place accordé aux expériences tant professionnelles que
pédagogiques des partenaires impliqués dans ce projet européen.
Mots clef : Formation continue, Convention des Nations Unies, Life Long learning
programme
Publications :
Guerdan, V., Petitpierre, G., Moulin, J. P., & Haelewyck, M.-C. (2009). Participation
et responsabilités sociales : un nouveau paradigme pour l’inclusion des personnes
avec une déficience intellectuelle. Berne : Peter Lang.
ONU (2006). Convention relative aux droits des personnes handicapées.
http ://www.un.org/french/disabilities/
VG/16.06.2014
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Avec la collaboration des partenaires du GIFFOCH : Belgique : Haute Ecole Louvain en Hainaut - Belgique : GRAVIR asbl France : Handicap International - France : Centre collaborateur de l’OMS pour la CIF (EHESP-MSSH, Paris).
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« J’apprends à m’autoréguler » : un outil de remédiation cognitive à destination
des enfants et des adolescents présentant une déficience intellectuelle
modérée
BASTIEN, Robina & HAELEWYCK, Marie-Claireb
a
Assistant-Doctorant ; [email protected] ; 18, Place du Parc, 7000 Mons
(Belgique)
+3265/37.31.82
b
Professeure ; [email protected] ; 18, Place du Parc, 7000 Mons
(Belgique)
+3265/37.31.85
INTRODUCTION
En 2012, 4.4% des élèves du secondaire étaient inscrits dans l’enseignement
spécialisé et 5.1% des élèves fréquentaient le primaire (Fédération WallonieBruxelles/ETNIC). Depuis plus d’une vingtaine d’années en Belgique francophone, le
nombre d’effectifs dans l’enseignement spécialisé accueillant des élèves présentant
une déficience intellectuelle (DI) ne cesse d’augmenter. Ce taux croissant de la
population amène les enseignants à faire face à un public de plus en plus diversifié
et à des difficultés organisationnelles pour apprendre aux élèves des compétences
autres que sociales et pratiques (Hessels-Schlatter, 2006). Un nombre grandissant
de jeunes éprouvent des difficultés variées à réaliser des apprentissages efficaces,
leur niveau de fonctionnement étant jugé de plus en plus faible par les intervenants
scolaires. Les attentes des enseignants par rapport aux habiletés cognitives sont
d'ailleurs faibles, limitant ainsi les occasions pour l’élève d’« apprendre à apprendre »
(Franssen et al., 2004).
Le présent article décrit une étude exploratoire qualitative menée auprès des
professionnels de l’enseignement visant à recenser leurs besoins en termes de
moyens d’action en vue de favoriser l’apprentissage cognitif des élèves. Par
« apprentissage cognitif », nous entendons tous les apprentissages qui permettront à
la personne de s’intégrer à son environnement : les apprentissages verbaux et
conceptuels (acquisition de compétences scolaires), les apprentissages sociaux
(acquisition des compétences sociales et interpersonnelles) et les apprentissages
pragmatiques (acquisition des habiletés pratiques de la vie quotidienne). Les
réponses fournies par les professionnels quant à leurs pratiques nous permettront de
mettre en lumière leurs besoins et d’envisager de mettre en place des outils
méthodologiques susceptibles de pallier aux obstacles rencontrés.
METHODOLOGIE
Echantillon
Nous avons contacté onze établissements de l'enseignement spécialisé de réseaux
et niveaux différents (tableau 1). Au total, cinquante-sept personnes ont participé à la
recherche. Parmi celles-ci, nous avons pu interroger 14 instituteurs du primaire, 28
du secondaire, 3 chefs d’atelier, 5 logopèdes (orthophonistes), 1 kinésithérapeute, 1
assistante sociale, 1 éducatrice et 4 directeurs.
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Tableau 1. Description des établissements d'enseignement spécialisé
rencontrés
Niveau
d'enseignement
Province
Hainaut
Primaire
Secondaire
Liège
Primaire
Réseau
d'enseignement
Communauté
Française
Libre
Communauté
Française
Libre
Communal
Communauté
Française
Libre
Nombre
d'établissements
1
3
1
3
1
1
1
Recueil et analyse qualitative des données
Plusieurs techniques d’enquête ont été utilisées durant cette étude exploratoire.
Premièrement, des entretiens individuels semi-directifs ont été réalisés auprès des
57 participants. Ceux-ci avaient pour but de lister de manière approfondie les besoins
et difficultés rencontrés en classe et de récolter les opinions concernant les besoins
pour favoriser une amélioration des pratiques. Deuxièmement, des groupes-focus ont
été organisés, dont les discussions avaient pour objet la mise en tension des
représentations des professionnels à propos des apprentissages cognitifs et sur les
moyens de favoriser ces apprentissages auprès des élèves présentant une DI. Enfin,
troisièmement, l’observation a été utilisée afin d’analyser les outils et méthodologies
employés dans le cadre d’une remédiation.
Dans notre étude, nous avons tenté de répondre à trois questions principales.
Q1: Comment les apprentissages cognitifs sont-ils pris en compte dans les activités
scolaire des élèves présentant une déficience intellectuelle légère à modérée
? Q2 : Quel type de remédiation est proposé à ces élèves dont les difficultés
cognitives entravent les apprentissages ? Q3: Quelles sont les difficultés
fréquemment rencontrées dans le domaine de l’aide aux apprentissages cognitifs
dans l’enseignement spécialisé ? Comment améliorer l’aide aux apprentissages
cognitifs des enfants et adolescents présentant un retard mental léger à modéré ?
Une analyse de contenu a été effectuée après la retranscription des entretiens et des
groupes focus.
RESULTATS
Q1 : Comment les apprentissages cognitifs sont-ils pris en compte dans les activités
scolaire des élèves présentant une déficience intellectuelle légère à modérée ?
D’après une majorité d’enseignants, un grand nombre d’activités sont employées
pour favoriser la perception et la structuration des informations par l’élève, son
attention et sa concentration, sa mémoire et ses capacités métacognitives. Les
résultats de la recherche menée indiquent cependant que les professionnels utilisent
de manière plus restreinte des stratégies permettant de développer la résolution de
problèmes, le sentiment d’efficacité personnelle, le transfert et la généralisation des
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acquis dans des contextes variés. Les enseignants ont ainsi exprimé le manque de
pistes méthodologiques à ce niveau-là. De même, les entretiens individuels ont
permis de montrer que peu d’enseignants différencient leurs stratégies en fonction
du
profil
cognitif
des
élèves.
Parmi
les
difficultés
émises
se
retrouvent l’hétérogénéité des rythmes d’apprentissage, le temps de concentration et
la motivation face à l’effort. Selon les dires des intervenants, certaines compétences
cognitives des élèves n’évoluent pas suffisamment malgré les interventions directes
de l’enseignant et la mise en place de matériels, d’activités et d’astuces diverses. Ils
nécessiteraient, selon eux, une remédiation ciblée.
Q2: Quel type de remédiation est proposé à ces élèves dont les difficultés cognitives
entravent les apprentissages ?
Le terme « remédiation » est peu rencontré dans le vocabulaire des enseignants du
spécialisé. Il évoque pour eux une aide fournie à l’élève durant ou après un
apprentissage afin de l’aider à passer un obstacle et à progresser. La remédiation
est également vue comme une intervention extérieure à la classe et/ou
supplémentaire au travail de l’enseignant. Au sein des écoles, la logopédie est
considérée comme la forme de remédiation la plus fréquente et constitue une
ressource importante. Une forme de remédiation semble toutefois se distinguer et
prendre en compte les apprentissages cognitifs, à savoir les groupes de besoins. En
classe, les enseignants sont un peu moins de 31% à considérer que la remédiation
fait partie intégrante de leur travail contre 19% qui estiment que les activités de
soutien proposées aux élèves ne peuvent être nommées de la sorte. La remédiation
est assimilée pour les enseignants au travail individualisé avec l’élève et à un
changement de pratiques. Cependant, les enseignants sont conscients de leurs
limites lorsqu’ils sont confrontés à d’importantes difficultés cognitives chez leurs
élèves. Ils insistent également sur la nécessité d’une meilleure collaboration entre les
différents professionnels au niveau des compétences transversales.
Q3: Quelles sont les difficultés fréquemment rencontrées dans le domaine de l’aide
aux apprentissages cognitifs dans l’enseignement spécialisé ? Comment améliorer
l’aide aux apprentissages cognitifs des enfants et adolescents présentant un retard
mental léger à modéré ?
Les enseignants, en majorité, font part de leurs difficultés à cibler les besoins de
l'élève en termes d'habiletés cognitives et à nommer les difficultés des élèves. La
différence de niveaux de plus en plus grande entre les élèves complique également
la mise en place des apprentissages. Adapter leurs pratiques s'avère difficile en
raison de la diversité des profils cognitifs mais, aussi, d'une connaissance partielle de
ce que sont réellement les apprentissages cognitifs, de ce qu'ils impliquent et de la
manière dont on peut les développer.
DISCUSSION
Notre étude exploratoire a permis de mettre en lumière les difficultés rencontrées par
les enseignants et professionnels du spécialisé dans la mise en place d'activités qui
favorisent les apprentissages cognitifs. Un manque de stratégies éducatives pour
développer certaines compétences cognitives a pu être mis en exergue, notamment
celles de résolution de problèmes. Peu de différentiation des activités
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d'apprentissage sont proposées en fonction du profil cognitif des élèves.
L'amélioration de l'intervention individualisée proposée par l'enseignant en classe
(stratégies d'enseignement et de remédiation) est un besoin souvent exprimé. Ils
souhaitent majoritairement obtenir des outils et matériels adaptés à l'âge mental et à
l'âge chronologique des élèves qui permettent de travailler les apprentissages
cognitifs en contexte.
Suite à cette étude, et au vu des besoins exprimés, un guide méthodologique a été
développé sur base de la littérature scientifique afin de favoriser l'autorégulation des
enfants et adolescents présentant une déficience intellectuelle avérée. L'outil de
remédiation cognitive "J'apprends à m'autoréguler" se compose d'un ensemble
d'activités ludiques, imagées et/ou sonores, faisant appel aux processus
d'autorégulation décrits dans la littérature. Ces activités peuvent se faire de manière
individuelle ou en groupe de 3 à 4 individus. Les élèves débutent chaque séance en
remplissant une fiche indiquant leur humeur du jour correspondante. Ils reçoivent
ensuite un feuillet décrivant à l'aide de pictogrammes les stratégies cognitives et
métacognitives travaillées grâce aux modules. Durant les apprentissages, le
médiateur favorise chez les individus l'utilisation des stratégies, l'évocation des
ressources disponibles dans l'environnement et leur questionnement quant à leur
mode de fonctionnement en vue de résoudre le problème posé. Une synthèse est
ensuite effectuée ainsi qu'une discussion sur la généralisation de celles-ci dans la vie
quotidienne. Enfin, les élèves terminent une session par une autoévaluation du
travail accompli. L'outil est composé d'un premier guide destiné à l'apprenant et d'un
second destiné à l'enseignant, comprenant les informations nécessaires à la
compréhension des processus de l'autorégulation et à la mise de place des activités.
Quinze séances de remédiation collectives sont proposées, à raison d’une heure par
semaine. Nous envisageons ainsi de mettre en place des formations permettant aux
enseignants et professionnels d'identifier les besoins des élèves en termes
d'apprentissage cognitif et d'utiliser à bon escient le guide méthodologique au sein de
leurs pratiques pédagogiques.
REFERENCES
FRANSSEN, A., VAN CAMPENHOUDT, L., LEJEUNE, A., HUYNEN, P., HUBERT,
G., VANESPEN, A. & NORRO, M. (2004), La consultation des personnels
pédagogique, éducatif, paramédical, psychologique et social de l’enseignement
spécialisé. Rapport de la commission de pilotage. Ministère de la communauté
française.
HESSELS-SCHLATTER, C. (2006), Le développement des compétences dans le
raisonnement abstrait chez les personnes présentant un retard mental modéré à
sévère. Pédagogie spécialisée, 1, 27-31.
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Une Initiative d’inclusion scolaire au sein d’une école ordinaire privée à
Nouakchott / Mauritanie
Mr Banoumou Lemrabott Diawara
Président de l’Association Mauritanienne pour l’Intégration et la
Réhabilitation des Enfants et Adolescents Déficients
Intellectuels « AMIREADI » BP : 6894 Tél /fax : 222 45 25 48 68
Email : [email protected] Nouakchott – Mauritanie
« Délégué Régional AIRHM » en Mauritanie
Objectif : Développer pour horizon 2016 une justice sociale en matière
d’éducation au bénéfice de 300 élèves déficients et non handicapés ensemble
à l’école inclusive Mandéla
de Nouakchott
Mots clefs : éducation, environnement, inclusion, partenariat, déficience.
Plan :
- Données
démographiques, cadre légal et obstacles
liés, l’environnement
physique et social.
- Genèse d’une structure inclusive assortie d’une institutionnalisation progressive ;
- Les actions concrêtes menées sur le terrain et /ou description d’une pratique
inclusive réussie ;
- Les résultats atteints, produit d’un pragmatisme avéré et d’un partenariat riche.
Introduction
Parmi les organisations de la Société civile notamment celles faîtières dans leur
domaine d’intervention, l’Association Mauritanienne pour l’Intégration et
la
Réhabilitation des Enfants et Adolescents Déficients Intellectuels « AMIREADI »
entend, à travers son établissement scolaire inclusif, jouer pleinement son rôle de
partenaire incontournable de l’Etat dans la mission générale d’éducation. Il revient
donc à cet établissement scolaire inclusif le souci de contribuer dans l’élimination
des iniquités de l’offre éducative dans la recherche de la l’atteinte de la
scolarisation primaire universelle. Pour ce faire l’école inclusive Mandéla met en
œuvre plusieurs alternatives dont justement celle de l’éducation inclusive à
l’avantage des enfants déficients mentaux pris en charge aux côtés de leurs pairs
non handicapés. Le projet est certes ambitieux, dans un environnement peu
favorable, voire hostile, mais le pragmatisme et la persévérance des promoteurs de
66
l’action vont devoir lever le défi ; la communication intitulée justement « une
initiative d’inclusion scolaire au sein d’une école ordinaire privée à Nouakchott »,
va devoir essayer de montrer comment…
Le développement de mon intervention, le pragmatisme aidant, s’articulera
autour des points suivants :
I Données démographiques, cadre légal et environnement physique et
social.
I -1. Bref aperçu sur la Mauritanie
La Mauritanie, pays sahélo saharien et Etat partie de la Communauté Internationale
pour en avoir signé et ratifié la Espagne des accords et conventions qui les lient à
elle, a une superficie de 1.030700km2 et compte trois millions cinq cens milles
habitants dont le tiers vit à Nouakchott capitale du pays ; dans cette population, les
personnes handicapées représentent selon les projections de l’OMS , 10 à 15 %
de la population globale et les personnes handicapées mentales 5,21% du groupe
handicapés toutes catégories confondues , selon les ONG spécialisées dans ce
domaine ; l’on peut par ailleurs signaler au passage, que le handicap en général
est, en Mauritanie , concerné par au moins 40% de la population globale.
I – 2. Contexte : c’est dans un tel contexte et en dépit d’un environnement peu
favorable voire hostile à toute action novatrice dans le système d’une société
majoritairement traditionnaliste et de composition sociale multi – ethnique, qu’une
volonté d’inclusion scolaire se manifeste à travers les parents d’enfants déficients
intellectuels regroupés au sein de l’Association Mauritanienne pour l’Intégration et
la Réhabilitation des Enfants et Adolescents Déficients Intellectuels « AMIREADI »
qui
obtint auprès des pouvoirs publics l’autorisation de créer à Nouakchott, cette
métropole du pays, une école inclusive consacrée par l’arrêté conjoint N° R 582
MINT/MEN du 25 Février 2008.
Certes, le soubassement juridique de la structure, première en son genre dans le
pays, semble être solide si l’on sait que l’ordonnance 043-2006 érigée en loi
nationale, traite déjà amplement de l’éducation des enfants handicapés en y
réservant une part importante pour les enfants déficients intellectuels, mais les
textes d’application (décrets , arrêtés…) , bien que certains d’entre eux sont déjà
sur la table du conseil des Ministres pour leur adoption , d’autres restent encore
dans l’impasse.
A cette déconvenue des textes s’ajoute la non effectivité des accords et
conventions signés et ratifiés par la Mauritanie, pour n’en citer que la Déclaration
de Salamanque sur l’école intégratrice et /ou école pour tous, la CDE Art 23 qui
traite justement de la spécificité de l’enfant déficient, la Convention Internationale
relative aux droits des personnes handicapées Art 24, ou encore les OMD surtout
le 2è objectif.
II – Genèse d’une structure inclusive assortie d’une institutionnalisation
progressive ;
II – 1. Premier pas : l’école spéciale.
67
C’est la structure exclusivement réservée aux enfants déficients et où les classes
sont réparties en groupe d’éveil qui est la 1re division pédagogique de cette unité ;
c’est aussi le stade de l’ouverture de l’enfant déficient au milieu physique et
humain c’est-à-dire à l’environnement et aux relations de celui –ci avec ceux – là,
autrement dit l’ouverture consciente des yeux et de l’esprit de l’enfant déficient au
milieu tout comme son pair valide.
La 2ème division étant le groupe d’initiation qui se superpose à la division
pédagogique de la deuxième année du préscolaire où domine dans le programme :
le dessin, le traçage, le pliage, l’étude des couleurs, les puzzles, les jeux divers, la
pré-écriture, la pré-lecture, les pré-mathématiques, etc.
La 3ème division pédagogique est le groupe d’orientation où l’on s’atèle, outre
l’alphabétisation fonctionnelle, aux différents jeux d’esprit présentés en puzzles (de
lecture, d’écriture, de calcul etc) mais également au traçage, au modelage, à la
confection d’objets utilitaires et pratiques, au sport et à la musique, (la
musicothérapie) ; de ce groupe l’on est orienté soit vers l’école intégratrice
(inclusive) lorsqu’il s’avère que le sujet est scolarisable ; mais lorsqu’il s’avère qu’il
a plutôt des prédispositions d’activités manuelles c’est-à-dire des aptitudes
gestuelles et /ou compétences en apprentissages, on l’oriente vers le Centre de
Formation professionnelle pour pratiquer des activités promotionnelles
génératrices de revenus .
la 4ème division pédagogique(groupe complexe du reste, est constitué
d’autistes et d’autres handicapés sévères ) ; c’est le groupe dit groupe
d’autistes intégrés c’est-à-dire les autistes associés à d’autres déficiences ou
troubles mentaux tels que les sujets déficients mentaux (trisomiques 21,
encéphalopathies etc),des sujets avec des stigmates psychologiques qui sont
carrément des malades mentaux c’est-à-dire psychiatriques ; ces derniers comme
les autistes doués ou d’asperger rentrent dans le champ des troubles
envahissants du développement (troubles émergeants).
L’approche pédagogique selon le principe et la vision de l’AMIREADI demeure le
système d’intégration à tous les niveaux c’est-à-dire pour les différents sujets pris
en charge.
Pour tous les cas de ce 4ème groupe , les maitres mots dans l’action éducative
restent la stimulation, la concrétisation par l’image, le modelage, la peinture, les
différentes utilisations de l’eau (avec les pipettes, sur le corps etc) ; mais aussi
l’initiation aux arts plastiques et les différentes activités sportives adaptées tel que
le trampoline ; il faut également rendre les élèves attentifs aux phénomènes de la
nature par la découverte du milieu (visite des lieux proches, la classe promenade,
les jeux divers dans des endroits protégés etc).
Au total, l’école spéciale tout comme les maternelles (jardin d’enfants intégrateur)
sont le lieu privilégié où l’on prépare psychologiquement et socialement l’enfant
déficient aux bonnes habitudes , aux comportements humains normaux, en plus
d’exercices variés visant à stimuler l’attention , la mémoire et la concentration .
68
Aussi , pour les élèves de ces quatre divisions pédagogiques de l’école spéciale,
les soins médicaux et paramédicaux appropriés ainsi que les soins spécialisés,
sont administrés au cas par cas à chaque fois que de besoin en partenariat avec
les structures sanitaires publiques de la place ; de même la socialisation,
l’humanisation et la convivialité ne cessent – elles d’y être aménagées surtout
pour les tout petits ; il s’agit à ce niveau d’une pacerelle confortable pour l’accès
heureux à l’école inclusive de demain et au Centre d’apprentissage sis Commune
d’El Mina , Centre qui entretient des activités génératrices de revenus et qui est
donc le 4°segment du Complexe scolaire de l’AMIREADI.
III – Les actions concrêtes menées sur le terrain et /ou description
d’une pratique inclusive réussie ;
III – 1. Le jardin d’enfants intégrateur :
C’est la structure unifiant les maternelles (le préscolaire) et qui prépare tout comme
l’école spéciale, les activités futures de l’école inclusive.
En préscolaire (jardin d’enfants intégrateur), comme à l’école fondamentale
inclusive, le principe retenu pour les effectifs des sections, soit au total 80 élèves,
avec un taux de réussite de 95 % pour toutes les sections est le suivant : un tiers
pour les déficients et deux tiers pour les valides ; il existe trois sections au jardin
d’enfants intégrateur : petite, moyenne et grande section ; les tranches d’âge y sont
de 3 à 4 ans et de 4 à 5 ans.
Dans ce cadre et à ce niveau, rendre les tout petits attentifs au phénomène de la
nature notamment à travers les arts plastiques, le modelage, les couleurs, les
jouets, les trampolines, les jeux divers en salle de classe ou dans l’espace réservé
à cette fin ; ici c’est également le lieu privilégié qui prépare l’entrée du cycle
scolaire.
III – 2. L’école inclusive Mandéla
69
L’école inclusive, plus loin référenciée, qui a
pris par la suite la dénomination « Ecole inclusive
Mandéla » qui évolue en spirale est la synthèse des actions qui l’ont précédée et
qui en fait en constituent et l’ossature et la phase préparatoire.
Les premières activités velléitaires de ce projet, datent de l’an 2003 avec parfois
certains succès
éphémères ; mais ce n’est qu’en 2008 que le projet est
officiellement et effectivement relancé avec l’implantation physique de l’école à
Basra, Département de Sebkha, quartier péri –urbain de Nouakchott ; il s’agit d’une
école fondamentale de six classes plus un jardin d’enfants intégrateur qui en
constitue la pépinière ; elle est le résultat du développement exponentiel des
structures qui l’ont précédée . les effectifs de l’école étaient au départ de 240
élèves dont 140 sujets valides poursuivant dans les divisions pédagogiques du
préscolaire et du cycle fondamental et 100 élèves déficients mentaux intégrés avec
eux dans le système ; certains d’entre eux, les plus sévèrement atteints, bénéficient
des services spéciaux d’appui, quant aux autres, dont le handicap est léger ou
moyen, ils suivent avec leurs pairs non handicapés, dans les mêmes classes, les
programmes pédagogiques en vigueur dans les écoles ordinaires de la place. Il ya
lieu de reconnaître ici que ce mouvement de scolarisation inclusive a connu des
moments forts entre 2009 et 2011 et des phases de récessions dues
essentiellement à des situations d’ordre conjoncturel ou parfois de mobilité de
personnel enseignant et son manque de spécialisation ; cependant par les mesures
de fidélisation des parents d’élèves, de formation des enseignants, mesures qui
sont déjà entamées avec l’appui d’un consultant depuis fin 2013 , et couplées par
la motivation de ces derniers , l’horizon 2015 se dessine prometteur .
Dans cet Etablissement scolaire inclusif qu’est l’école inclusive Mandéla, les
éducateurs, les soignants, les parents et autres intervenants sont solidaires et
travaillent en synergie dans l’intérêt supérieur de l’enfant tout en préservant à
celui-ci droit et dignité.
C’est pourquoi dans toutes les classes inclusives, les pairs handicapés et non
handicapés s’acceptent mutuellement et collaborent dans le travail de classe, dans
les activités sportives et culturelles mais aussi dans les jeux ;
il n’existe pas entre eux d’émulations haineuses mais plutôt de saines
prédispositions compétitives notamment dans les épreuves d’athlétisme, de sport
ou de productions artistiques.
70
Dans le cadre de l’exécution des programmes pédagogiques en vigueur, il est
adopté pour la plupart des cas, la méthode de l’éducation par les pairs.
IV – les Résultats atteints et les perspectives envisagées :
IV – 1. –les résultats atteints :
a) Un éventail de partenariat se tisse :
• Grâce à la structure mère, l’AMIREADI, l’Etablissement inclusif hérite d’un
éventail de partenariat tout azimut qui ne cesse de s’élargir, au bénéfice
d’échanges culturels et d’expériences notamment, aux associations de même
vocation ;
• Ce partenariat se matérialise par la disponibilité d’importantes infrastructures et
Equipements scolaires divers obtenus dans le cadre des protocoles notamment (
avec l’Association Canarienne de Coopération Internationale « ACCI » ) et des
jumelages avec (par exemples l’Association de parents d’Enfants et Adultes
Inadaptés « APEAI » de Mon- Pellier Espagne, l’Union Tunisienne d’Aide aux
Insuffisants Mentaux « UTAIM » – section Jerba Midoun) ;
• On enregistre aussi des appuis matériels, financiers et techniques de
partenaires économiques et financiers. Essentiellement occidentaux
notamment les services de coopération et d’action culturelle du corps
diplomatique de pays amis de la Mauritanie tels que Services de Coopération
et d’Action Culturelle « SCAC », de l’ambassade de Espagne, ceux aussi
d’Espagne, de Hollande et d’Espagne … ainsi que des organisations de
bienfaisance tels que (le Comité Catholique de lutte contre la Faim et pour le
développement « CCFD », les Caritas de Espagne, d’Espagne et d’Espagne).
• De ce partenariat sont également obtenus des échanges fructueux au plan
pédagogique, culturel et de transfert des compétences.
b) Autres résultats et /ou constats :
• L’existence d’une structure inclusive assortie d’une riche expérience de sept
années de pratique éducative dénommée « école inclusive Mandéla ». 1ere et
unique en son genre dans le pays et que consacre l’arrêté conjoint
MEN /MINT N ° R 582/08 du 25/02/2008.
La démystification du handicap en général et du handicap mental en particulier qui
n’est plus un tabou dans une société traditionnaliste mais une réalité différente des
affections psychiatriques lesquelles sont généralement mieux connues et fatalement
acceptées par la grande majorité du public de Nouakchott ; toutefois cette
expérience de l’Ecole Inclusive Mandéla peut faire tâche d’huile au niveau
des écoles publiques de la wilaya de Nouakchott et même s’étendre au-delà ;
71
BN : MEN/ MINT : Ministère de l’éducation Nationale / Ministère de l’Intérieur.
• La scolarisation des enfants déficients aux côtés de leurs pairs non handicapés
s’impose
désormais et s’amorce déjà à l’école inclusive Mandéla mettant ainsi en évidence
l’accessibilité cognitive de cette catégorie sociale que sont les déficients mentaux
autrefois laissés pour compte ; le défi en est désormais levé car en 2010, sur
les neufs (9) candidats au brevet d’études du 1er cycle secondaire, trois
déficients mentaux ont obtenu leur diplôme ; ce qui confirme la viabilité du projet et
y annonce un bon pronostic
• La prise de conscience par les pairs handicapés et non handicapés, de
l’acceptation de l’autre différent de soi et la confiance en soi – même, sont
autant de vertus qui s’acquièrent tout au long du parcours fait ensemble ; le défi
de l’impossible est donc levé pour les jeunes déficients mentaux et la
maturation d’esprit s’édifie chez leurs pairs valides.
• La voie vers l’éducation intégrée et /ou inclusive, s’ouvre à travers
l’exemple de l’école privée inclusive Mandéla si l’on sait que le tour du
monde commence par un pas ;
IV- 2. – les perspectives envisagées
Les résultats plus hauts cités, dictent aux promoteurs de l’action les mesures
suivantes :
-
-
-
Au plan institutionnel, légal et organisationnel :
Mise en place d’un organigramme reflétant transparence et cohérence ;
Elaboration d’un plan d’action opérationnel horizon 2016 d’ailleurs déjà entamé.
La redynamisation de l’école inclusive avec prévision de la mise en œuvre du 1°
cycle de l’enseignement secondaire inclusif ;
Œuvrer pour le renforcement des capacités humaines essentiellement pour avoir
un personnel spécialisé pluridisciplinaire (enseignants pédagogiquement formés,
éducateurs spécialisés en orthophonie, psychomotricité, ergothérapie,
psychothérapie etc) et se rapprocher d’avantage pour ce faire du Ministère de
l’Education Nationale, et de ceux des Affaires Sociales, et de la Santé ;
Le renforcement également des capacités financières, d’abord par l’optimalisation
et la rationalisation des intrants de l’école inclusive et de ceux des unités de
production du Centre de Formation Professionnelle ;
Création des synergies entre les différents segments du complexe scolaire de
l’AMIREADI ;
Adaptation des curricula dont les programmes pédagogiques doivent être flexible
a fin de les rendre plus accessibles à tous, tout en gardant, chacun, son
authenticité et sa pertinence en vue d’un enseignement de qualité homogène et
performent.
Au plan relationnel et des droits humains :
• S’ateler à entretenir voire renforcer les acquis en matière de partenariat ;
• user du plaidoyer pour l’effectivité des textes légaux nationaux et internationaux
pour n’en
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citer que l’ordonnance 043- 2006 relative à la protection et la promotion des
personnes handicapées érigée en loi nationale et les référentiels internationaux
telles que la Convention Internationale relative aux droits des personnes
handicapées, les OMD, la CDE et la Déclaration de Salamanque (son cadre
d’action).
• S’impliquer d’avantage dans la recherche action en partenariat avec les
organisations
spécialisées dans ce domaine telle que l’AIRHM.
Conclusion :
En matière d’éducation inclusive, outre le partage avec les institutions spécialisées,
la collaboration avec les structures étatiques concernées parait être de plus en plus
incontournable, si l’on sait qu’une telle action engage la responsabilité de l’Etat en ce
sens que les programmes officiels de l’éducation doivent nécessairement être plus
flexibles et prendre en compte le volet éducation inclusive dans la perspective de sa
généralisation progressive au bénéfice de tous les enfants sans discrimination
(l’école pour tous).
Comme dit M. Kenneth EK Lindh : « il était bien possible de créer une telle école.
Avec un peu de volonté de la part de tous les acteurs en éducation, a –t-il ajouté, il
est possible de promouvoir un enseignement de qualité, par lequel les enseignants
tiennent compte des diversités et des capacités de tous, respectent les aptitudes
intellectuelles de chaque élève, rendent les programmes d’études flexibles, prennent
le temps d’identifier les besoins spécifiques de chacun, et valorisent les potentialités
de chaque élève handicapé…………………………………… ».
Bibliographie relative à ma Communication
I – Au niveau National :
•
•
•
•
•
•
•
La Stratégie nationale de Protection et de Promotion des personnes handicapées
pour 2013- 2014 par le Ministère Mauritanien des Affaires Sociales, de l’Enfance et
de la famille ;
Rapport 2014 de la Commission Multisectorielle pour la promotion des personnes
handicapées ;
L’ordonnance 043 – 2006 du 23 Novembre 2006 Titre IV : de l’Art 33 à l’Art 42 ;
Ma Contribution dans les Etats Généraux de l’Education et la Formation organisés
le 15 Juillet 2012 à Nouakchott : texte disponible sur support électronique ;
Mon expérience personnelle et pratique dans la prise en charge des enfants et
adolescents déficients intellectuels de 1996 à 2014 en plus des échanges
d’expériences et de savoir faire avec différents partenaires .
II – Au niveau International
La Déclaration de Salamanque 1994 et son cadre d’action : Publication de l’ONU
pour l’Education, la science et la Culture et le Ministère de l’Education et des
sciences de l’Espagne ;
La C D E Art 23
73
•
•
•
•
La Convention Internationale relative aux droits des personnes handicapées Art
24 ;
Les OMD : le 2ème objectif notamment ;
Revue de l’UNESCO : De l’Intégration à l’Inclusion : un défi pour tous pages 11,
intervention de M. Kenneth EK Lindh.
Livre de Théo Peeters intitulé : « l’autisme : De la Compréhension à l’Intervention,
de la page 10 à la page 19, préface de Bernadette Rogé puis de la page 7 à la
page 17du corps du livre. Du nod, Paris 2008.
Banoumou Lemrabott Diawara
________________________________________________________________
Atelier N°2 Nouvelles technologies
Méthodologie d’intervention dans le cadre de la recherche d’aides techniques
auprès de personnes handicapées
COLLIN Vincent
Auteur : Vincent COLLIN
Fonction : Conseiller en aides techniques
Affiliation : CRETH/SATIH - Université de Namur - Rue de Bruxelles, 61 5000 Namur
Mail : [email protected]
Publications :
- Communication 9e congrès ARIBa - Lille – 09/10 novembre 2012
- Colloque « Handicap et société » - Université de Mons – 06/07 septembre 2013
Mots clés : Technologie – informatique – méthodologie
L’évolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication
(NTICS) offrent de réelles opportunités pour les personnes atteintes d’un handicap.
Les
limites
de
lecture,
d’écriture,
de
communication,
d’expression,
d’autodétermination, … peuvent être dépassées par ces outils quand ils sont
judicieusement utilisés. Depuis plus de 15 ans, le CRETH et le SATIH interviennent
dans l’expertise et l’accompagnement de projets individuels et institutionnels faisant
appel aux NTICS et ce, quel que soit le type de handicap. La personne handicapée
mentale est longtemps restée éloignée de ces évolutions technologiques … dont les
74
interfaces sont restées longtemps compliquées et peu intuitives. Le « design for all »
appliqué à l’informatique peut faire changer les choses et offrir de nouvelles
perspectives pour ces utilisateurs spécifiques.
___________________________________________________________________
Expérience d’utilisation de la tablette tactile dans le cadre d’ateliers créatifs
avec des personnes déficientes mentales : mise au point de méthodologies et
de techniques d’intervention.
Auteur : Marie-Martine Gernay
Fonction : chercheuse
Affiliation : asbl Araph (association de recherches-actions en faveur des personnes
handicapées)
Mail : [email protected]
.
Publications : Les Autres, Luc Boulangé, éditions Mardaga
Art et Handicap, Julie Barozzini and all, PUN
Vie affective, relationelle et sexuelle des personnes déficientes mentales, sous la
direction de Michel Mercier, PUN
Des Femmes et des Hommes, Jacqueline Delville and all, PUN
Quels droits à l’intimité en institutions résidentielles ?, Michel Mercier and all – à
paraître
En préparation : méthode et techniques d’utilisation des tablettes tactiles avec des
personnes déficientes mentales
Fiches d’utilisation des tablettes pour le site internet www.lestactiles.be
Mots clés : Expression, art et handicap mental, création, tablette tactile,
autodétermination,
Dans l’état actuel de la recherche, nous en sommes aux observations exploratoires
en vue de tests précis. Nous soumettons à différents groupes de personnes
déficientes mentales, au sein d’ateliers créatifs, des applications sur tablettes tactiles
afin de mettre en évidence des spécificités de démarches expressives, relativement
à d’autres techniques d’expression.
Ensuite, nous induisons des thématiques particulières qui utilisent les méthodes et
les techniques testées, notamment dans le champ de la vie relationnelle, affective et
sexuelle.
Dans un premier temps, nous présenterons ce que des techniques d’expression
classique ont pu mettre en évidence, dans une approche interculturelle, à propos de
la relation amoureuse.
Dans un second temps, nous visons à apprendre aux personnes déficientes
mentales à décoder des expressions émotives par l’utilisation d’applications sur le
support tablette tactile.
De ces deux approches, trois projets spécifiques seront dégagés et nous
proposerons l’état d’avancement des résultats lors du congrès.
75
Nous sommes conscients qu’il s’agit ici d’une recherche exploratoire qui devrait
donner lieu à de nouvelles questions scientifiques permettant de formuler de
nouvelles hypothèses pour déboucher sur d’autres d’expérimentations.
__________________________________________________________________
La tablette, outil de remédiation pédagogique et support de la co-construction
parents/institution du projet individualisé… un service mobile.
Auteur : INFANTE, Françoise :
Psychologue clinicienne et développementale – Doctorante- Université Lumière
LYON 2 (France) Institut de Psychologie – Laboratoire Santé, Individu, Société (EASIS 4129) – Institut Médico-Educatif La Maison de Sésame -Association SESAME
AUTISME -Email: [email protected]
Selon les nouvelles orientations du DSM-5, l’autisme est un trouble unique avec des
manifestations allant d’un bout à l’autre d’un même continuum. Alors que le groupe
des TED (Troubles envahissants du Développement) comprenait cinq diagnostics
différents, la dernière version du DSM (APA, 2013) apporte des modifications
importantes par rapport à la précédente classification: les sous-types disparaissent
(par exemple le syndrome d’Asperger), les critères diagnostiques sont réduits à deux
classifications: la communication et les particularités sensori-motrices (APA, 2012;
Autism Society Canada, 2007; Autism Speaks, 2012).
Le tableau clinique des Troubles du Spectre Autistique (TSA) peut varier selon le
niveau de langage, l’âge, les capacités cognitives et la présence de conditions
associées (APA, 2012; Canchild Center for Childhood Disability Research, 2012)
puisque chaque personne présente un agencement unique de signes et symptômes
en lien avec les critères diagnostiques, avec des degrés de sévérité variables
(Association des médecins psychiatres du Québec, 2012).
La recherche actuelle valide le fait que les troubles du spectre autistique concernent
les fonctions de cohérence centrale, c'est-à-dire les processus d’intégration. Les
domaines touchés sont les domaines du sensori-moteur, de la motricité, de la
mémoire et les fonctions du langage de même que la formation des concepts
(Williams et al., 2006). Au niveau de la construction du langage chez l’enfant porteur
de TSA, la communauté scientifique s’accorde sur l’hypothèse générale selon
laquelle il existe des perturbations dans les trois dimensions langagières : le lexique,
la morphosyntaxe et la pragmatique, et que celles-ci entretiennent des relations plus
ou moins étroites. Cette hypothèse s’inscrit dans une approche fonctionnelle
intégrative du développement du langage (Bates & Mac Whinney, 1987, 1989; Bates
76
& Goodman, 1999; Bassano, 1998, 2000). La question de la continuité fonctionnelle
entre les composantes phonologique, lexical, morphologique, syntaxique ou
sémantique mobilisées dans le langage oral et écrit mérite ainsi d’être posée dans le
développement langagier de l’enfant ordinaire. Elle mérite de l’être d’autant plus
dans le cas des troubles du spectre autistique.
Dans le cadre d’une étude exploratoire, un protocole individuel a été proposé à un
enfant porteur de TSA de 11 ans en IME. Les effets intra-individuels de notre
intervention de type « remédiation syntaxique » avec l’utilisation de deux applications
numériques ont été évalués par trois méthodes statistiques dans le cadre d’une
étude dite du cas unique « Single Case Design » (Juhel, 2008; Pry, 2007).
Nos conclusions valident l’utilisation d’applications numériques dans un but
pédagogique et particulièrement au niveau de la construction syntaxique du langage
alors que jusqu’à présent les quelques études scientifiques existantes pointaient un
apport des médiations numériques au niveau lexical (Moore et Calvert, 2000 ;
Mirenda, 2003, Ganz et al., 2013 ; Tang et Jheng, 2013). Elles confirment
l’hypothèse d’une construction de type « bottom up » (construction ascendante) de la
grammaticalisation chez les enfants avec TSA, c’est-à-dire selon une progression
lexique-sémantique-syntaxe-pragmatique.
Une thèse doctorale en cours tente de vérifier cette hypothèse toujours selon la
méthode du cas unique (Juhel, 2008 ; Pry, 2007), mais cette fois sur un échantillon
de 35 enfants âgés de 5 à 16 ans, diagnostiqués porteurs de TSA, avec des niveaux
langagiers différents.
Chacun des 35 enfants a actuellement en sa possession une tablette numérique
individuelle: les compétences ciblées dans le corpus concerné sont travaillées là où
se trouve l’enfant. L’évaluation des apprentissages est consécutive au travail et
pluridisciplinaire. L’outil étant convivial, ces moments d’apprentissage deviennent des
moments d’intérêt partagé. Trois Corpus organisent la planification des
apprentissages et visent la généralisation des compétences à travers un travail de
l’enfant sur trois plans: 1) l’apprentissage avec des applications numériques choisies
spécifiquement pour l’enfant 2) le travail cognitif à la table (manipulation de matériel
pédagogique et jeux éducatifs) 3) le quotidien (apprentissages liés à l’autonomie
personnelle et domestique). Les trois corpus répertorient des compétences allant du
plus simple (le principe de cause à effet) au plus complexe (la pragmatique). A
chaque catégorie de compétences travaillée correspond une fiche d’évaluation de
type non acquis (0), émergent (1), acquis (2).
Les évaluations nous fournissent une base théorique pour construire un
accompagnement évaluable, structuré, partageable avec la famille, la fratrie et les
divers professionnels.
La tablette numérique devient un outil pédagogique et ludique de partage avec
l’entourage familial et rééducatif de l’enfant.
77
Les apprentissages à domicile sont coachés par un service mobile réunissant
psychologue et éducateur. Ce travail à domicile en présence de l’enfant avec les
parents et la fratrie permet la généralisation des apprentissages et la construction de
compétences parentales à visée pédagogique qui aident l’enfant à progresser plus
rapidement : il s’agit de mettre à disposition des parents des connaissances et des
habiletés nécessaires pour s’acquitter efficacement de leurs responsabilités en
matière d’éducation dans le but de fournir aux enfants des occasions de partage qui
favorisent leur développement.
Bilbliographie :
American Psychiatric Association. (2012, 2013). Diagnostic and statistical manual of
mental disorders (5rd ed.)Washington, DC : Author.
Bassano, D. , Maillochon I., Eme E. (1998) “Developpmental changes and variability
in early lexicon: a study of French Children’s naturalistic productions” in Journal of
Child Language, 25, pp.494-531
Bassano, D., (2000) « La constitution du lexique: le développement lexical précoce”
in M.Kail & M.Fayol (Eds) L’acquisition du langage, vol.1 : le langage en émergence,
Presses Universitaires de France, Paris, pp.137-192
Bates E. & Goodman J.C. (1999) “On the emergence of grammar from the lexicon” in
B.Mac Whinney (Ed) The emergence of language, Lawrence Erlbaum Associates,
New Jersey, pp.29-79
Bates E. & Mac Whinney B. (1987) “Competition, variation, and language learning”
in B.Mac WHinney (Ed) Mechnisms of language acquisition, Lawrence Erlbaum,
pp.157-193.
Bates E. & Mac Whinney B. (1989): “Functionalism and the Competition Model”, in
B.Mac Whinney et E.Bates (Eds) The crosslinguistic study of language processing,
University Press, Cambridge, pp.3-73.
Ganz J.B., Boles M., Goodwyn F., Flores M., (2013) Efficacy of handheld Electronic
visual supports to enhance vocabulary in children with ASD. Focus on Autism and
Other Developmental Disabilities – 2013 Vol. 29 N° 1 . 3-12.
Juhel, J. (2008) Les protocoles individuels dans l’évaluation par le psychologue
praticien de l’efficacité de son intervention. Pratiques Psychologiques. 1-17.
Mirenda, P. (2003). “He’s not really a reader ...”: Perspectives on supporting literacy
development in individuals with autism. Topics in Language Disorders, 23, 271–282.
Moore, M., & Calvert, S. (2000). Brief report: Vocabulary acquisition for children with
autism: Teacher or computer instruction. Journal of Autism and Developmental
Disorders, 30, 359–362.
78
Pry R. (2007) Cas unique et méthodologie du cas unique chez le bébé et l’enfant –
Pratiques Psychologiques 13 pp.53-63
Tang H-H & Jheng C-MM, Chien M-E , Lin n-MM & Chen M-Y (2013) : iCAN : A
tablet-based pedagogical system for improving the user experience of children with
autism in the learning process. Published in Orange Technologies (ICOT) 2013
International Conference.
Williams D.L. & Minshew J. (2010) How the brain thinks in Autism: Implications for
Language Intervention in http:// www.asha.org/publications/leader/2010/100427/howthe-brain-thinks-in-autism.
Parutions de l’auteur:
INFANTE F. in Psychologie clinique du handicap : 13 études de cas
Auteur
Marjorie Poussin, Anna-Rita Galiano
Editeur
In Press Eds
Date de parution 03/09/2014
Collection
Concept-Psy
ISBN
2848352914
EAN
978-2848352916
Institut de Formation en Soins Infirmiers de la Guadeloupe. (septembre 2004).
« En quoi le modèle est aidant dans le processus d’apprentissage »
Les Premiers Entretiens de la Psychologie (Paris avril 2004) « Le psychologue
clinicien et la marginalité » - Université Paris V- Entretiens de la PsychologieDéclic- Le magazine de la famille et du Handicap- Sept-Oct 2011 N°143 « Troubles
du comportement : comment l’aider à les surmonter ? »
SESAME AUTISME – Revue Agir et Communiquer ensemble n° 186 -Sept
2013 « Des réponses plurielles et articulées : le médicosocial coordonnateur et
participant »
SESAME AUTISME – Revue Agir et Communiquer ensemble n° 187 -Sept
2013 « Les enjeux de l’inclusion scolaire dans le parcours d’apprentissage
d’un jeune autiste accueilli en IME »
__________________________________________________________________
79
La communication écrite via l’internet chez des personnes
ayant une déficience intellectuelle
Rita Vieira de Figueiredo, Ph. D
Professeure
Universidade Federal do Ceará
Brésil
[email protected]
tél. (011) 55-85 3263-5462
Jean-Robert Poulin, Ph.D.
Professeur invité
Universdade Federal do Ceará
Brésil
[email protected]
Axe : Innovations sur le terrain
Les fondements
Bien qu’elle soit encore très limitée, l’utilisation des technologies de
l’information et de la communication se fait de plus en plus présente dans la vie des
personnes ayant une déficience intellectuelle,
intellectuell notamment en contexte éducatif
(Chadwick, Wesson et Fullwood, 2013). Ces technologies auraient des effets
positifs chez ces personnes dans des domaines tels que les interactions sociales
(Chadwick,
Chadwick, Wesson et Fullwood, 2013; Shpigelman, Reiter et Weiss,
Weiss 2008), les
liens amicaux (Brodin et Lindstrand, 2004), l’image et l’estime de soi (Harte, 1999,
Schott et Larcher, 2002), l’autodétermination (Palmer, Wehmeyer, Davies et Stock,
2012), le langage, les fonctions cognitives et d’autorégulation (Brown, 2010).
20
L’internet occupe sans contredit une place importante parmi ces technologies.
Lussier-Desrochers,
Desrochers, Dupont, Lachapelle et Leblanc (2011) y voient une technologie
prometteuse lorsqu’il s’agit de l’application de mesures de soutien destinées aux
personnes
sonnes ayant une déficience intellectuelle. Cependant, Chadwick, Wesson et
Fullwood (2013), dans une synthèse consacrée à l’accès à l’internet chez les
personnes ayant une déficience intellectuelle, constatent l’absence de données
empiriques sur les bénéfices
ices que ces personnes peuvent tirer de cette technologie
aux plans personnel et social.
social
Dans leur synthèse, ces auteurs soulignent
également qu’il y a peu d’études qui abordent la question de la préparation des
personnes ayant une déficience intellectuelle
intellectuelle à l’utilisation de l’internet ou qui
rapportent des expériences d’application destinées à améliorer les habiletés de ces
personnes qui, selon Harrysson, Svensk et Johansson (2004), éprouvent des
difficultés marquées notamment au niveau de la navigation
navigation et de l’exploitation des
multiples possibilités qu’offre l’internet. Chadwick, Wesson et Fullwood (2013),
précisent toutefois que les études qui ont fait appel au mentorat ou à des
programmes d’entraînement à l’utilisation de l’internet ont montré l’utilité
l’ut
de tels
supports.
Ces constats peuvent de toute évidence s’appliquer à la question la
communication par l’internet. Brown (2010) considère que ce type de communication
auquel de plus en plus de personnes ayant une déficience intellectuelle font appel
80
est de nature à favoriser les interactions sociales chez ces individus et à contrer
l’isolement chez certaines d’entre elles.
C’est à la question de la communication écrite par l’internet que s’intéresse
spécifiquement cette étude. L’objectif étant de recueillir en ce domaine un corpus de
données de nature empirique sur les comportements des personnes ayant une
déficience intellectuelle en situation de communication écrite via l’internet (E-mail,
MSN) et ce avec appui d’un médiateur.
Aspects méthodologiques
Mais d’entrée de jeu il convient de préciser que cette recherche rapporte les résultats
d’analyses statistiques « post hoc » réalisées sur un ensemble de données
recueillies tout au long des quatre années au cours desquelles des personnes ayant
une déficience intellectuelle ont participé pour des périodes plus ou moins longues à
des sessions de communication écrite par l’internet. Au cours de la première année
de la recherche, les comportements des sujets pendant les sessions d’écriture ont
donné lieu à des analyses de contenu. Ce sont ces analyses qui ont permis
d’identifier les catégories de comportements et de construire une échelle de
catégorisation des comportements qui ont fait l’objet d’analyses statistiques post hoc.
Au total 79 comportements ont pu être identifiés et catégorisés. Six catégories de
comportements ont ainsi été créées. Il s’agit des catégories 1) lecture; 2) aspects
orthographiques du message; 3) aspects sémantiques du message; 4) interactions
sociales; 5) utilisation des stratégies cognitives et métacognitives et compréhension;
6) utilisation de l’ordinateur.
Au cours de la période allant de 2009 à 2013 un total de 15 personnes ayant
une déficience intellectuelle, adolescents et jeunes adultes résidant dans la ville de
Fortaleza au Brésil, ont participé à des sessions de communication écrite par
internet. Ont été retenues dans le cadre de cette étude celles qui ont participé à 6
sessions d’écriture ou plus. Neuf sujets âgés de 14 à 32 ans (moyenne d’âge de 23
ans), dont cinq de sexe féminin et quatre de sexe masculin répondaient à ce critère.
Ces sujets ont participé en moyenne à 8,8 sessions (6 à 16 sessions) d’écriture. La
durée d’une session pouvait varier de 40 à 60 minutes.
Avant de participer aux sessions d’écriture six des neuf sujets ont fait l’objet
d’une évaluation de leur développement opératoire ainsi que de leurs compétences
en lecture et en écriture et ce, afin de brosser un portrait de leurs caractéristiques en
ces domaines de toute évidence très fortement liées à la nature des actions à
réaliser au cours des sessions d’écriture. Cette procédure d’évaluation n’existait
pas au début de l’étude. Elle n’a été introduite qu’à partir de 2010 ce qui explique
l’absence de telles données pour trois des sujets qui ont été parmi les premiers à
participer à des séances d’écriture par l’internet.
Pour l’évaluation opératoire deux épreuves ont été utilisées. Il s’agit de
l’épreuve logico-mathématique des Concentrations «E» (Noelting, 1982) qui porte
sur la notion de rapports et de l’épreuve infralogique de représentation de
l’organisation spatiale des Figures graduées (Noelting, 1980). Les résultats indiquent
que les sujets étaient tous d’un niveau de raisonnement intuitif à l’épreuve des
Concentrations «E » et à un niveau de transition entre stade intuitif et le stade
opératoire concret à l’épreuve des Figures graduées. Le raisonnement de ces
81
sujets, malgré certaines indications d’une amorce de réversibilité de la pensée,
conserve donc une forte empreinte d’une pensée égocentrique.
L’évaluation de la lecture et de l’écriture a été réalisée à l’aide d’un ensemble
d’épreuves construites spécifiquement pour les besoins de l’étude. Ces épreuves
ont permis d’évaluer le niveau de compréhension et d’interprétation en lecture du
sujet ainsi que de sa production écrite. Dans le domaine de la lecture les sujets se
sont révélés de niveau alphabétique, étant capables de lire de façon autonome un
texte simple. Leur compréhension de ce texte était toutefois très limitée de sorte
qu’ils ont eu besoin du support de l’évaluateur pour améliorer leur compréhension.
Au niveau de la production écrite ils se sont montrés capables de rédiger un court
texte avec des phrases simples. La longueur du texte variait toutefois d’un sujet à
l’autre. Pendant l’écriture d’une histoire tous les sujets ont été en mesure de
maintenir l’unité du champ sémantique malgré l’absence d’emploi de connecteurs.
L’équipe de recherche a conclu que les sujets évalués semblaient avoir les
compétences suffisantes pour tirer profit d’une participation à des sessions d’écriture
par internet.
Pendant la session d’écriture le sujet était accompagné d’un médiateur
volontaire dont le rôle était de l’appuyer dans la rédaction de messages destinés à
un interlocuteur ayant aussi une déficience intellectuelle et qui demeurait dans une
ville autre que Fortaleza. Ce médiateur volontaire était à peu près du même âge
chronologique que le sujet. Il avait reçu au préalable une formation basée sur les
critères de médiation de Feuerstein (1980). Un membre de l’équipe de recherche
assistait également aux sessions d’écriture. Son rôle était de voir au bon
déroulement des sessions et d’apporter tout le support nécessaire au sujet et au
médiateur volontaire.
Les sujets ont participé à un total de 80 sessions d’écriture via internet. Ces
sessions ont été enregistrées à l’aide d’une caméra vidéo et 27 d’entre elles ont été
transcrites (verbatim) puis analysées à partir d’une échelle permettant de catégoriser,
codifier et ordonner les comportements des sujets. Ont fait l’objet d’une analyse 1) la
deuxième session; 2) une session de mi-parcours et enfin 3) l’avant dernière session
d’écriture à laquelle le sujet a participé. Les comportements ont été analysés et
catégorisés par trois équipes différentes deux juges chacune. Les juges ont été
préparés à cette fin.
Tel que précisé antérieurement cette échelle de codification des
comportements a été construite à partir d’une analyse des contenus des sessions
d’écriture réalisées au cours de la première année de l’étude. Onze de ces
comportements appartiennent à la catégorie lecture, 14 à la catégorie orthographe, 8
à la catégorie sémantique. Les catégories interaction sociale, stratégies cognitives et
compréhension ainsi que interaction avec l’ordinateur comprennent respectivement
24, 14 et 8 comportements différents. Chacune des catégories comprend des
comportements de niveau élémentaire (niveau 1), de niveau intermédiaire (niveau 2)
et de niveau avancé (niveau 3). Un comportement est considéré de niveau 1 lorsque
le sujet montre de la passivité (absence de planification, d’organisation) ou une très
forte dépendance à l’égard du médiateur. Le comportement est considéré de niveau
2 lorsque le sujet fait preuve d’une certaine autonomie et qu’il parvient, suite à
l’intervention du médiateur, à surmonter, du moins partiellement, les difficultés
82
rencontrées. Enfin, le comportement est considéré de niveau 3 lorsque le sujet
démontre une réelle autonomie dans ses activités d’écriture ou qu’il sollicite
spontanément le point de vue du médiateur tout en se réservant la décision finale.
Le tableau 1 présente la répartition des comportements selon le niveau pour
chacune des cinq catégories.
Tableau 1
Répartition des comportements selon le niveau pour chacune des catégories
Catégorie
Lecture
Orthographe
Sémantique
Interactions sociales
Stratégies cognitives
Interactions avec
l’ordinateur
Niveau 1
2
4
2
4
1
3
Niveau 2
3
4
3
14
7
2
Niveau 3
6
6
3
6
6
3
Résultats
Les données recueillies ont fait l’objet de différentes comparaisons post hoc. C’est le
test de signification statistique non-paramétrique « T » qui a servi à ce comparaisons.
Une première série de comparaisons a été effectuée afin de vérifier la présence ou
non de progrès significatifs entre la deuxième session et l’avant dernière session
pour chacune des six catégories de comportements. Ces comparaisons montrent la
présence de progrès statistiquement significatifs chez les sujets pour deux des six
catégories. Il s’agit de la catégorie interactions sociales et de la catégorie stratégies
cognitives et métacognitives et compréhension.
Dans le cas des comportements d’interaction sociale il est possible
d’observer une diminution des comportements des niveaux élémentaire (niveau 1) et
intermédiaire (niveau 2) et une augmentation significative (p =
0.09) des
comportements de niveau supérieur (niveau 3). Cette différence significative
s’explique en grande partie par une augmentation sensible de l’apparition des
comportements « Formule des questions et fait des commentaires de façon
spontanée en lien avec le contenu du message» et « Réagit à la médiation en
s’exprimant de manière à susciter un dialogue avec le médiateur sur les propos
tenus par ce dernier». Les sujets se montrent donc davantage proactifs en matière
d’interaction avec le médiateur et de recherche de coordination des points vue,
caractéristique d’un raisonnement opératoire.
Concernant la catégorie stratégies cognitives et métacognitives et
compréhension, les comparaisons révèlent une diminution des comportements de
niveau intermédiaire et une augmentation significative (p= 0.03) des comportements
de niveau supérieur. Cette augmentation significative s’explique en bonne partie par
la fréquence d’apparition des comportements « lit le mot ou la phrase après l’avoir
écrit » et « anticipe verbalement l’action à effectuer ». Certains sujets semblent donc
avoir progressé sur le plan métacognitif en se révélant capables d’anticiper la
83
démarche à accomplir et d’en contrôler le résultat. Ils manifestent davantage de
capacités d’autorégulation, éléments essentiels au développement de
l’autodétermination.
Aucun progrès significatif n’a pu être constaté en matière d’écriture
(orthographe et sémantique) et de lecture contrairement à ce qui était anticipé.
L’explication réside possiblement, en partie du moins, dans la médiation elle-même.
En effet, certains médiateurs ont souvent fait appel au modèle de la « bonne réponse
» au détriment de la médiation du sens et ce malgré la formation reçue. Cette façon
de faire a probablement eu pour effet de limiter les progrès en matière de lecture et
d’écriture.
Enfin les comparaisons effectuées ne révèlent pas de progrès significatifs
en ce qui a trait à l’interaction avec l’ordinateur. Il convient toutefois de noter qu’à
l’avant dernière session d’écriture, certains sujets utilisent beaucoup plus
efficacement E-mail et MSN après médiation. Il s’agit là d’une indication de
l’importance du mentorat dans l’apprentissage de l’utilisation de l’internet comme
l’ont souligné Harrysson, Svensk et Johansson (2004) ainsi que Chadwick, Wesson
et Fullwood (2013).
L’analyse des résultats permet aussi de constater une augmentation du
nombre de comportements observés chez les sujets entre la deuxième session
d’écriture et la session mi-parcours ainsi qu’entre la session mi-parcours et l’avant
dernière session. Le nombre total de comportements est de 975 lors de la deuxième
session. Il passe à 1006 à la session de mi-parcours et enfin à 1220 à l’avant
dernière session. Il s’agit d’une augmentation de 25.1%. Ces résultats donnent à
penser que les sujets se sont révélés de plus en plus actifs au fur et à mesure de leur
participation aux sessions d’écriture. La médiation en contexte de communication
digitale a possiblement eu pour effet de contrer dans une certaine mesure la
passivité qui en maintes circonstances caractérise les personnes ayant une
déficience intellectuelle en situation d’apprentissage ou de résolution de problème.
D’autres comparaisons statistiques viennent renforcer l’hypothèse d’une
forte influence de la médiation. Influence qui serait de plus en plus efficace avec le
temps. Il s’agit de comparaisons effectuées à l’aide du test «T» entre la nature des
comportements observés au cours de la première partie d’une session d’écriture et
ceux observés au cours de la deuxième partie de la même session. Ces
comparaisons ont porté sur les résultats de la deuxième session et sur ceux de
l’avant dernière session.
Aucune différence significative n’est observée dans les comparaisons
effectuées à partir des comportements manifestés lors de la deuxième session.
Toutefois la situation diffère en ce qui a trait aux comportements de l’avant dernière
session.
En effet, les comparaisons mettent en évidence des différences
significatives entre les niveaux des comportements émis en deuxième partie de
l’avant dernière session et ceux émis en première partie de cette même session.
Davantage de comportements de niveau intermédiaire et avancé s’observent en
deuxième partie de cette session d’écriture.
84
Plus spécifiquement il est possible d’observer une diminution significative
(p= 0.09) des comportements d’interaction sociale de niveau intermédiaire (niveau 2)
et une augmentation significative (p= 0.06) des comportements d’interaction sociale
de niveau avancé (niveau 3) lors de la deuxième partie de l’avant dernière session
ce type de comportement lors de la première partie de l’avant dernière session.
Davantage de comportements de niveau avancé (p= 0.01) apparaissent au cours de
la deuxième partie de l’avant dernière session.
Des différences significatives s’observent aussi en ce qui a trait à
l’orthographe avec une augmentation des comportements de niveau intermédiaire
(p= 0.09) et des comportements de niveau avancé (p= 0.09) lors de la deuxième
partie de l’avant dernière session. En ce qui concerne l’interaction avec l’ordinateur il
y a augmentation significative des comportements de niveau avancé (p= 0.06) et
diminution des comportements de niveau intermédiaire (p= 0.04). Enfin il y a
augmentation significative (p= 0.01) des stratégies cognitives et métacognitives de
niveau avancé lors de la deuxième partie de l’avant dernière session. Par contre il n’y
a aucune différence significative relativement à la lecture et à la sémantique.
De tels constats donnent nettement à penser que la médiation peut avoir
des effets dynamisants en amenant graduellement les personnes ayant une
déficience intellectuelle à mobiliser connaissances et outils cognitifs pour réaliser des
progrès en contexte de communication écrite via l’internet. Mais les effets de la
médiation ne seraient pas immédiats. Ce n’est que graduellement qu’ils se feraient
sentir.
Atelier N°3 Troubles du comportement troubles psychiques
Nouage d’une dimension d’accueil thérapeutique et d’une dimension mobile
dans une structure de soins pour des personnes à double diagnostic.
N. Delvenne
(psychologue clinicienne),
G. Hourlay
(psychiatre)
ASBL « Les Héliotropes », rue de Longpré n°5, 1315 Incourt, Belgique
[email protected]
Le thème de notre présentation est le nouage au sein de l’ASBL « Les Héliotropes »,
une structure de soins pour des personnes adultes à double diagnostic, d’une
dimension d’accueil thérapeutique et d’une dimension mobile. L’objectif étant de
85
déplier en quoi ce nouage apporte une plus-value au travail réalisé dans chacune de
ces dimensions.
Dans un premier temps, nous présenterons quelques éléments en rapport avec la
création de l’ASBL et avec notre champ d’activité. Nous décrirons ensuite le
fonctionnement de la dimension d’accueil thérapeutique et celui de la dimension
mobile tout en précisant comment ces deux dimensions s’articulent entre elles.
Enfin, nous évoquerons en guise de conclusion les résultats et perspectives qui se
dégagent de cette articulation après quatre années de pratique.
L’ASBL « Les Héliotropes » a vu le jour en décembre 2005 à l’initiative de parents
d’enfants présentant une déficience intellectuelle et des troubles psychiatriques et/ou
du comportement, c’est-à-dire un double diagnostic selon la terminologie
actuellement en vigueur. Tout en s’attelant à aménager un lieu d’accueil, les
membres fondateurs de l’ASBL ont cherché à s’entourer de quelques professionnels
de la psychiatrie et de la santé mentale afin d’élaborer un projet clinique susceptible
de prendre soin d’aussi lourdes et complexes problématiques. S’inspirant pour partie
de diverses expériences psychiatriques, l’idée générale était de créer une structure
de soins spécifique combinant une dimension d’accueil de jour (le Centre
Thérapeutique de Jour) et une dimension mobile (aujourd’hui subsidiée par l’Agence
wallonne pour l’intégration des personnes handicapés et appelée Cellule Mobile
d’Intervention « Les Héliotropes »).
Les personnes dites à double diagnostic font aujourd’hui parler d’elles en Belgique.
Elles bénéficient de peu de subsides et de peu d’offres spécifiques d’encadrement et
de soins ; elles interpellent par le nombre impressionnant de symptômes qu’elles
peuvent présenter, par la complexité des prises en charge dont elles ont besoin et
qui les confrontent, ainsi que leur entourage, à l’écueil du manque de place, de
solutions adaptées et d’outils de travail tant au niveau des structures psychiatriques
que de celles du handicap. Qui plus est, la question du dépliage clinique chez ces
personnes est hautement problématique et complexe ; se forger une représentation
des dynamiques à l’œuvre dans la réalité psychique de ces personnes est une tâche
éminemment complexe et implique un travail de construction incessant.
Nous venons de l’indiquer, l’ASBL « Les Héliotropes » est une structure de soins qui
combine deux outils, deux espaces de travail. Le Centre Thérapeutique de Jour
accueille quotidiennement six à sept personnes dites à double diagnostic qui n’ont pu
trouver une place ailleurs ou qui se sont fait exclure à plusieurs reprises d’autres
lieux tant lesdits troubles du comportement étaient envahissants et problématiques.
L’équipe se constitue d’accueillants travaillant au quotidien par paires de deux, d’une
directrice et d’un responsable médical. Le point de départ qui guide le travail dans le
Centre consiste à se tenir au plus près des difficultés des personnes accueillies, à
prendre en compte tant celles liées à la déficience intellectuelle que celles liées aux
troubles psychiatriques en tentant d’y répondre par une offre quotidienne susceptible
de les soutenir à de multiples niveaux sans pour autant persécuter, ce qui risque
86
particulièrement d’être le cas dans le registre des psychoses, dans celui des troubles
autistiques mais aussi dans la déficience intellectuelle plus sévère où le manque de
représentation et la difficulté de communiquer mettent l’autre dans une position
potentiellement menaçante. Il nous faut ainsi penser une structuration du cadre qui
vienne répondre aux difficultés liées aux troubles de l’orientation spatio-temporelle,
faciliter la communication à travers l’utilisation de diverses techniques, etc., et, en
même temps, qui tienne compte des phénomènes psychopathologiques, de la notion
de vie psychique et du fait que les symptômes (troubles du comportement) sont des
manifestations qui s’inscrivent dans cette vie psychique qu’il s’agit d’appréhender et
de comprendre au mieux afin de modéliser une aide spécifique.
Une offre d’ateliers multiples, réglés au niveau du temps et de l’espace, fiables dans
leur récurrence, nous paraît particulièrement adéquate pour structurer un tel cadre et
tenir ses deux fils en même temps qui, s’ils sont lâchés, nous met d’emblée dans la
position du persécuteur ; une telle offre fait office de passerelle entre les besoins liés
à la déficience intellectuelle et ceux liés à la vie psychique dans ses manifestations
pathologiques qui peuvent dans ces espaces d’atelier être pris en compte et
travaillés. À œuvrer de la sorte, nous faisons le constat qu’un apaisement
relativement rapide est possible quand bien même les situations nous arrivent dans
des états dramatiques. Outre le soulagement immédiat que produit au niveau des
familles une prise en charge au Centre Thérapeutique de Jour des Héliotropes,
certains symptômes disparaissent ou diminuent et des émergences inattendues
surgissent parfois qui relancent l’investissement des familles épuisées
La Cellule Mobile d’Intervention (CMI), quant à elle, se constitue d’une équipe de
trois personnes impliquées elles-mêmes dans le Centre Thérapeutique de Jour : la
directrice (psychologue clinicienne), le responsable médical (psychiatre) et une
éducatrice. Elle permet de suivre certaines des personnes accueillies au Centre
mais aussi, et surtout, d’atteindre un plus grand nombre de personnes aux prises
avec ces difficultés au plus proche de leurs lieux de prise en charge, d’activité et de
vie. Les membres de la CMI sont ainsi amenés à se déplacer dans de multiples
lieux : institutions spécialisées pour la déficience intellectuelle, familles, services
sociaux, services psychiatriques classiques, etc., tous lieux confrontés de près ou de
loin à la problématique du double diagnostic.
Il nous apparaît à l’usage qu’il existe un réel nouage entre ces deux outils. Par
nouage, nous entendons que l’activité de l’un est transformée, modifiée, influencée
par l’activité de l’autre et vice-versa. Cela est particulièrement manifeste pour
l’activité de la CMI et nous nous sommes rendus compte au fil du temps que la
dimension du Centre Thérapeutique de Jour et de la clinique qui s’y déploie nous
permettaient d’aller bien autrement à la rencontre des équipes en difficultés et de
recevoir une toute autre écoute des travailleurs.
Tout d’abord, sur un plan clinique, l’appui sur le fait que nous nous « frottons »
quotidiennement aux dimensions les plus complexes de l’accueil et de l’encadrement
87
de personnes les plus en difficultés, et donc sur des situations vécues, nous permet
de sortir d’une position d’expert qui s’énoncerait « sans y toucher » en s’appuyant
sur un savoir livresque parfois à des kilomètres de ces quotidiens de l’extrême.
Ainsi, les phénomènes d’épuisement, les vécus de lassitude, les sentiments
d’impossibilité de faire quelque chose, de faire autrement ou tout simplement de
parvenir à obtenir un tant soit peu d’apaisement sont largement entamés par le fait
que, les rencontrant nous-mêmes au Centre, nous parvenons à les traverser pour en
faire tout de même quelque chose.
Ensuite, si nous continuons à intervenir sur des situations cliniques isolées, c’est-àdire prises au cas par cas, nous travaillons de plus en plus à soigner l’environnement
dans lequel tous sont accueillis et à toucher de la sorte un nombre d’usagers que
nous n’avions pas imaginé au départ. Il y a là très clairement une influence du travail
qui se réalise dans le Centre Thérapeutique de Jour, de l’attention que nous portons
à y soigner une structuration du cadre via une offre d’ateliers multiples, réglés dans
le temps et l’espace, fiables dans leur récurrence.
Un des enseignements que nous retirons de cette pratique est que si nous ne
portons pas notre attention sur la dimension de l’offre et du cadre, le travail autour
des difficultés d’un seul est peu opérant voire illusoire en particulier en milieu
institutionnel. Lorsque la CMI ne reçoit pas l’autorisation d’interroger et de travailler
sur l’environnement institutionnel, ses propositions et trouvailles inédites à mettre en
place resteront sujettes à la bonne volonté des uns et des autres avec la dimension
d’aléatoire que cela peut comporter. L’apaisement tarde alors à venir et le groupe
reste en souffrance. Par contre, lorsque nous parvenons à convaincre les équipes
de réorienter leur pratique pour la modéliser à la façon des Héliotropes, à baliser le
quotidien en offrant de nombreux ateliers réguliers pour des collectivités de
personnes avec déficience intellectuelle dans lesquelles sont accueillies des
personnes à double diagnostic posant des difficultés majeures d’encadrement, les
équipes font non seulement le constat que la prise en charge de ces « double
diagnostics » devient davantage possible mais aussi que les difficultés des autres
usagers se trouvent diminuées.
Pour boucler la boucle sur la question du nouage des deux dimensions du travail
Héliotropiens, il apparaît que le CTJ à être ainsi exporté au niveau du modèle et
bénéficiant en retour du témoignage de la CMI sur la transformation de services à
l’extérieur et sur ses effets, affine spontanément son modèle. Au Héliotropes, le soin
à apporter à la structure, au cadre et à l’offre devient l’affaire de tous, doublement
convaincus par les résultats tant en interne qu’en externe, de la pertinence de cette
offre vivante et rigoureuse.
___________________________________________________________________
88
Utilisation des ateliers dans un centre thérapeutique de jour pour des
personnes à double diagnostic.
N. Delvenne
(psychologue clinicienne),
G. Hourlay
(psychiatre)
ASBL « Les Héliotropes », rue de Longpré n°5, 1315 Incourt, Belgique
[email protected]
Le thème de notre présentation est l’utilisation des ateliers au Centre Thérapeutique
de Jour « Les Héliotropes » qui accueille six personnes à double diagnostic
(déficience intellectuelle et trouble psychiatrique associé) partageant cette
caractéristique d’avoir toutes connues l’écueil du renvoi répété ou d’avoir été
confrontées à l’impossibilité de trouver une place dans les lieux d’accueil classiques
effrayés par leur problématique. Indéniablement, les prises en charge spécifiques
pour cette population particulière manquent tant dans le champ de la psychiatrie que
dans celui du handicap et ces jeunes adultes en très grandes difficultés restent
fréquemment à la maison à tourner en rond dans leurs symptômes.
L’utilisation des ateliers permet de déployer trois dimensions aussi fondamentales
qu’inséparables : l’art de structurer le thérapeutique, l’art de l’invitation et la mise en
jeu du langage du corps et de l’acte. En plus de décrire la place de ces ateliers au
quotidien, l’objectif de notre présentation est de préciser les deux premières de ces
dimensions.
Les ateliers au quotidien.
Les décours de journée sont rendus repérables et sont répétés de semaine en
semaine. Aussi, si toutes les journées diffèrent les unes des autres au niveau de
l’offre de mise au travail, elles sont structurées de la même manière. Les ateliers se
greffent autour de trois temps communautaires lors desquels la dimension de
socialisation est particulièrement travaillée. Ce sont les temps d’accueil du matin où
chacun est invité, autour d’un biscuit, d’un fruit, d’un thé ou d’un café à composer
avec autrui et à « bricoler » quelque chose avec le groupe dont l’ambiance est à
travailler sans cesse. Ce sont aussi les temps de midi et les temps de goûter où il
s’agit de se dire au revoir…encore autour de la table, tous à devoir s’accommoder
tant bien que mal avec autrui.
Autour de ces temps viennent se greffer quatre à six temps d’ateliers au matin et
quatre temps d’ateliers l’après-midi. A titre d’exemple, la journée du mardi commence
89
par un temps d’accueil, un atelier ferme, un atelier Murailles et contours, un atelier
asinothérapie, un atelier contes, un atelier marionnette, un atelier cuisine. Après le
temps de repas viennent l’atelier randonnée, l’atelier scribe, l’atelier feuille de jour et
l’atelier pictogrammes qui précèdent le temps du goûter et le moment de l’au revoir.
Parmi notre offre de trente-sept ateliers par semaine, certains sont communs à de
nombreuses structures (jeux de société, modelage de la terre, peinture…), d’autres
sont liés à des particularités locales comme l’atelier ferme, permis par la
configuration même du lieu, un ancien corps de ferme. Enfin, certains ateliers sont
directement liés à certains symptômes des patients (ateliers
construction/déconstruction, boîtes, parcours cartographique…).
L’offre d’ateliers ou l’art de structurer le thérapeutique.
Nos ateliers participent à une visée thérapeutique d’ensemble du Centre et sont
pensés comme des scènes où évoluer, échanger, créer, présenter et travailler ses
difficultés dans un espace où le symptôme va être accueilli et invité à revêtir des
formes plus socialisées. Ils se soutiennent autant qu’ils participent à la constitution
d’un cadre, c’est-à-dire d’une régulation de l’offre autour d’un but, d’un espace et
d’un temps ; ils viennent régler la rencontre en se soutenant d’un prétexte, le contenu
d’atelier où s’espère une possible mise au travail. En bref, en clarifiant les questions
du où, pourquoi, avec qui et comment, nos ateliers pacifient le relationnel si
compliqué à vivre pour notre population et permettent donc que quelque chose du
lien social problématique ou éminemment menaçant se travaille.
L’exercice de construire et de penser un atelier nous contraint à manier plusieurs
dimensions simultanément : il s’agit d’y être sans y être de trop et de les inviter sans
les y enfermer. Pour le dire en d’autres mots, les constructions d’ateliers uniquement
basées sur les talents personnels des éducateurs ou inspirations du moment sont à
proscrire absolument. De même, les ateliers pensés uniquement pour le plaisir
supposé du patient sont à éviter également. Il s’agit plutôt de construire un espace
où marier notre désir et son détournement afin d’y être assez sans persécuter par
des attentes qui prescrivent et font injonction.
Si l’offre d’ateliers est riche et variée, elle se soutient également d’un souci de
répétition : la répétition de la variété, aux mêmes temps, dans les mêmes espaces,
par les mêmes intervenants est un élément essentiel dans la prise en charge de ces
personnes à double diagnostic pour lesquelles le changement fait souvent menace
voire signe un danger qui les pousse au retrait, à l’agression ou au recul défensif
vers d’anciens symptômes. Aussi, c’est quand l’offre est consistante, non persécutive
et réglée, quand elle est repérable dans sa répétition de semaine en semaine que
nous osons dire de nos ateliers qu’ils participent à une visée thérapeutique
d’ensemble du Centre.
L’offre d’ateliers ou l’art de l’invitation.
90
Il va de soi que pour que quelque chose se travaille, nos ateliers sont sensés être
fréquentés. Comme il va de soi que pour travailler une des dimensions les plus
problématiques, à savoir le lien social qui trébuche, il s’agit d’en concerner plusieurs
à la fois.
C’est souvent tout un art que d’inviter à y être et à y être à plusieurs. L’invitation se
doit donc d’être constante, épousant de multiples formes, de multiples stratégies. Il
n’est cependant pas question d’y aller du côté de la force ni du côté de la grosse
voix. Nous nous saisissons souvent des thèmes et histoires qui animent les
personnes accueillies et tentons des bricolages inédits entre le thème propre et le
contenu de l’atelier. Ainsi, en pastels, nous pouvons tout aussi bien proposer d’aller
déposer sur la feuille des dessins d’avions qui s’écrasent pour Pit, celui pour qui la
chute a quelque chose d’inéluctable, inviter Margaret à dessiner des têtes aux yeux
exorbités et aux bouches hurlantes, enchevêtrées dans des lignes au graphisme
surprenant, semblants de mots indescriptibles et non réservés au partage, ou
accepter les objets autistiques de Harry et partir dans un travail de contour de ceuxci.
L’atelier se supporte aussi d’une inscription décalée ; il est possible d’y venir sur un
mode de bord pour autant qu’on y soit. Telle Marion qui d’ordinaire, à s’isoler et se
balancer sous une couette, se satisfaisant de sa seule présence, participe de façon
décalée à nombre d’ateliers. Ainsi, en poterie, délestée de sa couette mais toujours
à se balancer, elle refuse de mettre les doigts dans la terre, la main à la pâte et
répète indéfiniment les mêmes phrases repères, toutes renvoyant à l’alimentaire et à
son inscription dans le temps… Nous satisfaisant de sa présence et nous saisissant
de ses phrases pour tenter une inscription, nous devenons des artisans, « potiersboulangers », donnant forme et corps à ses mots, lui prêtant nos mains pour tenter
d’inscrire en fabriquant des tartes de toutes sortes, pour dimanche d’après et encore
d’après. De ce décalage en naît un autre…Les ateliers poteries restent identiques et
pareils à eux-mêmes, nous modelons le repère qui échoue à s’inscrire. Puis
progressivement, entre plats et desserts se succédant rythmiquement surgissent de
nouvelles phrases parlant la famille et la place de chacun, nouvelles phrases
adressées qui peuvent être interrogées sans terminer sur une tarte ou finir en boudin.
Il y a encore les décalages temporels, les refus obstinés et retraits massifs qui
poussent l’invitation dans les registres de la création et de l’art, art de pouvoir devenir
un autre Autre capable de faire venir auprès de soi, autre témoin de ce qui se trame
comme drame tout en étant capable d’amener les choses du côté de ce qui régule
(espace, temps, avec qui, pourquoi..). . Il nous arrive ainsi parfois d’amener de petits
bouts d’atelier auprès de celui qui repousse fermement l’invitation voire de faire
rentrer une biquette qui par sa seule présence vient dire d’elle-même qu’il est l’heure.
C’est parfois le symptôme qui nous permet d’inventer un bricolage suscitant le
déplacement, telle Marion qui accepte de sortir du retrait par l’invitation d’aller remplir
des boîtes…boîtes à œufs, boîtes à graines, boîtes aux lettres, tout contenant à
91
remplir pour que petit à petit, pas à pas, de boîte en boîte quelque chose de possible
avec l’extérieur se retricote.
Conclusions et perspectives.
Nos ateliers permettent la mise au travail des difficultés et le retricotage du lien social
moyennant que soient mises en place les conditions que nous avons dépliées plus
tôt dans l’offre d’un décours de journée. Une réunion clinique hebdomadaire permet
en outre un décodage de cette multitude de signes que constituent les symptômes,
nous renseignant sur les enjeux et angoisses agissantes. Aussi, c’est tant d’atelier en
atelier que de réunion en réunion que la réflexion s’affine et nous conduit à toujours
remodeler l’offre pour que le patient s’y retrouve et puisse prendre place.
Nous pensons que ce modèle de prise en charge est utile et exportable vers des
structures du handicap même si leur vocation thérapeutique n’est pas à l’avant-plan.
Les résultats que nous observons, à travailler la mise en place de trames d’ateliers
dans différentes institutions, vont tous en ce sens.
_________________________________________________________________
communication par affiche (poster )
Association entre la santé physique, la santé mentale et les troubles du
comportement des personnes présentant une déficience intellectuelle
_____________________________________________________________________________
Diane Morin* et Julie Mérineau-Côté
Université du Québec à Montréal, Département de psychologie, C.P. 8888, succ. Centre-ville,
Montréal (Québec), H3C 3P8, Canada; [email protected]; 1.514.987.3000, poste 4924
_____________________________________________________________________________
Thème. Les personnes présentant une déficience intellectuelle (DI) peuvent avoir les
mêmes problèmes de santé physique et mentale que la population générale.
Plusieurs études ont cependant démontré que ces problèmes de santé peuvent être
associés aux troubles du comportement (TC). On a vérifié si ces associations étaient
présentes à partir des données d’une étude portant sur l’état de santé de la
population québécoise présentant une DI.
Méthode. L’état de santé physique de 791 personnes présentant une DI a été
mesuré à partir de la version française du Short Form 36 Health Survey (SF-26v2) et
d’un questionnaire développé dans cette étude dans lequel ont été recueillies des
données sociodémographiques et des informations sur la santé physique, les
92
diagnostics psychiatriques, la médication et les TC. Le questionnaire a été transmis
par la poste puis complété par la personne présentant une DI ou un membre de sa
famille.
Principaux résultats. Plus de la moitié de l’échantillon (53%) présente des troubles
du comportement. Les problèmes de santé physique et les problèmes de santé
mentale expliquent respectivement 2.9% et 10.4% de la variance des TC.
Perspectives. On discutera de la façon dont ces résultats peuvent améliorer notre
compréhension des TC et guider l’implantation de mesures préventives visant à
réduire la manifestation des TC.
Mots-clés : santé physique et mentale, troubles du comportement, épidémiologie.
Sous le thème : Bonnes pratiques, qualité, bientraitance, inclusion, référentiels :
apports des lois et rôle des décideurs.
__________________________________________________________________
Prise en charge comportementale et cognitive des troubles du comportement
alimentaire de trois personnes déficientes intellectuelles.
RICHARD Cyrielle,
Psychologue, Neuropsychologue
Présidente de l’Association des Praticiens en Thérapie Cognitive et Comportementale de
Bourgogne (APTCCB)
Membre de l’Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive (AFTCC)
[email protected]
Centre Hospitalier Spécialisé de L’Yonne, 4 avenue Pierre Scherrer, 89000 Auxerre
Introduction: 27% des personnes déficientes intellectuelles présentent des
troubles du comportement alimentaire.
Ces troubles sont souvent difficiles à appréhender et à prendre en charge. Sur
le plan nosographique se pose le problème de l’adéquation entre les critères
diagnostiques « classiques » et les troubles présentés par la personne en situation
de handicap. Sur le plan thérapeutique, les déficits au niveau de la communication et
de la régulation des comportements complexifient les soins. Des outils théoriques et
pratiques spécifiques aux personnes déficientes intellectuelles sont donc à élaborer.
93
Les objectifs de notre communication sont de présenter les effets des
techniques comportementales et cognitives sur les troubles du comportement
alimentaire de trois personnes déficientes intellectuelles vivant dans un service
hospitalier accueillant des personnes présentant un handicap mental sévère.
Méthode : Nous rappelons, dans un premier temps, les critères diagnostiques
des troubles du comportement alimentaire, tels qu’ils ont été répertoriés dans le
DSM-IV et été adaptés par Fletcher et col. (2007) pour les personnes présentant une
déficience intellectuelle. Les troubles du comportement alimentaire (TCA) regroupent
les comportements de restriction alimentaire (symptômes anorexiques), les excès
alimentaires et les troubles du comportement alimentaire atypiques. Parmi les excès
alimentaires se trouve l’hyperphagie boulimique. Celle-ci est décrite comme étant
l’absorption excessive de nourriture. Elle est associée à une prise de poids
considérable.
Le Pica se définit comme étant l’absorption de substances non comestibles (terre,
savon, cheveux). Des études réalisées en Grande Bretagne, entre 1978 et 1999,
estiment qu’entre 4 et 26% des personnes déficientes intellectuelles présentent des
troubles alimentaires du type Pica.
Nous répertorions les hypothèses explicatives émises pour chaque trouble du
comportement alimentaire. L’hyperphagie peut apparaître comme étant soit un
trouble du comportement parmi d’autres, soit comme étant une expression
concomitante au handicap. Elle peut survenir suite à une frustration. Selon Marchi et
Cohen (1990), le Pica peut être associé à un trouble du contrôle des impulsions.
Nous présentons les outils thérapeutiques spécifiques aux thérapies
comportementales et cognitives. Le modèle cognitif explique les troubles du
comportement alimentaire selon plusieurs facteurs : des désordres dans la
perception de la sensation de faim et de satiété, des pensées dysfonctionnelles
autour de la nourriture et de la perception du poids ainsi que de l’image du corps.
Selon le concept du conditionnement opérant développé par Skinner (1938), les
comportements (qu’ils soient adaptés, ou non) ont un but (généralement apporter un
plaisir ou éviter un ressenti pénible) et se maintiennent dans le temps en fonction des
avantages et désavantages qu’ils entrainent. Ce sont les facteurs de l’environnement
dans lequel vit la personne qui contrôlent les probabilités d’apparition du
comportement.
Nous exposons les prises en charge de trois patients ayant une déficience
intellectuelle et souffrant de TCA. Tony, homme microcéphale de 34 ans, déficient
intellectuel sévère, présente une coprophagie. Gilbert, homme autiste de 34 ans,
déficient intellectuel profond, a un trouble du comportement alimentaire de type Pica
94
(géophagie). Jeanne, femme autiste profonde de 42 ans, présente un comportement
d’excès alimentaire.
L’observation attentive des personnes permet de repérer quels sont les potentiels
causes, conséquences et facteurs de maintien des comportements. Elle permet
également de différencier des comportements de type Pica ou coprophage
s’apparentant à des troubles des conduites, de ceux appartenant à un authentique
TCA.
Les éléments relevés sont consignés à l’écrit dans des analyses fonctionnelles, telles
que la SORC de Kanfer et Saslow (1969).
Les projets thérapeutiques individuels sont définis dans le but de permettre une
amélioration de la qualité de vie des patients. Un but principal est élaboré et
décomposé en sous-objectifs selon la technique du shaping définie par Skinner
(1975). Pour Tony, l’objectif principal est défini comme suit : lui apprendre à mieux
supporter les moments de solitude sans avoir recours à la coprophagie.
La pise en charge de la géophagie de Gilbert se centre autour de l’exposition de ce
dernier aux éléments déclenchant le Pica, tout en prévenant l’apparition du TCA. Un
travail axé sur l’association du plaisir buccal à des aliments comestibles, pouvant se
substituer à la terre, est entrepris.
Pour Jeanne, nous avons axé les stratégies thérapeutiques sur deux points : l’aider
à gérer son temps lorsqu’elle s’alimente et transformer le moment du repas en un
instant d’échanges avec l’entourage.
Les participants bénéficient de séances de relaxation appliquée dans le but de les
aider à gérer leurs émotions. L’exposition aux stimuli anxiogènes avec prévention de
la réponse, conceptualisée par Meyer (1966), permet de confronter progressivement
la personne aux stimuli anxiogènes sans qu’elle ait recours aux comportements
problématiques. Des comportements alternatifs ayant les mêmes contingences de
renforcement que le TCA tout en étant plus adaptés et moins dommageables pour la
santé sont encouragés via les techniques de conditionnement opérant. Les
comportements adaptés sont renforcés positivement afin que leur chance
d’apparition soit augmentée. La technique du « time out » (la personne est isolée des
stimulations extérieures) est employée dès que le participant présente un trouble du
comportement.
Résultats et conclusion : A l’issue de la prise en charge, les TCA ont diminués en
moyenne de 80%. Ainsi, pour Tony, la fréquence d’apparition du comportement de
coprophagie a été réduite de 3 fois par jours à 1 fois par mois, sur une période de six
mois. La géophagie de Gilbert a cessée après six mois de prise en charge. Les
comportements d’excès alimentaire de Jeanne sont régulés sur une période de trois
mois.
95
Les techniques comportementales et cognitives peuvent être adaptées pour les
personnes déficientes intellectuelles. Durant la thérapie, les participants et les
soignants travaillent en collaboration. Ces premiers résultats ouvrent des
perspectives intéressantes en vue d’une étude sur un plus large panel de
participants.
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96
N°4 Pratiques innovantes
ATELIER ANNULE
Atelier N°5 Vie adulte 1
HANDICAP MENTAL ET MUSIQUE :
L’OREILLE ABSOLUE ET LES PRATIQUES MUSICALES D’UN ADULTE DE 75
ANS SOURD
Alain Carré
Formateur en
Musicothérapie
496 rue de la Martinière
73000 CHAMBERY-BASSENS
Email Centre Musical : [email protected]
Email Alain Carré : [email protected]
Site : www.centre-europeen-musical.com
Le cas présenté aujourd’hui est intéressant à plus d’un titre. Comment
l’acquisition de l’oreille absolue peut-elle se faire à un âge aussi avancé de la
vie quand on est sourd profond et handicapé mental ? Nous présenterons
d’abord Jacques C. pour mieux comprendre ensuite comment la pratique
intense de la musique a interféré sur la qualité de sa parole et permis
d’acquérir l’oreille absolue.
1 – présentation de Jacques C.
Jacques C. est né le 5 mars 1939, ce qui lui vaut au jour de cette
communication d’être dans sa 76ème année. Né avec une surdité congénitale
bilatérale profonde et un handicap mental estimé sévère du à une anomalie
génétique, Jacques a très tôt manifesté des troubles du comportement liés
principalement à sa surdité. Il a vécu à la maison, entouré de l’affection des siens et
bénéficiant des stimulations de son environnement (il a un frère et une sœur),
jusqu’au décès de sa maman il y a 10 ans. La décision de placer Jacques en M.A.S.
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a été inéluctable. A 65 ans, Jacques a dû apprendre la vie en communauté au milieu
d’autres adultes autistes et psychotiques. Sa vie a changé.
Placé non loin de Chambéry, sa sœur entend parler de notre Centre et
décide, parce que Jacques a toujours montré un intérêt pour la musique, de l’inscrire
à notre Centre. Il est convenu qu’il viendra trois fois par semaine, une heure
individuelle le lundi, une heure collective le mardi, une heure individuelle le vendredi.
Pourquoi un rythme aussi intense de musique ? Pour deux raisons :
-
D’une part pour sortir Jacques le plus possible de la Maison d’Accueil
Spécialisée
D’autre part, et cet objectif m’était dévolu, développer les potentiels musicaux
de Jacques jusque là non considérés.
Pour moi, Jacques représentait une opportunité de travailler avec une seule
personne présentant :
-
Un déficit sensoriel
Un déficit mental
Des troubles du comportement,
alors que je m’étais souvent confronté à ces handicaps, mais séparément.
LA MUSIQUE : lequel des trois handicaps, si l’on considère que l’âge du sujet n’en
constitue pas un quatrième, est le plus invalidant en terme de capacités musicales.
On pense naturellement que c’est la surdité profonde. Je vais vous démontrer que
ce n’est pas le cas dans un instant. Le handicap mental, comparable au syndrome
de Down, rend le développement des capacités musicales plus difficile ; et les
troubles du comportement réduisent considérablement les temps d’attention du
sujet.
LA SURDITE : si l’on considère l’audiogramme de Jacques, il s’agit bien d’une
surdité profonde bilatérale.
Audiogramme de Jacques
Maintenant, je vous invite à vous mettre dans l’oreille d’un sourd. Vous allez
percevoir la même séquence 7 fois, de la situation du sourd profond à l’entendant.
Appelons cette séquence A.
…
A présent, je vous invite à écouter dans les mêmes conditions la séquence B.
…
Le cas de Jacques se situe entre l’étape 1 et de l’étape 2. Cela démontre qu’il est
plus facile pour Jacques de percevoir la musique que les sons du langage.
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Je voudrais souligner que la surdité de Jacques est congénitale : il ne peut s’aider
d’un stock préalable de sons du langage ou de la musique, et son cerveau ne peut
donc faire de déductions. Chaque son a d’abord commencé par être nouveau pour
lui, sans pouvoir être comparé, à la différence des surdités acquises (néo-natales ou
post-natales).
LE DEFICIT MENTAL : il se manifeste, chez Jacques, par des difficultés
-
De compréhension des consignes (visuelles et verbales)
De conscience spatio-temporelle
De relation
D’attention et de concentration
LE COMPORTEMENT :
-
Accès de colère
Instruments lancés ou cassés
Automutilation,
Principalement quand l’unique prothèse auditive qu’il porte ne fonctionne pas bien.
2 - PRISE EN CHARGE
Jacques, à son arrivée au Centre, communiquait oralement et jouait de
l’harmonica.
-
-
Il communiquait oralement : son langage était correct, tant au niveau du
lexique, de la grammaire et de la syntaxe. L’articulation et le débit étaient, eux,
très déficitaires.
Jacques jouait de l’harmonica, improvisant des airs ou tentant de rejouer des
mélodies connues. La structure de son jeu, elle, était très incohérente.
Nous nous sommes donné comme objectifs, en concertation avec sa sœur et
l’équipe de la M.A.S. qui le suit :
-
L’amélioration de la parole (articulation et débit)
La structuration de son jeu musical à l’harmonica
La connaissance et la pratique d’autres instruments
Le développement de son intelligence auditive musicale
Le maintien et l’ampliation de son plaisir musical
CONCERNANT LA PAROLE :
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-
-
-
Jacques possédait tous les phonèmes mais leur articulation était
systématiquement affaiblie par manque de sollicitation. Le débit était haché et
en flot (comme la parole de nombreux trisomiques).
Nous avons commencé à travailler sur la respiration et le tempo ralenti de la
parole, à l’aide d’une batterie de jeux de voix avec comme support des cônes
dont je vous présente un exemplaire et des tuyaux harmoniques dont je
montre aussi un exemple. La voix y est plus forte, les vibrations mieux
ressenties.
Très vite, l’articulation s’est améliorée ainsi que le débit, quand les troubles du
comportement ne venaient pas perturber les exercices.
LA VOIX CHANTEE
J’ai beaucoup insisté sur le chant, pour assurer la fluidité de la parole et pour
travailler l’articulation et la justesse. A l’aide d’un accompagnement
harmonique prégnant joué au piano à queue (ce qui permet à la voix de se
poser sur les accords), des progrès notables ont été réalisés.
Jacques s’est constitué un répertoire préféré parmi ce qu’il écoutait (ou
entendait) le plus à la maison : La Mer de Charles Trenet, Capri c’est fini, les
Neiges du Kilimandjaro, Si j’avais un marteau, la Maladie d’Amour, Aline, …
en plus de celles que j’ai introduites pour élargir son répertoire et travailler la
parole. Je vous en donne un exemple avec la chanson POMME ROUGE,
RAISIN NOIR qui fait particulièrement travailler l’articulation des « r » affaiblis
(fricatifs) dans la langue française, et donc le moins audible en situation de
surdité.
Exemple de ce chant :
POMME ROUGE, RAISIN NOIR
C’EST L’AUTOMNE, C’EST L’AUTOMNE
LUNE ROUSSE AU VENT DU SOIR
L’ETE NOUS DIT AU REVOIR
Quand Jacques demande une chanson, il l’écoute et ne chante pas : son
plaisir est si important qu’il préfère m’écouter jouer et chanter et n’intervient
pas au cours de la chanson, si ce n’est en fin de phrases quand je le sollicite.
L’exercice de la voix chantée a permis à Jacques d’améliorer aussi
l’intonation de sa voix parlée.
La communication verbale est devenue de meilleure qualité et Jacques s’est
ainsi fait mieux comprendre de ses interlocuteurs.
LE LANGAGE
Nous avons dit que la structure du langage de Jacques était parfaite en
arrivant au Centre. Vraisemblablement un îlot de compétence qu’il a
développé seul au cours de son enfance, en développant une intelligence
auditive hors du commun.
J’utilise beaucoup l’humour en séance, comme moyen pédagogique ou
thérapeutique. Mais avec le déficit mental, la surdité, et les troubles du
comportement, l’émergence à l’humour verbal est un pari audacieux.
Cérébralement, il s’agit de faire communiquer les deux hémisphères
cérébraux afin que le droit (émotion, humour) transmette au gauche de bien
vouloir déformer la réalité linguistique pour en faire une situation drôle ; cela
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représente au niveau du cerveau une activité neuronale de haut niveau qui
sollicite (et démontre quand elle est fonctionnelle) une concordance
fonctionnelle hémisphérique remarquable. Jacques, après toutes ces années
de travail ensemble, manie l’humour verbal avec une pertinence et
impertinence redoutable ; d’une séance à l’autre je suis monsieur Losange ou
rectangle ou rond …
-
LA MUSIQUE
A- LE RYTHME
L’expérience nous a montré, en situation de handicap mental sévère, qu’en
matière d’habiletés rythmiques,
qu’il ne faut pas d’éléments non pertinents lors des propositions rythmiques
(éléments distrayants, surtout visuels)
qu’il ne faut pas hésiter à adopter une attitude très expressive (induction
visuelle) qui aide à la précision de la pulsation
et qu’il faut qu’existent
• la capacité à comprendre et à suivre des instructions verbales ou visuelles
• des capacités motrices suffisantes pour frapper sur une cymbale ou un
tambourin
• le moins possible de perturbations du comportement
En résumé, en handicap mental, le sujet aura toujours de meilleures réponses visuomotrices que de réponses audio-motrices, ce qui se trouve renforcé chez un sujet
sourd.
Le rythme demeure la fonction musicale la plus facile à gérer (hémisphère gauche,
également celui de la motricité), la mélodie faisant intervenir l’hémisphère droit en
complément (il n’existe pas de mélodie sans rythme), et l’harmonie sollicitant
pleinement les deux hémisphères (gestion globale et analytique des accords).
Voici un exercice rythmique réalisé avec Jacques. Une paire de bongos est
disposée sur ses cuisses pour que l’information soit aussi vibratoire qu’auditive et
visuelle. Jacques dispose d’un moment où il peut jouer comme il veut sur les bongos.
Puis vient l’exercice d’imitation :
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•
•
•
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•
•
•
Je joue un frappé sur le gros bongo ; Jacques le répète ;
je joue un frappé sur le petit bongo, Jacques le répète.
Je joue un frappé sur le gros bongo puis le petit
Je joue un frappé sur le petit puis sur le gros
Je joue 2 frappés sur le gros et 1 sur le petit
Je joue 2 frappés sur le petit et 1 sur le gros
Je joue 1 fois le gros, 1 fois le petit, 1 fois le gros
Je joue 1 fois le petit, 1 fois le gros, 1 fois le petit
Etc …
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Le même exercice est réalisé ensuite les yeux fermés (suppression de l’information
visuelle)
Pour Jacques, ce qui est rare en handicap mental, il y a moins d’erreurs quand son
analyse est seulement auditive et vibratoire.
B – LA MELODIE
Je joue au piano 2 notes successives (intervalles mélodiques) et Jacques me
dit les notes (après une longue et nécessaire familiarisation avec le clavier). Je
commence par la quinte contenue dans les harmoniques naturelles d’un son, puis je
poursuis avec la tierce. Viennent ensuite la quarte, la sixte, la seconde, la septième
et l’octave.
Pour ne pas spécialiser le cerveau à la reconnaissance des hauteurs de sons
en fonction d’un timbre, je joue les mélodies également à la guitare, à la harpe, à la
flûte, à la voix, au carillon. Jacques dispose toujours de longs temps d’exploration et
d’improvisation sur ces instruments.
Ainsi qu’on pourra l’observer dans le document vidéo, Jacques, sans l’aide de
l’information visuelle, trouve, après des années d’entraînement du cerveau, le nom
des notes qu’on lui fait entendre. J’insiste sur une réalité que tous les professionnels
qui œuvrent dans le domaine du handicap connaissent bien : il faut du temps, laisser
le temps au temps, ne pas s’impatienter et répéter les propositions jusqu’au jour où
les circuits neuronaux se mettent enfin en place. En matière de temps, je vous donne
un autre exemple : un guitariste handicapé mental que j’ai eu alors qu’il était
adolescent et qui voulait chanter en s’accompagnant. Quand il jouait, il ne chantait
pas ; quand il chantait, il ne jouait pas. Il a fallu attendre 6 ans pour qu’un jour
chanter et jouer en même temps devienne possible (il s’agit d’un double acte neuromoteur complexe), après des centaines de sollicitation sans résultats. Il faut donc
faire preuve de patience, de conviction et de détermination, car le temps-handicap
est hors de proportion de celui nécessaire à un musicien non handicapé pour
parvenir aux mêmes résultats.
C – L’HARMONIE
Dès le début, il faut jouer avec les accords et tenter de leur donner un
nom et une qualification (exemple : DO majeur). Les sensations doivent être fortes et
durables : le piano à queue est idéal pour ces sensations, ainsi que l’accordéon
chromatique.
La conscience harmonique tient à la fois de l’écoute globale et
analytique. Il faut privilégier l’impression globale au début et la renforcer par
l’analytique. Jacques n’échappe pas à ce schéma et distingue parfaitement bien, dix
ans plus tard, les accords majeurs et mineurs, ainsi que les accords 4ème
(reconnaissables parce qu’ils n’ont pas de tierce et ne sont donc ni majeurs ni
mineurs).
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La règle en la matière est aussi de laisser le musicien jouer lui-même
les accords, ce qui est pratique au piano où le visuel permet de savoir quelles notes
on enfonce en même temps, ce qui n’est pas possible à l’accordéon (une touche
produit un accord).
Progressivement, le sens des cadences s’installe, sans qu’il y en ait
une conscience : les accords s’enchaînent pour produire des phrases. Jacques avait
un avantage que d’autres n’ont pas : il produisait de l’harmonie puisque sa pratique
de l’harmonica lui faisait entendre à chaque fois des accords.
D – LES INSTRUMENTS
Des harmonicas, Jacques en possède une dizaine, obtenus au fil des
anniversaires depuis 10 ans. Rangés méticuleusement, voire obsessionnellement,
dans une mallette, ils sont de toutes sortes (tonalités, formes, taille, …).
Il s’est agi de diversifier sa pratique instrumentale. Jacques a ainsi
« touché » à tous les instruments, cordes, vents et percussions. Certains sont
devenus des instruments préférés comme la harpe, la guitare, l’accordéon et le
piano. Sur ces instruments, Jacques peut jouer des mélodies et des accords, ce qui
le satisfait pleinement. Néanmoins il ne se passe pas une séance sans que Jacques
prenne un ou plusieurs harmonicas.
L’usage des percussions de toutes sortes est aussi régulier, soit pour
marquer les pulsations d’une musique jouée, soit dans le cadre des jeux rythmiques.
La musique vive (jouée en direct) domine dans l’activité musicale de
Jacques. La musique diffusée requiert moins facilement son attention : il n’y a plus
de visuel et la surdité empêche le traitement de trop d’informations sonores en même
temps.
E – LE PLAISIR MUSICAL
Sans le plaisir que Jacques éprouve avec la musique, nous n’aurions
jamais pu atteindre le niveau de musicalité actuel. Le plaisir musical a conditionné la
faisabilité de chacune de nos propositions. Jamais Jacques n’a eu cette impression
négative d’être en cours de musique, de se trouver dans des situations forcées ou de
contrainte.
En réalité, la notion de plaisir musical est en tête de tous les chapitres.
Jacques se fait plaisir en musique : cela se voit et cela s’entend. Comme tout
musicien, Jacques prend plaisir à la dimension publique de sa pratique : il aime être
écouté, faire le spectacle. Il éprouve les mêmes ressentis que l’artiste sur scène.
Pour cette raison, une heure de musique avec Jacques n’est jamais
assez longue et, quand c’est l’heure de partir, ce n’est jamais facile.
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Professionnellement, je n’ai jamais éprouvé un temps d’ennui avec Jacques sur nos
centaines d’heures de rencontres musicales. C’est peut-être cela le secret de la
réussite : partager la musique entre musiciens, dont l’un est sourd et handicapé
mental.
3 – CONCLUSION
L’âge ne constitue pas un facteur un facteur empêchant l’acquisition de
l’oreille absolue. Mais Jacques démontre aussi que la surdité ne constitue pas un
obstacle rédhibitoire à la pratique de la musique. Plus encore, elle aide à optimiser
les circuits neuronaux et améliore la qualité de la parole. Elle développe aussi la
sensibilité, l’écoute et sollicite la motricité fine dans sa pratique instrumentale.
Il nous revient d’éveiller cette sensibilité et de développer les potentiels
musicaux inexplorés, à l’aide des ressources de la pédagogie musicale spécialisée, à
travers une relation forte et privilégiée sans laquelle rien n’est possible.
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« Relation d’une belle expérience de créativité lors de la transmission de la
Direction de petits services résidentiels et d’accueil de jour pour personnes
adultes présentant une déficience intellectuelle »
Michel LAURENT
ancien Directeur,
et Delphine FRAIPONT,
nouvelle Directrice de l’Asbl LE BERCAIL rue Saint Nicolas, 554 à B- 4000 Liège (Belgique)
adresse électronique : [email protected]
adresse postale : rue Saint Nicolas, 554 à B-4000 Liège (Belgique)
mot-clés : direction, transmission, défis
( texte intégral accessible sur le site www.airhm.org )
Depuis quelques années et au cours des prochaines, un grand nombre de
Directrices et de Directeurs de services pour personnes adultes présentant une
déficience intellectuelle partiront à la retraite…
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Souvent, les retraité-e-s et futur-e-s retraité-e-s ont travaillé dans leur service depuis
plusieurs dizaines d’années et, parfois, depuis leur création…
Bien souvent, il n’est pas aisé pour la nouvelle Directrice ou le nouveau Directeur de
prendre le relais, et …. pour l’ancienne Directrice ou le nouveau Directeur de s’en
aller…
Par ailleurs, que de changements intervenus dans la fonction de Direction depuis la
fin des années 1970 et les années 1980, en ce qui concerne la représentation du
handicap, la place des personnes dites « handicapées » dans la société, le recours
aux services généraux, l’évolution des pouvoirs subsidiants, la professionnalisation et
l’engagement des intervenant-e-s, les cultures de travail, les contraintes de plus en
plus importantes, les nouvelles technologies, les législations et réglementations
ressemblant de plus en plus à des couches de lasagnes ou de millefeuilles…
Comment effectuer une transmission respectueuse de chacun-e, en gardant les
valeurs institutionnelles qui restent pertinentes, en profitant des expériences (tant
positives que négatives) des ancien-ne-s et des compétences, managériales et
autres, des nouveaux-velles afin que les usagers des services, leurs familles et les
équipes, (sans oublier les multiples partenaires), vivent au mieux ce passage…
Et, de plus, que mettre en place, en cette période de turbulences, afin que les
services digèrent au mieux les changements de réglementations et de législations,
fonctionnent, le plus harmonieusement possible, en dépit des restrictions financières
imposées par les pouvoirs subsidiants et des diminutions de leurs dotations et
puissent répondre à l’augmentation du nombre de personnes ayant besoin de
services spécialisés en raison notamment de l’allongement de la durée de leur vie.
En ces contextes difficiles, une belle transmission nécessite une solide dose de
créativité de toutes et de tous.
Au cours de notre intervention, nous souhaitons vous partager ce qui nous a semblé
important de mettre en place dans notre association afin que le passage du flambeau
soit le plus agréable et le plus fructueux pour chacun-e !
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Les postures de l'accompagnement
Auteur : LEVEAUX André
2, Rondehaie
4910 THEUX
Belgique
mail : [email protected]
Mots clés : SUPERVISION ACCOMPAGNEMENT COACHING
Publication:
- Travail: Coaching d’accompagna(c)teurs dans un nid de coucous, CFIP Bruxelles
décembre 2013
- Film: "Accompagne-moi, si tu le peux..." Février 2013 - www.Thiniheid.be
Résumé :
Les postures de l’accompagnement constituent une référence de base pour le travail
de supervision. Malheureusement, il n’existe pas de texte sur le sujet. J’ai donc
rassemblé mes notes de formation en supervision individuelle ou d’équipe.
Ces postures constituent les fondements philosophiques du coaching. J’appelle le
schéma, que j’exposerai, « le Phare du Coaching », car les quatre postures
constituent le repère du champ de l’accompagnement d’adultes. Généralement, le
travail va chronologiquement de la première à la quatrième posture. Il y a cependant
un travail de va-et-vient. L’accompagnateur passe d’une posture à l’autre comme les
points cardinaux d’une boussole. Ces quatre postures sont :
L’accordage
- La posture compréhensive
Le décodage - La posture herméneutique
Le recadrage - La posture maïeutique
Le balisage - La posture stratégique
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« Accompagne-moi, si tu le peux… » Film 20 minutes
Auteur : LEVEAUX André
2, Rondehaie
4910 THEUX
Belgique
Tél. portable : +32 475 257213
mail : [email protected]
Mots clés : CREATIVITE ACCOMPAGNEMENT DECOUVERTES CHEMIN
Publication:
- Travail: Coaching d’accompagna(c)teurs dans un nid de coucous, CFIP Bruxelles
décembre 2013
- Film: "Accompagne-moi, si tu le peux..." Février 2013 - www.Thiniheid.be
Résumé :
Le film explique le métier d’accompagnateur d’adultes en se focalisant sur leur travail
et non sur les personnes accompagnées.
L’accompagnateur est un semeur d’humanité, qui encourage la personne à devenir,
dans toute la mesure de ses moyens, créateur de son propre chemin
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Atelier N°6 Vie institutionnelle
Les « Sanctions » en institutions accueillant des adultes en situation de
déficience intellectuelle : regards croisés de praticiens et d’auto-représentants
belges
Jessica GERARD,
Psychopédagogue en I.M.P., Centre Arthur Regniers, Province de Hainaut
Olivier ALLEMAN,
chef de groupe S.A.J.A. la Forestière, Bruxelles
Thierry BORDIGNON,
Chargé d'enseignements, Service d'Orthopédagogie Clinique, Université de Mons
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Membres du Bureau de la délégation belgo-luxemburgeoise de l’AIRHM
[email protected]
[email protected]
[email protected]
Mots-clés : sanction, autodétermination, prévention, évaluation
Notre communication a pour objectif de présenter le fruit des réflexions menées au
sein de la délégation belgo-luxembourgeoise de l’AIRHM, entre des praticiens de
divers horizons, des chercheurs et des auto-représentants. Les participants à cette
réflexion sont partis du constat partagé que la gestion des sanctions en institution
pour adultes est complexe. Face à la transgression d’une règle de vie commune et
aux déficits d’intensité variable des bénéficiaires accueillis, les équipes sont parfois
démunies.
Qu’est-ce qu’une bonne sanction ? La sanction peut-elle constituer une action
éducative pertinente ? Toute personne est-elle « sanctionnable » ? Quels sont les
types de sanctions les plus adéquates ? Autant de questions sur lesquelles nous
avons débattu.
Trois temps ont guidé nos échanges : l’avant-sanction (aspect préventif, contextuel,
éducatif…), la sanction en tant que telle et l’après-sanction (aspect évaluatif) :
clarifier les représentations initiales des intervenants afin que tous se rejoignent sur
une conception commune de la sanction, mettre du sens sur le comportement
inadéquat d’un usager, envisager l’aspect réparateur et responsabilisant dans la
sanction, formuler des chartes et des règlements facile-à-comprendre et participatifs,
formaliser des « contrats » co-rédigés et signés par les parties (logique de
coopération), soutenir le transfert des acquis, accorder une attention particulière à la
victime éventuelle… toutes ces pistes de bonnes pratiques seront développées.
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Pertinence et spécificités du concept de résilience
pour la réadaptation en déficience physique et en déficience intellectuelle
Bernard Michallet, Ph.D.
UQTR, CRIR
[email protected]
Université du Québec à Trois-Rivières
3351, boul. des Forges, C.P. 500
Trois-Rivières, (Québec), G9A 5H7
Christine Genest, Ph.D.
Université de Montréal, CRIR
Anouchka Hamelin, Ph.D.
UQTR, CRIR
Cette conférence vise à :1) confirmer la pertinence du concept résilience en DP-DI;
2)exposer les spécificités de la résilience dans ce domaine; 3) proposer des pistes de
réflexion afin d’intégrer le concept de résilience dans les pratiques cliniques et
organisationnelles en DP-DI
Pertinence du concept de résilience en réadaptation en DP-DI
Le secteur de la réadaptation en DP-DIfait face à des défisliés à de nouvelles réalités
économiques
et
démographiqueset
à
desreprésentations
sociales
en
évolutionentrainant des changements de pratiques. Intégrer le concept de résilience
aux pratiques cliniques et organisationnelles de réadaptation semble être un élément de
réponse à ces défis.
Le vieillissement de la population est une réussite et un défi pour nos sociétés. En plus
de la survenue d’incapacités diverses dues au vieillissement normal, de nombreuses
personnes présenteront des séquelles d’accidents vasculaires cérébraux ou de
traumatismes craniocérébraux ainsi que des difficultés liées à des maladies
neurodégénératives et nécessiteront des services d’adaptation-réadaptation
(Gouvernement du Québec, 2013). Or, ces services, difficiles à obtenir, répondent
imparfaitement aux besoins des personnes et de leurs proches car les ressources sont
limitées malgré les sommes importantes investies. De plus, en raison d’un paradigme
d’intervention de type médical, visant la réduction des incapacités plutôt que
l’optimisation des forces et ressources des personnes et de leur entourage,
l’engorgement du système de santé est inévitable. Les personnes devront donc
apprendre à vivre avec des incapacités résiduelles, à trouver un sens à leur vie et à être
les plus heureuses possible malgré leurs difficultés (Quale&Schanke, 2010).
Selon l’OMS (1980),le handicap était inhérent à la personne. Or, selon le Modèle du
développement humain–Processus de production du handicap (MDH-PPH2)le handicap
est une construction sociale résultant de l’interaction de facteurs personnels
(déficience(s) et incapacités) et de facteurs environnementaux physiques ou humains,
facilitateurs ou obstacles à la réalisation des habitudes de vie de la
personne(Fougeyrollas, 2010). L’introduction de ce modèle en DP-DI a renforcé une
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réflexion déjà amorcée sur la notion de réadaptation. Elle est maintenant conçue
comme un processus d’apprentissage et d’empowerment visant la réalisation des
habitudes de vie de la personne en vue d’une participation sociale optimale et s’inscrit
dans l’actualisation du projet de vie de la personne et de ses proches (Le Bouclier,
2004). En cohérence avec le MDH-PPH2, la réadaptation vise plus que la récupération
ou la compensation de capacités altérées et plus qu’une participation sociale optimale;
elle s’inscrit dans un processus de (re)construction identitaire et de réalisation d’un
projet de vie.
Découlant de l’intégration du MDH-PPH2 dans les pratiques en DP-DI, l’intervention
suppose un mode de relation entre la personne et l’équipe de réadaptationfondé sur le
partenariat (Bouchard, 2007).De 1980 à 2000, dans le but de mieux répondre aux
besoins complexes des personnes présentant une DP ou une DI, les établissements de
réadaptation ont organisé leurs interventions en programmes plutôt qu’en services
répondant à des troubles spécifiques. Dans ces programmes interviennent des équipes
multidisciplinaires travaillant en interdisciplinarité (Lebel, 2000). Le rôle des équipes de
réadaptation est de favoriser l’autonomie et la participation sociale des personnesen
réduisant leurs incapacités et en adaptant leur environnement. Cependant, selon la
conception de la réadaptation présentée plus haut et le courant de la psychologie
positive, elles ont aussi le rôle d’améliorer la qualité de vie des personnes et de les
soutenir dans la réalisation de leur projet de vie en misant sur leurs forces et leurs
ressources personnelles et environnementales (Seligman, 2013). Voilà pourquoi la
résilience semble avoir sa place en réadaptation en DP-DI, en tant que concept
intégrateur de divers modèles ou courants de pensées apparus dans le domaine depuis
les années 80.
Spécificités de la résilience en réadaptation en DP et en DI
Le processus de résilience d’une personne qui vit avec des incapacitésinnées ou
acquises n’est pas le même que celui d’une personne qui a survécu à une catastrophe
naturelle ou à une guerre. Autrement dit, ce processus présente des spécificités liées à
la situation de la personne et d’autres liées au domaine de la réadaptation lui-même.
Spécificités liées à la situation de la personne
Les personnes nécessitant des services de réadaptation sont nées avec des
déficiences entrainant des incapacités, ou elles ont subi un événement à un moment de
leur vie, ayant provoqué une ou des déficiences et des incapacités.Ces personnes,
selon leurs caractéristiques et celles de leur environnement vivent ou non des situations
de handicap, réalisent ou non leur projet de vie et font ou non preuve de résilience face
à l’adversité. Toutefois, dans le 1er cas, la réadaptation vise à soutenir la résilience et la
construction identitaire de la personne. Dans le 2nd, lorsque la déficience est acquise,
ellevise à soutenir la résilience en vue d’une reconstruction identitaire. La distinction est
importantepour l’intervention et le soutien à la résilience(Fougeyrollas& Dumont, 20092010).
Dès le début du processus de réadaptation, mais aussi pendant et à la fin de ce
processus, un soin particulier doit être porté afin de préciser avec la personne son
projet de vie, d’identifier les éléments de son environnement qui seront facilitateurs ou
obstacles à la réalisation de ce projet de vie et à mettre en place les conditions
favorables à cette réalisation. À cet égard, le modèle dePourtois, Humbeck,&Desmet
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(2011) permet à l’équipe d’évaluer si les actions posées favorisent ou non la
résiliencede la personne.
Spécificités liées au domaine de la réadaptation
Les intervenants disposent de peu de données probantes sur lesquelles baser leurs
interventions auprès de la clientèle afin de favoriser sa résilience carle domaine de la
réadaptation en DP-DI est encore très axé sur une culture du déficit, tant en recherche
que dans la pratique (Campbell-Sills, Cohan,,& Stein, 2006; Naidoo, 2006). De plus les
écrits scientifiques concernant la résilience et ses applications cliniquessont rares
(Bonanno, 2004).Paradoxalement, des structures organisationnelles et des
pratiquesfavorisant la résilience sont déjà présentes dans les orientations cliniques des
CRDP et CRDI québécois. Ainsi, un mode de relations entre les équipes de
réadaptation et les usagers des services fondées sur la notion de partenariat, une
réorganisation des services de réadaptation en programmes favorisant un mode de
fonctionnement en interdisciplinarité en réponse aux besoins complexes des usagers,
des modèles tels que le MDH-PPH2 et le Paradigme interprétatif de la résilience
(Pourtois et al., 2011) ainsi que la promotion d’une approche d’intervention
écosystémique, sont autant de conditions favorisant l’intégration du concept de
résilience en DP-DI. Toutefois, malgré la promotion de ces structures et modèles, des
pratiques teintées par une culture biomédicale subsistent. Ainsi, les évaluation se
limitent souvent à identifier les incapacités et tiennent peu compte de l’environnement et
des besoins des personnes. L’intervention est souvent multidisciplinaire plutôt
qu’interdisciplinaire et prend peu en compte les forces et ressources de la personne.
Enfin, la mesure de l’efficacité des interventions est axée sur la récupération des
capacités plutôt que sur la réalisation des habitudes de vie.
Pistes de réflexion pour favoriser l’intégration du concept de résilience en DP-DI
Notre groupe de recherche propose une définition de la résilience adaptée au contexte
de la réadaptation en DP-DI :
«La résilience est à la fois un ensemble de caractéristiques personnelles de l’individu
(ou du groupe d’individus), un processus et un résultat. Elle s’inscrit dans une
démarche de coapprentissage, d’empowerment et d’autodétermination à travers
laquelle la personne réinterprète la signification d’une situation d’adversité et réoriente
positivement le sens de sa vie afin de poursuivre son développement, tout en renforçant
ses facteurs de protection personnels ou environnementaux. Le sens donné à la
situation d’adversité participe à l’organisation de ce développement». (Michallet,
Lefebvre, Hamelin & Chouinard, 2014, p.166).
Les notions sous-tendant la résilience sont encore perçues par les équipes comme des
techniques, méthodes ou approches apparues telles des modes sans lien entre elles.
La résilience intègre ces notions en un tout cohérent mais c’est loin d’être une évidence
pour les équipes et les gestionnaires. Afin que cette intégration soit réelle, ceux-ci
doivent s’approprier ces concepts et évaluer comment ils pourraient s’intégrer aux
pratiques.
Les données probantes sur la résilience en DP-DI sont rares.Il est nécessaire de
développer des recherches axées sur les facteurs personnels et environnementaux
favorisant la résilience des individus et de leur famille, de développer des instruments
111
qui la mesurent et d’évaluer en quoi les pratiques cliniques et organisationnelles en
réadaptation la favorisent ou non (Quale&Schanke, 2010).
Conclusion
Les services de réadaptation ont le rôle de favoriser la participation sociale des
personnes mais également de les accompagnerdans la mobilisation de leurs
ressources personnelles et environnementales afin qu’elles réalisent leur projet de vie.
L’intégration du concept de résilience en DP-DI estune avenue prometteuse pour
garantir à long terme des services de qualité à la population.
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112
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Quel programme de formation pour prévenir la maltraitance en milieu
institutionnel ?
Auteure : Manon Masse
Résumé
Longtemps ignorés ou déniés, des faits de maltraitance sont aujourd’hui
régulièrement signalés et reconnus comme avérés dans des institutions qui
accueillent des personnes en situation de handicap. Pour les prévenir, il est
préconisé de former le personnel et même de rendre cette thématique obligatoire
dans la formation initiale des différents accompagnants. Cependant, pratiquement
rien n’est dit sur le contenu des formations à dispenser, ni les modalités
pédagogiques à mettre en œuvre.
Cette communication présente une thèse doctorale qui analyse un programme de
formation et ses retombées. Ce programme a été élaboré dans une perspective de
prévention active et propose trois modalités pédagogiques distinctes. Il est dispensé
à des travailleurs sociaux en dernière année d’une formation initiale.
La démarche de recherche vérifie l’hypothèse que des changements de
représentations sur ce qu’est la maltraitance et ses facteurs de protection
surviennent en cours de formation et que ces derniers amènent le déploiement
d’actions spécifiques afin de la prévenir. Cette recherche permet d’une part de
dessiner des perspectives méthodologiques pour l’analyse des formations sur ce
thème et d’autre part de faire des recommandations quant aux contenus et aux
modalités pédagogiques à prioriser.
Mots clés
Maltraitance - violence institutionnelle - abus - négligence - formation - pédagogie représentation - prévention - facteur de protection - facteur de risque accompagnement - personne en situation de handicap
Auteure
Masse Manon, Professeure Hes, Dre en Sc. de l’éducation, Psychologue FSP
113
Haute école de travail social (Hets) de Genève ; Haute école spécialisée de Suisse
occidentale (HES-SO)
Tél. : 0041.22.388.94.74
Courriel : [email protected]
Thème : Bonnes pratiques, qualité, bientraitance, inclusion, référentiels : apports
des lois et rôles des décideurs
Publications
Petitpierre, G., Masse, M., Martini-Willemin, B.-M., & Delessert, Y. (2013). A
complementarity of social and legal perspectives on what is abusive practice and
what constitutes abuse ? Journal of Policy ans Practice Intellectual Disabilities,
vol.10, no 3, pp.196-206.
- Masse, M. & Petitpierre, G. (2011). La maltraitance en institution : Les
représentations comme moyen de prévention. Genève : Editions ies.
- Masse, M. & Petitpierre, G., Vidon, C. & Jossevel, J.D. (2009). Prévention de la
maltraitance en institution. Collaboration autour de l'élaboration d'un support
pédagogique. In V. Guerdan et al. (Eds). La participation, pour une inclusion des
personnes en situation de handicap, pp. 642-659. Berne: Editions P. Lang.
Thèse non publiée
- Masse, M. (2014). Quel programme de formation pour prévenir la maltraitance en
milieu institutionnel ? Analyse des retombées d’une formation sur les représentations
de la maltraitance, ses facteurs de protection et les actions développées. Université
Lumière Lyon 2, dirigée par Charles Gardou.
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Titre :
Formation en intervention interculturelle dans un centre de réadaptation
en déficience intellectuelle et trouble envahissant du développement
Thème :
Les innovations sur le terrain dans les domaines scolaire, éducatif, institutionnel, et
artistique
Auteur(s) :
Geneviève Saulnier
Coordonnées :
124, rue Lois
Gatineau, Québec
114
J8Y 3R7 CANADA
819-770-1022 #201
[email protected]
Mots-clefs
Intervention interculturelle- formation- recherche-action
Résumé (le
thème, la
méthode, les
principaux
résultats, les
perspectives)
Cette communication portera sur le développement d’un projet de recherche-actionformation en intervention interculturelle réalisée dans un centre de réadaptation en
déficience intellectuelle en troubles envahissants du développement (CRDITED) du
Québec. Ce projet, qui s'inscrit comme une étape exploratoire d'un projet de
recherche doctorale, vise à expérimenter une modalité de formation novatrice se
fondant sur la communauté de pratique professionnelle et sur les savoirs
d'expérience des intervenants. Mise en œuvre au Pavillon du Parc, un CRDITED de
la région de l'Outaouais, cette activité de formation novatrice réunit une fois par mois
un groupe multidisciplinaire formé d’intervenants psychosociaux. Ensemble, les
intervenants réfléchissent sur les enjeux de l'intervention interculturelle et de
l'adaptation des pratiques auprès des familles migrantes. Ainsi, nous verrons de
quelle façon cette activité de soutien à l'intervention interculturelle a été construite et
quelles sont les perceptions des intervenants qui y ont pris part quant aux
retombées, avantages et limites de cette approche.
2-3
publications :
Saulnier, G. (2011). Formation en intervention interculturelle dans un centre de
réadaptation en déficience intellectuelle et trouble envahissant du développement
Reflets : revue d'intervention sociale et communautaire, Volume 17(2), pp. 127-148.
Rousseau, C. Repenser la formation continue dans le réseau de la santé et des
services sociaux : L’expérience des séminaires interinstitutionnels en intervention
transculturelle, Nouvelles pratiques sociales, Volume 17(2,) p.p 109-125.
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Atelier N°7 : symposium : Enfants à Troubles du comportement et déficience
intellectuelle : évaluation, intervention en cognition sociale, perceptions et attitudes
d’enseignants à leur égard »
Théorie de l’esprit, résolution de problèmes sociaux et profils d’adaptation
d’enfants présentant une déficience intellectuelle et des troubles externalisés
du comportement?
Nathalie Nader-Grosbois
Université catholique de Louvain, Institut de recherche en Sciences Psychologiques
Chaire Baron Frère en orthopédagogie, Louvain-la-Neuve, Belgique
115
1. Introduction et objectifs de l’étude
A l’âge préscolaire, le problème le plus commun de santé mentale correspond
aux enfants « difficiles à gérer » ou présentant des troubles de comportement
externalisé (TC) tels que l’agressivité, l’impulsivité, l’agitation, la désobéissance et
l’opposition), qui résultent de facteurs neurologique, développementaux et parentaux.
Comme ces problèmes comportementaux chez des enfants d’âge préscolaire sont
des précurseurs potentiels de comportements antisociaux à plus long terme, il est
important de les dépister et d’intervenir le plus tôt possible. En ce qui concerne des
enfants présentant une déficience intellectuelle (DI), que ce soit dans les critères
diagnostiques ou dans les résultats d’études empiriques, ceux-ci ont des déficits en
compétences sociales affectant leur adaptation sociale, leur inclusion et ils peuvent
manifester des troubles de comportement internalisés ou externalisés.
Selon une approche structurale-développementale, les enfants inadaptés
montrent des déficits en cognition sociale ou une immaturité de leur pensée et de la
coordination de la perspective sociale. La Théorie de l’Esprit (Theory of Mind, ToM)
se situe dans cette approche développementale de la cognition sociale. La ToM
correspond à la capacité à comprendre ses propres états mentaux et ceux des
autres, à prendre la perspective d’autrui, à inférer ce qu’il sait ou ressent, ou croit, et
par conséquent, elle permet de se comporter de façon adaptée dans des situations
sociales variées (Astington & Jenkins, 1995 ; Nader-Grosbois, 2011). Selon une
approche fonctionnelle, les enfants inadaptés montrent des biais d’attribution
d’intention en situations sociales critiques ou des difficultés en résolution de
problèmes sociaux. Le Traitement de l’information sociale (TIS) se situe dans cette
approche fonctionnelle. Il opère selon cinq étapes qui sont affectées chez les enfants
TC (Crick & Dodge, 1994), en l’occurrence : (1) l’encodage des indices sociaux ; (2)
l’identification et l’interprétation des indices sociaux (biais d’attribution hostile) ; (3)
l’accès à des réponses appropriées ; (4) la sélection des buts et de la réponse ; (5) la
décision et la génération d’une réponse comportementale. Dans le cas où certaines
de ces étapes se réalisent de façon erronée, l’enfant peut répondre de façon
inadéquate socialement et présenter des TC.
Sur base d’une recension de la littérature, nous avons constaté qu’aucune
étude préalable n’a comparé leur cognition sociale afin de différencier leurs forces et
faiblesses respectives dans leurs profils d’(in)adaptation sociale. La présente étude
vise (1) à comparer des enfants avec TC, des enfants avec DI et des enfants toutvenant (TV) de même âge développemental, pour leurs compétences en ToM
croyances (état mental cognitif), en ToM émotions (état mental affectif), en résolution
de problèmes sociaux et les profils d’(in)adaptation sociale ; et (2) à investiguer si et
comment leurs profils d’(in)adaptation sociale sont liés à et prédits par leurs
capacités en ToM, en résolution de problèmes sociaux et en autorégulation.
2. Modèles théoriques
Notre étude combine les approches développementales et fonctionnelles de la
cognition sociale de ces enfants. Elle se base sur une adaptation du modèle
heuristique des compétences sociales de Yeates et al. (2007), proposée par NaderGrosbois (2011). Voici le schéma du modèle postulé a priori (figure 1) pour cette
étude. Il intègre les composantes de la cognition sociale et des profils
d’(in)adaptation sociale ainsi que l’autorégulation relevant des fonctions exécutives et
les caractéristiques individuelles de l’enfant (âge, âge développemental, diagnostic
116
de troubles). Il envisage des interrelations entre ces différentes variables, qui
peuvent varier selon le type de population concernée.
Figure 1. Modèle heuristique de l’étude
Caractéristiques individuelles
Fonctions exécutives
Age chronologique
Age développemental
Diagnostic (DI/EB)
Autorégulation
Retard chez DI
Déficit chez TC
Adaptation affective
Compétences sociales
Interactions avec pairs
Interactions avec adultes
Adaptation générale
Toutes les dimensions de profils
TC<DI<TV
ToM émotions
Retard chez DI
Déficit chez TC
Adaptation sociale
ToM-croyances
Déficit chez DI
Déficit chez TC
Problèmes internalisés
TC et DI >TV
Problèmes externalisés
TC (agressif, irritable)>DI>TV
Résolution problèmes
socio-émotionnels
Retard chez DI
Déficit chez TC
Inadaptation sociale
Cognition sociale
117
3. Hypothèses
(a) En comparaison avec enfants TV de même âge développemental : les
enfants TC présenteront des déficits en ToM émotions et de stratégies
autorégulatrices ; les enfants DI présenteront des retards en ToM, en résolution de
problèmes sociaux et en autorégulation.
(b) Dans les deux groupes atypiques, l’âge développemental et l’autorégulation
seront positivement liés aux niveaux en ToM et en résolution de problèmes sociaux.
(c) Dans les groupes atypiques, la plupart des dimensions des profils
d’adaptation sociale seront plus faibles que dans le groupe TV. Les problèmes
externalisés et internalisés seront plus relevés dans les deux groupes atypiques,
mais de niveaux d’intensité différents selon le groupe. Des déficits spécifiques dans
les dimensions irritable-tolérant et agressif-contrôlé seront plus importants chez les
enfants TC par contraste aux enfants DI.
(d) Dans les deux groupes atypiques, la ToM émotions, la ToM croyances et
l’autorégulation seront respectivement liées positivement aux capacités d’adaptation
sociale, et à de faibles problèmes externalisés ou internalisés, mais ces liens positifs
diffèreront selon le groupe atypique. Des liens significatifs différents selon le groupe
atypique seront obtenus entre la ToM émotions ou la ToM croyances et des
dimensions spécifiques des profils d’adaptation sociale.
4. Méthode
4.1. Participants
Les parents des enfants TV ont été recruté par l’école maternelle et ceux des enfants
DI et TC, par l’école d’enseignement spécialisé respectivement de type 1 (pour DI) et
de type 3 (pour TC), en région francophone de Belgique. Les trois groupes sont
appariés en fonction de l’âge développemental global et verbal. Le tableau 1
présente les caractéristiques des enfants des trois groupes.
Tableau 1. Moyennes et écart-type des âges chronologiques et développementaux
de chaque groupe
Ages chronologiques
Ages développementaux
globaux
Ages développementaux
verbaux
Enfants
TV
(n = 33)
M(SD)
4.6(.7)
5(1.2)
Enfants
TC
(n = 43)
M(SD)
7(2.5)
5.4(1.3)
Enfants DI
(n = 40)
F(dl)
M(SD)
9.8(2.8)
5.3(1.3)
5.02(2)***
. 29(2)
5(1.2)
5(1.5)
5.3(1.4)
.26(2)
4.2. Instruments
Les Echelles Différentielles d’Efficience Intellectuelle (EDEI-R, Perron-Borelli,
1996).ont servi à établir l’âge de développement. Les Epreuves de la ToM-émotions
ont été utilisées pour évaluer la compréhension des causes et des conséquences
118
des quatre émotions de base (Nader-Grosbois & Thirion-Marissiaux, 2011). Les
Epreuves de la ToM-croyances correspondent à l’aptitude à la tromperie, au
changement de représentation, au contenu insolite, à l’apparence-réalité le
changement de lieu (Nader-Grosbois & Thirion-Marissiaux, 2011). La résolution de
problèmes socio-émotionnels (Nader-Grosbois, 2011) comprend quatre tâches de
prédiction d’émotions et de comportements adaptés en fonction des situations et
quatre tâches d’appariement situations, émotions et comportements adaptés. Cette
séance est filmée pour permettre de coder également sept stratégies
d’autorégulation au moyen d’une grille (Nader-Grosbois, 2007) qui différencie :
l’identification de l’objectif, la planification, attention conjointe, la régulation
comportement ou requête, l’attention, la motivation, l’évaluation par l’enfant lui-même
lorsqu’il résout ces problèmes socio-émotionnels. Le Profil Socio-Affectif (PSA,
Lafrenière, Dumas, Capuano & Dubeau, 1997) a été complété par les enseignants. Il
comporte huit échelles de base permettant d’évaluer les compétences sociales,
l’adaptation générale et les problèmes externalisés et internalisés. Les échelles de
base sont : déprimé/joyeux ; anxieux/confiant ; irritable/tolérant ; isolé/intégré ;
agressif/contrôlé ; égoïste/prosocial ; résistant/coopératif ; dépendant/autonome.
5. Résultats
Concernant les hypothèses (a), les groupes TC et DI montrent une plus faible
compréhension des causes des émotions que le groupe TV (ANOVA à 1 facteur des
scores moyens, (F(2) = 3.44, p = .035). Le groupe TC a des scores significativement
plus faibles : en compréhension en causes des émotions que le groupe DI (p =
.045) ; en ToM émotions et ToM croyances que groupe TV (respectivement, p =
.045; p = .05). Aucune différence significative entre groupes n’est obtenue en
résolution problèmes sociaux, malgré une tendance de scores plus faibles dans
groupes atypiques. L’autorégulation de l’attention conjointe et de l’attention est
significativement plus faible dans les groupes atypiques que dans le groupe TV
(ANOVA). Le groupe TC montre une plus faible autorégulation de l’attention
conjointe et de l’attention que le groupe DI (p< .05)
Concernant les hypothèses (b), des corrélations positives significatives sont
obtenues entre d’une part, l’âge développemental, les scores d’autorégulation et
d’autre part la ToM émotions, la ToM croyances et la résolution de problèmes socioémotionnels, tout particulièrement dans les deux groupes atypiques (rs = .42 à .65, p
<.05 à .001). Dans ces deux groupes atypiques, l’âge développemental explique une
part de la variance de la ToM-émotions, de la ToM croyance et de la résolution de
problème socio-émotionnels. Dans le groupe TV, l’âge chronologique explique
32.6% de la variance de la ToM-émotions 31.3% de la variance de la ToM croyance.
Dans le groupe TC, l’âge développemental global explique 28.8% de la variance de
la ToM-émotions, 20.7% de la variance de la ToM croyance. Dans le groupe DI,
l’âge développemental global explique 28.6% de la variance de la ToM-émotions,
17.8% de la variance de la ToM croyance.
Concernant les hypothèses (c), les deux groupes atypiques, en comparaison au
groupe TV, obtiennent des scores significativement plus faibles dans six échelles:
anxieux-sécure (F(2) = 10.87, p < .001), dépendant-autonome, (F(2) = 14.5, p <
.001), irritable-tolérant (F(2) = 22.23, p < .001), agressif-contrôlé (F(2) = 10.47, p <
.001), égoïste-prosocial (F(2) = 5.46, p < .006), résistant-coopératif (F(2) = 7.63, p <
.001). Les enfants TC présentent des scores plus faibles aux échelles PSA que les
enfants DI, mais la différence n’est significative que pour l’échelle irritable-tolérant (p
119
< .05). Les groupes TC et DI obtiennent des scores significativement plus faibles en
adaptation affective (F(2) = 13.97, p < .001), en interactions avec pairs (F(2) = 7.84,
p < .001) et adultes (F(2) = 1546, p < .001) et en compétences sociales (F(2) = 5.43,
p < .006) que le groupe TV (ANOVA, p < .001 et p < .006). Les groupes TC et DI
montrent significativement plus de problèmes internalisés et externalisés que le
groupe TV (ANOVA, p < .001).
Concernant les hypothèses (d), différents prédicteurs des diverses dimensions
des profils adaptatifs sont mis en évidence selon le groupe d’enfants atypiques.
Dans le groupe TC, la variance de l’adaptation générale est expliquée par la ToM
émotions (35.9%) et par l’autorégulation (48.4%) ; la ToM croyance explique 36.8%
de la variance des interactions avec pairs ; l’âge développemental explique les
variances en adaptation affective (20.3%), en interactions avec pairs (21.6%) et en
interactions avec adultes (29.4%) ; la ToM émotions prédit un moindre niveau de
problèmes externalisés (45.2%). Leur ToM croyance explique entre 13.8% et 36.4%
de la variance aux échelles : isolé-intégré, irritable-tolérant, égoïste-prosocial et
résistant-coopérative ; l’âge développemental explique 21.3% de la variance à
l’échelle isolé-intégré et 17.9% de la variance à l’échelle agressif-contrôlé. Dans le
groupe DI, la ToM émotions explique de hauts pourcentages des variances en
adaptation générale (54.2%), en adaptation affective (49.4%), en interactions avec
pairs (34.9%) et en interactions avec adultes (42.2%), ainsi qu’un moindre niveau de
problèmes internalisés (40.6%). La ToM émotions explique entre 28.5% et 39.3%
de la variance aux échelles : isolé-intégré, irritable-tolérant, égoïste-prosocial.
6. Conclusions
(a) Comme nous l’avons prédit, en comparaison avec enfants TV de même âge
développemental : les enfants TC présentent des déficits partiels en ToM émotions
(en compréhension des causes des émotions) et de deux stratégies autorégulatrices
relatives à l’attention conjointe et l’attention ; et les enfants DI présentent des retards
en ToM, en résolution de problèmes sociaux et en autorégulation mais un déficit des
stratégies relatives à l’attention conjointe et l’attention.
(b) Comme nous l’avons prédit, dans les deux groupes atypiques, l’âge
développemental et l’autorégulation sont positivement liés aux niveaux en ToM et en
résolution de problèmes sociaux.
(c) Comme nous l’avons prédit, presque toutes les dimensions des profils
d’adaptation sociale sont plus faibles dans les groupes atypiques que dans le groupe
TV. Nous identifions un déficit spécifique dans la dimension irritable-tolérant chez les
enfants TC par contraste aux enfants DI. Il y a plus de problèmes internalisés chez
les enfants DI que les enfants TV.
(d) Comme nous l’avons prédit, dans les deux groupes atypiques, la ToM
émotions, la ToM croyances et l’autorégulation sont respectivement liées
positivement aux capacités d’adaptation sociale, et à de faibles problèmes
externalisés ou internalisés, mais différemment selon le groupe atypique. Des liens
significatifs différents selon le groupe atypique sont obtenus entre la ToM émotions
ou la ToM croyances et des dimensions spécifiques des profils d’adaptation sociale,
intégré, tolérant, contrôlé, prosocial et coopératif.
Les résultats nuancés de cette étude ont mis en évidence l’importance de
considérer le développement de la cognition sociale, tant selon l’approche
développementale de la ToM que selon l’approche fonctionnelle de la TIS, lorsqu’il
s’agit de mieux comprendre les problèmes d’adaptation sociale et les profils socio120
adaptatifs d’enfants à risque de problèmes externalisés et internalisés. Ces constats
impliquent également que l’intervention auprès de ces enfants TC ou DI intègre
l’entraînement de la ToM relatives à différents états mentaux et des étapes de la TIS
afin de soutenir leurs compétences sociales et émotionnelles ainsi que leurs
capacités à résoudre des situations sociales critiques ou conflictuelles dans leurs
interactions avec d’autres enfants ou avec les adultes. Des pistes d’intervention
précises sont proposées par Nader-Grosbois (2011, chap. 16) et des entraînements
en ToM et TIS conçus par Houssa, Nader-Grosbois et Jacobs (2014a, 2014b) se
sont avérés efficaces.
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Ph.D, Professeur
Université Catholique de Louvain
Une problématique régulièrement rencontrée chez les enfants d’âge préscolaire
correspond aux troubles externalisés du comportement ; celle-ci fait l’objet de
préoccupations des milieux d’intervention auprès d’enfants à retard de
développement.
Sur base de modèles de la cognition sociale, à savoir le traitement de l’information
sociale et la Théorie de l’Esprit, nous proposons une méthodologie expérimentale
conçue pour évaluer l’effet d’un entraînement à moyen terme (15 séances de 45
minutes à raison de deux séances par semaine) de la cognition sociale sur les
comportements externalisés d’enfants de niveau préscolaire avec comportements
difficiles et sur l’amélioration de leur cognition sociale. Des mesures directes et
indirectes (complétées par les parents et les instituteurs) en prétest et en posttest ont
été prises afin d’évaluer l’effet de l’entraînement sur la Théorie de l’Esprit, la
résolution de problèmes sociaux, la régulation émotionnelle, l’adaptation sociale, les
comportements externalisés… Les principaux résultats seront dégagés, ainsi que
des indications pour l’évaluation et l’intervention d’enfants à troubles externalisés de
comportement.
Mots Clefs : Trouble du comportement, cognition sociale, théorie de l’esprit,
adaptation sociale
-
Houssa, M., Nader-Grosbois, N. & Jacobs, E. (2014). Experimental study of shortterm training in social cognition in pre-schoolers. Journal of Education and
Training Studies, 2(1), 139-154.
-
Houssa, M., Mazzone, S., & Nader-Grosbois, N. (2014). Validation d’une version
francophone de l’Inventaire de la Théorie de l’Esprit. Revue Européenne de
Psychologie Appliquée. Doi.org/10.1016/j.erap.2014.02.002
-
Nader-Grosbois, N., Houssa, M., & Mazzone, S. (2013). How could Theory of
Mind contribute to the differentiation of social adjustment profiles of children with
externalized behavior disorders and children with intellectual disabilities?
Research
in
Developmental
Disabilities,
34(9),
2642-2660.
Doi :10.1016/j.ridd.2013.05.010.
122
__________________________________________________________________
Attitudes d’enseignants travaillant avec des enfants ayant une déficience
intellectuelle et des troubles du comportement.
Ioanna Guikas,
Doctorante
et Diane Morin,
Ph.D., Professeur
Université du Québec à Montréal
Les enfants ayant une déficience intellectuelle sont à risque de développer des
troubles du comportement. Il semble que les interactions entre les intervenants et les
personnes ayant une déficience intellectuelle jouent un rôle sur le développement ou
le maintien de troubles du comportement chez ces derniers.
Ainsi, la présente étude propose une analyse descriptive des comportements émis
par des enseignants travaillant dans des classes spéciales quant à l’émission de
troubles du comportement par leurs élèves. Huit enseignants et douze enfants ayant
une déficience intellectuelle et présentant des troubles du comportement ont été
observés pendant une période de six mois. Les enseignants ont aussi rempli des
questionnaires sur leurs émotions, leurs connaissances et le type d’intervention qu’ils
utilisent face aux troubles du comportement.
Cette méthodologie a permis une description globale des attitudes des enseignants
envers les troubles du comportement. Les principaux résultats de la recherche seront
présentés ainsi que des recommandations pour la pratique.
Mots Clefs : Trouble du comportement, enseignants, attitudes
Sermier Dessemontet, R.; Morin, D., & Crocker, A. (2014). Exploring the relations
between in-service training, prior contacts and teachers’ attitudes towards
persons with intellectual disability. International Journal of Disability,
Development and Education, 61(1), 16-26.
Morin, D., Crocker, A.G., Beaulieu-Bergeron, R., & Caron J. (2013). Validation of the
Attitudes toward intellectual disability – ATTID questionnaire. Journal of
Intellectual Disability Research, 57 (3), 268-278.
Morin, D., Rivard, M., Crocker, A.G., Parent-Boursier, C., & Caron, J. (2013). Public
attitudes toward intellectual disability: a multidimensional perspective. Journal of
Intellectual Disability Research, 57 (3), 279-292.
123
Atelier N°8 Symposium : Perspective inclusive de la littératie et participation
citoyenne
Vers une définition de la littératie et de ses usages sociaux
Des recherches dans le champ de la littératie pour contrer l’exclusion des personnes vulnérables
MOREAU André
André C. Moreau
Université du Québec en Outaouais
Pavillon St-Jérôme
5, rue Saint-Joseph, bureau J-1218
Saint-Jérôme (Québec) J7Z 0B7
Professeur agrégé, Université du Québec en Outaouais
Cotitulaire de la Chaire interdisciplinaire de recherche en littératie et inclusion – Pavillon du Parc
[email protected]
C RUEL Julie
Julie Ruel, PhD
Chercheure associée Pavillon du Parc
Professeure associée UQO
124 rue Lois
Gatineau, Québec, J8Y 3R7
Tél. 819-712-0712
[email protected]
Chercheure associée, Pavillon du Parc
Professeure associée Université du Québec en Outaouais
Cotitulaire de la Chaire interdisciplinaire de recherche en littératie et inclusion – Pavillon du Parc
[email protected]
______________________________________________________________________________
Bien que le Québec fasse partie d’un pays dit développé, 53% de sa population
adulte ne possède pas le niveau suffisant de compétence en littératie pour participer
activement à la société du savoir (Statistique Canada, 2013; OCDE, 2013). Cette
situation est encore plus inquiétante pour les personnes présentant une déficience
intellectuelle. Cette réalité questionne la façon dont les milieux, les organisations et
les services accueillent et desservent les populations vulnérables sur le plan de la
littératie. Ces milieux doivent revoir leurs façons de rejoindre ces groupes à risque
d’exclusion afin de soutenir le développement de milieux inclusifs pour tous les
124
segments de la population. De même, les usages de la littératie sont multiples et ils
se déploient dans divers contextes.
Après avoir présenté les enjeux de la littératie en général et dans deux contextes en
particulier, cette communication permet de situer le concept de littératie dans le
monde francophone et de le définir dans une perspective inclusive. Cette perspective
invite les chercheurs de ce champ d’étude à réaliser des recherches qui permettront
de développer des connaissances sur les façons dont les services ou les
organisations peuvent mieux rejoindre, informer et desservir les populations ayant
des compétences réduites en littératie et ainsi accroître la prise de parole, la
participation et la contribution citoyenne des personnes vulnérables. La
communication permettra aux participants d’examiner des recherches réalisées ou
en cours qui s’inscrivent dans cette perspective. Ce faisant, les participants
exploreront la nature participative de ces recherches, leur déroulement et les
retombées concrètes qui en découlent.
Problématique
Les personnes qui présentent un faible niveau de compétence en littératie participent
habituellement moins à la vie communautaire, sont en moins bonne santé, font moins
confiance aux autres et elles ont une impression d’influencer moins les processus
politiques (OCDE, 2013). Ces personnes sont davantage à risque d’exclusion que ce
soit sur les plans scolaire, de l’emploi, politique ou social.
Les compétences en littératie sont souvent des compétences médiatrices dans
divers contextes tels que l’information ou la santé. Ainsi, les compétences pour
chercher, trouver, traiter, utiliser ou communiquer l’information sont souvent cruciales
à la pleine participation dans notre société actuelle qui en est une d’information et de
communication. Malheureusement, la quantité innombrable d’information disponible
ne garantit pas son accès ou sa compréhension. L’exclusion liée à la difficulté
d’accès à l’information est une réalité. Le phénomène de fracture numérique ajoute
aux enjeux : il y a les inforiches et les infopauvres (Rizza, 2006). Pour des personnes
vivant avec une incapacité, la peur de l’exclusion sociale est bien présente et elle est
accentuée par l’avènement du numérique (Dagenais, Poirier et Quidot, 2012). Ainsi,
plusieurs personnes dont celles vivant avec une déficience intellectuelle n’ont pas
toujours les compétences informationnelles requises pour saisir l’information leur
permettant de participer pleinement aux activités de tous les jours et dans leur
communauté.
Pour ce qui est des compétences en littératie en santé, elles sont souvent moins
élevées chez la population que la littératie en général puisque les opérations
requises pour comprendre et traiter les informations en santé sont plus complexes.
Au Québec, le deux-tiers (66 %) de la population de 16 ans et plus n’atteint pas le
niveau de compétence souhaitable en littératie en santé pour gérer adéquatement
125
leur santé (Bernèche, Traoré et Perron, 2012). Sachant que les personnes
présentant une DI ont déjà des niveaux réduits de littératie, nous pouvons présumer
du bas niveau de littératie en santé chez cette population. C’est une problématique
importante pour cette clientèle qui présente habituellement de nombreux problèmes
de santé physique ou mentale, chroniques ou aigus (Balogh, Ouellette‐Kuntz,
Brownell, & Colantonio, 2011).
Pour une définition inclusive de la littératie
Dans le monde francophone, l’utilisation du concept littératie ne fait pas consensus.
Le terme alphabétisation lui est souvent préféré avec une connotation limitatrice au
lire-écrire, ou encore on remarque un chevauchement dans l’utilisation de plusieurs
termes tels que l’alphabétisme, l’illettrisme et la littératie (Moreau, Hébert, Lépine et
Ruel, 2013). Dans une perspective inclusive, le concept de littératie dépasse le « lireécrire » qui s’inscrit dans une vision individuelle de la littératie. La Chaire
interdisciplinaire de recherche en littératie et inclusion – Pavillon du Parc (CIRLI) a
contribué à proposer une définition qui répond à la dimension inclusive de ce
concept.
Ainsi, la littératie est d’abord définie sous l’angle de l’individu : la capacité d’une
personne à comprendre et à utiliser le langage, les chiffres, les images et les
technologies de l’information et de la communication (TIC) afin d’échanger,
d’interagir avec les autres, de saisir son environnement, d’acquérir de nouvelles
connaissances, de développer son plein potentiel et d’être un citoyen à part entière.
S’ajoute nécessairement une seconde dimension à la littératie sous l’angle des
services et des communautés, pour souligner la responsabilité collective : la capacité
des milieux et des services à favoriser l’accessibilité aux usages sociaux du langage,
des chiffres, des images et des TIC dans leurs contextes respectifs afin d’appuyer le
développement du plein potentiel de leur population et l’exercice de leur citoyenneté
(Ruel et Moreau, 2013).
Cette définition interpelle les services et des milieux à poser des gestes afin de
devenir plus inclusifs. Un champ de recherche se développe afin d’augmenter
l’accessibilité aux usages sociaux de la littératie et favoriser ainsi l’inclusion de tous.
Les activités de recherche dans le champ de la littératie
Les chercheurs associés à CIRLI veulent, par leurs activités de recherche, étudier la
littératie sous l’angle des conditions qui permettent aux milieux et aux services de
desservir mieux leur population. Pour ce faire, le déploiement les recherches visent à
développer les connaissances sur les façons dont les services ou les organisations
peuvent mieux rejoindre, informer et desservir les populations ayant des
compétences réduites en littératie. Les retombées visées sont d’accroître la prise de
126
parole, la participation et la contribution citoyenne des personnes vulnérables, et ce
faisant, contribuer à rendre les milieux plus inclusifs.
La nature des recherches déployées par les chercheurs de CIRLI sont variées.
Cependant, plusieurs d’entre elles sont de nature participative, de type rechercheaction, et mettent à contribution les parties prenantes dans l’identification des
stratégies à privilégier pour augmenter l’accessibilité à l’information ou à des services
inclusifs dans le domaine de la santé.
Selon les projets, les parties prenantes diffèrent. Cependant, la contribution des
parties prenantes est une stratégie identifiée pour soutenir des environnements
inclusifs (Ruel et Moreau, 2014). Lorsque les principaux intéressés sont mis à
contribution dans le cadre de recherches participatives, on remarque chez ces
personnes des effets sur leur autonomisation et leur pouvoir d’agir (Jouët, 2013).
Références bibliographiques
BALOGH, R. S., OUELLETTE‐KUNTZ, H., BROWNELL, M., & COLANTONIO, A.
(2011), Ambulatory care sensitive conditions in persons with an intellectual
disability–development of a consensus, Journal of Applied Research in
Intellectual Disabilities, vol. 24, n° 2, p. 150-158.
BERNÈCHE, F., TRAORÉ, I. et Perron, B. (2012), Littératie en santé : compétences,
groupes cibles et facteurs favorables : Résultats québécois de l’Enquête
internationale sur l’alphabétisation et les compétences des adultes (2003),
Zoom Santé, no 35, p. 1-8.
DAGENAIS, D., Poirier, K. et Quidot, S. (2012), L’inclusion numérique telle
qu’expérimentée par les citoyens handicapés au Québec, Montréal, INTECH
Québec, Communautique.
JOUËT, E. (2013), Le projet Emilia : inclusion sociale par la formation des personnes
vivant avec un trouble psychique, Savoirs, n° 31, p. 69-80.
MOREAU, A.C., HÉBERT, M., LÉPINE, M. et RUEL, J. (2013), Le concept de
littératie en francophonie : que disent les définitions?, Revue CNRIS, vol. 4, n°
2, p. 14-18.
OCDE (2013), Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2013 : Premiers
résultats de l’Évaluation des compétences des adultes, Paris, Éditions OCDE.
RIZZA, C. (2006). La fracture numérique, paradoxe de la génération Internet,
Hermès, n° 45, p. 25-31.
127
RUEL, J. et MOREAU, A.C. (2013), Soutenir les milieux et les services afin de
desservir mieux les personnes ayant un faible taux de littératie, Revue CNRIS,
vol. 4, n° 2, p. 19-22.
RUEL, J., MOREAU, A.C. & Alarie, L. (2014 - soumis), Usages sociaux de la littératie
et compétences à développer en vue d’environnements plus inclusifs, in
Littératie : vers une maîtrise des compétences dans divers environnements,
sous la dir. de L. Lafontaine & J. Pharand, Québec, Presses de l’Université du
Québec.
STATISTIQUE CANADA (2013), Les compétences au Canada : Premiers résultats
du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes
(PEICA), Ottawa, Gouvernement du Canada.
__________________________________________________________________
Des recherches dans le champ de la littératie pour contrer l’exclusion des
personnes vulnérables
C RUEL Julie
Julie Ruel, PhD
Chercheure associée Pavillon du Parc
Professeure associée UQO
124 rue Lois
Gatineau, Québec, J8Y 3R7
Tél. 819-712-0712
[email protected]
Chercheure associée, Pavillon du Parc
Professeure associée Université du Québec en Outaouais
Cotitulaire de la Chaire interdisciplinaire de recherche en littératie et inclusion – Pavillon du Parc
[email protected]
MOREAU André
André C. Moreau
Université du Québec en Outaouais
Pavillon St-Jérôme
5, rue Saint-Joseph, bureau J-1218
Saint-Jérôme (Québec) J7Z 0B7
Professeur agrégé, Université du Québec en Outaouais
Cotitulaire de la Chaire interdisciplinaire de recherche en littératie et inclusion – Pavillon du Parc
[email protected]
128
Les recherches dans le champ de la littératie ont souvent comme objectifs
d’augmenter les connaissances afin de favoriser les apprentissages en lecture et en
écriture des apprenants en milieu scolaire. Pour sa part, la perspective inclusive de la
littératie, telle qu’adoptée par la Chaire interdisciplinaire de recherche en littératie et
inclusion – Pavillon du Parc (CIRLI), appelle à des recherches qui permettront de
développer des connaissances sur les façons dont les services ou les organisations
peuvent mieux rejoindre, informer et desservir les populations ayant des
compétences réduites en littératie et ainsi accroître la prise de parole, la participation
et la contribution citoyenne des personnes vulnérables sur le plan de la littératie
(CIRLI, 2013; Ruel et Moreau, 2013).
La communication permettra aux participants d’examiner des recherches réalisées
ou en cours qui s’inscrivent dans cette perspective. Les recherches touchent
notamment la littératie informationnelle, la littératie en santé et la littératie visuelle. Ce
faisant, les participants exploreront la nature participative de ces recherches, leur
déroulement et les retombées concrètes qui en découlent. Des perspectives de
recherche en développement seront aussi présentées.
__________________________________________________________________
L’empowerment des consommateurs ayant des compétences réduites en
littératie
Abdelkader El hejraoui
Doctorant en sciences de gestion
CREM UMR 6211 CNRS
IGR-IAE Université Rennes 1
[email protected]
Julie Ruel
Chercheure associée, Pavillon du Parc
Professeure associée Université du Québec en Outaouais
Cotitulaire de la Chaire interdisciplinaire de recherche en littératie et inclusion – Pavillon du Parc
[email protected]
129
______________________________________________________________________________
« En 2011, 16% des personnes de 18 à 65 ans résidant en France métropolitaine éprouvent des
difficultés dans les domaines fondamentaux de l’écrit, et pour 11% ces difficultés sont graves ou
fortes. Parmi celles qui ont été scolarisées en France, 7% sont dans ce cas et peuvent donc être
considérées en situation d’illettrisme, soit 2,5 millions de personnes âgées de 18 à 65 ans » (lettre N°
1426 INSEE décembre 2012). Le choix de l’illettrisme comme Grande Cause nationale 2013 en
France confirme l’enjeu qu’il y a aux yeux des pouvoirs publics de mieux comprendre ces difficultés
et les contextes dans lesquels elles apparaissent. La communication permet d’exposer les
connaissances issues d’une recension des écrits réalisée dans le cadre d’un stage doctoral de recherche
ayant permis 1) d’Identifier les éléments de la problématique des consommateurs à faible littératie en
lien avec l’empowerment des consommateurs; 2) d’approfondir cette problématique en contexte de
nutrition/santé des consommateurs à faible littératie en général, et des personnes présentant une
déficience intellectuelle en particulier; et 3) d’examiner la façon dont les distributeurs en alimentation
favorisent ou non l’empowerment des consommateurs en tenant compte de leur niveau de littératie.
Des pistes de recherche seront ensuite proposées.
Le consommateur à compétences réduites en littératie : Le grand oublié de la
recherche en marketing
En France 22 % des personnes âgées de 16 à 65 ans ont un faible niveau de
compétence dans le domaine de l’écrit, (OCDE, 2013)
A l’échelle Européenne, 45% des consommateurs éprouvent des difficultés à
effectuer des calculs simples, 42% ne peuvent lire correctement une liste
d’ingrédients sur une étiquette, 18% ne parviennent pas à trouver la date de
péremption, (Eurobaromètre, EUROPA 2011).
Faire ses courses en grande surface peut paraître banal à l’heure des courses en
ligne. Le chaland est constamment sollicité par des propositions d’offres attractives.
Celui-ci doit définir ses besoins, satisfaire ses envies, rechercher des informations,
les intégrer, les traiter, les comparer, arbitrer et prendre des décisions.
Or, cette population rencontre des difficultés dans la vie quotidienne pour écrire une
liste de courses, faire des démarches administratives, trouver son chemin pour se
rendre au centre commercial. Le contexte de mondialisation a permis dans les
économies des pays développés et émergents de créer et de répondre à de
nouveaux besoins des consommateurs.
Il aboutit ainsi à une demande croissante de consommation de produits et de
services.
Les marchés constamment influencés par les technologies, l’innovation, la publicité,
et la consommation responsable instaurent une confusion dans l’esprit du
consommateur à compétences réduites en littératie. Face à la complexité croissante
130
des produits et de leurs attributs. Les consommateurs à faible littératie doivent
désormais être capables d’interpréter les informations pertinentes et les messages
des entreprises de manière à opérer des choix avisés.
Une revue de littérature francophone nous a révélé que le thème du comportement
du consommateur et le processus de décision des personnes à faible littératie, ainsi
que le ciblage des consommateurs vulnérables (vieillissement cognitif, déficience
intellectuelle,…) n'a pas du tout été traité en sciences de gestion dans la discipline
du marketing.
Une telle inoccupation de ce champ de recherche nous interroge. En l’absence
d’information, nous pouvons supposer que :
- La discipline du marketing est par nature créatrice de valeur, et par
conséquent, le ciblage des consommateurs vulnérables n’en fait pas partie ;
- La recherche en marketing émerge des demandes des organisations qui
n’ont pas ce genre de préoccupations ;
- Les théories du comportement du consommateur ne différencient pas, le
consommateur à faible littératie du cosommateur ordinaire.
La littératie des individus est généralement considérée comme acquise dans la
majorité des recherches menées en marketing (Viswanathan, Rosa et Harris , 2005).
Une recherche exploratoire (El Hejraoui, 2012), a permis de valider :
i) Un champ nouveau de recherche dans la discipline du Marketing,
ii) Un réel besoin de compréhension du comportement du consommateur à faible
littératie,
iii) Une ouverture de la discipline du Marketing au champ macro-économique et
sociétal.
Problématique
Les personnes qui présentent un faible niveau de compétence en littératie participent
habituellement moins à la vie communautaire, sont en moins bonne santé, font moins
confiance aux autres et elles ont une impression d’influencer moins les processus
politiques (OCDE, 2013). Ces personnes sont davantage à risque d’exclusion que ce
soit sur les plans scolaire, de l’emploi, politique ou social.
Les compétences en littératie sont souvent des compétences médiatrices dans
divers contextes tels que l’information ou la santé. Ainsi, les compétences pour
131
chercher, trouver, traiter, utiliser ou communiquer l’information sont souvent cruciales
à la pleine participation dans notre société actuelle qui en est une d’information et de
communication. Malheureusement, la quantité innombrable d’information disponible
ne garantit pas son accès ou sa compréhension. L’exclusion liée à la difficulté
d’accès à l’information est une réalité. Le phénomène de fracture numérique ajoute
aux enjeux : il y a les inforiches et les infopauvres (Rizza, 2006). Pour des personnes
vivant avec une incapacité, la peur de l’exclusion sociale est bien présente et elle est
accentuée par l’avènement du numérique (Dagenais, Poirier et Quidot, 2012). Ainsi,
plusieurs personnes dont celles vivant avec une déficience intellectuelle n’ont pas
toujours les compétences informationnelles requises pour saisir l’information leur
permettant de participer pleinement aux activités de tous les jours et dans leur
communauté. Dans un contexte de consommation, il apparaît clairement que le
niveau de compétence en littératie détermine la qualité et l’expérience de
consommation.
La mauvaise compréhension ou interprétation d’une communication marketing
s’appuyant sur des éléments symboliques ou abstraits peut amener ces personnes à
faire des choix sous-optimaux compte tenu de leur situation et de leur contexte
particulier (Sempel, 2011). Les besoins des personnes à faible littératie sont mal
satisfaits (Wiswanathan et al., 2005). La société et non le marché, devient le champ
d’action de la recherche en marketing ( Badot, Bucci et Cova, 1993). Le programme
marketing standardisée tel qu’il est encore aujourd’hui en matière de politique
produit, politique de communication, politique de distribution et enfin politique de prix
(4P), (Adkins, 2001), ne permet pas d’approcher ce public, les méthodes de
recherche de besoin ne ciblent pas non plus ce public, (ex: enquête par
questionnaire,….), (Sempels, 2011).
La profusion de signes de qualité et/ou d’origine, leur grande diversité en termes de
contenu et la faiblesse de leur signalétique peuvent, en effet, favoriser
l’incompréhension et la confusion du consommateur, (Robert-Demontrond et al.,
2007).
L’information émise par les offreurs n’est pas toujours claire et transparente, le
consommateur ne prend toujours le temps de lire, il subit l’hyper-information (Nabec,
2011).
L’enjeu est de faciliter la communication et la comprehension des labels de nutrition
(Wiswanathan et al, 2009).
La prise de conscience de l’existence des personnes à faible littératie gagne à être
posée dans un cadre de la responsabilité sociétale des entreprises. Selon RobertDemontrond (2012), « La Responsabilité Sociale de l'Entreprise (RSE) ne peut plus
132
être considérée comme un " effet de mode ", elle correspond à une réalité qui a
largement pénétré les entreprises. Il faut alors en comprendre les enjeux et les
conséquences pour les organisations et la société, dans le monde globalisé qui est le
nôtre ».
Le concept de RSE (Responsabilité sociale des entreprises) comporte une
dimension économique, sociale et environnementale. « Cette notion exprime l’idée
que l’entreprise responsable se doit de réaliser l’équilibre le plus harmonieux
possible entre ces trois dimensions de telle sorte qu’elle conjugue trois objectifs :
prospérité économique, justice sociale et qualités environnementales » (Capron et
Quairel-Lanoizelée, 2004).
Pour une définition inclusive de la littératie
Dans le monde francophone, l’utilisation du concept littératie ne fait pas consensus.
Le terme alphabétisation lui est souvent préféré avec une connotation limitatrice au
lire-écrire, ou encore on remarque un chevauchement dans l’utilisation de plusieurs
termes tels que l’alphabétisme, l’illettrisme et la littératie (Moreau, Hébert, Lépine et
Ruel, 2013). Dans une perspective inclusive, le concept de littératie dépasse le « lireécrire » qui s’inscrit dans une vision individuelle de la littératie. La Chaire
interdisciplinaire de recherche en littératie et inclusion – Pavillon du Parc (CIRLI) a
contribué à proposer une définition qui répond à la dimension inclusive de ce
concept.
Ainsi, la littératie est d’abord définie sous l’angle de l’individu : la capacité d’une
personne à comprendre et à utiliser le langage, les chiffres, les images et les
technologies de l’information et de la communication (TIC) afin d’échanger,
d’interagir avec les autres, de saisir son environnement, d’acquérir de nouvelles
connaissances, de développer son plein potentiel et d’être un citoyen à part entière.
S’ajoute nécessairement une seconde dimension à la littératie sous l’angle des
services et des communautés, pour souligner la responsabilité collective : la capacité
des milieux et des services à favoriser l’accessibilité aux usages sociaux du langage,
des chiffres, des images et des TIC dans leurs contextes respectifs afin d’appuyer le
développement du plein potentiel de leur population et l’exercice de leur citoyenneté
(Ruel et Moreau, 2013).
Cette définition interpelle les services et des milieux à poser des gestes afin de
devenir plus inclusifs. Un champ de recherche se développe afin d’augmenter
l’accessibilité aux usages sociaux de la littératie et favoriser ainsi l’inclusion de tous.
Cadre théorique
L’empowerment :
133
Le terme de consumer empowerment a été introduit en marketing pour
conceptualiser le pouvoir de consommation (Guintcheva, 2014). Le consumer
empowerment peut être processus ou résultat (Denegri-Knott, Zwick et Schroeder,
2006).
En tant que processus, il se définit comme l'ensemble des actions mises en place
par le consommateur pour exercer un contrôle sur des décisions qui le concernent
(exemple : le prix des produits, leur processus de production, les canaux de
distribution etc.).
En tant que résultat, sa définition est plus subjective parce qu'elle est liée à la
perception individuelle, l’empowerment concerne, en effet, le sentiment de pouvoir
contrôler que le consommateur pense détenir, ainsi que celui de comprendre son
environnement et essayer activement de le maîtriser.
La Théorie d’adaptation des Ressources (RMT)
Elle repose sur deux construits principaux : le niveau de ressources disponible et le
niveau de ressources exigé. Les ressources disponibles correspondent aux
capacités mentales que l’individu est en mesure de fournir pour traiter le message
publicitaire. Les ressources exigées correspondent aux capacités nécessaires pour
que le message soit traité de façon adéquate (Larsen, Luna et Peracchio, 2004).
Le concept de Stigmate
Le terme stigmate vient du Grec stigma qui signifie marque physique d’infamie. De
nos jours, on retrouve le concept de stigmate en sociologie. Une personne
possédant un attribut spécifique (visible), possède un stigmate (discrédit).
Cependant, le stigmate peut-être non visible, comme une personne Ayant des
compétences réduites en littératie. Ce qui peut entraîner une forte pression sociale,
un sentiment de honte. Ainsi qu’un refus d’apprentissage. Ce groupe d’individu est
parfois qualifié de « les laissé pour compte ».
Un champ de recherche ancré dans le courant de la (TCR) Transformative
Consumer Research
Officiellement initiée en 2005, par ACR (American Consumer Research). Le courant
de recherche de la TCR s’est développé au cœur de la recherche en comportement
du consommateur. Celle-ci vise à encourager, à faciliter, et à valoriser la recherche
qui améliore la qualité de vie ainsi que le bien être des consommateurs. La
particularité de la TCR réside dans le fait qu’elle prend en compte la réalité sociale
des consommateurs, jusqu’alors occultée. La TCR s’intéresse aux « consommateurs
134
dans la vie réelle » notamment les consommateurs vulnérables. La TCR se présente
comme une recherche à visée transformative, une transformation
transformation sociale dans les
marchés.
Le courant de recherche TCR couvre des thématiques variées, les défis de la
consommation/ surconsommation, la dépendance (alcool, drogue, techonologie...),
les consommateurs pauvres, le matérialisme, les décisions financières
financière (carte de
crédit, dettes,…), les consommateurs à faible littératie.
Figure 1 : Origine, qualités et environnement de la TCR
Source : Mick et al.(2012) Traduction libre
Résultat de la recherche
L’intérêt de recherche sur les consommateurs à compétences
compétences réduites en littératie
remonte aux
début des années 2000, avec les travaux (Adkins, 2001) qui s’est intéressée à
l’impact de la sphère marchande et de l’écrit sur les consommateurs à faible littératie
Face à une situation d’inconfort, de stress lors
lors d’un acte d’achat, le consommateur à
compétences réduites en littératie met en place des stratégies d’adaptation,
135
d’ajustement telles que :
- Une mémorisation (marque, image, lettre, emballage,...) ;
- Un Comportement répétitif (les achats sont effectués dans la même boutique, les
mêmes produits, familiarisation du lieu et avec le vendeur) ;
- Une pratique de l’activité d’achat pré-planifié et un apprentissage essai-erreur ;
- Une recherche d’aide permanente d’une tierce personne pour décoder les
informations des produits ;
- Un évitement lié à leur pouvoir d’achat ;
- Une non-divulgation de leur manque de compétence en lecture et en écrit face à
leur environnement sociale (estime de soi et stigmatisation) ;
- Un contournement (attirer l’attention sur d’autres compétences ex : le calcul (rendu
monnaie) pour masquer leur illettrisme).
Viswanathan et al. (2008), se sont penchés sur l’expérience du consommateur à
compétence réduite en litératie dans un magasin de proximité, pour le CFL l’acte
d’achat quotidien est un double défi (tableau 1).
D’une part un défi lié aux attributs du produit (difficulté de traitement de l’information,
prix, calcul, reconnaissance de label, confusion dans les achats).
D’autre part, un défi lié à l’environnement d’achat (difficulté cognitive dans le
magasin, difficulté dans la navigation, difficulté de lecture de consigne, surcharge
informationnelle,...).
___________________________________________________________________
136
Atelier N°9 Vie adulte 2
Dans les institutions socio-éducatives de Suisse romande, quelles pratiques
d’expression collectives existent, pour quelle citoyenneté ?
Auteurs : Manon Masse, Yves Delessert, Maëlle Dubath
1. Yves Delessert, Responsable de la filière travail social, Juriste et animateur socio-culturel, Haute
école de travail social (Hets) de Genève ; Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)
2. Manon Masse, Professeure Hes, Dre en Sc. de l’éducation, Psychologue FSP, Haute école de
travail social (Hets) de Genève ; Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)
3. Maëlle Dubath, Responsable de formation, Travailleuse sociale, Caritas, Suisse
Courriel : [email protected]; [email protected]
Résumé :
En Suisse, la plupart des institutions socio-éducatives offre des prestations qui visent
l’autodétermination des résidents ou travailleurs. Au niveau individuel, un projet
personnalisé est réalisé afin de répondre à des besoins et des objectifs fixés avec la
personne et son entourage proche. Au niveau collectif, plusieurs institutions ont
développé des espaces d’expression. Par contre, contrairement à la France ou à
d’autres pays, ces espaces collectifs de parole ne sont pas obligatoires et inscrits
dans la loi, ce qui laisse place à une liberté dans la façon de les concevoir et de les
mettre en œuvre.
Cette communication présente les résultats d’une recherche en deux volets, réalisée
en Suisse romande de 2011 à 2013. Le premier volet repose sur une analyse par
questionnaires et a permis de dresser une première typologie des espaces
d’expression. Le deuxième volet, réalisé dans quatre institutions romandes où
s'exercent ces groupes d’expression, précise la typologie. De plus, la démarche de
recherche qualitative vise à vérifier, parmi les multiples formes d’espaces
d’expression repérées, lesquelles sont les plus aptes à favoriser l'empowerment
communautaire, à savoir selon les définitions de Hansotte (2008), le passage de la
participation individuelle (parole en « Je ») à la participation collective (parole en
« Nous ») puis à une participation représentative (parole en « Pour nous tous »).
Mots clés :
Groupe d’usagers ; groupe d’expression ; groupe de parole ; espace de parole ;
empowerment ; autédétermination ; droits humains ; personnes ayant une déficience
intellectuelle
137
Publications
Masse, M., Delessert, Y., Dubath, M. Les espaces d’expression dans les institutions socio-éducatives en
Suisse romande : Quelle participation pour quelle citoyenneté ? Genève : Editions ies. Publication
prévue printemps 2015.
Masse,
M.
(2013).
Les
espaces
d’expression
en
Suisse
romande.
Mai
2013.
http://www.reiso.org/spip.php?article3177
Masse, M. & Delessert, Y. (2012). Les espaces collectifs d’expression au sein des institutions qui
accueillent les personnes déficientes intellectuelles adultes : tremplin vers une participation collective
et publique? Actes de Colloque : Formes d’éducation et processus d’émancipation. 24 mai 2012.
Rennes.
Récupéré le 28.02.2013 de http://python.bretagne.iufm.fr/recace/fepe_2012/Symposiums/Masse.pdf
___________________________________________________________________
Professionnels de la santé et population générale : comparaison des attitudes
envers les personnes présentant une déficience intellectuelle
_____________________________________________________________________________
Diane Morin*, Thiago Lopes, Anne G. Crocker et Jean Caron
Université du Québec à Montréal, Département de psychologie, C.P. 8888, succ. Centre-ville,
Montréal (Québec), H3C 3P8, Canada; [email protected]; 1.514.987.3000, poste 4924
_____________________________________________________________________________
Thème. Mieux comprendre les attitudes des professionnels de la santé (PS) est essentiel pour
améliorer l’intégration sociale et la qualité de vie des personnes présentant une déficience
intellectuelle (DI). Cette étude vise : 1) à décrire les attitudes des PS envers les personnes présentant
une DI; et 2) à comparer leurs attitudes à celles de la population générale. Méthode. Un échantillon
de 367 PS et un autre de 1605 personnes de la population générale ont répondu par téléphone au
questionnaire ATTID (Attitudes à l’égard de la déficience intellectuelle) qui mesure trois composantes
des attitudes (cognitive, affective et comportementale). Les PS ont répondu à 48 questions
supplémentaires. Les tests de Student et de Mann-Whitney ont été utilisés pour comparer les 2
échantillons. Principaux résultats. Les PS ont en général des attitudes plus positives que la
population générale, pour 3 des 5 facteurs mesurés par l’ATTID (connaissance des causes de la DI,
inconfort, et sensibilité/attendrissement). La population générale interagit plus fréquemment avec les
personnes présentant une DI, comparée aux PS. Les deux groupes sont comparables concernant
leurs connaissances des capacités et des droits des personnes présentant une DI. Perspectives. Ces
résultats offrent des pistes intéressantes pour développer des campagnes de sensibilisation,
d’information et de formations bien ciblées.
Mots-clés : attitudes envers la DI, professionnels de la santé, inclusion sociale.
138
Publications :
Morin, D., Crocker, A.G., Beaulieu-Bergeron, R., & Caron J. (2013). Validation of the Attitudes toward
intellectual disability – ATTID questionnaire. Journal of Intellectual Disability Research, 57 (3), 268278.
Morin, D., Rivard, M., Crocker, A.G., Parent-Boursier, C., & Caron, J. (2013). Public attitudes toward
intellectual disability: a multidimensional perspective. Journal of Intellectual Disability Research,
57 (3), 279-292.
Sermier Dessemontet, R.; Morin, D., & Crocker, A. (2014). Exploring the relations between in-service
training, prior contacts and teachers’ attitudes towards persons with intellectual disability. International
Journal of Disability, Development and Education, 60(1): 16-26.
___________________________________________________________________
Apprentissage à l’âge adulte, qu’en disent les personnes avec une déficience
intellectuelle ?
G. Petitpierre1 ([email protected] -)
G. Gremaud2 ([email protected] )
A. Veyre1 ([email protected] )
I. Bruni1 ([email protected])
1
2
Université de Fribourg, Institut de Pédagogie Spécialisée
HES-SO, Ecole d’Etudes Sociales et Pédagogiques – Lausanne
___________________________________________
Axes : De l’enfance au vieillissement : un accompagnement qui Xent compte de l’âge
Mots-clefs : Apprentissage – Déficience intellectuelle – Age adulte
Publication en lien avec le thème :
Petitpierre, G. & Gremaud, G. (2010, octobre). Learning possibilities throughout the life
span : the view of people with intellectual and developmental disabilities. Poster présenté
lors de la 3rd IASSID-Europe Conference «Integrating biomedical and psycho-socialeducational perspectives» (Rome, 20-22.10.2010).
Petitpierre, G., Gremaud, G., & Veyre, A. (2013). Apprentissages à l’âge adulte : un plus pour et selon
les personnes avec une déficience intellectuelle ? Congrès suisse de pédagogie spécialisée sur le
139
thème « Qualité de vie… vie de qualité ? Questions et enjeux pour les personnes en situation de
handicap » (Berne, 28-30.08.2013).
Veyre, A., Petitpierre, G., Gremaud, G., & Bruni, I. (2013, octobre). Les apprentissages à l’âge adulte :
qu’en disent les personnes avec une déficience intellectuelle ? Colloque « Handicap & dépendance,
impact social de la recherche et besoin social en recherche » organisé par l’Université catholique de
Lille
Résumé
L’objectif de cette recherche est d’explorer la manière dont les personnes avec une déficience
intellectuelle (DI) se représentent les apprentissages à l’âge adulte ainsi que la façon dont elles
considèrent les opportunités d’apprentissage qui s’offrent à elles.
Méthode : Soixante personnes avec une DI dont 24 avec une trisomie 21 ont été interviewées sur le
thème des apprentissages tout au long de la vie. Les participants (18-73 ans), recrutés dans 8
établissements, formaient 3 groupes d’âges (18-34 ; 35-49 ; 50 ans et plus) équivalents concernant le
type de scolarité suivie, l’intensité du soutien éducatif et le degré de participation à la vie
communautaire. Tous travaillaient en ateliers protégés. Les propos recueillis ont été analysés au
moyen des techniques d’analyse de contenu et de théorisation ancrée.
Résultats : Une grande majorité des participants (88%) considère qu’il est toujours possible
d’apprendre à l’âge adulte. Trois-quarts des personnes évoquent un projet d’apprentissage précis.
Les participants estiment que la réalisation de ce projet est principalement influencée par des
facteurs personnels.
Conclusion : Il apparaît important pour les personnes avec une DI de pouvoir continuer à bénéficier
d’opportunités d’apprentissage à l’âge adulte.
L’étude permet d’identifier les contenus de formation qui, de leurs points de vue, sont
particulièrement profitables et souhaitables.
___________________________________________________________________
Une offre de services spécialisés en déficience intellectuelle et trouble
du spectre de l’autisme qui tient compte de l’âge
Thème :
De l’enfance au vieillissement: un accompagnement qui tient compte de l’âge
Auteur(s) :
Geneviève Saulnier et Mélanie Tremblay
140
Coordonnées :
124, rue Lois
Gatineau, Québec
J8Y 3R7 CANADA
[email protected]
Mots-clefs
Offre de services spécialisés- parcours de vie
Résumé (le
thème, la
méthode, les
principaux
résultats, les
perspectives)
Cette communication présentera l’offre de services spécialisés du Pavillon du Parc,
un centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du
développement de la région de l’Outaouais au Québec.
Il y a deux ans, lors de la révision de l’offre de services spécialisés, une attention
particulière a été accordée aux différents enjeux et besoins des personnes vivant
avec une déficience intellectuelle (DI) ou un trouble du spectre de l’autisme (TSA)
tels qu’ils se présentent aux différents stades de la vie de ces personnes.
Cette offre de services, élaborée en cinq « parcours de vie » (1.petite enfance ;
2.enfance/jeunesse ; 3.adolescence/transition vers la vie adulte ; 4.adulte,
5.personne vieillissante), tient donc compte de l’âge des usagers et place le parcours
de vie comme une des principales variables à considérer dans la modulation des
services offerts aux personnes présentant une DI ou un TSA.
Cette offre de services spécialisés qui est unique au Québec et qui se démarque des
autres offres de services du réseau québécois des CRDITED, permet de mieux cibler
les besoins des personnes et de travailler en partenariat avec les autres organismes
publics, privés ou communautaires de la santé et des services sociaux, de
l’éducation, des loisirs et des sports ou encore de l’emploi.
La communication présentera des exemples concrets d’un accompagnement qui
tient compte de l’âge afin d’en démontrer la pertinence, la portée et ses retombées.
2-3
publications :
Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en
troubles envahissants du développement. Offre de service : 40 ans d’action,
Québec : FQCRDITED, 24 p.
Ministère de la Santé et des Services sociaux, Cadre de référence national pour la
conclusion d’ententes de services entre les centres de santé et de services sociaux
et les centres de réadaptation en déficience intellectuelle, Québec, Mars 2006, 44 p.
___________________________________________________________________
141
Atelier N°10 Quand le domaine médical est concerné
Déficience et tabagisme
Travailler l’ambivalence des résidents fumeurs : soutien des professionnels,
mise en projet des personnes et développement d’outils spécifiques
Dolorès CORSO, psychologue clinicienne et tabacologue
Service d’Etude et de Prévention du Tabagisme (SEPT asbl)
rue des Arbalestriers n°16 - 7000 Mons (Belgique)
[email protected]
Thierry BORDIGNON, docteur en psychologie, chargé d'enseignements
Université de Mons, Service d’Orthopédagogie Clinique
18 place du Parc - 7000 Mons (Belgique)
[email protected]
Introduction
Première cause évitable de mortalité prématurée dans le monde, le tabagisme tue,
chaque année, plus de 5 millions de personnes. Pauvres ou nantis, hommes ou
femmes, affectés ou non par une pathologie psychiatrique ou par la déficience, il
concerne les individus de toute condition même si le gradient social est désormais
clairement repérable. Attirées par ses connotations viriles ou glamour, piégées par la
dépendance, nombre de personnes institutionnalisées sont fumeuses ; aussi n’est-il
pas inutile d’engager une réflexion préliminaire à l’accompagnement des personnes
déficientes.
Dès 2009, une recherche action menée sur le terrain par le SEPT s’est développée
sur 2 axes : la formation des professionnels et l’accompagnement des bénéficiaires.
142
L’objectif de cette présentation est d’exposer la philosophie qui sous-tend le travail et
l’outil de prévention conçu pour l’accompagnement des personnes déficitaires.
Enjeux éthiques
Penser un accompagnement autour de la question tabagique auprès des personnes
qui présentent une déficience soulève des questions éthiques. En effet, cet
accompagnement ne signifie pas les priver de leur liberté individuelle. Il ne s’agit
aucunement de les arracher à leur cigarette mais de les inviter, dans un cadre de
soins centrés sur la personne (Rogers, 1998), à s’interroger et à remettre en question
un comportement qui pourrait ne plus apporter entière satisfaction.
Notre travail s’inscrit dans un processus de promotion de la santé tel que le définit la
Charte d’Ottawa : dans un souci d’autonomisation de la personne via une (re)prise
de pouvoir sur sa santé au sens global de bien-être physique, psychologique et
social.
Ainsi conçu, l’abord de la question tabagique a pour objectif de rendre la possibilité
aux personnes de poser une réflexion dans un contexte de réduction des risques,
d’appréhension d’une meilleure conscience de soi et de ses limites. Notre démarche
ne vise pas la cessation tabagique à tout prix mais s’inscrit dans un cadre de
référence nouveau : celui de la mise en projet, concept élaboré par le SEPT
Qu’est-ce que la mise en projet ?
L’abord de la question tabagique avec un public déficient ne doit pas s’envisager sur
le mode du sevrage. Il s’agit d’ouvrir un espace d’écoute et de parole, d’échanges et
d’informations où chacun pourra, à son rythme, s’interroger sur son tabagisme voire
le remettre en question. Cet espace doit être sécurisant et respectueux, afin de
permettre aux participants d’accepter l’idée de réfléchir à la place que prend la
cigarette dans leur vie, au lien qu’ils entretiennent avec elle, aux attentes et
sentiments qui se cachent derrière la fume.
Dans un souci d’égalisation des chances, la mise en projet doit permettre aux
personnes de questionner leur dépendance et leur ambivalence à l’égard du tabac ;
de mieux cerner la fonction particulière de la cigarette auprès de chacun pour
143
envisager des réponses alternatives ; de renforcer leurs motivations et leur sentiment
d’efficacité personnelle.
Spécificités d’un public déficitaire institutionnalisé
Travailler dans un cadre de mise en projet nécessite de tenir compte de 4 éléments
caractérisant notre public et toujours en jeu dans le maintien du comportement
tabagique :
•
•
•
•
Le niveau de compréhension
Le collage aux figures d’autorité / la cigarette comme ‘symbole de statut’
La difficile mise à distance des pressions du groupe de pairs
Les ritualisations / repères temporels
Ces spécificités ont justifié l’élaboration d’un outil adapté : le guide pratique « Tabac
et déficience : accompagnement du fumeur vivant en institution ».
Guide pratique
L’objectif du guide n’est pas de questionner le tabagisme des professionnels mais de
fournir des repères à tous les travailleurs (fumeurs, ex- ou non fumeurs) afin qu’ils
puissent induire et soutenir, au sein de l’institution, un climat de réflexion autour du
tabagisme des résidents.
Ce guide comprend 2 parties : des apports conceptuels et théoriques constituent le
1er volet tandis que le 2nd se décline en fiches pratiques regroupant des pistes de
travail adaptées au public et des fiches mémo reprenant certains points essentiels
abordés dans la 1ère partie.
Les apports théoriques sont eux-mêmes présentés en 2 parties et sous 2 formes :
éléments de connaissance indispensables et éléments d’approfondissement. La 1ère
partie, « Eléments de tabacologie », regroupe des informations essentielles quant à
la problématique, ce qu’implique le tabagisme (en termes de méfaits et de
dépendances), les composants de la cigarette ainsi que les aides disponibles en vue
de l’arrêt. La 2ème partie, « Mise en projet », se centre sur la question tabagique
auprès des personnes déficientes : les questions éthiques que soulève un travail
avec ce public, quelques recommandations, des pistes concrètes de travail et des
repères au niveau de l’animation de groupe.
144
Les outils répertoriés sont loin d’être exhaustifs. Ce guide doit pouvoir être utilisé
comme un support outillant les professionnels mais supposé leur laisser toute liberté
d’action.
Premier axe de travail : formation des accompagnants
Avant même d’envisager un travail en canal direct avec les personnes déficientes, il
est primordial que les professionnels s’arrêtent sur la question, se sensibilisent à
celle-ci, s’approprient l’idée d’un cheminement vers un lieu de vie où la fume est
débanalisée (et non pas interdite).
Le 1er axe de travail consiste toujours à permettre aux équipes d’exprimer leurs
attentes mais aussi leurs craintes et leurs représentations dont certaines sont des
freins importants à la possibilité d’inviter les résidents à questionner leur
comportement tabagique :
« C’est leur seul plaisir, il ne faut pas leur enlever ça »
« Si on touche à la cigarette, il y aura plus de crises »
Les professionnels sont aussi régulièrement freinés par leur propre statut tabagique.
Nous entendons régulièrement des questionnements du genre :
« Je suis fumeur, quelle légitimité pourrais-je avoir auprès des résidents ? »
Mais aussi : « Je suis non-fumeur, quelle légitimité vais-je avoir si je parle de ce que
je ne connais pas ? »
Mais, quel que soit son statut tabagique, tout professionnel a le droit et la possibilité
d’ouvrir un champ de questionnements auprès des bénéficiaires : il faut que chacun
se sente ce droit dans un contexte dépourvu de toute crainte de jugement ou de
pression par rapport à son propre tabagisme.
Il s’agit d’accompagner les équipes dans l’émergence d’une cohésion d’équipe
autour d’un ‘projet tabac’ défini par eux et de soutenir une réflexion sur la cohérence
du projet au fil du temps. Parallèlement, il est nécessaire d’outiller les professionnels,
de les « former » à des éléments de tabacologie.
Le soutien proposé par le SEPT aux équipes se maintient sur la durée : plusieurs
mois voire des années.
Second axe de travail : accompagnement des bénéficiaires
145
Travailler la question tabagique avec des personnes déficientes nécessite la mise en
place d’activités régulières et répétées sous différentes formes dans un climat
institutionnel soutenant. Le guide pratique y aidera les professionnels.
Exploration de l’ambivalence, renforcement des motivations et du sentiment
d’efficacité personnelle sont les 3 aspects à travailler avec les personnes. Pour ce
faire, nous avons développé un module de mise en projet, composé de 5 séances et
calqué sur le modèle de Proschaska - Di Clemente (1984). Son objectif est de
permettre aux personnes de ne plus vivre leur fume comme « ordinaire » et de
susciter l’envie d’une modification de comportement, aussi ténue soit-elle. Le
changement de comportement en termes de sevrage complet est potentiel, non
obligatoire et s’il se présente il est, en quelque sorte, un bénéfice de surcroît. Il est
indispensable de le préciser aux participants afin de les rassurer sur la finalité des
rencontres et d’éviter toute angoisse liée au sentiment d’une perte de repère
importante et imminente.
1 : la sensibilisation des participants : Pourquoi j’arrêterais ?
2 : l’exploration de l’ambivalence : qu’y a-t-il à perdre et qu’y a-t-il à gagner ?
3 : se préparer : Pourquoi j’arrêterais pas ?
4 : le défi d’un moment de privation volontaire
5 : le débriefing
Au terme de ce module, le travail pourra se poursuivre de manière plus approfondie
avec les bénéficiaires qui le désirent.
Le cheminement vers un arrêt tabac est souvent long, demande à être apprivoisé, à
trouver sens, mûri et soutenu par l’environnement. Face à des personnes fragilisées
sur le plan psychique et intellectuel, il convient, plus qu’avec toute autre, de prendre
le temps, de suivre le rythme de chacun, de mettre en place des sous-bassements
propices à une construction de projet personnalisé (diminution, aménagements
alternatifs…)
Perspectives
146
Il s’agit désormais d’étoffer et d’améliorer l’outil (seconde édition reprenant de
nouvelles stratégies nées d’expériences de terrain) et de l’adapter à un public
psychiatrique.
Conclusions
Les institutions ont le devoir de sensibiliser et d’informer leurs bénéficiaires quant au
tabac. L’objectif n’est pas d’œuvrer vers un sevrage forcé à tout prix mais de
soutenir, auprès des professionnels, un travail sur la cohérence d’un projet, la
cohésion de l’équipe et l’implication à long terme afin de permettre aux bénéficiaires
de débanaliser leur comportement tabagique, à leur rythme, dans un cadre sécure et
propice au changement et à un mieux-être.
Eléments de bibliographie
ABBOTT S. & MCCONKEY R. (2006), The barriers to social inclusion as perceived
by people with intellectual disabilities, Journal of Intellectual Disabilities, n°10, pp.
275-287
ALLEN D. (2008), The relationship between challenging behavior and mental illhealth in people with intellectual disabilities, Journal of Intellectual disabilities, n°12;
267
BORDIGNON Th., CORSO D., DEKEYSER Fr., CORMAN C. (2013), Tabagisme et
publics deficient: développement d’un module de mise en projet pour des résidents
fumeurs d’un foyer de vie, Actes du 11ème Congrès AIRHM, Mons, Belgique, pp. 165
- 178
HYMOWITCH N. et al (1997), Cigarette Smoking Among Patients With Mental
Retardation and Mental Illness, Psychiatric Services, vol. 48, n° 1, 100-102
KALYVA E. (2007) Prevalence and influences on self-reported smoking among
adolescents with mild learning disabilities, attention deficit hyperactivity disorder, and
their typically developing peers, Journal of Intellectual Disabilities, n° 11, 267-279
MOLIMARD R. (2005), Défumer en psychiatrie, Pratiques en santé mentale, n°4, p.
08-11
PREVOST M., HUBENS V. & LAPERCHE J. (2009), Nos patients fument ! Ils
voudraient arrêter… mais sont tellement ambivalents, comment les aider ?
Découvrez la balance décisionnelle et l’entretien motivationnel. Bruxelles, Fédération
des Maisons médicales.
147
PROSCHASKA J.O. & DI CLEMENTE C.C. (1984), The transtheoretical approach :
crossing traditional boundaries of therapy. Homewood: Dow Jones-Irwin
REYNAUD M. (2005), Addictions et psychiatrie, Paris, Masson.
ROGERS C. (1998), Le développement de la personne, Paris, Dunod.
SEPT asbl (2013), Tabac et déficience : accompagnement du fumeur vivant en
institution. Guide pratique, Mons, Belgique, www.sept.be
___________________________________________________________________
Des équipes face à la maladie évolutive grave et la fin de vie
de personnes déficientes intellectuelles
Anne DUSART
Psychologue, sociologue
CREAI de Bourgogne - délégation Franche Comté
11 Rue Giono, 21000 Dijon,
[email protected]
Un sujet émergeant qui mêle difficultés et créativité
Notre communication porte sur la confrontation d'équipes d’établissements ou
services médico-sociaux (ESMS) à des situations de maladies mortelles incurables
et de fin de vie concernant des personnes déficientes intellectuelles (DI) qu’elles
accompagnent. Nous traitons des difficultés rencontrées et de la créativité
manifestée par ces équipes dans ces circonstances difficiles. Il s'agit de montrer que
ce secteur est à un tournant décisif de la construction d'une réflexion et d'un savoirfaire de qualité au bénéfice de personnes que l'avancée en âge conduit de plus en
plus à faire l'expérience d’une triple fragilisation, la maladie grave s'ajoutant à la
déficience initiale et à ses conséquences et éventuellement à la vieillesse. Il s'agit
aussi de montrer qu'un surcroît de créativité est indispensable à ce secteur pour
parvenir à bâtir des réponses satisfaisantes pour la dernière étape de la trajectoire
de vie des personnes handicapées, après ce qui a été élaboré dans les années 6070 pour les enfants, puis dans les années 80-90 pour les adultes, et enfin dans les
années 2000 pour les aînés.
Les travaux cadre et source du propos
Notre propos est issu de travaux en voie d'achèvement, portant sur la confrontation
d'adultes DI de tous niveaux de déficience à la maladie évolutive grave et sur les
conditions de leur fin de vie, dans un contexte où ces situations sont encore peu
documentées malgré l'augmentation de leur fréquence, l'évolution législative, le
développement de ressources et l'acuité des débats sur la fin de vie.
La recherche comprend 4 volets ayant chacun sa propre méthodologie :
148
• une étude des contextes de décès à partir d'une enquête par questionnaire
auprès de tous les ESMS pour adultes d'une région française décrivant de
manière détaillée chaque décès survenu dans une période de 5 ans (n = 65),
• un recueil d'avis à l'égard de la maladie grave et de la fin de vie d'adultes DI
avancés en âge mais non malades et de proches de personnes DI par la
méthode des focus group afin de connaître les niveaux d'information,
préoccupations et préférences des intéressés imaginant cette situation.
• 8 monographies de situations de fin de vie à partir d'entretiens approfondis avec
les protagonistes (intéressés si possible, proches, tuteur/curateur,
accompagnants professionnels, médecins traitants et hospitaliers, soins palliatifs,
bénévoles intervenus),
• une expérimentation d'outils conçus pour aider des personnes DI gravement
malades et/ou en fin de vie et fournis à des équipes d'ESMS accompagnant une
personne dans cette situation.
Cette recherche est effectuée dans le cadre de nos activités au Centre Régional
d’Etudes, d’Actions et d’Informations et d'un doctorat en cours à l’Ecole des Hautes
Etudes en Sciences Sociales. Sa réalisation a bénéficié d'un financement de la
Fondation de France et de la CNSA et la communication des résultats de celui du
CCAH, de Médéric et de l’AG2R. Elle n’aurait pu exister sans l'aide de nombreux
professionnels et la participation de personnes DI et de proches que nous
remercions vivement.
Principaux résultats
Les situations étudiées font apparaître l'irruption de questions nouvelles pour les
ESMS, l'émergence de pratiques inédites pour leurs équipes, mais aussi l'existence
de puissants freins pour réaliser un accompagnement tenant véritablement compte
de la dégradation de l’état de santé des personnes et des besoins et aspirations qui
naissent de cette situation, ainsi que d'une temporalité et d'une hiérarchie des
priorités bouleversées par l'existence d'un pronostic d'issue fatale de la maladie à
cours ou moyen termes.
Le plus souvent, on observe une volonté et une capacité des équipes à prolonger
dans une certaine mesure un maintien à domicile, en général souhaité, par
l’intéressé. Ainsi, lorsque la personne est accompagnée par un SAVS ou un
SAMSAH, le service s’organise, le cas échéant avec les proches, en faisant appel à
des services complémentaires (aide à domicile, SSIAD) et lorsque la personne vit en
foyer, l’établissement loue le matériel nécessaire (lit médicalisé, matelas antiescarre,…), modifie son organisation (aménagement de la disponibilité du personnel,
recrutement ponctuel de personnels médicaux,…) et fait appel à des ressources
extérieures.
Toutefois, le recours à l’Hospitalisation à domicile et aux Equipes mobiles de soins
palliatifs sont rares et en bien deçà du souhaitable. Lorsqu’ils ont lieu, il s’agit
d’expériences appréciées des équipes d’ESMS qui donnent lieu à des transferts de
compétences (apprentissages de techniques de massages anti-escarres, de soins de
bouches, appropriation d’outils adaptés d’évaluation de la douleur,…) et permettent
le développement d’une réflexion sur l’opportunité des soins et sur les équilibres à
149
trouver entre curatif et palliatif. Mais ces collaborations font apparaître un manque de
réactivité des équipes d’ESMS face à des situations qui peuvent évoluer rapidement
et suscitent régulièrement d’importants malentendus, tant les cultures de ces équipes
sont divergentes. Des tensions sont également présentes entre équipes hospitalières
et équipes d’ESMS autour de leurs rôles respectifs et de leur articulation, produisant
pour l’intéressé des navettes évitables entre hôpital et structure, qui dans certains
cas sont hautement maltraitantes.
La conversion de regard qu’amène la démarche palliative peut-être impulsée par une
direction sensibilisée à ces questions. Elle rencontre alors parfois des résistances
dans l’équipe éducative peu préparée à accompagner la réduction des forces d’un
grand malade et peu disposée à être confrontée à un décès, tout particulièrement à
celui de résidents avec lesquels un attachement s’est développé au fil d’un
accompagnement prolongé.
Mais la situation inverse est plus fréquente dans nos données : une équipe
d’accompagnants de proximité, composée d’AMP, d’aide-soignantes, de moniteurs
éducateurs et/ou d’éducateurs spécialisés, désireuse d’adapter la prise en charge, et
prête à s’en donner les moyens, pour la rendre compatible avec un maintien de la
personne dans son lieu habituel de vie, et une direction qui s’y oppose. Il s’agit
davantage de conflits larvés qu’ouverts, qui conduisent à des avancées suivies de
reculs ou à des orientations hésitantes dont toutes les conséquences ne sont pas
tirées, et qui peuvent plonger les équipes dans un grand désarroi.
Cela peut aller de directeurs qui tentent systématiquement de réorienter la personne
en estimant que leur établissement n’est pas un lieu pour mourir, y compris dans des
structures médicalisées telles qu’un FAM ou une MAS, à des directeurs moins
radicaux mais tétanisés par des inquiétudes, que l’examen de la situation révèle
pourtant peu fondées, d’engager leur responsabilité juridique si un résident décède
dans les murs de leur établissement. La hantise d’un "retour des blouses blanches"
peut aussi conduire à freiner toute évolution structurelle du projet d’établissement, à
empêcher de penser rationnellement les différents degrés de médicalisation d’une
structure et leur articulation avec les ressources de l’environnement, à se cantonner
à des représentations très techniques des soins palliatifs et à mettre en avant l’idée
d’une incompatibilité entre "lieu de vie" et "lieu de fin de vie" ou "lieu pour mourir".
Paradoxalement, dans leur volonté de répondre aux besoins de la personne
handicapée en fin de vie, les deux catégories d’acteurs institutionnels cités
rencontrent régulièrement des résistances provenant du corps médical. Si la
structure dispose de personnel médical, ils sont rarement formés aux soins palliatifs,
pas toujours disposés à se faire aider par une expertise extérieure ou à assouplir les
délégations d’attribution pour des actes si peu techniques qu’ils sont réalisés par les
proches ou le patient lui-même au domicile. Quant aux équipes hospitalières et aux
praticiens libéraux, ils prennent rarement le temps d’effectuer auprès des
accompagnants de proximité une éducation à la santé qui les aiderait à s’occuper
pertinemment de la personne malade. Ils n’aident guère à analyser les situations de
refus de soin, à développer des pratiques permettant de surmonter des difficultés
alimentant des refus et à informer sur les droits spécifiques du patient en fin de vie.
150
De leur côté, si les psychologues des structures jouent en général un rôle majeur
dans le soutien des équipes confrontées à la fin de vie et à la mort de résidents, il est
beaucoup plus rare qu’ils interviennent directement auprès des intéressés, alors
même qu’un soutien psychologique ne leur est quasiment jamais proposé en
parallèle de leur traitement, même lorsque ce dispositif est prévu, comme c’est le cas
dans le cadre du plan cancer. Il en est de même pour les proches, très rarement
aidés à traverser cette épreuve ou réadressés à cet effet vers un praticien pertinent
ou une association d’aide aux endeuillés.
Bien que les équipes rencontrent actuellement d’importantes limites dans
l’accompagnement des personnes gravement malades ou mourantes dont elles
s’occupent, on assiste à l’éclosion de nouvelles pratiques et au déploiement d’une
réflexivité nouvelle.
Des recours à des outils facilitant l’information et l’expression des personnes
concernées, s’ébauchent, des interventions de bénévoles de l’accompagnement du
deuil et de la fin de vie s’organisent, des accueils de proches dans les
établissements pour leur permettre de partager les derniers jours du malade existent.
Bien qu’encore exceptionnelles, ces expérimentions préfigurent des axes d’évolution
des pratiques.
Perspectives
Les besoins des personnes DI en fin de vie nécessitent une clarification des missions
des ESMS, une évolution des plateaux techniques, un effort de formation et un
développement des partenariats avec les ressources existantes.
La créativité des acteurs devra aussi s’atteler à repenser les écrits professionnels
pour qu’ils favorisent l’analyse des besoins des personnes en fin de vie et
l’élaboration de réponses pertinentes. Mais plus encore, pour jouer le jeu de la prise
en compte du projet de vie jusqu’au bout de la vie dans une perspective
d’autodétermination, c’est le dialogue avec l’intéressé qu’il importera de cultiver. Pour
l’heure, les professionnels hésitent à s’aventurer dans un dialogue ouvert sur la
situation, y compris lorsque l’intéressé tend manifestement des perches en la
matière, et les personnes DI ont encore peu "voix au chapitre" et peu de prise sur ce
qui leur arrive lors de leur fin de vie.
___________________________________________________________________
151
Besoins et difficultés des parents vivant avec les séquelles d’un traumatisme
craniocérébral
Anouchka Hamelin,
Ph.D., UQTR, GIRAFE-CRIR
[email protected]
Tél : 819-609-8349
Bernard Michallet,
Ph.D. UQTR, GIRAFE-CRIR
Résumé :
Le traumatisme craniocérébral de sévérité modérée ou grave (TCC MG) entraîne
inévitablement des séquelles cognitives, notamment un ralentissement
psychomoteur, des symptômes de fatigue, des troubles mnésiques, des limites au
plan de la compréhension et une faible concentration (Draper & Ponsford, 2010; De
Guise, 2008;). Draper et Ponsford (2010) ont illustré que les personnes ayant subi un
TCC démontrent un fonctionnement cognitif et intellectuel significativement plus
faible que celui de personnes n’ayant jamais subi de TCC et ce, jusqu’à 30 ans après
le traumatisme.
Ce tableau est particulièrement lourd de conséquences lorsque ces personnes ont à
assumer leur rôle parental (Pessar, Coad, Linn & Willer, 1993). Toutefois, aucune
étude portant spécifiquement sur les besoins de ces personnes quant à leurs
habiletés parentales n’a été recensée.
Cette communication vise à présenter les résultats d’une étude exploratoire sur les
besoins et difficultés des parents ayant subi un TCC MG basée sur la consultation de
groupes de réflexion (parents TCC MG, Proches et Intervenants).
Les résultats suggèrent que les parents TCC MG vivent d’importantes difficultés à
gérer l’ensemble des responsabilités familiales amenant parfois la compromission de
la sécurité ou du développement de l’enfant. De plus, ils éprouvent des limites quant
à la compréhension et au jugement.
Par conséquent, le soutien formel et informel qui leur est offert doit être continu. Des
recommandations seront proposées quant à l’accompagnement spécialisé de ces
parents vivant avec des limites cognitives importantes
Mots clés : traumatisme craniocérébral, rôle parental, fonctionnement familial
Cette proposition de communication se situe dans l’axe 4 du congrès : de l’enfance
au vieillissement.
Publications en rapport avec le thème traité :
152
Pessar, L. F., Coas, M. L., Linn, R. T., & Willer, B. S. (1993). The effects of parental
traumatic brain injury on the behavior of parents and children. Brain Injury, 7, 231240.
Uysal,S., Hibbard, M. R., Robillard, D., Pappadopoulos, E., & Jaffe, M. (1998). The
effect of parental traumatic brain injury on parenting and child behaviour. Journal of
Head Trauma Rehabilitation, 13, 57-71.
__________________________________________________________________
Promotion de la santé des personnes déficientes intellectuelles résidentes en
institution : guide d'aide à l'action à destination des professionnels
Auteurs : PIERARD, Sophie ; RENARD, Claude ; BIZEL, Pierre et BERGHMANS,
Luc
Institution : Observatoire de la Santé du Hainaut, asbl Hainaut Santé – Belgique
Email : [email protected]
Adresse :
Observatoire de la Santé du Hainaut
Rue de Saint-Antoine, 1 - 7021 Havré (Belgique)
Contexte
A l’origine du projet, une analyse de la littérature scientifique internationale relative à
la santé des personnes déficientes intellectuelles réalisée par l’Observatoire de la
santé du Hainaut (OSH, 2010) a permis de mettre en évidence les spécificités et
inégalités sociales de santé touchant particulièrement cette population. Ainsi, les
personnes déficientes intellectuelles rencontrent 2,5 fois plus de problèmes de santé
que le reste de la population selon van Schrojenstein Lantman-De Valk,
Metsemakers, Haveman & Crebolder (2000). La consommation tabagique y est
notamment plus importante : prévalence de 2 à 3 fois plus élevée d’après Cooper
(2007), tant auprès des résidents que du personnel. Les habitudes de vie expliquent
en partie la plus grande morbidité liée aux maladies chroniques dans la population
des déficients intellectuels. Elles sont à l’origine de l’apparition de problèmes de
santé tels que l’hypertension, le diabète, l’obésité, de nombreuses affections
respiratoires et cardio-vasculaires... Tabagisme, activité physique et alimentation
équilibrée sont trois domaines où les résidents et les professionnels sont à même
d’agir. Dès lors, quelles sont les opportunités et sous quelles conditions de
développement un projet de promotion de la santé peut-il voir le jour auprès de
personnes déficientes intellectuelles en milieu résidentiel ?
153
Le guide d’aide à l’action comme finalité de projet
Le projet présenté, financé par le Fonds fédéral de la lutte contre les assuétudes,
s’est développé par un accompagnement, pendant deux années, de huit équipes de
professionnels de terrain de différentes institutions accueillant des personnes
déficientes intellectuelles. Ce travail a permis de développer des actions de santé
dans les institutions, de créer un outil d’analyse de situation, d’émettre des
recommandations adaptées, d’inventorier des outils d’animation et de rassembler les
professionnels mobilisés régulièrement afin d’évaluer avec eux leurs actions.
L’évaluation des actions menées au sein des a été réalisée par entretiens et par
questionnaires auto-administrés. Globalement les objectifs énoncés par les
institutions ont été atteints. La promotion de la santé y est perçue comme une activité
qui s’inscrit quotidiennement dans les actions éducatives proposées au résident et
sur une longue période. La plus-value de la collaboration avec l’OSH a consisté en
un appui méthodologique, permettant de développer un travail sur base d’outils
existants, de partages d’expériences vécues dans d’autres institutions mais
également en un soutien permanent, respectant le rythme institutionnel. L’évaluation
menée par l’OSH a permis de dégager d’une part les conditions d’implantation et de
développement d’un programme de promotion de la santé en milieu résidentiel pour
personnes déficientes (par exemple : une préoccupation pour la santé des résidents
et plus particulièrement en lien avec l’adoption de saines habitudes de vie ; une
reconnaissance des compétences individuelles et sociales des résidents ; une
volonté institutionnelle d’impliquer l’ensemble des acteurs dans le processus mis en
place) et d’autre part les facteurs favorisants l’implémentation de ce programme
(volonté institutionnelle d’accorder une priorité à une dynamique de santé dans
l’ensemble des activités ; une perception de la dimension globale et transversale de
la santé et une reconnaissance de l’opportunité d’agir sur celle-ci ; un soutien au
développement des connaissances et des compétences des différents acteurs
impliqués dans le programme). A l’issue de ce travail de deux années, un guide
d’aide à l’action à destination des professionnels a été rédigé.
Cadres théoriques
Le guide d’aide à l’action propose quelques notions théoriques. La démarche globale
emprunte comme cadre général la promotion de la santé. L’Organisation Mondiale
de la Santé a élaboré dans le document de référence qu’est la Charte d'Ottawa
(1986), les principes de base de la promotion de la santé. C’est dans cette
perspective qu’a été engagé l’accompagnement des institutions. « La promotion de
la santé a pour but de donner aux individus davantage de maîtrise de leur propre
santé et davantage de moyens de l'améliorer. Pour parvenir à un état de complet
bien-être physique, mental et social, l'individu, ou le groupe, doit pouvoir identifier et
réaliser ses ambitions, satisfaire ses besoins et évoluer avec son milieu ou s'y
adapter. La santé est donc perçue comme une ressource de la vie quotidienne, et
154
non comme le but de la vie; c'est un concept positif mettant l'accent sur les
ressources sociales et personnelles, et sur les capacités physiques. La promotion de
la santé ne relève donc pas seulement du secteur de la santé : elle ne se borne pas
seulement à préconiser l'adoption de modes de vie qui favorisent la bonne santé ;
son ambition est le bien-être complet de l'individu. » OMS (1986, p.1).
Ce cadre conceptuel de la santé peut s’appliquer aux personnes déficientes
intellectuelles tout en prenant en compte les spécificités liées aux limitations que leur
impose leur handicap ainsi que le caractère résidentiel de leur milieu de vie. Mais
comment assurer un plus grand contrôle sur sa santé quand ses propres capacités
sont restreintes ? Le guide d’aide à l’action part du postulat que toute personne,
quelles que soient ses limitations, peut accroître sa capacité d’être acteur de sa
santé. Le cadre conceptuel et théorique de l’autodétermination (Haelewyck et NaderGrosbois, 2004 ; Wehmeyer, 2005) a été retenu comme cadre de référence pour
l’opérationnalisation, par sa capacité à intégrer les différentes facettes de l’acquisition
d’un plus grand contrôle sur les choix de comportements, mais aussi sur les
conditions environnementales qui encadrent ces choix. Le caractère résidentiel de la
prise en charge de ces personnes constitue en effet une opportunité intéressante
pour expérimenter de nouvelles possibilités d’accroissement de cette maîtrise.
Actions : de l’analyse des besoins à l’évaluation
Le guide d’aide à l’action présente des outils d’analyse de situation afin d’aider à la
réalisation « d’un état des lieux » et de définition d’objectifs réalistes, mais aussi un
inventaire des ressources disponibles, des initiatives déjà réalisées et des besoins
prioritaires. Les thèmes tels que le tabagisme, l’hygiène et l’alimentation sont
présentés comme chapitre à part entière, étant au cœur des préoccupations des
institutions partenaires. Enfin, d’autres thèmes, comme la vie sexuelle et affective ou
l’activité physique, qui n’ont pas abouti à des actions dans le cadre de cette
expérience, sont regroupés dans un chapitre spécifique pour leur caractère
incontournable et pertinent à destination de ce public. L’évaluation fait également
l’objet d’un chapitre. Souvent négligée, elle est pourtant indispensable. Elle permet
d’améliorer, de connaître, de mesurer et de décider de l’efficacité d’une action ou
d’un projet. Elle permet la prise de décision quant à la poursuite d’actions ou des
changements à apporter. Enfin, le guide se termine sur les recherches de
ressources, tant financières que matérielles, souvent nécessaires pour les
professionnels. Il arrive parfois que certains problèmes puissent être résolus avec un
matériel adéquat ou un financement « coup de pouce » ; encore faut-il savoir à qui
s’adresser.
En conclusion
155
Ce guide d’aide à l’action propose une base de réflexion aux intervenants qui
voudraient mettre en place des projets « santé » au sein d’institutions pour
personnes déficientes intellectuelles. Il n’est pas qu’un catalogue d’outils, ceux-ci
étant présentés à titre d’illustration et nécessitent d’être adaptés à la population à
laquelle ils sont destinés. Le contenu de ce guide n’est pas figé; les intervenants se
l’approprieront et le feront vivre auprès de leurs publics. Il est proposé comme une
aide dans la conceptualisation et la mise en place de projets « santé » et non comme
une marche à suivre. Vu l’intérêt des institutions pour les thèmes de santé, l’OSH a
proposé en 2014 une formation, en complément de ce guide. Cette formation est
destinée aux professionnels (éducateurs, psychologues, assistants sociaux,…) qui
travaillent en contexte institutionnel avec des adultes déficients intellectuels. Elle vise
à développer leurs compétences pour concevoir, initier, implanter et évaluer un projet
de promotion de la santé en milieu résidentiel. La formation est interactive et en lien
avec la réalité professionnelle des participants. Le processus interactif est richement
illustré par les thématiques prioritaires de promotion de la santé et de
l’autodétermination. Une attention toute particulière porte sur l’alternance entre
l’apport notionnel et la réalité concrète d’implantation dans chacune des institutions.
Bibliographie
COOPER SA, SMILEY E, MORRISON J, WILLIAMSON A, ALLAN L. (2007) An
epidemiological investigation of affective disorders with a population-based cohort of
1023 adults with intellectual disabilities. Psychological Medicine, vol. 37(6), 873-82
HAELEWYCK, M-C, NADER-GROSBOIS, N. (2004). L’auto-régulation : porte
d’entrée vers l’autodétermination des personnes avec retard mental ? Revue
francophone de la déficience intellectuelle, 15(2), 173-186.
OBSERVATOIRE DE LA SANTE DU HAINAUT (2010). Promouvoir la santé des
personnes en situation de handicap résidant en institution. Document de synthèse.
ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE (1986). Charte d’Ottawa pour la
promotion de la santé.
VAN SCHROJENSTEIN LANTMAN – DE VALK HM, METSEMAKERS JF,
HAVEMAN MJ, CREBOLDER HF. (2000). Health problems in people with intellectual
disability in general practice: a comparative study. Family Practice, 17(5), 405-7
WEHMEYER ML. (2005). Self-determination and individuals with severe disabilities :
Re-examining meanings and misinterpretations. Research and Practice for persons
with severe disabilities, 30, 113-120.
___________________________________________________________________
156
Atelier N°11 Politique du handicap Politique de la recherche
une nouvelle politique québécoise de la recherche en déficience intellectuelle
en soutien aux milieux de pratique en partenariat avec les universités
Par Claude Belley et Daniel Boisvert
Président et Directeur du Consortium national de recherche sur l’intégration sociale
[email protected] et [email protected]
Consortium national de recherche sur l’intégration sociale
3351 Boul. des Forges
Trois-Rivières (Québec)
G9A 5H7 CANADA. 1 819-376-5192
Au Québec, la réponse aux besoins des personnes avec déficience intellectuelle fait
appel à 125 CSSS, à une multitude d’organismes communautaires et d’associations
nationales dans le domaine de la déficience intellectuelle. De plus, vingt centres
spécialisés de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants
du développement (CRDITED) complètent ce réseau de services. Depuis presque
vingt ans maintenant, ces centres de réadaptation, en partenariat avec les
universités québécoises se sont dotés d’un moyen efficace de concertation en créant
le CNRIS. Sa mission est de dynamiser et favoriser le développement de la
recherche dans les domaines de la déficience intellectuelle et des troubles du
spectre de l’autisme.
Les réalisations dans le domaine sont surprenantes. Durant les 10 dernières années,
plusieurs millions de dollars ont été investis dans la recherche en déficience
intellectuelle. De même, le nombre d’étudiants aux cycles supérieurs s’est accru,
des postes d’agent de planification, de programme et de recherche en établissement
ont augmenté considérablement et de nouveaux chercheurs se sont inscrits en
recherche en déficience intellectuelle. De plus, un institut universitaire a été créé, de
même que cinq chaires universitaires de recherche et trois équipes de recherche
mixtes, université/milieux de pratique, ont vu le jour.
À la suite d’observations et de discussions avec les partenaires, le CNRIS, s’est
ajusté au nouveau décor qui s’est implanté en recherche ces dernières années. En
2013-2014, le CNRIS a engagé une démarche de consultation auprès de la
communauté de pratique et universitaire à travers plusieurs régions du Québec.
L’ensemble des acteurs impliqués ont eu l’occasion de se faire entendre sur la vision
de la recherche en DI au Québec. Cette réflexion commune aura permis d’adopter
des orientations de soutien au développement de la recherche scientifique et de
157
l’innovation sociale du CNRIS pour les cinq prochaines années. La programmation
se veut à la fois une réponse aux besoins des milieux de pratiques et à leurs
partenaires de même qu’aux chercheurs universitaires ou en établissements ainsi
qu’aux étudiants de tous les cycles d’études.
Ces orientations auront notamment un impact sur les programmes de bourses et de
subventions que le CNRIS propose à la communauté universitaire et de pratique. Les
candidatures devront désormais s’adapter aux nouvelles exigences.
Tout d’abord, ce virage se caractérise concrètement par cinq principes dominants qui
devront se retrouver dans les projets de recherche.
L’excellence
Ce principe se manifeste par un haut niveau scientifique et une application des
règles d’éthique rigoureuses dans les projets de recherche. Rappelons qu’en 2004
les CRDITED du Québec se sont dotés d’un comité d’éthique de la recherche
conjoint dédié aux recherches auprès de la clientèle présentant une DI ou TSA.
Aucun projet ne peut débuter avant l’émission du certificat remis par cette
organisation. Le certificat prime sur tous autres qui pourraient avoir été émis. Nous
croyons qu’en maximisant ce critère, cela permettra aux promoteurs de projets
d’obtenir du financement de la part des organismes subventionnaires (canadien et
québécois) ou de bailleurs de fonds privés ou publics.
La pertinence sociale
Afin de maximiser les retombées des projets pour les personnes présentant une DI,
leurs familles, les milieux de pratique et l’ensemble de la société, les équipes de
recherche auront une obligation de s’engager envers le CNRIS à présenter un bilan
annuel de leurs activités. Une telle orientation permettra de maintenir un dialogue
constant avec les équipes de recherche.
Le transfert des connaissances
Dans le cadre de cette politique, le CNRIS soutiendra davantage, par ses
programmes, les activités de transfert mises en œuvre par les acteurs engagés dans
la recherche et financés par lui. Le CNRIS valorisera et accroîtra les activités en vue
de faire reconnaître la recherche et les résultats de la recherche en collaboration
avec la communauté scientifique.
Le partenariat
Le CNRIS favorisera l’interdisciplinarité et l’intersectorialité au sein des projets qu’il
soutiendra en favorisant des espaces où des acteurs, provenant de différentes
disciplines, voire différents domaines qui, se mobilisent afin de se donner des
objectifs communs et des moyens complémentaires pour résoudre une
problématique complexe. Il s’agit là d’un moyen privilégié pour mieux appréhender la
158
complexité des problématiques liées à l’inclusion et à la participation sociale des
personnes présentant une DI ou un TSA. En favorisant ainsi la concertation et le
réseautage, le CNRIS veut favoriser le transfert des connaissances et des pratiques
innovantes vers tous les milieux de pratique, mais également vers d’autres
populations vulnérables du milieu de la santé et des services sociaux.
La participation et l’inclusion sociales
En reprenant les termes de la FQCRDITED, « la participation sociale est le résultat
d’un processus complexe découlant de l’interaction entre une personne et sa
communauté d’appartenance. La participation sociale implique un échange
réciproque et égalitaire entre la personne et sa communauté. Ce processus s’appuie
sur le besoin fondamental, exprimé ou non, de cette personne de faire partie de sa
société ainsi que sur la volonté de la collectivité d’accueillir ce membre et de lui
permettre d’actualiser et de développer son potentiel ».
Nouvelle architecture des programmes de subventions et de bourses du CNRIS
Mis à part les cinq principes présentés ci-haut, l’architecture des programmes est
aussi remaniée. Les programmes s’inscrivent désormais dans trois axes de
développement et une offre de bourses de prestige pour maintenir son implication
auprès des étudiants de deuxième et troisième cycles qui présentent des projets de
recherche.
Premier axe
Le premier axe s’adresse aux CRDITED soucieux de développer une culture de
recherche en établissement ou encore de maintenir leur structure actuelle. Cet axe
tient aussi compte des étudiants de premier cycle qui sont à leurs premières
démarches dans notre secteur d’activité.
Deuxième axe
Le deuxième axe concerne plus le partenariat que le CNRIS a avec ses différents
partenaires que ce soit au point de vue des établissements qui souhaitent être
intsectoriels que les projets d’étude des étudiants qui rejoint à la fois les missions de
nos partenaires sur lesquels nous finançons conjointement.
Troisième axe
Dans cet axe, on se consacre véritablement sur une équipe de recherche émergente.
Cet axe s’attarde à trois thèmes qui ont été retenus à la suite de la consultation. Il est
question ici des réponses intersectorielles et partenariales aux besoins
complexes des personnes présentant une DI ou un TSA; soit parce qu’elles sont
vieillissantes, soit qu’elles présentent un polyhandicap, soit parce qu’elles présentent
des incapacités très significatives. L’équipe pourra aussi avoir comme projet les
interventions spécialisées auprès des adolescents et des adultes présentant une
159
déficience intellectuelle. Un financement est prévu aussi pour l’embauche d’étudiants
qui souhaiteraient participer au projet.
Enfin pour s’assurer de trouver l’équilibre à travers les programmes et pour assurer
une relève, nous avons conservé tout le volet étudiant qui inclut les bourses de
deuxième cycle avec mémoire et troisième cycle avec thèse où les étudiants
peuvent présenter leurs projets de recherche individuels qui ne sont pas rattachés à
une thématique particulière exigée par le CNRIS.
Nous vous invitons à participer à cet atelier qui donnera davantage d’information sur
les modalités qui guideront notre travail dans les prochaines années.
Références
CONSORTIUM NATIONAL DE RECHERCHE SUR L’INTÉGRATION SOCIALE.
(2014), Orientations du soutien au développement de la recherche scientifique et de
l’innovation sociale du CNRIS, Trois-Rivières.
BOISVERT, D. (2014), Une politique de la recherche et de l’innovation au service
des milieux de pratique et des nouvelles équipes de chercheurs universitaires, Revue
CNRIS, vol 5#3, p.30-33.
___________________________________________________________________
Des outils pour agir ensemble !
Danielle Chrétien,
conseillère au développement de la recherche et de la formation
Roger Duchesneau,
vice-président
Association du Québec pour l’intégration sociale (AQIS) et Institut québécois de la déficience
intellectuelle (IQDI)
3958 Dandurand, Montréal Qc Canada H1X 1P7
Téléphone : 514-725-7245
Adresse courriel : [email protected]
160
L’Association du Québec pour l’intégration sociale (AQIS) est un organisme à but
non lucratif, créé en 1951 par des parents désireux de développer des services pour
répondre aux besoins de leur enfant ayant une déficience intellectuelle. Sa mission
vise aujourd’hui à faire la promotion des intérêts et défendre les droits de ces
personnes, dans l’objectif de favoriser leur pleine participation sociale. L’AQIS
regroupe plus de 80 associations de toutes les régions du Québec, pour la plupart
des associations de parents et des comités des usagers des centres de réadaptation
en déficience intellectuelle et troubles envahissants du développement.
Depuis 1968, l’Institut québécois de la déficience intellectuelle (IQDI) apporte son
appui à l’AQIS dans la réalisation de son mandat s’impliquant dans la promotion de
la recherche et le développement des compétences. L’Association et l’Institut
organisent chaque année des événements rassembleurs autour des enjeux actuels
en déficience intellectuelle. Ces congrès, colloques et formations suscitent les
échanges, favorisent le partage des expertises et proposent des pistes de solution
novatrices aux problèmes soulevés.
L’AQIS a toujours joué un rôle actif dans l’évolution des pratiques au Québec. Depuis
1997, l’Initiative pour l’intégration communautaire (IIC) du gouvernement fédéral lui a
permis d’assumer davantage son leadership dans le développement de dossiers de
grande envergure. Cette démarche pancanadienne représentait pour l’AQIS une
occasion inespérée de faire valoir certains besoins de soutien alors en émergence
chez les personnes ayant une déficience intellectuelle et leur famille. Au cours de
toutes ces années, l’AQIS s’est documentée, a établi des états de situation, a
travaillé en concertation avec de nombreux partenaires, a rédigé des guides et
élaboré des contenus de formation et des approches pédagogiques originales et
dynamiques. Cette présentation dressera un portrait des plus récentes réalisations
de l’AQIS.
Il y sera d’abord question de la formation à l’autodétermination Choisir et Agir 28qui
fournit des outils pratiques pour supporter les actions éducatives auprès des
personnes qui ont une déficience intellectuelle. Il s’agit d’un outil de prévention qui
vise à les soutenir dans l’utilisation de leurs pouvoirs personnels et la protection de
leurs droits au quotidien.
28
DUBOIS, S. (2006), Choisir et Agir : cadre théorique et programme d’activités adapté aux besoins des personnes ayant une déficience
intellectuelle, Montréal, Association du Québec pour l’intégration sociale, 79 p.
161
Par la suite, la formation Le partenariat : bien plus qu’une théorie ! issue d’une
démarche de collaboration entre l’AQIS, la Fédération des centres de réadaptation
en déficience intellectuelle et troubles envahissants du développement
(FQCRDITED) et l’Association québécoise des établissements de la Santé et des
Services sociaux (AQESSS) fera l’objet d’une brève description. Elle vise à
encourager le développement d’une vision commune autour des enjeux de
participation sociale liés aux contextes d’hébergement des personnes ayant une
déficience intellectuelle et d’une pratique de coopération entre les familles naturelles
et les milieux de vie qui les accueillent, soit les ressources intermédiaires (RI) et les
ressources de type familial (RTF).
Les congressistes auront ensuite l’occasion de découvrir le guide Notes et suivis
rédigé dans le but de soutenir les parents et les proches des personnes ayant une
déficience intellectuelle dans leur démarche auprès des dispensateurs de services.
S’inspirant des travaux29 effectués dans le cadre de l’IIC et de l’expérience de
parents impliqués de longue date à l’AQIS, cet outil pratique s’appuie sur des
concepts élaborés dans le milieu des personnes en situation de handicap : le
Processus de production du handicap (PPH)30, la Mesure de la réalisation des
habitudes de vie et le Plan d’intervention.
Enfin, la présentation du Guide Portage : de la naissance à six ans31, complétera
cette communication. Ce programme d’éducation à la petite enfance a été conçu
pour les parents et les professionnels œuvrant auprès des jeunes enfants par la
Cooperative Educational Service Agency 5 (CESA#5). Grâce à une entente avec
CESA#5, il a été traduit en français et adapté par l’AQIS en collaboration avec
l’Université du Québec à Rimouski (UQAR).
___________________________________________________________________
La gouvernance clinique au CRDITED MCQ – IU
Marlène Galdin, Ph.D.
Directrice de la qualité, recherche,
développement et innovation
CRDITED MCQ - Institut universitaire
[email protected]
1025, rue Marguerite-Bourgeois
Trois-Rivières (Québec) G8Z 3T1
Sylvie Dupras
Directrice générale
CRDITED MCQ - Institut universitaire
[email protected]
3255, rue Foucher
Trois-Rivières (Québec) G8Z 1M3
29
Notamment la démarche de réflexion éthique amorcée par l’adoption de la Charte des valeurs (2000), le Guide de réflexion en matière de
prise de décision (2001) et le programme Choisir et agir (2006).
30
Une entente de collaboration avec le Réseau international sur le processus de production du handicap (RIPPH) a permis à l’AQIS
d’adapter les contenus de formations du RIPPH et de les offrir aux familles et au personnel des associations.
31
Portage Project (2003) Guide Portage : de la naissance à 6 ans, trad. fr., Montréal, Association du Québec pour l’intégration sociale,
2014.
162
INTRODUCTION
Le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et troubles envahissants du
développement de la Mauricie et du Centre-du-Québec, Institut universitaire
(CRDITED MCQ – IU) croit fermement que de par ses interventions auprès des
personnes présentant une déficience intellectuelle (DI) ou un trouble du spectre de
l’autisme (TSA), la qualité de ses services spécialisés, de ses pratiques de pointe
ainsi que de ses innovations (nouvelles pratiques éprouvées et à jour en DI et TSA),
peut être témoignée et plébiscitée. Pour cela, l’organisation se veut un partenaire de
choix engagé et mobilisé, contribuant au développement et au transfert des
connaissances. Concrètement, cette vision porte la volonté de mettre en place une
excellence clinique actualisée pour soutenir le développement du plein potentiel des
personnes qui ont une DI ou un TSA.
Ainsi, la finalité recherchée de notre réflexion et des échanges autour de la
gouvernance clinique vise l’alignement de tous les acteurs (gestionnaires et
intervenants) dans la concrétisation de l’excellence clinique pour offrir aux usagers
des services sécuritaires et de qualité.
LA GOUVERNANCE CLINIQUE
La gouvernance clinique serait une sorte de système dans lequel les organisations
seraient responsables de l’amélioration continue de leurs services et dont les
membres prendraient collectivement la responsabilité de performance et d’offrir les
plus hauts standards de pratique d’intervention (SCIE, 2013).
Selon le Cadre de référence sur l’évaluation organisationnelle du CRDITED MCQ –
IU (Galdin et Tavares, 2012, p. 70-71) : « […] la nouvelle gouvernance clinique est
conçue comme un espace situé entre le système de gestion et le système clinique
d’une organisation. Cet espace est considéré comme un nouvel objet de
gouvernance et un nouveau mode d’action collective. Dans cet espace, se mobilisent
conjointement les savoirs et les relations des acteurs du système de gestion et du
système clinique et ce, de façon égalitaire et enrichissante. De plus, l’autorité de
gouvernance détenue par les professionnels du système clinique et par les
gestionnaires du système de gestion est mise au service de l’amélioration de la
qualité des soins. Cette autorité partagée viserait à inciter les professionnels à
participer plus activement à la transformation de l’organisation qui s’efforcerait de
leur offrir les moyens et ressources pour soutenir leur pratique (Brault et coll., 2008)
».
Malgré la présence de plusieurs cadres conceptuels sur la gouvernance clinique,
nous nous intéressons aux éléments clés de la gouvernance clinique tels que définis
par le modèle du Social Care Institute of Excellence (2010). Ce dernier nous semble
systémique et intègre les différents niveaux de gouverne. En effet, ce modèle
163
permettrait le développement d’une bonne gouvernance clinique en proposant
d’améliorer les pratiques de gestion dans plusieurs sphères dont : (1) le leadership et
la responsabilisation pour développer une véritable culture d’amélioration de la
qualité des services ainsi que l’apprentissage organisationnel, la gestion des
ressources humaines et financières orientées vers le besoin des usagers, le
développement continu des employés, la supervision et les retours d’information sur
les attentes de gestion, (2) la pratique sécuritaire qui inclut la gestion des risques et
des incidents indésirables tout comme la pratique efficace soutenue par le
développement de la recherche, les pratiques cliniques et de gestion fondées sur
des données probantes et la gestion des connaissances, (3) l’accessibilité, la
réactivité et la flexibilité des services qui nécessitent l’implication des usagers et des
proches ainsi qu’un travail intégré interne (dont l’interdisciplinarité) et avec les
partenaires, enfin (4) une communication organisationnelle et des données de
gestions qui doivent être disponibles et utilisées au regard des résultats d’audits,
d’évaluation des interventions ou encore de la performance. À ce modèle, nous
ajoutons l’importance de la gestion du changement ainsi que de celle de l’innovation.
Par ailleurs, grâce à des travaux menés en collaboration avec l’Institut national
d’excellence en santé et services sociaux du Québec, un modèle conceptuel adapté
au contexte québécois est en élaboration.
LE MODÈLE DU CRDITED MCQ – Institut universitaire
Cela dit, implanter une gouvernance clinique efficace est un mandat d’ampleur qui
nécessite non seulement du temps et de la persévérance, mais surtout la mise en
place de nouveaux processus organisationnels, une coordination à tous les paliers
de gestion, la présence de structures formelles de gestion du changement de
pratique et de gestion ainsi que la clarification des rôles et des responsabilités des
acteurs. Ainsi, le leadership de la haute direction en ce sens est essentiel. De même,
l’appui formel du conseil d’administration se concrétise par le suivi des avancées de
l’organisation et par la mise en œuvre d’un système d’évaluation de la performance
organisationnelle. De plus, afin de structurer et d’actualiser l’application de ce modèle
conceptuel, un modèle opérationnel a été élaboré afin d’orienter la gestion de son
implantation. Ce modèle repose sur les liens simultanés, bien que différenciés, entre
les processus d’implantation des meilleures pratiques, d’amélioration continue du
système clinique et de son évaluation avec ceux du développement clinique stimulés
par l’innovation et la recherche.
Le modèle vise à clarifier les rôles des paliers de gouvernance stratégiques,
opérationnels et de soutien. D’un côté, il schématise le système opérationnel, le
cœur clinique de l’organisation, dont les rôles et responsabilités sont incarnés par la
responsabilisation et l’actualisation des meilleures pratiques et l’amélioration de la
pratique en continu. Les opérations sont aussi sollicitées par l’implantation de
nouvelles pratiques et l’émergence des innovations provenant de la pratique. D’un
autre côté, se trouvent les processus permettant l’émergence de l’innovation clinique
et sociale, de traduire les résultats de recherche en intervention plus pertinentes et
164
efficaces, d’évaluer les pratiques cliniques, de soutenir la prise de décision éclairée,
d’assurer la gestion des connaissances. Ce modèle inclut donc un pôle Recherche,
de Développement et d’Assurance-qualité.
Afin que le modèle soit viable, des liens solides et complémentaires interdirections
doivent être présents pour permettre un arrimage de vision et de coordination des
actions. De plus, les échanges d’information et l’efficacité du transfert de
connaissances sont des facteurs primordiaux pour assurer le développement de
l’expertise et l’implantation tant des innovations que des meilleures pratiques. Ces
liens s’actualisent par (1) des mécanismes matriciels formels de développement de
l’expertise (ex. des groupes de pratiques spécialisées, des unités de développement
de pratiques de pointe, des communautés de pratiques avec des participants
externes à l’établissement) et (2) un modèle de gestion par projets soutenant un
système d’amélioration continue et de transformation organisationnelle. Le pilotage
stratégique du système est mené par le comité de direction. Le soutien aux
opérations et l’ajustement des ressources sont tous orientés vers la recherche d’une
réponse toujours plus ajustée aux besoins des usagers, le développement des
pratiques visant un impact ou un effet accru pour le client et une gestion clinicoadministrative dirigée en ce sens.
LES RÉSULTATS
La mise en place progressive de l’identification et la correction des performances
plus pauvres sont rendues objectives en utilisant des données (scientifiques,
cliniques ou de gestion) collectées de façon systématique grâce à la présence
d’évaluations. Ces données permettent d’éclairer les décisions cliniques autant
qu’administratives, l’élaboration de politiques et l’identification de besoins de
développement.
Ainsi, depuis 2011, les résultats des indicateurs contenus dans nos modèles
d’évaluation soutiennent nos choix de gouvernance. Nous présentons quelques
résultats à titre d’exemple. Nous notons un taux de respect des délais à l’entrée des
services qui se situe à 88,51%, alors qu’il n’était que de 71,43 % en 2011 (selon les
indicateurs de gestion ministériels). Une telle augmentation se réalise par le respect
des délais de 100% depuis bientôt deux ans. Le pourcentage d’enfants ayant un
retard global de développement ou une DI recevant des services d’une équipe
interdisciplinaire était de 17% alors qu’il est à présent de 100% (pour un total de 60
enfants annuellement). Il y a une augmentation régulière, de plus de 8% par année,
des heures cumulées de prestation de service offertes par les intervenants cliniques.
Enfin, la structure de recherche de l’institut est constituée à présent de 32 chercheurs
universitaires comparativement à 9 en 2009.
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
L’implantation du modèle de gouvernance clinique se poursuit appuyée par les
résultats obtenus et notre volonté organisationnelle d’excellence clinique.
165
Actuellement, les changements organisationnels engagés ont amené les
gestionnaires à penser une nouvelle structure organisationnelle plus adaptée aux
besoins de structure et de processus du modèle opérationnel de gouvernance
clinique du CRDITED MCQ - IU. De plus, nous assurons, en parallèle, l’ajustement
des modèles conceptuels et opérationnels en utilisant tant les données probantes
scientifiques que celles expérientielles. Le futur de nos actions s’oriente vers
l’évaluation des effets et impacts de ces choix organisationnels directement sur la
qualité des services offerts, mais également vers l’élaboration d’un système
d’évaluation de la gouvernance clinique mise en place.
RÉFÉRENCES
BRAULT, I., D.A. Roy et J.-L. Denis (2008). Introduction à la gouvernance clinique :
historique, composantes et conceptualisation renouvelée pour l’amélioration de la
qualité et de la performance des organisations de santé. Pratiques et Organisation
des Soins, n○3, p. 167-173.
GALDIN, M., et C.-A. Tavares (2012). Cadre de référence sur l’évaluation
organisationnelle au CRDITED MCQ – IU. Centre de réadaptation en déficience
intellectuelle et troubles envahissants du développement, institut universitaire. TroisRivières, Québec.
SOCIAL CARE INSTITUTE OF EXCELLENCE (2013). Social care governance: A
practice workbook (2nd Ed.). Department of Health, Social Services ans Public
Safety. Grande Bretagne.
___________________________________________________________________
Atelier N°12 Enfance : parentalité, inclusion, pédagogie
Trouble du spectre de l’autisme : qualité de vie et processus d’ajustement de
parents français, québécois et belges
Emilie Cappe1, Nathalie Poirier2, Carmen Dionne3, Nathalie Nader-Grosbois4
Inscription institutionnelle, coordonnées mails :
1
Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé (LPPS – EA4057), Institut de Psychologie,
Université Paris Descartes – Sorbonne Paris Cité (France), [email protected]
2
Département de Psychologie, Université du Québec à Montréal (Canada), ,
[email protected]
166
3
Département de Psychoéducation, Université du Québec à Trois-Rivières (Canada), ,
[email protected]
4
Institut de recherche en Sciences Psychologiques, Université Catholique de Louvain (Belgique),
[email protected]
Résumé :
Les parents d’un enfant présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) vivent
dès la naissance de celui-ci des expériences qui modifient leur qualité de vie. Il existe
des différences en termes d’intervention, de scolarisation et d’inclusion sociale des
individus TSA entre la France, le Québec et la Belgique. Ainsi, l’objectif était
d’explorer les différences en termes de processus d’ajustement entre parents
français, québécois et belges. Au total, 87 parents (29 par groupe) ont répondu à des
questionnaires pour évaluer : (1) les informations socio-biographiques ; (2) le stress
perçu (ALES) ; (3) le soutien social perçu (QSSP) ; (4) le contrôle perçu (CLSC) ; (5)
les stratégies de coping (WCC-R) et (6) la qualité de vie (échelle spécifique). Les
données ont été appariées en fonction du diagnostic, du genre, de l’âge, du niveau
de communication et d’autonomie, du lieu de vie des enfants, et du genre et de la
situation conjugale des parents. Les résultats montrent que les enfants français sont
diagnostiqués plus tardivement, bénéficient de temps scolaires moins importants et
consultent plus au privé. De plus, les parents français obtiennent des scores plus
élevés à la dimension menace/perte du stress perçu, au soutien émotionnel et au
coping centré sur les émotions. Enfin, les répercussions du TSA sur la vie
quotidienne des parents français sont plus importantes, mais les différences ne sont
pas significatives. Ainsi, il est nécessaire de mieux comprendre le rôle des variables
contextuelles.
3 mots clés :
Autisme, parents, adaptation
Publications en rapport avec le thème traité :
Cappe, E., Wolff, M., Bobet, R., & Adrien, J.-L. (2012). Étude de la qualité de vie et
des processus d’adaptation des parents d’un enfant ayant un trouble autistique ou
un syndrome d’Asperger : effet de plusieurs variables socio-biographiques
parentales et caractéristiques liées à l’enfant. L’Évolution Psychiatrique, 77, 181199.
Cappe, E., Wolff, M., Bobet, R., & Adrien, J.-L. (2011). Quality of life: a key variable to
consider in the evaluation of adjustment in parents of children with autism
spectrum disorders and in the development of relevant support and assistance
programmes. Quality of Life Research, 20(8), 1279-1294.
167
Cappe, E., Bobet, R., & Adrien, J.-L. (2009). Psychiatrie sociale et problèmes
d’assistance : Qualité de vie et processus d’adaptation des parents d’un enfant
ayant un trouble autistique ou un syndrome d’Asperger. La Psychiatrie de l’enfant,
52(1), 201-246.
Thème :
Bonnes pratiques, qualité, bientraitance, inclusion, référentiels : apports des lois et
rôles des décideurs
___________________________________________________________________
Approche logographique de l’apprentissage de la lecture
chez la personne déficiente mentale
Thierry BORDIGNON
Docteur en psychologie, chargé d'enseignements
[email protected]
Université de Mons, Service d’Orthopédagogie Clinique
18, Place du Parc - 7000 Mons (Belgique)
Adeline LEFEVRE
Etudiante
Marie-Claire HAELEWYCK
Professeur, Chef de Service
[email protected]
Université de Mons, Service d’Orthopédagogie Clinique
18, Place du Parc - 7000 Mons (Belgique)
168
Introduction
Les compétences de lecture sont un des nombreux outils permettant l’intégration
sociale et la valorisation de la personne présentant une déficience intellectuelle.
Cependant, certaines de ces personnes montrent des difficultés importantes lors de
l’apprentissage de la lecture, difficultés en partie liées à une faible capacité de la
mémoire de travail. Dès lors, une méthode classique de l’apprentissage semble être
peu efficace et inappropriée. Nous avons donc développé et testé auprès de 14
adultes présentant une déficience intellectuelle de légère à modérée, une méthode
d’apprentissage de la lecture de type logographique. Cette méthode permet de palier
aux difficultés liées à la mémoire de travail souvent insuffisante chez ces personnes.
Cette approche et les résultats obtenus lors de son utilisation auprès du public cible
sont décrits ci-dessous.
Approche théorique
Il existe plusieurs méthodes d’apprentissage de la lecture permettant à l’enfant ne
présentant pas de déficience mentale d’accéder à la lecture. Selon Ecalle et Magnan
(2003), les trois plus communes sont la méthode analytique, globale et mixte.
La méthode analytique ou phonique postule que la lecture nécessite impérativement
l’apprentissage du code alphabétique, c’est-à-dire la décomposition de la langue
orale en unités linguistiques réduites ; les phonèmes, qui seront associés à des
unités graphémiques. Dans cette approche, le rôle de la phonologie est central. Elle
nécessite que l’apprenant effectue un travail important de décentration. Il ne s’agit
pas de considérer le langage comme un outil de communication, mais comme un
objet de réflexion portant sur la structure même du langage oral. Cette activité
métalinguistique, non naturelle, se développe nécessairement à partir d’un
apprentissage.
L’approche globale de l’apprentissage de la lecture est similaire à l’apprentissage du
langage oral. L’apprenant identifie les mots à partir de leur forme globale tout en
accédant au sens du texte qui peut l’aider à identifier des mots nouveaux inconnus.
Dans cette approche, la syntaxe et la sémantique sont importants. L’apprentissage
de la lecture serait alors un acte naturel comme l’apprentissage du langage oral.
Selon Dehaene (2007), la méthode mixte permettrait à l’apprenant d’apprendre à
reconnaître un mot globalement avant de savoir le décomposer en syllabes. Bru
(2006) précise que cette approche a pour objectif de rassembler dans une approche
éducative les avantages de la gradation de la méthode analytique et ceux de la
motivation que suscite la méthode globale par la curiosité qu’elle éveille.
Nous avons utilisé les approches traditionnelles d’apprentissage de la lecture auprès
d’enfants présentant le syndrome du X-fragile présentant une déficience mentale
modérée dans le cadre de reméditions cognitives (Colot & Vandeputte, 2004).
169
Rapidement, nous nous sommes rendus compte de la limite de ces approches, et
tout particulièrement de la méthode analytique. Une des difficultés principales
observées chez l’apprenant concerne sa faible mémoire de travail (empan mnésique
situé autour de trois éléments). Cette difficulté ne lui permet pas de mémoriser
l’ensemble des syllabes et de les réassembler afin de constituer le mot et d’accéder
au sens. Dès lors, la méthode globale semble être plus appropriée (un mot équivaut
à un seul élément mémorisé au niveau de la mémoire de travail).
A partir de ces observations, nous avons utilisé et adapté la méthode globale avec
les enfants présentant le syndrome du X-fragile. Les adaptations concernent
essentiellement en une accentuation des indices visuels des mots en utilisant des
codes couleur. Cette méthode nouvelle a été testée auprès de 14 adultes présentant
une déficience intellectuelle de légère à modérée.
Méthodologie
L’approche logographique de l’apprentissage de la lecture que nous avons
développé est basée sur l’utilisation de référentiels mot-image construits selon un
code couleur. Chaque mot, imprimé sur une étiquette, est associée à une image
également imprimée sur une étiquette. La couleur des étiquettes est fonction de la
nature des mots : vert pour les noms, bleu pour les déterminants, rouge pour les
verbes, rose pour les pronoms, jaune pour les adjectifs, blanc pour les « nonclassés ». Les référentiels sont individualisés et progressifs. Des mots nouveaux sont
ajoutés aux référentiels, qui au début de l’apprentissage de comprend que quelques
mots seulement, en fonction des progrès de chaque apprenant.
Une série d’exercices, de difficultés croissantes, a été élaborée. L’objectif étant que
progressivement, l’apprenant mémorise un maximum de mots courants et usuels, en
utilisant de moins en moins les référentiels pour lire. Les exercices proposés
consistent à des associations de mots et d’images, à des recherches de mots dans
une liste (par reconnaissance de la forme du mot), à des constructions de phrases
ayant une structure correcte et en la lecture de phrases.
L’approche logographique de l’apprentissage a été testée auprès de 14 adultes
présentant une déficience intellectuelle de légère à modérée. Les sujets étaient âgés
entre 29 et 42 ans. Chaque semaine, durant 10 mois, une séance de 30 minutes par
groupe de 7 apprenants était organisée. Les séances d’apprentissage doivent être
de courte durée. Au-delà de 30 minutes, le niveau de concentration des apprenants
avec lesquels nous avons travaillé baissé sensiblement. Il est également important
de varier les types d’exercice au sein d’une même séance. Précisons enfin que,
même si nous travaillons avec un groupe de 7 apprenants, l’apprentissage reste
individuel. En fonction de ses compétences et de ses apprentissages, chaque
personne dispose de référentiels individualisés complétés progressivement par des
éléments (mots et images) nouveaux.
170
Résultats
Différents pré-tests et post-tests ont été administrés avant et après l’intervention. Les
tests consistent, entre autre, en la batterie prédictive de lecture d’Inizan et en des
mesures du nombre de mots mémorisés des différents référentiels utilisés avant et
après la situation d’apprentissage.
Les résultats obtenus après 10 mois d’utilisation de cette méthode sont
encourageants. Les collections de mots mémorisés de chaque apprenant se sont
significativement élargies. En moyenne, chaque apprenant a augmenté son corpus
de mots de 50 %.
Conclusions, limites et perspectives
L’approche logographique de l’apprentissage de la lecture développée semble palier
aux difficultés liées à la mémoire de travail des personnes présentant une déficience
intellectuelle. L’utilisation d’un code couleur favorise la mémorisation de mots
courants et usuels. Toutefois, la méthode proposée montre une limite importante.
Seuls les mots mémorisés peuvent être par la suite reconnus et lus. Contrairement à
une approche de type analytique, la méthode proposée ne permet pas
d’appréhender des mots nouveaux. Elle aide essentiellement la personne présentant
une déficience mentale à déchiffrer des textes de petite taille, en devinant les mots
inconnus en s’aidant du contexte.
Cette approche sera prochainement testée auprès d’enfants présentant une
déficience intellectuelle similaire et scolarisée dans l’enseignement spécialisé. Cette
nouvelle étude permettra certainement d’améliorer de manière significative l’outil
présenté.
Références bibliographiques
BRU, M. (2006), Les méthodes en pédagogie, Paris, Presses Universitaires de
France.
COLOT, V. & VANDEPUTTE, C. (2004), Apprentissage de la lecture avec l’enfant Xfragile, Mons, UMons Service de Sciences Cognitives.
DEHAENE, S. (2007), Les neurones de la lecture, Paris, Odile Jacob.
ECALLE, J. & MAGNAN, A. (2003), L’apprentissage de la lecture. Fonctionnement et
développement cognitif, Paris, Armand Colin.
___________________________________________________________________
171
«Accueil des enfants dans le milieu d’accueil agréée par l’Office de la
Naissance et de l’Enfance (Belgique)
Audrey QUINAUX
Coordinatrice Projet Badiane et chercheur
Association de Recherche et d’Action en faveur des Personnes Handicapées ( ARAPH asbl)
61, rue de Bruxelles
5000 NAMUR BELGIQUE
[email protected]
Mots-clés : déficience mentale, troubles développement, inclusion, petite enfance,
milieux d’accueil ordinaires.
Cette communication porte sur l’accueil d’enfants à besoins spécifiques au sein des
milieux d’accueil ordinaires en Belgique (0 à 3 ans). Plus précisément, nous nous
centrerons sur l’inclusion des enfants souffrant de retards au niveau de leur
développement intellectuel.
Pour favoriser l’inclusion de ces enfants à besoins spécifiques dans les milieux
d’accueil ordinaires, l’AWIPH (Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes
Handicapées) et l’ONE (Office de la Naissance et de l’Enfance) ont créé en 2010 les
« initiatives spécifiques petite enfance » en Belgique. Il s’agit d’équipes mobiles qui
accompagnent et soutiennent les professionnels des milieux d’accueil dans leurs
projets d’inclusion de ces enfants souffrant de difficultés particulières. Ce travail de
terrain avec le public d’enfants entre 0 et 3 ans a fait émerger des problématiques
qu’il nous parait intéressant d’aborder ici.
En effet, lorsque des difficultés au niveau moteur sont rencontrées chez les enfants
de cet âge, ces troubles sont assez aisément identifiés et avérés. Par contre, dans le
cadre des troubles mentaux, la problématique est particulière et le diagnostic est bien
moins facile à poser. Nous constatons qu’il est souvent complexe de pouvoir
déterminer chez un enfant si jeune s’il souffre ou non, et dans quelle mesure, d’un
retard de développement intellectuel. Tout au plus, un retard langagier sera repéré à
la fin de l’accueil de l’enfant.
Cette difficulté d’identification du trouble et de sa gravité amène avec elle des
difficultés de
communication avec les parents, notamment
Nous envisagerons donc lors de cette communication les questions suivantes, en
partant de cas cliniques rencontrés :
 Les difficultés d’acceptation par les parents
 Les difficultés rencontrées par les équipes de transmettre cela aux parents
 Le rôle particulier que le médecin aurait à jouer
 Le rôle que les projets « initiatives spécifiques petite enfance » auraient à jouer.
Publications en rapport avec le thème traité :
« Un milieu d’accueil ouvert à l’enfant en situation de handicap. »Mercier, M. &
Bazier, G. Presses Universitaires de Namur, (2008).
« L’inclusion des enfants ayant des besoins spécifiques ». Brochure VBJK, Gand,
(2010).
172
_________________________________________________________________
Le recours au programme de remédiation cognitive « J’apprends à
m’autoréguler » auprès d’enfants présentant une déficience intellectuelle
modérée d’origine génétique ou non
Roland, Virginie1 & Haelewyck, Marie-Claire2
1
Doctorante, Université de Mons ; [email protected] ; Place du Parc, 18 7000 MONS (UMONS,
BELGIQUE)
2
Professeure, responsable du service d’Orthopédagogie Clinique (Département d’Etudes et d’Actions sociales),
Université de Mons ; [email protected] ; Place du Parc, 18 7000 MONS (UMONS,
BELGIQUE) ;
1. Introduction
Les recherches antérieures auprès d’enfants présentant une déficience intellectuelle (DI) ont
montré des dysfonctionnements dans le développement de l’autorégulation (Haelewyck &
Nader-Grosbois, 2004). Définie par Whitman (1990, cité par Wehmeyer, 2011) comme « un
système complexe de réponses qui permet aux personnes d’examiner leur environnement et
son répertoire de réponses afin de s’y adapter pour décider de la manière d’agir,
d’entreprendre une action, d’évaluer la désirabilité des résultats de l’action et de réviser
leurs plans au besoin » (p.373), l’autorégulation est caractérisée par une série de quatre
stratégies interdépendantes (Agran, 1997), les stratégies : de gestion de soi, d’établissement
et de planification d’objectifs personnels, de résolution de problèmes et de prise de
décisions, d’ajustement, d’adaptabilité et d’autocontrôle.
L’élaboration du programme de remédiation cognitive découle d’une recherche de Vande
Vonder et Haelewyck (2009). Composé d’exercices ludiques, l’objectif du programme
« J’apprends à m’autoréguler » est de soutenir le développement des capacités
d’autorégulation des enfants en les amenant à prendre conscience de leurs ressources,
stratégies et dispositions à apprendre (Haelewyck & Vande Vonder, 2011). Le tableau I
reprend les cinq stratégies générales et les douze stratégies spécifiques référant aux
compétences cognitives, métacognitives et motivationnelles nécessaires à l’autorégulation des
apprentissages.
173
Outre l’autorégulation, deux concepts sont à identifier, l’hétérorégulation et la gestion
mentale.
1.1.L’hétérorégulation
Ce concept désigne les interventions parentales et/ou professionnelles auprès d’enfants afin de
favoriser le développement ou l’apprentissage, notamment par un processus d’étayage
(Nader-Grosbois, 2007).
1.2.La gestion mentale
La gestion mentale s’intéresse aux causes de réussite ou d’échec lors de situations
d’apprentissage (Mouzoune, 2010). Nous nous sommes centrés sur deux procédés, la
perception et l’évocation. La perception est la manière dont est perçue une tâche, un objet,
une information (ibid., 2010). L’évocation représente quant à elle le processus organisant les
perceptions en une représentation mentale personnelle (Soanes & Hawker, 2005, cité par
Brown-Frossard, 2006). Ainsi, selon Mouzoune (2010), l’évocation représente l’étape qui
permet le passage du perceptif au cognitif.
2. Recherche
Nous avons testé les effets du programme « J’apprends à m’autoréguler » auprès d’un échantillon
occasionnel d’enfants présentant une DI modérée. Nous sommes intervenues de manière
individuelle afin de favoriser une régulation approfondie et de permettre à l’enfant une participation
optimale (Varsamis & Agaliotis, 2011).
2.1.Méthodologie
L’intervention consiste en l’application du programme de remédiation:
-
douze séances au total ;
174
-
une séance par semaine avec chaque enfant ;
-
quarante-cinq à soixante minutes selon les exercices réalisés.
2.1.1. Questions de recherche
La question principale est de savoir si la participation au programme de remédiation a un effet sur le
fonctionnement cognitif des enfants présentant une DI modérée. Deux sous-questions en résultent,
afin de savoir si le programme a une influence :
-
sur le développement des stratégies autorégulatrices ;
-
sur la maitrise et l’application des procédés de perception et d’évocation.
2.1.2. Outils d’évaluation
Suite à un dessein quasi-expérimental avec pré- et post-test, nos résultats sont issus d’une méthode
mixte associant des données qualitatives et quantitatives. Pour l’évaluation du fonctionnement
cognitif, les épreuves proposées sont les matrices progressives de Raven et la figure complexe de
Rey. L’hétérorégulation faisant partie intégrante du programme, une évaluation dynamique des
compétences et des capacités de modificabilité des enfants face à des situations-problèmes et à une
aide proposée nous est apparue pertinente. Ces épreuves, figurant dans le Learning Propensity
Assessment Device de Feuerstein (1979), ont été choisies à cette fin :
-
les matrices progressives de Raven (1998) - présentation et cotation selon la version
originale. Une phase de correction introduisant une médiation a été réalisée.
L’argumentation fournie par les enfants a été retranscrite afin d’étayer les données
qualitatives.
-
la figure complexe de Rey (1960) - version originale : copie en présence du modèle et
reproduction de mémoire. Pour notre intervention, nous avons retenu l’adaptation de
Feuerstein, en trois phases.
Deux types de données ont été retenus : le score obtenu lors de la phase 1 et le score obtenu suite à
la phase 3. Nous avons utilisé la correction d’Osterrieth (cité par Rey, 1959), consistant à décomposer
la figure en 18 unités et à noter chacune selon qu’elle soit correcte (2pts si bien placée, 1 si mal
placée), déformée-incomplète, mais reconnaissable (1pt si bien placée, 0.5 si mal placée),
méconnaissable-absente (0pt), le maximum étant de 36.
Pour l’évaluation des capacités d’autorégulation, la grille d’analyse des stratégies autorégulatrices
de Nader-Grosbois (2007) a été complétée suite à une observation directe, sur base de la réalisation
des subtests des cubes et des matrices de la WISC-IV.
175
Enfin, pour l’évaluation des capacités de perception et d’évocation, une grille d’observation a été
élaborée et remplie à partir d’un texte associé à un dessin à compléter. Afin de permettre
l’élaboration d’un langage intérieur comme outil de médiation, nous avons joint deux fiches à
l’exercice.
2.1.3. Echantillon
Neuf enfants, de 10 à 12,7 ans, fréquentant l’enseignement spécialisé, ont participé à notre
recherche. Deux groupes ont été constitués :
-
des enfants avec une DI modérée accompagnée d’un syndrome de Down (SD) ;
-
des enfants avec une DI modérée d’origine non génétique.
_________________________________________________________________
176
Atelier N°13 Inclusion
Politiques publiques, professionnalités et langages :
les maillons faibles de la chaîne inclusive
Hervé BENOIT
Docteur en Sciences de l’éducation
Agrégé de l’université
Rédacteur en chef de La nouvelle revue de l'adaptation et de la scolarisation
Responsable de la formation des inspecteurs (INS HEA - ESENESR)
INS HEA - 58-60 avenue des Landes - 92150 SURESNES
[email protected]
La « très forte progression » (Gouv, 2012, p. 19-21) du nombre des élèves
handicapés scolarisés en milieu ordinaire dans le système éducatif français de
2004-2005 à 2011-2012, montre que s’est amorcé le transfert d’une population
d’enfants et adolescents handicapés, vers les établissements de l’Education
nationale.
Le rôle significatif joué par les « dispositifs pour l’inclusion scolaire », Clis32 et Ulis33
sur les aspects quantitatifs de ce processus conduit à s’interroger sur les
« formations discursives » auxquelles correspondent ces textes prescriptifs.
Cadre théorique
C’est ainsi dans une optique poststructuraliste que l’on entreprend, d’une part,
d’analyser l’espace des discours de « l’inclusion scolaire » et les « domaines
d’objets » (Foucault, 1971, p. 72) qu’ils génèrent, à propos desquels se sont à la fois
développés des programmes officiels et des énoncés règlementaires, qui donnent
lieu à des « micro-relations de pouvoir » (Foucault, 1977, p. 303).
On s’appuie, d’autre part sur la définition donnée par M. Foucault du « dispositif »
comme « un cas beaucoup plus général de l’épistémè », qui reste une formation
32
Créée en 1991 sous l’intitulé « classe d’intégration scolaire », réformée en 2002, la Clis est redéfinie comme
« classe pour l’inclusion scolaire » par la circulaire 2009-087 du 17 juillet 2009.
33
Créée en 1995, réformée en 2001, l’Upi (unité pédagogique d’intégration) devient Ulis (unité localisée pour
l’inclusion scolaire) dans la circulaire 2010-088 du 18 juin 2010.
177
spécifiquement discursive, à la différence du dispositif, qui est « un ensemble
résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, (…) » (Foucault,
1977, p.299). Ainsi les formations discursives s’articulent-elles et se combinent-elles
avec d’autres éléments, dits et non dits, pour constituer un dispositif stratégique,
c’est-à-dire une structure caractérisée par la « prévalence d’un objectif
stratégique », destiné à répondre à une urgence de type social34.
Analyse du « dispositif pour l’inclusion scolaire » ou « dispositif inclusif »
Précisons tout d’abord que le sens du terme dispositif en usage dans les textes
règlementaires depuis 199035 doit être distingué de la définition qu’en donne M.
Foucault au regard de l’épistémè.
Dès le premier texte sur les RASED (1990), il s’agit de désigner un ensemble de
dispositions et de moyens mis au service d’une alternative, fondée sur le
« regroupement temporaire », à l’enclassement des élèves en difficulté dans des
« classes d’adaptation ».
Depuis la première apparition de ce terme dans le lexique officiel de l’Education
nationale, on repère néanmoins une première série d’occurrences où le dispositif
inclusif est censé se réaliser dans le cadre d’une classe. Cette série a fait l’objet
d’une analyse s’intéressant au micro-système discursif dans lequel elle fait sens
(Benoit, 2013). On a pu ainsi dégager un phénomène d’hybridation et de distorsion
du discours prescriptif, qui génère un objet composite, mi-classe, mi-dispositif,
susceptible d’entretenir l’ambiguïté entre un fonctionnement de filière autoréférencée
(filière et classe spéciales, projet de groupe, intégrations ponctuelles) et une logique
d’action hétéroréférencée, au service de l’inclusion. La discordance des textes
prescriptifs, par hybridation intratextuelle et intertextuelle, peut générer un discours
apocryphe et souterrain (au sens de « droit souterrain »), susceptible de nourrir
« l’épistémologie pratique » des enseignants (Sensevy, 2007).
Ainsi la combinaison des ruptures de cohérence des textes prescriptifs, qui sont
parties prenantes de la « formation discursive », et des pratiques éducatives
déterminées par « l’épistémologie personnelle » (Brousseau, 1986) des acteurs de
l’Ecole constitue-t-elle l’un des aspects du « dispositif stratégique », fait de dit et de
non dit, défini plus haut.
L’inclusion scolaire à la confluence d’un discours de la compensation et d’un
discours de l’accessibilité
Si l’on appréhende l’espace public comme réalité discursive et comme
« fonctionnement discursif » (Delforce, 2010), des discours dominants et des contrediscours36 peuvent être identifiés.
34
Il peut s’agir, par exemple, de « la résorption d’une masse de population flottante qu’une société à économie
de type essentiellement mercantiliste trouvait encombrante : il y a eu là un impératif stratégique, jouant comme
matrice d’un dispositif, qui est devenu peu à peu le dispositif de contrôle-assujettissement de la folie, de la
maladie mentale, de la névrose » (Ibid.)
35
Circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990 sur les RASED (réseaux d’aide spécialisée aux élèves en difficulté), puis
n° 95-124 du 17 mai 1995 sur les UPI (unités pédagogiques d’intégration).
178
L’effort collectif d’accessibilisation, qui vise l’environnement, et l’attribution de
compensations, qui répond aux incapacités de la personne, ne s’articulent pas l’un à
l’autre selon une relation d’équilibre ; ils sont liés par une relation de proportionnalité
inverse. Le problème est donc moins d’interroger l’équilibre éventuel entre ces deux
discours que d’observer comment ils se hiérarchisent.
Or, en dépit de la conception universelle (universal design) portée par la Convention
relative aux droits des personnes handicapées (ONU, 2006), la prégnance des
normes de sélection et d’orientation dans les systèmes scolaires et les habitudes de
catégorisation dans le champ du handicap se conjuguent dans de nombreux pays
pour produire un surinvestissement et une surreprésentation des discours de
compensation (auxiliaires de vie scolaire en France, maître de soutien en Italie…).
Ainsi les habitudes d’enseignement et les normes scolaires couramment admises
auxquelles elles renvoient ne sont-elles pas remises en question : les contextes
sont neutralisés (Vadala, Medeghini, D’Alessio, 2013).
Pris en tenaille entre ces deux flux discursifs, le concept d’inclusion (scolaire) connaît
une fission (Airhm, 2014) dans le double registre (1) institutionnel, (2) langagier et
(3) éthique.
1.
Le concept d’inclusion, qui implique « un processus de transformation des
systèmes éducatifs et des cultures » garantissant à tous les élèves de bénéficier
sans restriction d’un enseignement ordinaire (D’Alessio, 2008, p. 36), est capté et
hybridé par des discours et des pratiques réductionnistes, notamment illustrées par
les expressions temps d’inclusion et élèves en inclusion utilisées pour caractériser
les moments de scolarisation des élèves handicapés en classe ordinaire. La notion
d’inclusion se trouve ainsi ramenée à celle d’intégrabilité et inféodée à un discours
sur les incapacités à compenser.
2.
Cette hybridation est soutenue par la transposition dans le lexique de
l’éducation inclusive d’éléments de discours issus du domaine médico-psychologique
et qui se transforment en éléments de langage (au sens politique37) dans la mesure
où ils sont le moyen d’un positionnement statutaire du professionnel et le signe d’un
pouvoir qui lui est conféré. L’utilisation dominante d’un discours médicopsychologique a non seulement pour effet de laisser à l’écart la question des savoirs
scolaires, mais encore d’induire une médicalisation du processus inclusif. Un
concept, comme celui de l’évaluation connaît dans ce contexte une très forte
ambiguïsation qui tend à obérer le versant des acquis et des progrès scolaires pour
privilégier celui des besoins de type psychothérapeutique.
3.
Du point de vue éthique, on observe une dichotomie discursive entre les
tenants d’une « doctrine morale » de l’inclusion totale, fondée sur l’égalité des droits
et la non discrimination, et les défenseurs d’une « approche éthique », selon laquelle
l’inclusion partielle, en autorisant le placement temporaire des élèves handicapés
dans des structures séparées, répondrait mieux à leurs besoins de développement
36
A paraître en avril 2015, Contre-discours dans l'espace public (contemporain), Semen
(http://calenda.org/275939)
37
« Comment fonctionne l'orchestre de Nicolas Sarkozy », Pascal Riché, Rue89.com - 21/10/2009
179
social et psychologique (Berg et Schneider, 2012). Pris pour ainsi dire en tenaille
entre la posture morale et la posture éthique, l’objectif inclusif d’accessibilisation
générale des systèmes éducatifs se trouverait ainsi conduit dans une aporie
philosophique où il serait désarticulé et dépouillé de son contenu d’universalité.
Des parcours personnalisés pour des élèves à besoins éducatifs particuliers à
la subjectivation
L’hybridation des discours institutionnels et éthiques, source d’ambiguïsation et de
fission des notions constitutives des « épistémologies pratiques » et de confusion
des langages professionnels, n’est pas sans conséquence sur les représentations
subjectives. Deux exemples sont présentés : (1) celui du statut social de l’élève dit
en inclusion partielle et (2) celui de la personne sourde face aux discours opposés
sur le déficit auditif et la culture sourde. Dans les deux situations, l’hybridation des
discours est susceptible de produire de la précarité identitaire, voire une fracture
interne de la personne.
1.
Lorsque les pratiques d’inclusion scolaire dépendent de la double
condition de l’efficacité des aides et de la capacité d’adaptation de l’élève handicapé,
elles renvoient à un discours de compensation individuelle. Le questionnement sur la
capacité de l’Ecole à prendre en compte la diversité des besoins individuels de tous y
est absent. C’est pourquoi le statut d’élève en inclusion partielle au sein d’un
système éducatif peut être décrit en terme de précarité scolaire (Benoit, 2012a, p.
70), en ce qu’il présente dans son fonctionnement une double isomorphie38 à celui
du travailleur précaire (CDD) et à celui de personne étrangère à un territoire national,
sous la menace d’une reconduite à la frontière.
2.
Dans le domaine particulier de la surdité et de l’éducation des jeunes sourds,
le télescopage de ces discours concerne les discours médicaux sur le déficit auditif
et les discours socio-anthropologiques (Deaf studies). A la confluence de ces
dispositifs discursifs, le concept de S(s)ourd connaît lui aussi une scission qui se
manifeste à travers l’ambivalence majuscule vs minuscule de la lettre initiale. Cette
dualité de discours par lesquels sont subjectivés les personnes sourdes peut
produire une telle ambiguïté identitaire en cas d’implant cochléaire que la personne
concernée se trouvera assignée à un « "non lieu" entre les positions de sujets
légitimées dans les contextes dont il fait partie » (Corcini Lopes et da Silva Thoma,
2014).
Dans le système scolaire français, l’approche de la scolarisation des élèves à
besoins éducatifs particuliers par le parcours personnalisé correspond clairement,
quant à elle, à une focalisation sur l’orientation d’un élève dans un système donné,
bien plus que sur l’accessibilisation du circuit scolaire.
38
Le terme d’isomorphisme (Benoit, 2005, p. 50 ; Curchod-Ruedi & Doudin, 2013, p. 236) est à l’origine un
concept mathématique qui signifie que chaque élément d’un ensemble correspond à un élément d’une autre
ensemble, chacun de ces éléments jouant respectivement le même rôle dans son ensemble d’origine. La
transposition de cette notion aux systèmes linguistiques ou humains met l’accent sur la correspondance des
relations à l’intérieur des différents systèmes.
180
En conclusion
Les notions d’inclusion, de besoins éducatifs particuliers et leurs déclinaisons
institutionnelles dans les politiques publiques en termes de dispositifs inclusifs, de
parcours personnalisés et de transition école emploi, constituent à la fois les points
forts et les maillons faibles du processus d’inclusion sociale et scolaire.
Points forts en tant qu’ils renvoient à une conception universelle de l’accessibilisation
et font l’objet de recherches au niveau international ; maillons faibles au sens où ils
subissent à la confluence du discours dominant de la compensation et du contrediscours de l’accessibilité des pressions qui produisent leur hybridation et parfois
même leur désarticulation.
Enfin, pour progresser dans l’élucidation des objectifs sociaux du dispositif
stratégique, on fait l’hypothèse qu’il vise bien le transfert d’une masse de population
de jeunes, naguère éduquée dans des établissements de santé, vers des
établissements scolaires, dans une logique d’unification, cimentée par l’injonction de
collaboration multiprofessionnelle, de lieux éducatifs auparavant séparés, tout en
réinstallant sous le toit commun des cloisonnements symboliques, aux plans du
langage et des représentations, aux fins de produire des modes d’affiliation sociale
distincts.
Bibliographie
AGENCE EUROPEENNE POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'EDUCATION DES
PERSONNES AYANT DES BESOINS PARTICULIERS (2003). Les besoins
éducatifs particuliers en Europe. Bruxelles : auteur.
AIRHM
2014
Kalubi
J.C.,
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___________________________________________________________________
182
PENSER UNE ARTICULATION ENTRE LE MILIEU ORDINAIRE ET LE SECTEUR
SPECIALISE CONFORME A LA LOGIQUE D’INCLUSION
Yves PILLANT.
[email protected].
Formateur en ingénierie sociale à l’Institut Méditerranéen de Formation et Recherche en Travail Social
L’inclusion prône la primauté du milieu ordinaire (Convention ONU, 2006, ratifié en
2010 ; article 19). Aucune personne ne doit être dans l’obligation de vivre dans un
milieu spécialisé, entourée de spécialistes comme si elle était une personne spéciale.
Le principe de non-discrimination vient réinterroger des pratiques du travail social qui
ont parfois pris le risque de stigmatiser sinon de ségréger des individus.
Il ne s’agit pas d’abandonner les personnes en situation de handicap (PSH) en
pleine société en « croyant » que les seules synergies ordinaires suffiront à ce
qu’elles trouvent toute leur place et développent toutes leurs compétences.
Plusieurs conditions nécessaires sont à élaborer en suivant une série de questions.
Quelle approche peut favoriser l’accessibilité de la PSH aux divers secteurs qui
composent la vie sociale ordinaire ? Quelles pratiques professionnelles développer
auprès des acteurs du milieu ordinaire pour les soutenir dans l’accueil des PSH ?
Quelles fonctions les structures spécialisées doivent assurer tant auprès du grand
public que des PSH et de leur réseau ?
Cette communication osera une présentation cohérente et globale d’une évolution du
secteur spécialisé fidèle au paradigme d’inclusion. L’ingénierie sociale convoquée
par les processus envisagés prendra appui sur plusieurs expériences conduites dans
les Bouches du Rhône, même si bien des aspects restent encore de l’ordre de la
tentative.
Mots-clefs : inclusion, désinstitutionalisation, ingénierie sociale
Articles :
Revue française de service social (ANAS), septembre 2013 : De la société
d’intégration à la société inclusive : plaidoyer pour de nouvelles relations entre le
secteur associatif, économique et les pouvoirs publics
Revue thématique du CREAI décembre 2012 : enjeux et paradoxes de la
coordination. Le mouvement Parcours : un espace de concertation et de
coordination.
183
En ligne sur le site de l’AIFRIS :
« Transformation des savoirs relative à l’approche situationnelle du handicap»
accessible sur le site de l’AIFRIS.
http://aifris.eu/04exploitress/clt_liste.php?num_page=780&ordre_tri=5
« Les conditions de l’inclusion des personnes en situation de handicap »
accessible sur le site de l’AIFRIS.
http://aifris.eu/04exploitress/clt_liste.php?num_page=780&ordre_tri=5
___________________________________________________________________
L’impératif de la créativité pour les recherches impliquant des personnes avec
une déficience intellectuelle
Veyre Aline - Institut de Pédagogie curative, Université de Fribourg
Mail : [email protected]
Diacquenod Cindy - Institut de Pédagogie curative, Université de Fribourg
Mail : [email protected]
Petitpierre Geneviève - Institut de Pédagogie curative, Université de Fribourg
Mail : [email protected]
Gremaud Germaine – Ecole de travail social et de la santé – EESP
Mail : [email protected]
Résumé :
La pleine participation des personnes avec une déficience intellectuelle (DI) est une
thématique de grande actualité (Conseil de l’Europe, 2006; ONU, 2006). Ce nouveau
paradigme réinterroge toutes les pratiques, y compris celles qui ont cours en matière
de recherche. Le recours à des méthodologies de recherche de type « participatif »,
« collaboratif » permet désormais d’impliquer le public concerné tout au long du
processus de recherche. Toutefois, ces méthodologies sont exigeantes et posent de
réels défis. Elles supposent notamment l’adaptation des instruments et procédures
de production de données aux caractéristiques des personnes concernées.
184
De ce fait, le chercheur est amené à repenser chaque phase de la recherche et à
faire preuve de créativité pour proposer des dispositifs visant à favoriser la
participation active des personnes avec une DI.
Cette communication vise à présenter un ensemble d’aménagements possibles à
appliquer en vue d’accessibiliser, pour le public concerné, la procédure de recueil de
consentement, la récolte d’informations auto-rapportées, ainsi que la phase de
restitution des résultats. Des recommandations méthodologiques visant à impliquer
directement les personnes avec une DI dans le processus d’adaptation de ces
dispositifs seront également présentées.
Finalement, les défis et limites en lien avec les méthodologies de recherche
participatives dans le champ de la DI seront discutés.
Mots clefs : déficience intellectuelle, recherche participative, accessibilisation
Publications en rapport avec le thème traité :
Finlay, W. M. L., & Lyons, E. (2001). Methodological issues in interviewing and using
self-report questionnaires with people with mental retardation. Psychological
Assessment, 13(3), 319-335.
Fujiura, G. T., & the RRTC Expert Panel on Health Measurement (2012). SelfReported Health of People with Intellectual Disability. Intellectual and developmental
disabilities, 50(4), 352–369.
Petitpierre, G., Gremaud, G., Veyre, A., Bruni, I. & Diacquenod, C. (2013). Aller audelà de l'alibi : consentement à la recherche chez les personnes présentant une
déficience intellectuelle : Discussions de cas éthiques dans la recherche
ethnologique. Société suisse d'ethnologie, SEG-SSE, 1-10. Récupéré de
http://www.seg-sse.ch/pdf/2013-03- 27_Petitpierre.pdf
___________________________________________________________________
185
Atelier N°14 Vers la vie professionnelle
Référentiels du handicap et pratiques du placement en emploi
Véronique Antonin-Tattini
HES-SO Valais, filière travail social
Route de la Plaine 2
3960 Sierre
E-mails : [email protected] / [email protected]
Dans cette contribution, nous allons nous centrer sur les pratiques professionnelles de
placement en emploi au sein d’un office cantonal de l'assurance-invalidité réservé à des
personnes en situation de handicap (physique, mental, psychique) bénéficiant de prestations
de l’assurance-invalidité en Suisse.
La présente étude va se focaliser sur l’activité quotidienne de placement des professionnels
au sein de l’office sous la loupe et plus particulièrement sur leur rapport avec des référentiels
d’action publique du handicap.
Les questions qui nous orientent particulièrement sont : Quelles sont les actions concrètes
regroupées et mobilisées sous le vocable de placement et comment sont-elles articulées à
d’autres tâches visant l’intégration professionnelle ? Quels sont les éventuels référentiels du
handicap qui interviennent dans le déroulement de l’activité de placement et avec quels
effets ? Comment s'agencent-ils avec d'autres forces agissantes dans l’activité ?
D’un point de vue méthodologique, la présente étude s’appuie sur une analyse documentaire
(bases légales, rapports d’activité, cahiers des charges, procédures internes de travail, etc.),
des observations directes de quatre professionnels actifs dans le placement (sur un total de
huit) au sein de l’office analysé39, des entretiens d'explicitation auprès de ceux-ci et leur
supérieur hiérarchique, ainsi que de la littérature secondaire.
Dans un premier temps, nous allons rendre compte brièvement du concept de référentiel
d’action publique et de notre approche théorique. Nous aborderons également les
référentiels du handicap identifiés dans notre pays pour nous focaliser sur leur mise en
œuvre dans le cadre de l’office cantonal de l'assurance-invalidité concerné. Ensuite, nous
analyserons une rencontre entre un professionnel du placement et un employeur pour
négocier une place de travail possible pour un assuré40 du régime d’invalidité, ceci en
observant la possible activation de référentiels du handicap. Enfin, à partir de notre analyse,
39
40
Ils ont été observés chacun pendant deux jours consécutifs en 2012.
Nous utilisons ici les termes d’assuré, de bénéficiaire et de demandeur d’emploi comme des synonymes.
186
nous montrerons ce qu’elle peut apporter au domaine scientifique ainsi qu’aux
professionnels du terrain.
Référentiels d’action publique
Pour analyser le concept de référentiels d’action publique et leurs effets sur l’activité de
placement au quotidien, c’est l'approche cognitive des politiques publiques par les
référentiels qui va nous guider. Cette approche a été développée à la fin des années 80 par
les auteurs français Muller et Jobert à partir du livre intitulé L’Etat en action (1987).
Comme le souligne Muller (2013, p. 55), élaborer une politique publique consiste d’abord à
construire une représentation, une image de la réalité sur laquelle on désire intervenir. C’est
en référence à cette image cognitive que les acteurs organisent leur perception du problème,
confrontent leurs solutions et définissent leurs propositions : cette vision du monde est le
référentiel d’une politique. Diverses dimensions sont constitutives de cette vision du monde
qu’est le référentiel dominant un secteur : les valeurs, les normes, les algorithmes et les
images (Nahrath, 2009).
Pourtant, les tenants de l’approche ont négligé les questions concernant la mise en œuvre
des politiques, ainsi que celles concernant la gestion de l’Etat au quotidien et « en bas »
(Muller, 2005).
Suite à cette critique, le point qui nous intéresse ici est d’approfondir le lien sous-investi entre
des éléments de référentiels d’action publique et l’écho – certainement varié - qu’ils peuvent
avoir dans les pratiques concrètes des « petites mains » qui mettent en œuvre l’action
publique. A cet égard, on peut par exemple penser à la pluralité des sens qu’un même
référentiel peut recouvrir pour les divers acteurs se situant également en delà d’un secteur et
à diverses échelles territoriales (par exemple, Négrier, 2008). On peut également imaginer
diverses modalités d’appropriation des référentiels lors de leur mise en œuvre, comme par
exemple des formes de résistances possibles.
Cadre théorique
Nous avons tout d’abord privilégié un regard qui part des acteurs chargés de la mise en
œuvre de l’action publique en interaction avec des bénéficiaires de régimes sociaux. Ceci en
nous basant sur les travaux initiés par Lipsky (1980) sur ce qu'il nomme les street level
bureaucrats.
Ensuite, à partir d’un regard qui part du bas, nous sommes entrés par le déroulement de
l’activité professionnelle plutôt que par les agents. Ceci en conformité avec le courant de
l’action située attentif à une lecture immanente de l'activité et dans les pas de la sociologie
française de l’action de Quéré et Ogien (2005). Dans cette ligne, nous ne préjugeons pas
dans notre étude du poids des référentiels comme catégorie de départ qui serait à la base,
voir l’unique source, de l’action publique.
En outre, en étant fidèle au courant de l’action située, les référentiels d’action publique, au
même titre que d’autres éléments, ne sont pas considérés comme étant logés dans les
sujets les guidant de façon plus ou moins réflexive dans l’activité (Mezzena et Stroumza,
2012). Pensons au fait que les professionnels font déjà plus ce qu’ils disent, sans oublier
qu’une partie de l’activité ne se laisse pas capturer par un travail réflexif.
Les référentiels du handicap en Suisse
187
Le dispositif fédéral de l’assurance-invalidité41 de notre pays a joué un rôle clé dans la
construction des référentiels du handicap.
Les arguments des dernières réformes de l’assurance-invalidité en Suisse sont fortement
inspirés par la devise commune d'intégration en milieu ordinaire que l'on trouve au niveau
international (Stiker, 2006, p. 35). Ainsi, les mesures de réadaptation professionnelle
(orientation, formation initiale, reclassement, aide au placement) inscrites dans l’assuranceinvalidité sont fortement associées à l’objectif de maintien ou de retour sur le marché
ordinaire de l'emploi, alors que par le passé l'intégration était somme toute assez
symbolique. Le placement en emploi est donc l’une des mesures de réadaptation
professionnelle et est nommé « l’aide au placement » dans la dispositif sur l’assuranceinvalidité (art. 18, LAI du 19 juin 1959, état le 1er janvier 2014).
Comme le confirment Giraud et Lucas (2007, p. 151), rares auteurs analysant les référentiels
d’action publique du handicap dans le contexte suisse, l'intégration en milieu ordinaire prime
sur le référentiel auparavant hégémonique centré sur les objectifs de la protection sociale
des personnes handicapées et l'intégration différentialiste, c’est-à-dire l'accueil dans des
milieux protégés. L'idée majeure était d'octroyer des droits sociaux inconditionnels
(indemnisation du risque d’invalidité) pour des personnes considérées comme des êtres
faibles à protéger des contraintes du monde valide.
En outre, dans le référentiel d'intégration en milieu ordinaire, les demandeurs d'emploi voient
leurs obligations de collaborer et de se soumettre à toutes les mesures exigibles nécessaires
à leur retour ou maintien en emploi s’inscrire dans la loi de manière explicite et
contraignante. En ce qui concerne l’aide au placement, la circulaire fédérale des mesures de
réadaptation professionnelle mentionne que l'assuré doit soutenir activement les démarches
de l'office AI et faire ce qui lui est demandé (lettre 5009, OFAS, 2014). Il est également tenu
de chercher du travail et de prouver qu’il a fait des démarches (lettre 5008, OFAS, 2014). En
outre, au fur et à mesures de révisions de l’assurance-invalidité, la mesure d’aide au
placement a été renforcée par l’introduction de nouveaux instruments (par exemple,
placement à l’essai ou allocation d’initiation au travail) visant à mobiliser les employeurs pour
engager des personnes en situation de handicap.
En définitive, le référentiel d'intégration en milieu ordinaire conjugué à l'activation notamment
des bénéficiaires, largement influencé par des normes internationales (OCDE, etc.), détient
la capacité d'articuler des positions venues d'univers différents (Giraud et Lucas, 2007).
D'une part, l'articulation avec les discours prônant une limitation des dépenses sociales,
considérées comme trop généreuses et favorisant les abus, a joué un rôle-clé dans les
réformes de l'assurance-invalidité. D'autre part, l'articulation avec les positions concernant
l'émancipation des personnes « handicapées » défendues par des associations de
personnes handicapées occupent une place importante dans le champ discursif (Giraud et
Lucas, 2007).
41
Pour qu’il y ait une invalidité, il faut ait une incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée
permanente ou de longue durée, résultant d’une atteinte à la santé et qui persiste après des traitements et les
mesures de réadaptation exigibles. La loi fédérale sur l’assurance-invalidité vise à rétablir ou améliorer la
capacité de gain grâce à des mesures de réadaptation et compense, en dernier lieu, la perte durable par une
rente.
188
Pourtant, il ne suffit pas de garantir l'égalité des chances, se traduisant souvent par les
mêmes accès aux droits dans les divers domaines de vie, pour favoriser l’intégration
effective des personnes en situation de handicap, mais l'égalisation des chances est
nécessaire. Dans cette ligne, des discours assez récents, du moins dans notre pays,
incorporent la valeur d’égalisation des chances sous la notion d’inclusion. L’inclusion vise à
adapter prioritairement le fonctionnement ordinaire de la société aux différences de chacun,
chacun y ayant sa place de plein droit (Plaisance, 2009). Ces discours, préfigurant peut-être
un nouveau référentiel, ont néanmoins encore de la peine à se frayer un chemin dans les
politiques et les pratiques actuelles.
Un office de l'assurance-invalidité
Dans le cadre de la régulation fédérale de l’assurance-invalidité, un rôle important est dévolu
à chacun des 26 offices cantonaux en charge d’appliquer ce dispositif. Ces offices ont pour
fonction l’identification précoce des cas potentiels d’invalidité, l'éligibilité aux prestations,
l’évaluation du degré d’invalidité et l’octroi de mesures de réadaptation professionnelle (y
compris l’aide au placement). Bien qu’ils soient relativement autonomes dans l’exécution de
leurs tâches, les offices sont limités par la supervision de la Confédération avec un pilotage
par objectifs.
L'office de l'assurance-invalidité que nous avons investigué, créé en 1995, a mis en place
selon sa propre organisation un service de réadaptation au sein duquel on trouve diverses
fonctions liées au processus de réadaptation. La tâche d’aide au placement inscrite dans les
mesures de réadaptation professionnelle est confiée à des coordinateurs en emploi. L’aide
au placement est un service offert en principe pendant 6 mois et sur une base volontaire
pour les assurés.
Les coordinateurs en emploi au nombre de huit au moment de notre enquête (une majorité
d'hommes) ont tous des expériences professionnelles préalables dans le domaine du
placement. Ils gèrent une moyenne de 40 dossiers dans leur portefeuille.
Pour effectuer leur tâche d’aide au placement, les coordinateurs en emploi font appel aux
prestations et instruments permis par l’assurance-invalidité et faisant partie de cette mesure
de réadaptation (par exemple, soutien à l’élaboration d’un dossier de candidature, octroi de
stages d’orientation, conseils aux employeurs, placement à l’essai, allocation d’initiation au
travail).
En outre, quelques prescriptions provenant des supérieurs hiérarchiques de l’organisation
encadrent le travail des coordinateurs en emploi, telles que des statistiques en vue
d’atteindre l’objectif d’intégration professionnelle en milieu ordinaire42 et des processus et
procédures internes liés à la mesure d’aide au placement ayant le même but.
Par la référence aux règles susmentionnées liées à la devise d’intégration sur le marché du
travail ordinaire, l'office cantonal analysé réitère sa mission relevant de l'assurance-invalidité.
On peut ainsi dire que la principale source d’inspiration de l’office concerné pour l’adoption
de référentiels en matière de handicap est celui d'intégration sur le marché du travail
ordinaire à l’œuvre dans le cadre fédéral de l’assurance-invalidité qu’il a pour fonction
42
80% des placements sont à faire sur le marché du travail ordinaire, ainsi que 60 nouveaux employeurs à
contacter par année (ce dernier indicateur étant remis en cause après notre passage). Relevons que ces
indicateurs internes précisent quelque part ceux plus généraux de la Confédération.
189
d’exécuter. En outre, la notion d'activation est bien présente dans les procédures et
processus internes à l’office et d'autres textes produits par celui-ci. Elle se lit
emblématiquement à travers la convention de partenariat élaboré entre l’office de
l’assurance-invalidité concerné et l’assuré (Office cantonal AI du Valais, 2012). Ce dernier
est obligé de collaborer à sa recherche d’emploi pour bénéficier des prestations et
instruments de l’aide au placement. Enfin, en ce qui concerne les employeurs, l’office
concerné met un accent particulier sur les relations avec eux en développant une stratégie
proactive (présence dans des salons de métiers, fiches d’information, etc.) pour les inciter à
offrir des postes pour l’engagement de personnes en situation de handicap.
Rencontre dans une entreprise avec un bénéficiaire de l’assurance-invalidité
Dans la situation que nous avons observée (enregistrement audio), l’activité de placement
en emploi se déroule chez un employeur. L’enjeu de la rencontre entre l’employeur d’une
institution sociale, le coordinateur en emploi et un bénéficiaire de l’assurance-invalidité est
de discuter des possibilités d'engagement de ce dernier pour une poste fixe comme maître
socioprofessionnel dans un atelier (secteur menuiserie notamment). L’assuré a été confronté
à un incident de santé vers la fin de son stage d'orientation professionnelle. Il bénéficie d’une
demi-rente de l'assurance-invalidité (suite à un traumatisme crânien) avec un rendement
évalué à 50% pour sa capacité de travail résiduelle.
Outre les trois personnes précitées, participent à cette réunion un maître socioprofessionnel.
Nous ne reprendrons pas ici l’entier du déroulement de l’activité (d'une durée d'environ 30
minutes) mais quelques passages de l’interaction où sont intervenus particulièrement des
composantes de référentiels du handicap affectant le cours de l’action. Le segment
d’entretien ci-dessous intervient après une ouverture faite par le coordinateur en emploi
pour rappeler le contexte de la réunion : des saignements de nez de l’assuré ont poussé ce
dernier à interrompre momentanément son stage d’orientation. Il a ensuite été convenu,
après un entretien téléphonique entre le coordinateur en emploi et l’assuré, qu’il porte un
masque pour le protéger de la poussière du travail de menuiserie. L’assuré rechigne
pourtant à le mettre.
Coordinateur en emploi : Donc, je lui ai proposé un masque et d’aller voir un médecin. Il
l’a mis, mais il dit qu’il fait trop chaud avec ce masque, qu’il ne peut plus bien respirer.
Employeur : Est-ce que le médecin dit que c’est ça…, que c’est à cause de la poussière
qu’il y a des saignements ?
Assuré (assis en face de tous les participants avec le responsable d’atelier) : C’est que le
masque m’empêche de respirer. Et dans ce métier, c’est difficile d’avoir un masque qui
cache la bouche.
Dans la suite des énoncés, l’assuré parle qu’il n’a pas encore été voir un médecin, car il est
très occupé, mais annonce qu’il va prendre contact avec celui-ci ; en outre, il explique ses
symptômes liés aux saignements de nez ressemblant à une sorte « d’engorgement » selon
ses termes.
190
Assuré : Je pense que c’est lié à ça (les saignements)… d’autant plus que ça fait
longtemps que j’ai plus travaillé dans le métier.
Employeur : Mais est-ce que ça va aller à moyen terme ?
Coordinateur en emploi (regard soutenu vers l’assuré). Y a des jobs où toute la journée
ils doivent porter un masque… Faut faire des efforts, c’est une habitude...
Employeur : C’est dans votre intérêt, sinon vous devez reprendre d’autres démarches.
Assuré : …Je me rends bien compte…
Coordinateur en emploi : Oui, sinon faut tout recommencer.
Assuré : Oui, je peux pas jouer le difficile.
S’ensuit directement une discussion sur le pourcentage de travail et la résistance au stress
au travail de l’assuré.
Maitre socioprofessionnel : Moi, je pense qu’avec les compétences qu’il a, on peut
trouver, jongler entre les divers endroits… (c'est-à-dire l’atelier menuiserie et un autre
secteur)… Bon c’est clair qu’il y a des moments où ce sera la toupie… Ouais et qu’il y a
aussi de la poussière indirecte (utilisation d'entrée d'un ton qui essaie de convaincre tout
en nuançant par la suite la première proposition avec un ton frôlant la plaisanterie)
Employeur: … Plus adapté que tant on peut pas non plus…
Au vu des discussions, le coordinateur emploi fait la proposition de prolonger d’un mois le
stage d'orientation. L’employeur approuve en avançant qu’il sera alors en possession de
l’avis du médecin et surenchérit :
Employeur : Car on va pas prendre de risque et vous non plus… si c’est dû à autre
chose.
Les participants conviennent d’un rendez-vous avant la fin du stage d'orientation prolongé de
l'assuré. La question du contrat de travail est ainsi repoussée.
On remarque que la présente enquête prend la forme d'une discussion entre les parties sur
les différentes façons d'interpréter le comportement de la personne relevant de l’assuranceinvalidité en rapport avec le port d’un masque, comme si elles devaient en connaître les
raisons avant d'agir. Une fois le sens du comportement compris, les professionnels pourront
établir des buts d’action et par la suite leur manière d’agir en découlera ; ce qui renvoie en
fait à une conception rationaliste de l’action (Friedrich et al., 2010).
Ces interprétations sur le comportement de l’assuré considéré comme posant problème pour
son engagement dans le monde du travail, à savoir le refus de porter le masque tout le
temps, prennent appui tour à tour sur trois cadres normatifs constitués dans ce segment
d'activité : faire des efforts pour rechercher un emploi, protéger sa santé et adapter le milieu
de travail. Plus largement, on peut comprendre ces normes comme renvoyant à des
référentiels et/ou discours du handicap, à savoir respectivement : des éléments du référentiel
191
de protection sociale, des éléments du référentiel d'intégration active et des énoncés sur
l'inclusion. C’est ce que nous allons développer (sans le mentionner dans le présent texte).
Face à ces diverses interprétations se rapportant à des éléments de référentiels d'action
publique du handicap, l'appréciation amenée par le demandeur d'emploi ne bénéficie pas du
même traitement, puisque les parties mettent fin à la voie qu'il esquisse sur le thème de la
liberté de choix d'un poste de travail. Elles tentent de faire admettre au demandeur d'emploi
qu'il ne dispose que d'opportunités réelles restreintes, sinon au prix de sa responsabilité
individuelle de tout recommencer. Le demandeur d'emploi, ayant ici une capacité réflexive
sur sa situation, s’aligne, du moins verbalement, sur la perspective affirmée par le
coordinateur en emploi et l'employeur, ceux-ci ayant en quelque sorte la légitimité de la
version correcte de par leur position institutionnelle (Velkovska et Zouinar, 2012).
En outre, ces diverses interprétations des professionnels, bien qu'elles ne soient pas
toujours validées explicitement par les parties en jeu, semblent trouver un consensus
implicite dans la discussion et in fine surtout quant à la solution à apporter au problème du
comportement de l'assuré, c'est-à-dire l'accord partagé sur la prolongation du stage
d'orientation. On peut comprendre que l'échéance repoussée en vue de convenir d'un
contrat de travail pour un poste permettra de juger plus substantiellement les efforts de
l’assuré concernant la gestion de sa santé en vue de son intégration professionnelle dans
l’entreprise.
En bref, sans être partis d'une lecture qui préjuge du poids des référentiels du handicap que
l'on trouve en Suisse, nous pouvons observer à travers notre analyse, la présence de
composantes d’anciens et de nouveaux référentiels à travers les interprétations des
participants à la discussion prenant la forme d’opérations de jugement. En même temps, on
remarque que les éléments de référentiels logés dans l'activité coexistent davantage qu'ils
ne sont partagés au sens réflexif et discursif du terme par les participants (Mezzena et
Stroumza, 2012). Comme si leurs jugements étaient guidés par un sens commun (Giraud,
2007), dont la valeur et la validité se comprennent naturellement, sans devoir les expliquer
ou les justifier. En outre, les interprétations des participants restent focalisées sur le
comportement de l’assuré en rapport avec son refus de porter systématiquement un
masque. Cette façon de voir a des conséquences sur le report de la signature d’un contrat
de travail et l’engagement de l’assuré. Elle fait sans doute écran à la recherche d’autres
modalités de compréhension de la situation de travail dans laquelle se trouve l'assuré.
Apports pour la recherche et pour le terrain
A partir de la présente analyse, nous allons terminer par quelques réflexions sur ce qu’elle
peut amener pour la recherche et le terrain.
Apport du terrain pour la recherche
En ce qui concerne l’apport pour la recherche, notre enquête à partir du terrain va servir à
alimenter le domaine des politiques du handicap et plus largement de la sociologie de
l’action publique.
Plus précisément, les connaissances sur le contenu et l’évolution des référentiels du
handicap en Suisse font défaut, ainsi que sur les pratiques professionnelles dans le domaine
du placement en emploi.
192
Ensuite, bien que nous n’ayons pas préjugé que les référentiels pèsent sur l’activité
professionnelle du placement, nous avons pu repérer dans la situation décrite ci-dessus la
mobilisation d’éléments y faisant référence, ainsi que leur façon de s’imbriquer, de se
combiner et de reconfigurer.
Enfin, nous avons pu montrer les effets de la référence à de tels référentiels sur la prise de
décision concernant l’assuré et son engagement en milieu de travail.
Relevons que d’autres situations que nous avons rencontrées à travers notre dispositif de
recherche à l’office de l’assurance-invalidité concerné vont dans le même sens que la
présente interprétation, certes avec quelques différences possibles selon les professionnels
et les situations.
En bref, pour l’apport du terrain pour la recherche, nos observations et discussions avec des
praticiens du terrain concerné ont été essentielles pour permettre notre travail de repérage et
d’identification des modalités d’appropriation des référentiels et de leurs effets concrets sur
l’activité.
Apports de la recherche pour le terrain
En ce qui concerne l’apport de la recherche pour le terrain, notre analyse permet de donner
un retour à l’office de l’assurance-invalidité concerné à propos de leurs activités de
placement.
Plus précisément, les responsables de l’office étudié sont peu informés des pratiques
professionnelles en leur sein. En effet, étant donné la singularité de chaque situation de
travail, les pratiques professionnelles varient et ne sont pas nécessairement portées à la
connaissance des responsables. Ceci d’autant plus, qu’il n’est pas facile pour les
professionnels eux-mêmes d’expliciter la complexité des situations auxquelles ils doivent
faire face allant au-delà des prescriptions provenant de l’organisation du travail (les
référentiels du handicap pouvant également prendre la forme de prescriptions). Comme
susmentionné, les professionnels font déjà plus ce qu’ils disent, par exemple, parce qu’ils
pensent que ce n’est pas intéressant à en rendre compte. Sans oublier qu’une partie de
l’activité ne se laisse pas capturer par un travail réflexif.
En outre, pour notre analyse, la parole est donnée aux professionnels de l’activité de
placement notamment lors de nos entretiens d’explicitation. Ce sont de rares occasions où
les praticiens réfléchissent et se confrontent à leurs manières de faire. Les résultats de notre
étude sont aussi mis en discussion au sein de ces équipes de professionnels. Ils favorisent
un partage et éventuellement l’émergence d’une culture commune. Le besoin de partage a
été d’ailleurs confirmé lors de nos rencontres avec des professionnels de l’office concerné
qui regrettent le manque d’échanges sur leurs pratiques avec leurs collègues.
Plus largement, il s’agit de mettre en perspective les résultats de notre analyse de l’office de
l’assurance-invalidité avec les pratiques professionnelles ayant cours dans d’autres
organismes dans le domaine du placement. Certains organismes sont en train d’être
analysés dans notre étude, à savoir l’office régional de placement, un centre médico-social,
une agence privée de placement et une institution sociale offrant un service de placement.
Afin de donner plus d’ampleur à nos résultats, l’ensemble de nos cas sera également mis en
perspective avec des données provenant d’autres études produites à partir de travaux
193
empiriques micro sur l’action publique.
En bref, pour l’apport de la recherche pour le terrain, notre étude aide les responsables et
praticiens à rendre compte de la complexité de leur travail de placement et à le partager
avec d’autres collègues, ceci en ayant recours à une personne externe qu’est le chercheur.
Elle sert également à faire davantage connaître et reconnaître le travail réel du placement en
emploi par des instances politiques ou autres ayant tendance à se focaliser sur des
indicateurs de résultats pour l’évaluer.
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___________________________________________________________________
Que vais-je faire quand je serai grand?
- Portrait de la participation sociale des personnes ayant une déficience
intellectuelle profonde en transition post scolarisation Camille Gauthier-Boudreault, erg., M.erg.
Ergothérapeute
Étudiante à la maîtrise en sciences cliniques
Adresse courriel :
[email protected]
Adresse postale :
Université de Sherbrooke (École de réadaptation)
Pavillon Gérald-Lasalle, local 2523
195
Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke
3001, 12ième Avenue Nord
Sherbrooke, Qc
J1H 5N4
Co-auteurs :
Mélanie Couture, erg., Ph.D.
École de réadaptation, Département d’ergothérapie
Université de Sherbrooke
Frances Gallagher, inf., Ph.D.
École des sciences infirmières
Université de Sherbrooke
Cette présentation porte sur la participation sociale des personnes présentant
une déficience intellectuelle (DI) profonde à l’âge adulte. Elle vise à réaliser un
portrait des connaissances actuelles en termes de DI profonde, de participation
sociale et de transition post scolarisation afin d’encourager une réflexion quant aux
moyens d’améliorer la recherche et la pratique clinique dans ces domaines. On parle
de DI profonde lorsqu’une personne présente un quotient intellectuel inférieur à 20
ou 25. Ces personnes présenteront un âge développemental d’environ 2 ans
(Bindels-De Heus et al., 2013), ce qui les rend dépendantes pour la majorité des
activités de la vie quotidienne (APA, 2013). À ce jour, approximativement 6
personnes sur 10 000 présentent ce trouble (Arvio et Sillanpää, 2003).
Afin de bien comprendre ce qu’est la transition post scolarisation, le modèle
choisi est celui proposé par Chick et Meleis (1986) adapté en fonction de la situation
actuellement vécue par les personnes ayant une DI profonde. Durant l’enfance et
l’adolescence, ces personnes reçoivent, au Québec, des services publics adaptés de
la part des centres de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI) et/ou en
déficience physique (CRDP). Elles ont aussi l’opportunité de fréquenter à temps plein
une école publique spécialisée. Cette situation correspond à l’état initial. À 21 ans
survient l’élément déclencheur. En effet, le financement pour la fréquentation des
écoles spécialisées publiques se termine. Les personnes ayant une DI profonde
entrent donc, à l’approche de leurs 21 ans, en état de transition. Après une certaine
période, variable selon chaque individu, elles entrent dans un état final stable où des
services pour adultes seront mis en place et un équilibre à ce niveau sera retrouvé.
Cependant, cet état n’est pas toujours idéal à celui escompté, puisqu’actuellement,
des difficultés durant la transition tendent à persister, telles qu’une diminution de la
participation sociale du jeune adulte, qui est un des enjeux majeurs de cette période.
Considérant cette problématique, une « scoping review » a été réalisée afin
d’obtenir un survol rapide de la littérature sur la participation sociale des personnes
ayant une DI profonde à l’âge adulte et de déterminer les priorités pour les futures
études (McKinstry et al., 2013). Les deux objectifs de recherche visaient à décrire la
196
participation sociale des personnes ayant une DI profonde à l’âge adulte et les
facteurs pouvant l’influencer. Au total, vingt-quatre articles ont été répertoriés dans
les banques de données sélectionnées. On remarque que seulement trois d’entre
eux utilisent un échantillon composé de personnes ayant une DI profonde. On note
également que, dans le tiers des articles trouvés, les auteurs ne mentionnent pas la
catégorie de DI présentée par les participants. Pourtant, cette information est
primordiale afin de savoir si les conclusions sont applicables à la DI profonde ou
seulement à la DI légère, qui sont définies par des capacités très différentes. De
plus, on observe que la majorité des études proviennent des États-Unis et de
l’Australie. Toutefois, on remarque que les autres études proviennent de divers pays,
tels que la Suède, l’Islande, Israël et le Canada. Cet état de fait met en évidence
l’aspect international de cette problématique. On note aussi que la majorité des
études répertoriées ont été réalisées après 2005 (17 articles), ce qui peut suggérer
que les thèmes liés à la déficience intellectuelle et à la transition post scolarisation
sont d’un intérêt relativement nouveau.
Il est possible d’affirmer que la participation sociale des personnes ayant une
DI profonde est diminuée en comparaison de celle des personnes présentant un
développement typique (Axelsson, 2013). Certains auteurs proposent que l’âge et la
gravité de la DI influencent la participation sociale (Felce, 2011). La participation
sociale de cette clientèle se résume en trois options, soit la fréquentation de centres
d’activités de jour (Foley, 2012), la participation à des loisirs (OPHQ, 2003) et le
maintien à domicile (Kraemer, 2001). Toutefois, la fréquentation de centres
d’activités de jour se fait souvent à temps partiel en raison de l’offre insuffisante et du
coût nécessaire à débourser par les parents (Davies, 2009). Les loisirs disponibles
pour les personnes ayant une DI profonde, quant à eux, sont souvent stéréotypés et
réalisés dans des milieux ségrégés (Foley, 2012). Le maintien à domicile sans autre
activité spécifique préoccupe de façon majeure les parents puisque le fait de rester à
domicile entraîne souvent une perte rapide des acquis, souvent liés à l’autonomie,
qui avait été réalisés à l’école (Bernard et Goupil, 2012). Cette réalité est d’autant
plus désolante en sachant les effets bénéfiques de la participation sociale. En effet,
participer à la communauté permet de réduire le stress, d’augmenter le
développement et la généralisation des acquis, de diminuer l’ennui et l’isolement
ainsi que d’augmenter la qualité de vie de ces familles (Foley, 2012). La participation
sociale de leur enfant permet également aux parents d’avoir une vie occupationnelle
équilibrée (Davies, 2009).
Pour comprendre la raison de la diminution de la participation sociale
observée chez les personnes ayant une DI profonde à l’âge adulte, il importe de
s’intéresser aux facteurs qui l’influencent. Les facilitateurs et obstacles à la
participation sociale se divisent en trois catégories, soient la famille, l’environnement
physique et le jeune adulte. Parmi les facilitateurs familiaux, on retrouve le soutien
des amis et du voisinage, alors que parmi les obstacles on peut penser au manque
de connaissances nécessaires des parents sur les options disponibles, aux
ressources financières ainsi que le temps disponible pour accompagner leur enfant
(Paré, 2000). Quant aux facilitateurs et obstacles provenant de l’environnement
197
physique, plusieurs articles relatent la préoccupation des parents par rapport 1) au
transport de leur enfant; 2) à l’assistance médicale parfois requise par celui-ci; 3) à
l’aide humaine nécessaire pour qu’il puisse participer aux activités et répondre à ces
besoins de base ainsi qu’à 4) l’accessibilité des lieux (Paré, 2000; Davies, 2009). Les
comportements adaptatifs du jeune adulte constituent la dernière catégorie de
facilitateurs et obstacles. En effet, plus la personne est fonctionnelle dans sa vie
quotidienne, plus il est probable qu’elle participera aux différentes activités offertes
(Felce, 2011). Ainsi, cette « scoping review » révèle que peu d’informations sont
disponibles sur la participation sociale des personnes ayant une DI profonde après la
transition post scolarisation. À ce jour, aucune définition claire et spécifique de la
participation sociale des personnes présentant une DI profonde n’est proposée. On
retrouve également peu d’écrits sur leurs besoins lors de cette période, ce qui ne
nous permet pas de proposer et de mettre en place des solutions adaptées à leur
réalité.
Lorsqu’on effectue une recension plus générale sur la déficience intellectuelle
et la transition post scolarisation, on réalise que la participation sociale est un
élément central à la transition. En effet, une recension des écrits (80 articles) a été
réalisée sur les effets de la transition. On remarque qu’avec l’arrêt de la scolarisation,
une perte des capacités est présente chez le jeune adulte (Bernard et Goupil, 2012),
tout comme une apparition ou une aggravation des problèmes comportementaux et
psychiatriques (Taylor et Seltzer, 2010) ainsi que, de façon non surprenante, une
diminution de la participation sociale (Davies, 2009). La transition post scolarisation
entraine également des changements dans la famille de ces personnes. En effet, on
observe 1) un besoin de diminuer ou d’arrêter le travail (Davies, 2009); 2) un risque
accru de problèmes psychologiques et physiques (Davies, 2011) et 3) une altération
de la vie familiale et conjugale des parents (Davies, 2009). En outre, la transition a
aussi des effets sur la fratrie. Celle-ci exprime une préoccupation importante face à
l’avenir avec leur frère ou leur sœur présentant une DI (Bernard et Goupil, 2012).
Toutefois, ces impacts ont été documentés auprès de participants représentant
toutes les catégories de DI. Or, les personnes ayant une DI profonde présentent des
incapacités plus importantes, ce qui laisse présager que les effets seront d’autant
plus dramatiques.
En regroupant ces concepts, on remarque que l’ensemble de ceux-ci est relié
de nouveau à la participation sociale. En effet, il semble qu’une faible participation
sociale entraîne de l’ennui, de la solitude et de l’anxiété. Il est connu que ces
sentiments sont des facteurs propices à l’apparition ou l’augmentation des troubles
comportementaux (Hurst, 2009), dont la présence diminue les chances du jeune
adulte de participer à des activités organisées en communauté (Clement, 2012). En
outre, la diminution de la participation sociale entraîne souvent l’obligation pour les
parents de diminuer leur charge de travail ou d’arrêter complètement de travailler
(Davies, 2009). Cette situation altère la vie familiale et conjugale (Davies, 2009),
pouvant avoir à son tour un effet sur le comportement du jeune adulte avec une DI
profonde qui réagira face à cette irrégularité (Taylor et Seltzer, 2010). Ce
changement de comportement pourra ainsi diminuer les chances de participation
198
sociale du jeune adulte. Ainsi, l’hypothèse est posée qu’en intervenant sur la
participation sociale, plusieurs effets de la transition seraient diminués, voire évités.
Toutefois, pour y arriver, il est nécessaire de comprendre la réalité vécue par les
familles afin de connaître leurs besoins pour, ensuite, mettre en place des solutions
adaptées.
Perspectives
Pour répondre à cet important besoin de documenter ce sujet, un projet de
recherche est mené à l’Université de Sherbrooke, qui vise à décrire les besoins des
personnes présentant une DI profonde et de leur famille lors de la transition post
scolarisation ainsi qu’à explorer les pistes de solution à mettre en place, selon la
perspective des parents, et ce, à l’aide d’un devis qualitative. Pour y arriver, deux
stratégies de collectes de données seront utilisées. Tout d’abord, deux entrevues
semi-dirigées individuelles seront réalisées auprès de parents d’enfant présentant
une DI profonde âgé entre 18 et 23 ans. Par la suite, deux groupes de discussion
seront aussi menés afin de valider les résultats des entrevues semi-dirigées
individuelles et de recueillir de nouvelles idées face aux besoins des familles et aux
recommandations pour faciliter la transition. Le recours à la perception et aux idées
des parents dans la mise en place de nouvelles interventions est un moyen novateur
et efficace pour obtenir des solutions en accord avec la réalité clinique. En effet, peu
d’études ont collaboré avec les parents dans la recherche de pistes d’amélioration de
la pratique actuelle au niveau de la DI profonde. Pourtant, leur perspective amène
une richesse non négligeable à prendre en compte dans le domaine de la recherche.
Ce projet apportera de nouvelles informations sur la transition post scolarisation
vécue par les personnes présentant une DI profonde et leur famille, conscientisera
sur l’importance de développer des connaissances sur cette population qui présente
des besoins particuliers, proposera des pistes de solution adaptées à leur réalité et
encouragera de futurs projets d’implantation de ces solutions dans les milieux
cliniques en collaboration avec les acteurs principaux, soit les parents et les
intervenants.
Références bibliographiques
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Aspen.
CLEMENT, T., et al. (2009). Breaking out a distinct social space: Reflection on Supporting Community Participation for people with severe
and profound disability. JARID, 22: 264-275.
DAVIES, H., et al. (2011). Transition from pediatric to adult health care for young adults with neurological disorders: Parental perspectives.
CANN, 33(2): 32-39.
199
DAVIES, M.D., et al. (2009). Transitions from school for young adults with intellectual disability: Parental perspectives on ‘‘life as an
adjustment’’. J Intellect Dev Disabil, 34(3): 248–257.
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TAYLOR, J.L. et al. (2010). Changes in the Autism Behavioral Phenotype During the Transition to Adulthood. JADD, 40: 1431–1446.
___________________________________________________________________
Culture, pratiques artistiques et situation de handicap, un terrain d’innovation
vers le marché de l’art.
GROSYEUX Bernadette
Centre de La Gabrielle
Directrice générale
Les acteurs des politiques sociales en matière de handicap sont peut-être plus que
d’autres enclins à s’inscrire dans une démarche d’innovation sociale. En effet, les
professionnels doivent développer diverses modes d’accompagnement pour
s’adapter aux besoins des personnes en situation de handicap qui ont elles-mêmes
des exigences multiples, individuellement ou collectivement.
La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées, a favorisé l’inclusion et l’accessibilité des
personnes dans tous les domaines de la vie en société : enseignement, culture,...
200
La réflexion abordée dans cette communication s’intéresse aux pratiques artistiques
réalisées dans les lieux d’accompagnement des personnes handicapées afin de
montrer à travers une expérience précise comment il a fallu placer ces personnes qui
réalisent les œuvres d’art, d’un terrain des politiques sociales à un terrain plus
entrepreneurial pour leur permettre de devenir artiste à part entière.
Un « déplacement » de structure en passant de l’institution sociale à l’association
« Eg’Art, pour un égal accès à l’art »permet aux personnes en situation de handicap
de devenir artiste, de se voir proposer un agent d’artiste et cela dans un contexte
bien spécialisé de protection de leurs droits notamment dans le cadre de la propriété
intellectuelle et du statut de l’œuvre.
Cette communication s’attache à montrer comment l’observation pratique des
politiques sociales en matière artistique et notamment l’abord de leur limites a permis
la création d’une association innovante pour permettre l’accès des personnes en
situation de handicap au marché de l’art.
___________________________________________________________________
Les apprentissages professionnels en IMPro : ambitions et réalisations
Jean Horvais
Professeur, département d'éducation et de formation spécialisées
Université du Québec À Montréal
C.P. 8888
Succursale Centre-Ville Montréal,
H3C 3P8
Bureau N-5650
[email protected]
Les établissements médico-éducatifs appelés Instituts médico-professionnels (IMPro)
qui accueillent des adolescents ayant une déficience intellectuelle mettent en œuvre
pour ces derniers une éducation globale assortie de services de soins et de soutien.
Cette éducation comprend une part d’éducation réalisée par des éducateurs et des
éducateurs techniques et une part d’enseignement scolaire réalisé depuis 2009 sous
la responsabilité d’enseignants agissant au sein d’une unité d’enseignement. Les
éducateurs et éducateurs techniques ont en particulier la mission de proposer aux
201
adolescents une initiation professionnelle permettant d’envisager qu’ils occupent à
l’âge adulte un emploi, le plus souvent protégé, dans des entreprises telles que les
ESAT. Cet objectif général de qualification pour le travail n’est encadré par aucune
prescription curriculaire contraignante et ne vise pas la certification. Elle laisse ainsi
une large place à l’initiative des professionnels qui la réalisent. En interrogeant par
entretiens semi-dirigés 35 de ces professionnels, nous avons cherché à savoir ce qui
inspirait et structurait leur action afin d’en indiquer les caractéristiques essentielles. Il
s’agit en particulier de décrire les différentes facettes de l’identité professionnelle
qu’ils cherchent à faire acquérir aux adolescents qui leur sont confiés en référence à
trois axes caractéristiques de la définition d’une profession proposée par les
sociologues Claude Dubar et Pierre Tripier à savoir, un axe identitaire, un axe
économique et un axe socialisant (Dubar & Tripier, 2005). On observe ainsi que les
objectifs de la formation dispensée en IMPro, tels que les éducateurs les définissent,
revêtent le plus souvent une ou plusieurs dimensions de caractère professionnel.
1. L’identité professionnelle par l’acquisition de savoir faire
Si les élèves ne peuvent parvenir à la maîtrise d’un ensemble de savoir faire
caractéristiques d’une profession particulière, il leur est proposé d’acquérir des
habiletés, des savoir faire et des comportements inspirés de références
professionnelles. Plusieurs interlocuteurs le soulignent, comme ces éducateurs
techniques : « Mon objectif c’est la technique de l’électricité, mais on ne va pas en
faire des électriciens. » ou encore : « Je ne suis pas là pour former des horticulteurs,
mais je dois leur apprendre certaines choses dont ils pourront se servir dans
n’importe quel atelier. » Le terme d’ « initiation » est souvent utilisé pour en délimiter
l’ambition. Il s’agira de développer l’habileté manuelle, le maniement de l’outil et
éventuellement la maîtrise de la machine. Certains ateliers nécessitent peu
d’outillage et permettent de se centrer sur l’habileté manuelle directe. En mécanique,
un éducateur technique énumère des « objectifs gestuels : visser, dévisser, bloquer,
utiliser correctement des clés à pipe ou plates, travailler la latéralité, coordonner le
geste à la vision. » Une éducatrice présente son travail spécifique sur l’habileté
manuelle, elle conduit « l’atelier bijoux pour travailler sur la prise d’objets très fins, la
dextérité. » Ce souci de proposer des apprentissages manuels, gestuels,
transférables est présent au sein même des activités professionnelles. « On travaille
des choses un peu générales, des gestes techniques immédiatement exploitables,
quand on apprend à visser ici, on va apprendre aussi en bois et puis en mécanique
aussi » précise un éducateur. La transférabilité est aussi fréquemment évoquée
comme gage de polyvalence comme faculté d’adaptation à des secteurs d’activités
différents. « Moi, explique un éducateur technique en atelier de mécanique, c’est la
polyvalence que je travaille. Comment s’adapter à une situation inconnue dans le
monde du travail, savoir alerter l’éducateur s’il y a un problème, être sérieux à son
poste, stable, écouter les consignes etc.»
202
En se limitant à un répertoire de gestes et de maniements d’outils simples et peu
nombreux, le risque d’aller vers un conditionnement est perçu par les professionnels,
m
ais précise l’un d’eux : « On fait attention à éviter l’hyperspécialisation du
geste pour aller plutôt à quelque chose de généraliste pour que ces
conditionnements ne soient pas trop envahissants ».
2. L’identité professionnelle par l’acquisition de savoir être forgeant la
sociabilité au travail
2.1. Objectifs de polyvalence et d’adaptativité43
L’acquisition de savoir faire simples et utiles dans des situations de travail variées est
donc motivée par la recherche d’une polyvalence et d’une adaptativité perçue
comme nécessaire en référence le plus souvent au travail en ESAT. Au-delà de ces
savoir faire, c’est un ensemble de comportements, de savoir être, qui caractérisent
les objectifs de l’initiation professionnelle des élèves. Il s’agit de leur faire acquérir les
normes comportementales propres au travailleur posté. « On vise le savoir être, c’est
le comportement, le respect, ne pas être absent, le respect de la hiérarchie, l’envie
de travailler… (…) il faut se lever, se préparer, être à l’heure, tout ça, ça structure
une personnalité aussi, ça lui donne un dynamisme », assure un éducateur
technique. « C’est le règlement intérieur, explique un autre éducateur technique, il
est obligatoire d’arriver à l’heure, de porter des chaussures et une tenue de travail,
de respecter les consignes de travail, de respecter l’éducateur et ses camarades de
travail, de ne pas sortir de l’atelier sans l’autorisation de l’éducateur, de respecter le
matériel mis à disposition. »
2.2. Objectif d’autonomie
En contrepoint des objectifs d’appropriation des savoir faire gestuels et des savoir
être « de base » de la vie professionnelle, tels qu’ils apparaissent dans des listes
simples dont on vient de citer des exemples, survient régulièrement dans les
discours le maître mot d’ « autonomie ». Après la polyvalence, acquise sur la base
d’un répertoire de gestes simples et transférables et l’adaptativité, qui repose sur une
souplesse mentale permettant de passer sans heurt d’une activité à une autre à la
demande, la réappropriation du sujet par lui-même sous le nom d’autonomie semble
une promesse d’échapper à l’aliénation qui menace. L’autonomie constatée dans le
comportement d’un individu serait garante de sa motivation à réaliser ce qui lui est
prescrit, par conséquent, gage de sa souveraine liberté à se l’imposer à lui-même, et
pour finir signe qu’il échappe à l’aliénation redoutée. Mais la tautologie guette tant il
est difficile de sortir de l’ambivalence du terme « autonomie ».
2.3. Objectif de socialisation
43
Nous introduisons ce néologisme en usage dans la cybernétique afin d’en marquer le caractère dynamique en
opposition à la simple adaptabilité. Cette dernière est à considérer comme une qualité statique qui se manifeste
en réponse à une injonction extérieure. L’adaptativité est un processus dynamique autonome qui produit les
adaptations nécessaires en vue de la réussite d’une action.
203
L’acquisition de ce qui est généralement sous-entendu comme conquête de
l’autonomie renvoie au statut d’adulte. En effet, « ils quittent le monde des ados pour
le monde des adultes. Pour certains, c’est pas facile » constate un éducateur
technique en menuiserie soulignant ensuite la nécessité d’être à l’aise dans le travail
au sein d’une équipe d’atelier. Un de ses collègues précise qu’il forme ses apprentis
à « travailler à côté d’un camarade, accepter une contrainte de travail, s’intégrer à un
groupe.» Intégration « horizontale » au milieu des pairs mais aussi « verticale » au
sein d’une hiérarchie dont les futurs travailleurs d’ESAT formeront la base.
2.4. L’identité professionnelle par la valeur de la production
2.4.1. Objectif de sens du travail : de la production pour le plaisir à la
mise en valeur économique
Le souci de permettre aux adolescents de donner un sens à leur engagement dans
le travail pour se forger une identité de travailleurs est constant. Il passe, comme
nous venons de le voir, par la transmission d’un esprit de sérieux propre à l’activité
professionnelle. Mais le risque de s’en tenir à un simple conditionnement qui
attenterait à la dignité de personnes vulnérables porte les acteurs à chercher
d’autres voies complémentaires. « Il faut qu’il y ait un côté ludique, confie un
éducateur technique en menuiserie, le but, c’est de leur permettre de développer leur
potentialité…, je pense beaucoup à l’épanouissement du jeune par la suite. »
Cet objectif de permettre aux adolescents de donner un sens à leur travail est
recherché par différentes voies souvent complémentaires. La manifestation de la
finalité du travail est privilégiée à travers la valeur intrinsèque d’usage des objets
produits en atelier ou leur valeur d’échange occasionnant une rémunération. Finalité
de la production pour soi – directement ou indirectement, lorsqu’il est offert – ou
finalité d’une production pour autrui donnant lieu à échange commercial avec
rétribution. Dans le premier cas, l’objet reste affectivement lié à son producteur, dans
le second cas, le producteur doit accepter de s’en défaire pour qu’il soit
commercialisé soit directement à son profit soit au profit collectif par la rémunération
ou le prix de vente. Quelques ateliers ont pour habitude de « vendre » tout ou partie
de leur travail, prestation ou production. La vente de végétaux, de plats cuisinés, de
bois de chauffe, d’objets utiles ou décoratifs résultants d’activités manuelles diverses
sont des pratiques courantes soit en direction d’un public captif – familles et/ou
professionnels – soit en direction du grand public à travers diverses manifestations.
Mais c’est à travers le lien avec la production d’une entreprise qu’un de nos
interlocuteurs en indique clairement le sens économique : « Nous, on travaille avec
l’entreprise X. On a des pièces à dégrapper, à conditionner, à mettre en carton. C’est
une activité rémunérée qui nous permet de financer des sorties, cinéma, restaurants
en groupe. » Pour sensibiliser encore plus concrètement ses apprentis à la
dimension économique de leur travail, il précise : « On va visiter l’usine pour laquelle
on travaille ».
204
2.4.2. Objectif de productivité
L’adoption par les adolescents d’une attitude de sérieux nécessaire dans le travail
est portée par le sens donné à la production. Or, à la différence d’une activité, le
travail est une situation sur laquelle pèse toujours la contrainte du temps pour obtenir
la rétribution convenue. « On va frôler des notions de rythme, je n’aime pas trop dire
« cadence », mais ce qu’ils vont retrouver en ESAT : vitesse, rapidité, rendement »,
explique un éducateur en atelier de conditionnement confié par un ESAT. C’est
surtout l’objectif d’acquérir et de maintenir un certain rythme de travail qui est visé. Le
travailleur « met à disposition » son temps pour l’entreprise. Un éducateur explique
par un exemple en situation de stage ce qu’est l’ « adaptativité » pour lui, en lien
avec la notion de polyvalence. « Ils font une petite production pour une entreprise de
sous-traitance, après une demi-journée, arrive une grosse commande, ils arrêtent
tout, on déblaie le poste de travail et on attaque autre chose. S’ils sont capables de
se dire : « C’est pas grave, mon petit travail que j’aimais bien, tant pis, je vais faire
autre chose parce qu’on me le demande », et qu’ils se mettent tout de suite au
boulot, qu’ils soient conscients des priorités, des exigences, ils ont réussi le stage. »
Revenant alors à la notion de rendement, il ajoute : « Par contre, qu’ils en fassent
100 ou qu’ils en fassent 20, ce n’est pas le plus gros problème, il faut quand même
un minimum. »
∗∗∗
Cette recension des objectifs déclarés par les éducateurs dans le domaine de
l’initiation professionnelle couvre l’ensemble des marques caractéristiques de la vie
professionnelle en dépit de l’absence de référentiel prescrit, la formation n’étant
sanctionnée par aucun diplôme. Des mots clés reviennent dans les discours :
polyvalence et transférabilité de la maîtrise de gestes simples, adaptativité,
motivation, sérieux, rythme de travail, sociabilité… toutes qualités qu’exige le monde
ordinaire du travail et que tentent de représenter auprès de leurs élèves, les
éducateurs eux-mêmes, garantissant ainsi le sérieux de leur propre professionnalité.
On observera pour conclure que les objectifs énoncés par les éducateurs sont
parfois tellement élevés qu’ils peuvent paradoxalement faire penser à ceux d’une
formation aux « professions à pratique prudentielle » comme les architectes, les
médecins, les enseignants, les personnels d’encadrement... Les membres de ces
professions, selon le socioloque Florent Champy, opèrent sur des situations sans
cesse changeantes et complexes qui échappent souvent à la formalisation (Champy,
2011). Afin de réussir dans ce qu’ils entreprennent, ces professionnels doivent faire
appel à la vertu aristotélicienne de prudence (phronesis) qui fait intervenir la faculté
d’opiner de l’âme en réponse à la contingence présente au cœur de l’action
incertaine. Il reste à savoir dans quelle mesure, dans les ESAT, les jeunes
travailleurs ont l’occasion de montrer ces compétences qu’on a eu l’ambition de leur
faire acquérir en IMPro. Dans quelle mesure les possèdent-ils vraiment aux yeux des
205
professionnels encadrant ces structures ? Dans quelle mesure y est-il fait appel ?
Dans quelle mesure les enrichit-on ?
Bibliographie
Champy, F. (2011). Nouvelle théorie sociologique des professions. Paris: Presses
Universitaires de France - PUF.
Dubar, C., & Tripier, P. (2005). Sociologie des professions. Armand Colin.
__________________________________________________________________
Atelier N°15 Vie affective, émotionnelle, sexuelle
Rééducation des compétences socio-émotionnelles pour des adolescents et
des adultes avec une déficience intellectuelle
Aurore Lachavanne,
Coordinatrice pédagogique à L’Atelier | Fondation Ensemble
e-mail : [email protected]
David Imboden
, Directeur de L’Atelier | Fondation Ensemble
Jérôme Laederach
, Directeur général de la Fondation Ensemble
Résumé
La présence de problèmes de comportement social et de troubles
psychopathologiques est désormais attestée chez les personnes présentant une
déficience intellectuelle (Lecavalier & Tassé, 2001 ; Mohr, Tonge & Einfeld, 2005).
L’objectif de ce programme de rééducation des compétences socio-émotionnelles
élaboré par la Prof. Koviljka Barisnikov en 2007 est d’améliorer les compétences
socio-émotionnelles d’adolescents et d’adultes présentant une déficience
intellectuelle afin de remédier à leurs difficultés de comportement.
206
Dans deux études récentes, le programme de rééducation des compétences socioémotionnelles a été proposé à 8 adolescents de la Fondation Ensemble et 21 adultes
présentant une déficience intellectuelle. Leurs compétences socio-émotionnelles ont
été évaluées lors des phases de pré- et post-rééducation grâce aux épreuves issues
de « La Batterie Socio-Cognitive et Émotionnelle » (Barisnikov & Hippolyte, 2011).
Les résultats à l’évaluation post-rééducation témoignent d’améliorations significatives
à la tâche d’attribution émotionnelle, à la tâche de résolution sociale et une
diminution significative des problèmes de comportement. L’amélioration des
compétences de la population étudiée ne se limite donc pas au traitement des
informations socio-émotionnelles mais se généralise au fonctionnement quotidien.
Mots clefs :
-Déficience intellectuelle
-Compétences socio-émotionnelles
-Programme de rééducation
Bibliographie :
Barisnikov, K., & Hippolyte, L. (2011). Batterie d’évaluation de la cognition sociale et
émotionnelle. In N. Nader-Grosbois (Ed.), La Théorie de l’esprit : Entre
cognition, émotion et adaptation sociale (pp. 125–142). Bruxelles: De Boeck.
Lachavanne, A., & Barisnikov, K. (2013). Rééducation des compétences socioémotionnelles des adultes présentant une déficience intellectuelle. Revue
européenne de psychologie appliquée, 63(6), 345-352.
Lecavalier, L., & Tassé, M. J. (2001). Traduction et adaptation transculturelle du
Reiss Screen for Maladaptive Behavior. Revue Francophone de la Déficience
Intellectuelle, 12(1), 31–44.
Mohr, C., Tonge, B. J., & Einfeld, S. L. (2005). The development of a new measure
forthe assessment of psychopathology in adults with intellectual disability.
Journalof Intellectual Disability Research, 49(7), 469–480.
__________________________________________________________________
Des réponses pour les personnes, un accompagnement des équipes
Marie-Aude Moreau
Centre Handicap et Santé Association de Recherche et d’Action en faveur des Personnes
Handicapées (ARAPH) 61, rue de Bruxelles 5000 Namur
[email protected]
Mots-clefs : déficience mentale ; vie affective, relationnelle et sexuelle ; accompagnement des
professionnels et des résidents, institutionnel
207
Résumé :
Le thème de la vie affective, relationnelle et sexuelle est de plus en plus abordé par
les équipes oeuvrant au sein d’institutions de jour ou résidentielles. En effet, il n’est
pas rare qu’une personne adresse une demande relative à sa vie intime à un
professionnel. D’autres peuvent être confrontés à des situations problématiques où
le corps et la vie affective et sexuelle sont mis en question. Souvent, les
professionnels se sentent démunis face à ces demandes. Ils agissent avec leurs
propres représentations et leurs propres valeurs. C’est pourquoi, il est essentiel que
chaque institution se positionne face à la question de la vie affective, relationnelle et
sexuelle. Lorsque le cadre des interventions possibles est fixé, il est nécessaire que
l’ensemble de l’équipe reçoive une sensibilisation sur cette thématique. L’objectif
étant d’harmoniser les positions prises par les travailleurs. Ce type
d’accompagnement des équipes peut prendre diverses formes et parfois se
concrétiser par une charte ou des points dans le règlement institutionnel.
Lorsque l’ensemble des professionnels est sensibilisé à la question, il est également
opportun de travailler avec les personnes déficientes, elles-mêmes. Là encore,
diverses possibilités s’offrent aux professionnels et chaque institution devra mettre en
place des actions qui correspondent à la réalité de leur terrain.
Lors de cette présentation, nous ferons une analyse des accompagnements réalisés
par le Centre Handicap et Santé au sein d’institutions souhaitant prendre en
considération la vie affective, relationnelle et sexuelle de leurs résidents. Enfin, nous
présenterons divers outils pouvant guider les professionnels, les résidents, ou leur
famille dans cette démarche.
Publications en lien avec cette thématique :
 Delville, J. & Mercier, M. (1997). Sexualité, vie affective et déficience mentale, De
Boeck.
 Delville, J., Mercier, M. & Merlin, C. (2000). Des femmes et des hommes.
Programme d’éducation affective, relationnelle et sexuelle destiné aux personnes
déficientes mentales, Presses Universitaires de Namur.
___________________________________________________________________
.
208
Impact des liens fraternels sur les processus de construction psychique de la
personne handicapée comme garçon, fille, homme, femme
Scelles Régine,
Laboratoire PSYCLYDEV, université de Nanterre
L’enfant doit être pensé, à la fois, comme « fils de.. » et comme « frère de… »,
l’enfant se construisant dans un groupe évolutif de pairs, avec ses pactes, ses
alliances, sa vie imaginaire et fantasmatique. Ce qu’il vit au sein de sa fratrie à un
impact sur son devenir garçon, fille, homme et femme.
Les professionnels sont parfois confrontés à un membre de la fratrie d'un enfant
handicapé qui assiste muet aux consultations ou rééducations, ou au contraire, pose
beaucoup de questions, adopte une attitude très “parentale”, montre des velléités
d’éduquer ou rééduquer l’enfant handicapé, ou encore, présente des signes de
souffrance qui se manifestent sur le plan comportemental, affectif ou touche la
sphère du savoir.
Dans certaines familles étrangères, un enfant peut servir d’interprète et être présent
à toutes les consultations, devenant parfois l’interlocuteur privilégié des
professionnels.
Ce que manifestent les frères et les sœurs suscite chez le professionnel et les
parents des réactions diverses : désir de les aider et également crainte, en le faisant,
de priver l’enfant handicapé d’un temps dont il a besoin. La souffrance manifestée
par les frères et sœurs met l’adulte face à son impuissance à le rendre heureux.
Avec beaucoup de culpabilité, les parents reconnaissent qu’ils ont souvent peu de
temps, mais aussi de disponibilité psychique pour leurs autres enfants, tout en
soulignant, comme pour se rassurer, que leurs enfants s’aiment. Il est fréquent
d’entendre que tous les enfants « adorent » leur frère handicapé, alors que ceux qui
ne sont pas handicapés peuvent parfois se battre, s’agresser et, à certains moments,
ne plus se supporter.
Le handicap d’un enfant affecte chacun des membres de la fratrie et les liens qui les
unissent, de manière singulière, à chacune des étapes de leur vie. Le traumatisme
des enfants a des sources multiples : modification de l’attention et du regard des
parents ; confrontation à une vulnérabilité et à une fragilité d’un membre de la fratrie ;
confusion entre réalité et fantasme (s’il est handicapé, n’est-ce pas parce que j’ai
rêvé, désiré sa mort…) ; lors de l’annonce du handicap, sentiment d’impuissance et
impression de perdre tous repères, culpabilité et honte vécues dans une grande
solitude.
209
Les professionnels, comme les parents, sont souvent conscients de tout cela, mais
ne peuvent en parler avec l’enfant, car ils disent ne pas savoir quoi dire, comment le
dire et craignent les effets de leur parole. Il y a également, probablement, l’idée que
ce qui ne se dit pas peut, par la magie du silence, s’effacer, être oublié avec le
temps. C’est pour ces raisons qu’ils esquivent souvent les perches que leur tendent
les enfants et se convainquent que les déficiences de l’enfant handicapé, l’immaturité
de tous les enfants les protègent des effets de la douloureuse réalité.
Tout ceci fait que les enfants trouvent finalement rarement d’interlocuteurs qui
acceptent de les écouter, d’attester de la justesse et de la légitimité de ce qu’ils
ressentent, comprennent, et vivent. Les enfants savent qu’il n’y a pas de réponse
simple et définitive à leurs questions, ils ne demandent pas à l’adulte des réponses,
mais une aide pour penser, pour mettre en mots dans le lien à l’autre.
Après avoir rappelé quelques aspects de la souffrance des frères et sœurs, nous
évoquons les dispositifs de soins et de prévention qui peuvent soutenir parents et
enfants, dans la possibilité pour les frères et sœurs de vivre ensemble, le mieux
possible, comme frères et sœurs, ceci aux différents moments clefs de leur vie :
l’annonce du handicap, l’intégration scolaire, le moment où le cadet dépasse un
puîné, l’entrée en établissement, l’adolescence et enfin l’âge adulte. A toutes ces
étapes de la vie, il est important d’être attentif à ce qui se vit au sein du lien fraternel ;
selon ce qui se manifeste, il suffira d’une écoute, d’une attention, parfois des
entretiens familiaux seront nécessaires, d’autres fois encore, il faudra que l’enfant
puisse consulter un psychologue ou rencontrer des enfants qui partagent avec lui le
fait d’être confronté, dans sa famille, au handicap qui touche un enfant.
Ceci conduira à mener une réflexion pour que la fratrie puisse dans ces cas-là jouer
son rôle dans les processus du devenir garçon, fille, homme, femme.
___________________________________________________________________
La problématique de l’accompagnement
sexuel des personnes en situation de
handicap
Michel Mercier
Centre Handicap et Santé
Association de Recherches et d’Action en faveur des personnes handicapées
Professeur associé à l’Université de Lille
Professeur émérite à l’Université de Namur
Président du Conseil Wallon de l’Aide Sociale et de la Santé, Belgique
210
PLAN de la présentation Diaporama
1.Dimension biologique : comportement instinctif
2. Dimension psychologique : comportement sexuel
3. Dimension sociale : culturel
4. Dispositif institutionnel
4.1 La convention de l’ONU relative aux droits des
personnes handicapées. Article 25 « Santé »
4.2 Déclaration de Madrid sur la non-discrimination
5. Spécificité du handicap
6. Spécificité de l’accompagnement sexuel
7. Alternatives
8. Perspectives
_________________________________________________________________
Atelier N°16 Des personnes et des mots, dans leur diversité
Des diversités conceptuelles des mots du handicap et des rapports entre
intelligence et psychisme
Jean-Marc Gauthier
Psychiatre
Délégué France pour l'AIRHM
[email protected]
Déficience, retard ou handicap intellectuel, déficience ou handicap psychique,
déficience, retard ou handicap mental, déficience, retard ou handicap cognitif,
psychose déficitaire ou déficience intellectuelle psychotisée, autismes et troubles
envahissants du développement… , prises en charge, en soins ou en compte de
toutes les personnes à qui ces termes ont pu être attribués sur le terrain socioéducatif, dans les services de soins curatifs et dans les instituts de recherche... , et si
on révisait un peu nos concepts pour que des personnes en situation de handicap, à
défaut d'en être les bénéficiaires, n'en soient pas les victimes collatérales?
DEFICIENCE ET DEFICIT INTELLECTUELS
La déficience intellectuelle qui devrait être un constat actuel descriptif d'un manque
211
de certaines capacités d'intelligence chez une personne donnée est
malheureusement encore assez souvent le descriptif d'un manque beaucoup plus
ancien et non actualisé pour un ensemble de personnes.
Quand j'entends déficience intellectuelle, j'entends défiance, défi définitif à la
science, chronicité irrémédiable et perte de toutes les facultés d'entendement, alors
que, quand j'entends déficit intellectuel, j'entends défi vif, perte temporaire, et
singularité de cette perte. Quand j'entends le mot intellectuel, je me méfie à l'avance
de toute la phraséologie sous-entendue, alors que, si j'entends le mot intelligence,
j'essaie de déployer ma propre pensée. Dans en premier ressenti, je remplacerais
donc volontiers le concept de déficience intellectuelle par le concept de déficit actuel
d'une des intelligences, craignant que la personne qui aurait été affublée du premier
n'en ait pas terminé et pour longtemps avec la suspicion qu'elle restera pareillement
handicapée à vie. Il faudrait tirer de sa gangue sur-handicapante ce concept de
déficience intellectuelle qui apparaît figé dans l'innéisme, en ce sens que cette
déficience aurait été apportée en entier dès la naissance par une intervention divine
ou génétique, sans possibilité de correction empirique ultérieure, dans l'enlisement
génétique, avec des aberrations chromosomiques ou géniques
strictement
déterminantes et non modulables par les expériences environnementales à venir,
dans la sclérose psychique, comme si la déficience intellectuelle empêchait d'emblée
et à vie toute manifestation psychodynamique du psychisme, et dans la
désespérance sociale, car une personne dite déficiente intellectuelle sera pour
toujours suspectée de ne pas pouvoir tenir une place emblématique dans le concert
social et sera même repoussée régulièrement à la périphérie des possibilités de
travail, du fait de « l'horreur économique » ambiante.
HANDICAP INTELLECTUEL, COGNITIF, PSYCHIQUE OU MENTAL ?
Une citation de terrain : « Tu sais, j'ai une petite tête, je suis un peu débile, c'est tout
brouillé dans ma tête, je ne comprends pas tout, je ne sais pas bien, c'est un gogol,
moi, je ne suis pas fou comme eux, et, ici, ce sont tous des débiles, et puis, moi, je
suis un handicapé et lui il est tout bizarre, il ne va pas bien et on devrait pas nous
mettre ensemble... »
Un peu d'histoire : Le "hand in cap", la main dans le chapeau, c'est d'abord un jeu
d'estimations comparatives autour d'un échange d'objets, en Angleterre, au XVIIe
siècle, entre deux troqueurs et un arbitre handicapeur. Le handicap, un jeu pour
faciliter l'échange, voilà qui n'est pas sans sel sur nos considérations actuelles ! Par
la suite ce jugement comparatif s'est appliqué dans des courses de chevaux ou au
golf en imposant des conditions particulières aux meilleurs, dans un souci
d'égalisation des chances, et ce handicap appliqué aux meilleurs, peut encore
susciter un regard différent et positif sur cette notion de handicap. Puis le handicap,
par un glissement de sens, a désigné le désavantage social résultant d'un accident
ou d'une maladie au long cours, et, dans cette acception, la loi française du 11- 022005 donne une définition du handicap comme constitué par « toute limitation
d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son
environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou
définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives
ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ».
212
Nous nous interrogerons brièvement, dans cet exposé, sur la polyvocité, le
polysémisme et la polyvalence du concept de handicap mental :
-Les personnes en situation de handicap mental ne qualifient pas le plus souvent le
handicap dont elles sont atteintes.
-S'il est de constatation courante que les troubles de l'intelligence sont souvent
associés à des troubles du psychisme et inversement, la notion de handicap mental
pourrait-elle subsumer, comme nous l'avons évoqué lors de la journée AIRHM de
Lyon sur la souffrance psychique, les notions de handicap intellectuel et de handicap
psychique ?
-Dans la loi de 2005, souvent citée comme acte fondateur de la reconnaissance du
handicap psychique en France, l'altération des fonctions intellectuelles, donc la
possibilité d'un handicap purement intellectuel, n'est même pas évoquée comme si
celle des fonctions mentales, cognitives ou psychiques en tenaient lieu.
-Il y a sur le terrain, une aspiration à la spécificité et à bien distinguer ceux qui
pourraient être qualifié péjorativement de débiles de ceux qui pourraient l'être de
fous ou encore de ceux qui, ayant un trouble de certaines fonctions cognitives, sans
présenter de troubles de l'intelligence ni du psychisme, seront alors qualifiés de dys
et rafleront la mise des troubles dits instrumentaux puis cognitifs, sans pour cela
empocher celle du handicap cognitif, notion encore peu utilisée.
-Si le handicap psychique par la maladie mentale chronique, avec ou sans troubles
intellectuels, a été heureusement reconnu, on assiste néanmoins, sur le terrain, à
une réduction de l'offre de soins et de prévention aux personnes handicapées
mentales44. Mais, pourquoi, comme le souligne Roger Salbreux dans la lettre de
Psychiatrie Française de mars 2014, est-on passé de l'éducation et les soins à
l'éducation ou les soins et même dans certains cas à l'éducation sans les soins ?
Vous lirez sa réponse dans cette même revue. Pour nous, après nous être demandé
si le flou entourant la qualification du handicap ne satisfaisait pas finalement tous les
protagonistes, nous proposerons néanmoins une harmonisation sémantique des
termes dont on se sert habituellement pour désigner les handicaps dus à des
altérations des fonctions de l'esprit. De nouvelles ségrégations sont en train de
naître, pour l'accès aux soins, celles faites par la société dans son ensemble entre
personnes handicapées et non handicapées, mais aussi celles faites
par
d'excellents psychiatres ou psychologues qui considèrent à tort que les troubles de
l'intelligence ne sont pas de leur ressort et par d'excellents éducateurs qui
considèrent que les troubles du psychisme ne sont pas du leur. Or, de même qu'il y
aurait un recul anthropologique à percevoir les personnes handicapées et les
personnes non handicapées comme radicalement différentes, il y aurait aussi un
recul anthropologique à percevoir les personnes handicapées psychiques et les
personnes handicapées intellectuelles comme radicalement différentes au point de
leur proposer des lieux d'épanouissement personnel, d'actions sociales et de soins et
des programmes de recherche radicalement séparés.
Dans le cadre restreint de cet exposé les autres envisagements qui pourraient être
utiles à la révision sémantique proposée ne pourront être qu'effleurés
PSYCHOSE
A
EXPRESSION
DEFICITAIRE
44
ET
RAPPORTS
PSYCHISME
Cf aussi le Rapport sur l'accès aux soins et à la santé des personnes handicapées remis en juin 2013 par
Pascal Jacob à Mmes les Ministres en charge des personnes handicapées et des Affaires sociales et de la Santé,
qui pointe que le système de santé actuel prend mal en compte les besoins spécifiques des patients handicapés
213
INTELLIGENCE
La psychose déficitaire, objet hybride et objet sémantique vieilli, est rangée dans la
rubrique Troubles envahissants du développement par la Classification
française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent (CFTMEA) qui la
décrit comme l' « Intrication d’un retard mental sévère, et d’emblée présent, avec
des traits autistiques ou psychotiques... ». Roger MISÈS et Roger SALBREUX
insistent eux sur la possible concomitance de processus psychotiques et déficitaires
dans ce qu'ils nomment des dysharmonies d'évolution.
Pour les adultes, que serait maintenant une personne que nous dirions atteinte d'une
psychose à expression déficitaire si ce n'est une personne qui d'abord ne nous
séduirait pas par la richesse de ses envolées délirantes et qui nous présenterait, de
façon consciente ou inconsciente, ses manques psychiques, intellectuels et surtout
de liaison, comme autant de stigmates handicapants et irréversibles.
Pour traiter des rapports entre psychisme et intelligence, peut-être faudra-t-il
reprendre comme méthode les approches des chercheurs travaillant sur la question
du « brain-mind problem », en distinguant des approches monistes (intelligence et
psychisme seraient identiques et portés par les mêmes substrats anatomophysiologiques), dualistes (intelligence et psychisme séparés et s'exprimant par des
canaux différents) et interactionnistes (intelligence et psychisme distincts mais en
perpétuelle interaction) ?
AUTISMES
Au delà de toutes les polémiques stériles sur la prise en soins des personnes
atteintes d'autisme, on se demandera bien évidemment dans cette recherche ce qui,
dans cette appellation d'un handicap qui pourrait toucher aux articulations internes
du cerveau, des connaissances et du psychisme comme aux articulations entre le
monde interne et le monde externe environnemental, pourrait nous renseigner sur les
rapports entre intelligence, communication inter-humaine et vie de l'esprit.
___________________________________________________________________
214
Le développement du pouvoir d’agir : expériences des parents
Karoline Girard
Doctorante en psychologie
Université du Québec à Trois-Rivières
[email protected]
L’intervention centrée sur le développement du pouvoir d’agir des parents (DPA) est
présentée en tant qu’une des approches les plus adaptées en intervention précoce.
Toutefois, des recherches récentes soulignent l’absence de cette approche dans les
milieux de pratique. Ce qui nous mène à explorer les expériences des parents qui
permettent de développer leur pouvoir d’agir (expériences habilitantes). Cette étude
qualitative explore les expériences habilitantes des parents à l’intérieur des services
qu’ils reçoivent pour leur enfant en situation d’handicap. Des entretiens semi
structurés ont été réalisés avec dix parents de différentes régions du Québec. Les
résultats indiquent que des sentiments de colère, d’injustice, de deuil et des
perceptions d’être démuni teintent ces expériences. Les habilités qui leur ont été
nécessaires pour développer leur pouvoir d’agir est la détermination, la motivation et
être proactif. Les résultats de la recherche pourront soutenir les intervenants dans
leur approche et leurs interventions avec les familles. Cette étude permettra de
mettre en lumière certains besoins des familles en termes de soutien. Aussi, les
connaissances générées pourront être utilisées afin d'avoir une meilleure
compréhension des relations parents/intervenants et ainsi, favoriser l’amélioration
des pratiques.
Mots clefs : développement du pouvoir d’agir (empowerment), intervention précoce,
famille
Publications :
Girard, K. (À paraître le 10 avril 2014). L’intégration des enfants présentant des
besoins particuliers dans les services de garde québécois. Revue Empan (93),
118-123.
Publications soumises :
Girard, K., Miron, J.-M., & Couture, G. (2014). Le développement du pouvoir d’agir au
sein des relations parents-professionnels en contexte d’intervention précoce.
Publication soumise.
215
Girard, K., Couture, G., & Miron, J.-M. (2014). Le développement du pouvoir d’agir
des parents : du construit à l’intervention précoce. Publication soumise.
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Titre :
Accompagner les intervenants en CRDITED vers la collaboration
interprofessionnelle
Thème :
Les innovations sur le terrain dans les domaines scolaire, éducatif, institutionnel, et
artistique
Auteur(s) :
Geneviève Saulnier et Mélanie Tremblay
Coordonnées :
124, rue Lois
Gatineau, Québec
J8Y 3R7 CANADA
[email protected]
Mots-clefs
collaboration interprofessionnelle
recherche-action-participative
Résumé (le
thème, la
méthode, les
principaux
résultats, les
perspectives)
Les besoins des personnes présentant une déficience intellectuelle (DI) ou un trouble
du spectre de l‘autisme (TSA) sont complexes et requièrent l’attention d’intervenants
appartenant à plusieurs disciplines.
La collaboration interprofessionnelle émerge comme l’un des éléments essentiels à
consolider pour assurer une meilleure prise en compte de la complexité des besoins
et ainsi améliorer la qualité des services spécialisés de réadaptation.
Au Pavillon du Parc, un centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en
trouble envahissant du développement (CRDITED) du Québec, les professionnels de
différentes disciplines (psychoéducation, orthophonie, ergothérapie, psychologie,
travail social, etc.) se sont mobilisés pour développer des initiatives permettant de
mieux répondre aux besoins des personnes présentant une DI ou un TSA.
Dans cette communication nous présenterons quelques-unes des innovations mises
en place afin d’améliorer la collaboration des équipes interprofessionnelles telles que
le processus de priorisation des services interdisciplinaires et l’implantation des
épisodes de services interdisciplinaires. Nous verrons de quelles façons ces
pratiques améliorent la qualité des services offerts aux personnes présentant une DI
ou un TSA en dégageant les forces et les limites de ces nouvelles approches
2-3
publications :
Kalubi, JC. (2011). Agir ensemble pour être autrement, Rapport de recherche
CIIPRO.
Pelletier, ME. et coll. (2005). Transdisciplinarité, enfance et déficience intellectuelle,
Revue francophone de déficience intellectuelle, vol. 16 (1 & 2), pp. 75-95
216
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La transdisciplinarité au service du projet personnalisé
Danielle VAN DEN BOSSCHE45
Directrice générale au C.R.E.B. asbl « Centre de Rééducation de l’enfance à Bruxelles », Centre de
jour et Centre d’hébergement pour enfants polyhandicapés
Dans l’accompagnement des personnes polyhandicapées et plus particulièrement
celui de l’enfance en situation de polyhandicap, la transdisciplinarité apparaît comme
une évidence si nous voulons éviter le morcellement de la prise en charge de l’enfant
et donc à terme celui de l’adulte. La transdisciplinarité, aussi appelée au CREB
« travail intégré », est exigeante et variée.
Avant d’aborder la transdisciplinarité, définissons ce que nous entendons par
discipline et pluridisciplinarité.
« Une discipline est un domaine, une branche, une matière particulière de la
connaissance ou de l’enseignement. »46 Communément nous retrouvons les
disciplines suivantes dans notre projet : la kinésithérapie, la logopédie, l’ergothérapie
et l’éducation. Cette multiplicité de disciplines, nous amène à la définition de la
pluridisciplinarité à savoir : « La pluridisciplinarité, c’est l’étude d’un objet par
plusieurs disciplines »47.
En l’occurrence, c’est ainsi que nous disons que l’enfant est pris en charge par une
équipe pluridisciplinaire.
A priori, cela devrait suffire. Cependant, l’expérience nous a montré que cette prise
en charge pluridisciplinaire de l’enfant polyhandicapé rencontre certaines difficultés.
Arrêtons-nous un instant sur la définition du polyhandicap. En Au-delà, « L’AP3
(Association de Parents et de Professionnels autour de la personne polyhandicapée)
a été amenée à proposer une définition large et opérationnelle du polyhandicap qui
nous paraît pertinente :
« Les situations de polyhandicap résultent de l’association de déficiences
graves, dont un retard mental caractérisé par un quotient intellectuel inférieur à
45
Directrice générale au C.R.E.B. asbl « Centre de Rééducation de l’enfance à Bruxelles », Centre de jour et
Centre d’hébergement pour enfants polyhandicapés.
46
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Discipline.htm
47
Une révolution pour la science : la Transdisciplinarité, Basarab Nicolescu, Les Cahiers de Sol n°9 p.1 à 4
217
50 ; elles ont pour conséquence une dépendance importante nécessitant une
aide humaine et technique permanente, proche et individualisée ».48 »49
Ainsi, la définition du polyhandicap met en évidence la complexité du problème posé
et il y a autant de complexités qu’il y a de sujets polyhandicapés. La prise en charge
pluridisciplinaire ne peut fonctionner dans le sens où elle est morcelante. En effet,
mettre en place une rééducation en kinésithérapie deux fois par semaine pendant
une demi-heure n’a pas de sens pour cette population et met en situation d’échec
l’objectif de la rééducation kinésithérapeutique. Il est dès lors paru nécessaire de
penser une approche différente.
Progressivement, les différentes disciplines ont décidé de travailler ensemble sans
écarter les approches individuelles. Ce faisant, chaque discipline a transmis et reçu
des autres certaines compétences ou certaines méthodes pour accompagner l’enfant
dans son développement et poursuivre ainsi plus adéquatement les objectifs du
projet personnalisé. Par exemple, un enfant doit porter un corset tous les jours de la
semaine pendant 4 heures. Or la kinésithérapeute n’est pas nécessairement
présente ou disponible pour placer le corset à l’enfant. L’éducateur peut sous la
supervision du kinésithérapeute apprendre à placer le corset et à observer l’enfant et
transmettre ainsi toutes les observations utiles au suivi kinésithérapeutique.
On se trouve là typiquement dans l’interdisciplinarité, à savoir « une unité
fonctionnelle, prenant place dans un espace commun, composée de plusieurs
compétences variées collaborant à un même but, que seule l’équipe peut atteindre.
Les décisions s’obtiennent par consensus et les activités se coordonnent selon une
approche multidimensionnelle des besoins du client. L’équipe est consciente que les
besoins du client ne peuvent être satisfaits que par la collaboration. Cette
collaboration nécessite des transformations réciproques dans chacune des
disciplines afin d’augmenter son efficacité et de permettre qu’une synergie, une
identité et une couleur s’installent dans l’équipe. Par conséquent, les résultats sont
perçus comme étant ceux de l’équipe et non ceux d’une discipline particulière ». 50
Nous sommes ainsi passés petit à petit de la pluridisciplinarité à l’interdisciplinarité.
Cependant, cette approche pourtant très riche, prenant mieux en compte le sujet
dans sa réalité globale, à partir d’un langage commun, était encore insatisfaisante
car restant trop inscrite dans la recherche disciplinaire proprement dite.
L’enfant polyhandicapé dans sa complexité nous impose une approche différente.
Pour rendre compte de cette complexité, nous nous réfèrerons à ce qu’en dit Edgar
Morin : « Quand je parle de complexité, je me réfère au sens latin élémentaire du mot
‘complexus’, ‘ce qui est tissé ensemble’. Les constituants sont différents, mais il faut
48
Cette définition est reprise à l’article 1192, 12° du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la
Santé (Arrêté du Gouvernement wallon du 14.07.2013 – Publication au Moniteur Belge le 30.08.201).
49
http://www.ap3.be/comprendre.html
50
Voyer, Philippe. « L’interdisciplinarité, un défi à relever ». The Canadian Nurse/L’infirmière canadienne,
(Mai 2000), 39-44
218
voir comme dans une tapisserie la figure d’ensemble. Le vrai problème (…) c’est
que nous avons trop bien appris à séparer. Il vaut mieux apprendre à relier. Relier,
c’est-à-dire pas seulement établir bout à bout une connexion, mais établir une
connexion qui se fasse en boucle. Du reste, dans le mot relier, il y a le « re », c’est le
retour de la boucle sur elle-même. Or la boucle est auto productive. A l’origine de la
vie, il s’est créé une sorte de boucle, une sorte de machinerie naturelle qui revient
sur elle-même et qui produit des éléments toujours plus divers qui vont créer un être
complexe qui sera vivant. Le monde lui-même s’est autoproduit de façon très
mystérieuse. La connaissance doit avoir aujourd’hui des instruments, des concepts
fondamentaux qui permettront de relier ».51
Si nos enfants polyhandicapés sont de petits êtres complexes tous très différents les
uns des autres, ils nécessitent une approche qui comprend cette complexité ainsi
que celle des différentes disciplines qui gravitent autour de l’enfant.
On arrive ainsi au concept de la transdisciplinarité née à l’initiative de Jean Piaget en
1970, qui « concerne, comme le préfixe « trans » l’indique, ce qui est à la fois entre
les disciplines, à travers les différentes disciplines et au-delà de toute discipline. Sa
finalité est la compréhension du monde présent , dont un des impératifs est l’unité de
la connaissance”.52
Vu sous cet angle, il est évident que la transdisciplinarité s’appuie sur la
pluridisciplinarité et l’interdisciplinarité pour créer une nouvelle pensée faite de
créativité. Elle seule pouvant répondre à ce besoin de compréhension de la
complexité qui tient compte des différents éléments et de l’interaction existant entre
eux.
Comme nous le voyons, la pratique de la transdisciplinarité est très exigeante et
difficile. La tentation est grande pour les équipes de revenir aux connaissances de la
discipline dont elles sont issues et de s’y cantonner. Et c’est bien là toute la difficulté
que nous rencontrons au quotidien.
Les risques de la transversalité sont connus et exprimés comme suit par les équipes
du C.R.E.B. :
-
Le Risque de perdre sa spécificité et d’être remis en question par l’autre.
Le besoin d’être reconnu dans son travail.
La fatigue qui incite à se réfugier dans son secteur de compétences.
La communication difficile d’une discipline à l’autre.
Le nombre parfois trop important d’intervenants autour de l’enfant.
Les Peurs face aux frontières trop floues entre les disciplines (paradoxe
puisque c’est ce qui fait la richesse de la transversalité !).
51
Edgar Morin, La stratégie de reliance pour l’intelligence de la complexité, in Revue Internationale de
Systémique, vol 9, N° 2, 1995
52
Extrait du livre LA TRANSDISICIPLINARITE- Manifeste, par Basarab Nicolescu, Éditions du Rocher,
Monaco - Collection "Transdisciplinarité"
219
-
La Difficulté d’analyser l’interaction entre le sujet observant et l’objet observé
qui constitue l’idée du « tiers inclus »53.
…
Les aspects intéressants de la transversalité sont néanmoins importants :
-
Elle enrichit la pratique quotidienne en lui donnant du sens.
Elle crée du lien entre professionnels et enfants et interroge ces liens.
Elle permet le questionnement constant pour la recherche de nouvelles
méthodes et procédures.
Elle donne une vision globale de l’enfant.
Tous les intervenants au sens le plus large poursuivent le ou les même(s)
objectif(s) pour et avec l’enfant.
Elle permet la confiance mutuelle.
…
Les conditions de la transversalité découlent de ce qui précède. La formation en
interne d’une discipline par une autre discipline permet de réduire les peurs,
d’amener la compréhension, de réduire les enjeux personnels, de maintenir la
motivation…
Les lieux de communication respectueuse doivent être développés et coordonnés de
manière efficace pour éviter tout malentendu.
La préparation des projets personnalisés pensée exclusivement à partir des besoins
de l’enfant a permis aux différents membres des équipes de se rejoindre et de
dépasser les enjeux disciplinaires.
En conclusion, la transdisciplinarité est une obligation pour travailler avec des
enfants polyhandicapés mais elle présente une grande exigence. Elle demande pour
chacun d’avoir confiance en soi, confiance dans les autres dans leur capacité à faire
du lien, confiance dans l’enfant.
La transdisciplinarité permet l’approche de la complexité voire de sa compréhension
en allant au-delà d’un simple échange de connaissances, de compétences. Elle
permet d’accéder à un même langage pour tous, fait de créativité et de motivation.
L’absence de langage commun et de motivation garantit le retour à l’interdisciplinarité
et au pire à la pluridisciplinarité.
La complexité de nos enfants polyhandicapés exige de nous, professionnels, ce
regard transdisciplinaire si nous voulons les faire grandir en harmonie avec le monde
qui les entoure.
_________________________________________
53
Une révolution pour la science : la Transdisciplinarité, Basarab NICOLESCU, Les Cahiers de Sol n°9 p. 1à 4
220