Évangéline : le désir pudique de l`être-parmi de la

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Évangéline : le désir pudique de l`être-parmi de la
DIALOGUES FRANCOPHONES
Volume 18/2012, Pages 29-44
DOI: 10.1515/difra-2015-0022
Évangéline : le désir pudique de l’être-parmi de la communauté
acadienne de l’Île-du-Prince-Édouard
Carlo LAVOIE
Université de l’Île-du-Prince-Édouard
Canada
Résumé. La culture acadienne de la province canadienne de l’Île-du-Prince-Édouard confère à
la chanson le rôle traditionnellement reconnu à la littérature. En ouvrant un imaginaire
stigmatisé par la figure d’Évangéline créée au XIXe siècle par l’Américain Longfellow, la
chanson « Évangéline, Acadian Queen » de l’Acadienne Angèle Arsenault propose un possible
espace culturel et communautaire propre à l’Acadien et contribue à la promotion d’un « êtreparmi » dont le désir pudique serait de parler français.
Abstract. The Prince Edward Island (Canada) Acadian culture allocates to the song the role
traditionally played by literature. By opening an imaginary universe stigmatized by the
Evangeline figure created in nineteenth century by the American Longfellow, Angèle
Arsenault’s song “Évangéline, Acadian Queen” offers a possible cultural and community space
specific to the Acdian and contributes to the promotion of a “being-among” whose modest
desire is to speak French.
Mots-clés: Évangéline, Angèle Arsenault, Longfellow, chanson acadienne, Île-du-PrinceÉdouard
Keywords: Evangeline, Angèle Arsenault, Longfellow, acadian song, Prince Edward Island
J’habite un cri de terre en amont des espérances
Larguées sur toutes les lèvres
Déjà mouillées aux soleils des chalutiers incandescents
[…]
Et toute parole abolit le dur mensonge
Des cavernes honteuses de notre silence
(Leblanc 1972, 45)
C’est le 15 août. Les enfants sont couchés. Ma femme est allée à son
cours de danse. Devant moi, c’est la fête à la télé : la Fête nationale de l’Acadie
en direct de Dieppe, au Nouveau-Brunswick. On y voit les prestations
d’artistes représentant divers courants musicaux qui rayonnent en Acadie : Mia
Martina, Cayouche, Radio Radio, Annie Blanchard… C’est la fête de l’Acadie,
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la fête de l’oralité, la fête de la culture populaire. Selon le directeur artistique,
Daniel Castonguay, le spectacle, « présenté sous le signe de la joie, reflète
toutes les facettes et les couleurs d’une Acadie moderne et vibrante » (RadioCanada, §3). Comme beaucoup l’ont expérimenté lors du 400e anniversaire de
l’Acadie en 2004, « qui dit fête dit bien entendu chanson, chez un peuple pour
qui la tradition a longtemps été le seul moyen d’exprimer sa manière de vivre,
ses craintes et ses aspirations » (Proulx 2006, 121). C’est une façon comme une
autre d’effectuer sa quête identitaire, mais aussi sa quête du bonheur. Après
tout, dans nombre de cultures, la chanson tient de la fête. Toutefois, cet espace
festif, d’ordre public, s’instaure dans un espace plus restreint, l’espace privé.
Bien sûr, j’y participe dans mon salon, tout seul. Mais j’y participe aussi seul
dans mon quartier, un quartier anglophone dans lequel ma famille et moimême sommes pratiquement les seuls francophones, ou à tout le moins les
seuls à parler français. Difficile alors de s’identifier à mes voisins qui trouvent
maintes interrogations dans nos discussions les plus banales. Pour eux, le 15
août est le jour de la fête chrétienne de l’Assomption.
C’est que, dans ce territoire que j’habite, jadis connu sous le nom
d’Acadie et qui correspond maintenant plus ou moins aux provinces maritimes
du Canada (soit le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-PrinceÉdouard), vivent encore d’irréductibles francophones qui tentent de garder, et
même faire leur place en français dans ce pays qui se veut bilingue, le Canada.
À la différence d’Astérix et d’Obélix, ces irréductibles ne possèdent aucune
potion magique mais partagent tout de même le goût de la fête et de la
chanson. Véritable précurseur de la littérature en milieu minoritaire où la
langue se voit menacée comme en Acadie de l’Île-du-Prince-Édouard qui ne
possède qu’une seule revue historique (La petite souvenance) et un seul journal
hebdomadaire (La Voix acadienne) de langue française, la chanson acquiert un
rayonnement qui dépasse de loin celui du texte écrit. Elle se veut un substitut à
la poésie, une façon contemporaine d’abolir « le dur mensonge des cavernes
honteuses de notre silence ». La chanson sert littéralement « d’instrument de
protestation contre toutes les forces assimilatrices et d’outil de promotion sur
le plan national et international » (Paré 2001, 151). Mais est-ce suffisant pour
assurer les assises d’une communauté linguistique en situation minoritaire?
Comment en effet habiter ce « cri de terre » et sortir de la solitude alors que la
fête, la chanson, prend des allures impudiques en touchant de près, aux yeux de
la communauté linguistique majoritaire, la vie intime d’un voisin? Cette fête, je
la regarde seul à la télévision, à l’ombre de la bienséance des regards et des
oreilles de mes voisins. Elle est retransmise en direct de Dieppe, une
communauté majoritairement francophone qui vit aux côtés d’une
communauté anglophone dont les membres ignorent ce qui s’y passe. Cette
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scène publique est paradoxalement privée, propre aux Acadiens. Le cri qui s’en
dégage ne rejoint pas l’autre communauté : il demeure en marge, marginal,
muet aux oreilles de la majorité.
Comment dès lors constituer une communauté qui ne soit pas en
marge d’une autre, mais qui en fasse partie à part entière et enfin sortir de la
dialectique « Nous autres/les autres » ? Comment une minorité pourrait-elle
partager ses symboles avec la majorité qu’elle côtoie tous les jours sans voir ces
symboles dévier de leur signification ? Ou encore, comment la majorité
pourrait-elle voir ces symboles sans qu’ils lui paraissent indécents, puisque de
l’ordre du privé ?
Pour répondre à ces questions, il serait particulièrement intéressant
d’interroger l’un des plus forts symboles acadiens, soit le mythe d’Évangéline.
Ce n’est toutefois pas le protagoniste du poème éponyme du XIXe siècle qui
m’intéresse réellement, mais plutôt ce que ce symbole est devenu au XXe siècle.
Ce sera à la poésie romantique que remédiera cette fois la chanson populaire.
La chanson « Évangéline, Acadian Queen » de l’auteure-compositrice-interprète
acadienne de l’Île-du-Prince-Édouard, Angèle Arsenault, nous permettra de
combler la distance qui sépare deux communautés et de remonter aux sources
de l’origine même du désir pudique de parler français d’une communauté
culturelle et linguistique minoritaire.
La distance habitée de la communauté minoritaire
Dans La distance habitée (2003), un essai percutant, François Paré établit
la culture comme fondement de la communauté (45). Remontant à Fernand
Dumont, qui voyait la culture comme « un univers second où nous
poursuivons la recherche du sens de notre vie et du sens des choses » (Dumont
cité par Paré, 45), il en vient à comprendre la culture « comme l’ensemble des
institutions et des discours sur lesquels se tiennent en équilibre les
communautés » (47). Vue ainsi, la culture se présente comme un élément
hétéroclite de l’identité individuelle, un élément qui engendre une conscience
de l’hétérogénéité du monde. La culture crée alors une distance dans laquelle
s’installe un vaste éventail de choix auquel l’individu se prête tous les jours
pour devenir « un lieu où s’engage les actes de résistance, les refus, les
manœuvres d’affirmation » (49). C’est dans cette distance que se crée un lieu de
gouvernance qui permet de penser, par exemple, les liens multiples qui unissent
les francophones de l’Île-du-Prince-Édouard, liens qui dépassent le rêve
utopique de la refrancisation de certains territoires et même de reconnaissance
juridique. Toutefois, la taille même de la communauté pose plus souvent
qu’autrement un problème dans la province insulaire. Ainsi, cette province – la
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plus petite des dix provinces canadiennes – ne contient environ que 143 500
âmes (Chagnon et Milan 2011, §7)1, dont environ 5 600 avaient le français
comme langue maternelle en 2006 (Chavez, Lepage et Bouchard-Coulombe
2012, 8). Cependant, lorsque vient le temps de parler de francophones sur
l’Île-du-Prince-Édouard, la situation se corse davantage car la définition de
« francophone » est loin d’être stable. À ce niveau, même les analystes de
l’agence Statistique Canada se questionnent :
on peut se demander si la définition de la population francophone de
l’Île-du-Prince-Édouard correspond aux quelque 5 600 personnes qui ont déclaré
le français comme langue maternelle lors du Recensement de 2006, aux 5 100
personnes ayant cette langue comme première langue officielle parlée, ou
encore aux 5 200 personnes parlant le français soit le plus souvent (2 800) soit
régulièrement (2 400) à la maison. Ou encore doit-on considérer une
définition large qui inclurait l’ensemble des quelque 17 200 locuteurs du
français, voire plus si l’on ajoute les jeunes enfants qui ne parlent pas le
français, mais dont au moins l’un des parents en est un locuteur maternel?
(Ibid)
Comment un aussi petit groupe linguistique pourrait-il se reconnaître pour
former une communauté et sortir de son espace privé sans devenir indécent
aux yeux du groupe majoritaire ? C’est que, pour être membre du groupe, il
faut se reconnaître une identité, tant personnelle que collective. Comme le
sociologue acadien Joseph Yvon Thériault (2007) le fait remarquer,
[d]ans sa dimension tant individuelle que collective, l’identité apparaît
comme la construction d’un Moi ou d’un Nous, en fait d’un Sujet qui
se pose comme porteur d’une historicité qui lui est particulière. J’ai une
identité quand j’affirme faire ma propre histoire […]. Dans les sociétés
dites traditionnelles, l’identité est conçue comme émanant d’un
extérieur que l’on ne contrôle pas – Dieu, la nature, la tradition – et
inscrite dans un groupe – la famille, le clan, la patrie – qui seul est
véritablement porteur de l’identité. Dans les sociétés modernes, au
contraire, l’identité est réflexive, c’est-à-dire que la construction de son
Moi ou de son Nous est l’objet d’un travail conscient et explicite sur
soi. (Thériault, 37)
Retenons donc que l’identité collective moderne est l’objet d’un travail du Sujet
sur lui-même. Dans de telles conditions, l’identité acadienne se construirait en
marge de, et en résistance à, une identité collective plus grande, celle de la
1
Il s’agit d’une estimation pour l’année 2010 selon les données démographiques recueillies par
l’agence gouvernementale Statistique Canada.
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majorité, ce qui pourrait en partie expliquer la difficulté des analystes de
Statistique Canada à définir la notion de francophone, entre autres sur
l’Île-du-Prince-Édouard. Il ne s’agit plus seulement de parler français et de
choisir d’appartenir à un groupe dont la vie s’articule autour de cette langue, il
faut aussi pouvoir partager, et aussi se voir accorder la possibilité de partager
l’historicité de ce groupe de francophones qui, sur l’Île comme dans les autres
provinces canadiennes des maritimes se réclament de descendance acadienne :
Fondée en 1604, l’Acadie est à l’origine une colonie française, située dans
l’actuelle province de la Nouvelle-Écosse. Après des débuts difficiles, cette
colonie devient prospère. Les Acadiens ont en effet réussi leur pari d’obtenir
une vie meilleure en tentant l’aventure du Nouveau Monde. Devenus sujets
britanniques par suite de la capitulation de la France devant l’Angleterre en
1713, ils tentent de négocier un statut de neutralité, mais finissent par subir la
déportation avec tout son lot de tragédies. De 1755 à 1763, la moitié des
quelque 14 000 Acadiens sont déportés et près de 3 000 meurent à cette
occasion. (Magord et Belkhodja 2005, 45)
Cela ne veut pas pour autant dire qu’il faille nécessairement se réclamer d’une
famille qui fut soumise à la Déportation des Acadiens en 1755 pour se dire
acadien, mais plutôt au discours institutionnel qui fera de l’Acadie une
communauté dotée d’une conscience collective malgré l’absence d’un territoire
géographique et politique. L’ensemble des facteurs qui constituent la
conscience collective acadienne trouve ses racines dans les années 1860 alors
que
les Acadiens développent une conscience nationale et se dotent d’attributs
symboliques – drapeaux, hymne national, etc. – qui les distinguent des autres
populations des provinces maritimes et des Canadiens français du reste du
Canada. Ils se doteront aussi, au niveau de la société civile, d’institutions qui
leur sont propres : maisons d’enseignement – couvents, collèges –, journaux
– le Moniteur acadien et ensuite l’Évangéline –, paroisses, à travers
l’acadianisation du clergé qui sera chose réalisée au début du XIXe siècle et, un
peu plus tard, institutions économiques – réseaux de coopératives et de
caisses populaires. (Thériault 2007, 41)
Ces éléments ont donc servi d’assises à l’Acadie traditionnelle,
c’est-à-dire que ce projet voulait s’inscrire dans une filiation avec le passé et les
ancêtres. L’Acadie comme sujet historique confirme sa marginalisation, mais
aussi sa résistance; c’est comme « communauté pré-moderne tenue à l’écart des
forces corruptrices de l’urbanisation, de l’industrialisation et de la laïcisation
que l’Acadie affirme dans un premier temps et pendant près d’un siècle son
identité » (43). Il s’agit bien sûr d’une identité homogène, ou encore
monolithique qui tombera peu à peu en désuétude et qui se folklorisera faute
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d’un territoire acadien propre. Suite à la diversification des institutions
socioéconomiques devenues laïques dans la seconde partie du XXe siècle en
divers endroits de l’Acadie, l’identité acadienne se fragmente, un peu à l’image
du territoire sur lequel elle se retrouve. La Déportation, l’errance et le
déracinement qui caractérisaient naguère une Acadie imaginaire céderont le pas
à une vision de l’Acadie plus globale, consciente de sa diaspora. Il y aura alors
autant d’Acadies qu’il y aura de foyers acadiens sur la mappemonde et autant
de façons d’agir localement. La marginalisation et la résistance quittent le
terrain de la tradition : « [l]es pratiques de résistance ne sont pas, à proprement
parler, acadiennes ; l’acadianité apparaît avant tout un médium qui tente de
transformer des marginalités en sujet historique ». (55) L’identité acadienne
apparaîtrait ainsi postmoderne, une sorte d’épreuve voulant donner une
nouvelle cohésion, une nouvelle sociabilité, à un ensemble marginalisé.
La tradition romantique d’Évangéline
C’est, dans une certaine mesure, à ce projet de société civile que
participe Angèle Arsenault en faisant paraître en 1977 une chanson à l’allure
humoristique et festive, « Évangéline, Acadian Queen ». « La Reine acadienne »
est en fait un clin d’œil au célèbre poème Évangéline, de l’américain Henry W.
Longfellow.
Les destinées de l’Acadie traditionnelle, reposant sur la nature, Dieu et
la tradition, se voient magnifiées sous le prisme de la vision de Longfellow.
Publié aux États-Unis en 1847 sous le titre original Evangeline, a Tale of Acadie,
ce poème a servi à dépeindre l’Acadie et les Acadiens comme les héritiers d’une
tradition romantique. L’auteur y raconte l’épopée de la jeune Évangéline
Bellefontaine qui, la veille de son mariage, se voit séparée de son fiancé,
Gabriel Lajeunesse. Le début de l’action nous situe en 1755, lors de la
Déportation qui conduira les Acadiens de la région de Grand-Pré vers les
colonies américaines du Sud. Les Acadiens seront refusés au Massachussetts et
refoulés jusque vers la Géorgie, certains se rendant même jusqu’en Louisiane.
De l’antique forêt de l’ouverture du poème aux descriptions idylliques de
Grand-Pré avant le fatidique jour qui verra les femmes séparées des hommes,
s’y retrouvent magnifiés : l’Histoire, la nature et l’amour. Destin individuel et
destin social s’accompagnent à travers les larges strophes qui énoncent que
l’être est d’abord fait de rêve et d’émotion. Les États-Unis d’Amérique n’ont
pas un siècle et la poésie cherche à bien jeter les racines d’une civilisation.
Dans l’effervescence du romantisme, le nationalisme culturel a joué un grand
rôle. Son sujet, Longfellow le choisit donc consciemment américain. De là
s’ouvre une errance, un inventaire, qui tout au long du poème sera la
description des marques d’un continent offrant par ses paysages une âme où
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pousser la recherche identitaire d’une culture déjà nostalgique de ses
fondements. (Beausoleil 1994, viii)
L’harmonie, la nature et la jeunesse se voient glorifiées dans la première partie
du poème. Dans la seconde et dernière partie, c’est la quête d’Évangéline qui,
pendant des dizaines d’années, traverse le continent américain pour finalement
retrouver Gabriel aux portes de la mort qui nous est racontée. Cette histoire
d’amour devient le symbole d’une histoire tragique :
Le destin du peuple acadien, arraché à ses racines, devient symbolique de
l’arrachement de l’âme individuelle à la Source et Évangéline, dans son
humble grandeur, devient l’image même d’une Acadie originelle à la recherche
de son âme perdue dans la tragédie du Grand Dérangement. (Villemaire 1994,
104)
L’auteur a créé plus qu’une légende, c’est un mythe. On peut toutefois se
questionner au sujet de la longévité de ce mythe en Acadie n’eut été de sa
traduction par le poète canadien-français Pamphile Lemay. Bien sûr, peu après
sa parution en anglais, le poème sera traduit en plusieurs langues et sera connu
dans plusieurs pays. Une traduction paraît d’ailleurs en France en 1853. Ce
n’est toutefois qu’en 1865 que paraîtra la traduction de Lemay, une première
traduction qu’il retravaillera et qu’il fera suivre d’une seconde version en 1870
et d’une troisième en 1912. En 1867, le journal Le Moniteur acadien le publiera
sous forme de feuilleton et le journal L’Évangéline fera de même en 1887. Les
résultats se feront connaître sans tarder :
les Acadiens s’accrochent à ce poème comme à une bouée de sauvetage, leur
apportant une sécurité morale qui semble leur avoir manqué pendant le siècle
qui suivit la déportation. À toutes les occasions, l’élite acadienne cite des
extraits du poème pour affermir auprès des Acadiens la force de leur race,
bâtie par “les pleurs, les larmes et les sueurs de leurs ancêtres”. (CapAcadie, §4)
Ce qui sera au cœur de ce poème pour les Acadiens sera le culte de la tradition,
un culte qui leur avait en fait permis de conserver leur langue et leur religion
plus de cent après la Déportation :
La figure d’Évangéline est en effet venue légitimer et donner tout son sens au
mouvement de la Renaissance acadienne, mouvement qui prend forme, dans
les années 1860 […] Les Acadiens sortent alors de leur long exil de “cent ans
dans les bois”, pour emprunter l’expression d’Antonine Maillet, et essaient tant
bien que mal de regrouper leurs forces vives, sous la férule de penseurs
comme Rameau de Saint-Père, Pascal Poirier, Placide Gaudet et Phileas
Bourgeois. La figure d’Évangéline va donc occuper une place importante dans
le discours de la Renaissance acadienne et des grandes conventions nationales
qui vont se succéder à partir de 1880, de sorte que le personnage
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d’Évangéline, personnage essentiellement imaginaire, faut-il le rappeler, va
devenir bientôt une figure à la fois historique et légendaire, notamment dans la
tradition populaire, qui pose le personnage en question comme une personne.
Sans être absent, le ressentiment historique cède la place à un sentiment de
douleur et de perte : douleur des amants séparés, perte du paradis terrestre.
(Morency 2012, 107)
Car, en fait, les Acadiens sont revenus habiter le territoire que les Britanniques
leur avaient enlevé en colonisant les quatre coins des provinces maritimes.
Avant même la naissance du Canada en 1867, les Acadiens auront le droit de
revenir dans l’ancienne Acadie à la condition de laisser les nouveaux
propriétaires occuper leurs anciennes terres et de ne constituer que de petites
communes éloignées les unes des autres :
Un siècle plus tard [après la Déportation], des communautés acadiennes se
reforment dans la province voisine du Nouveau-Brunswick. Elles sont
tolérées par les autorités coloniales, qui empêchent néanmoins tout
regroupement important. Des communautés acadiennes subsistent ou
s’installent en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard, aux îles de la
Madeleine et à Terre-Neuve. D’autres se forment en Louisiane, en NouvelleAngleterre et en France. Les Acadiens réfugiés au Québec ne forment pas de
communautés distinctes mais ils préservent, à des degrés divers, leur
sentiment d’appartenance spécifique. (Magord et Belkhodja 2005, 45)
Il serait possible de voir dans ce retour dans la nouvelle Acadie le
prolongement d’un mythe voulant que les Acadiens soient revenus vivre en
paix auprès du conquérant selon une attitude rebelle qui signifie que rien ne
pourrait les faire disparaître. L’idéologie de la survivance trouve ainsi une forte
résonance chez Évangéline :
Cette idéologie est basée sur la fidélité à la langue, à la religion, aux traditions
nationales et à l’histoire d’une Acadie qui lutte pour son existence, rêve d’un
avenir meilleur et du paradis retrouvé. […] Les premiers colons et les
déportés ont été héroïques et leurs descendants ne sont pas moins valeureux.
Il n’en tient qu’à eux maintenant, s’ils restent fidèles aux traditions, à la langue
et à la foi des ancêtres, d’assurer la survie nationale, car la Providence veille
sur l’Acadie et le pays est promis à un bel avenir. (Viau 1998, 73)
Il serait aussi cependant possible d’y voir un peuple revenu vivre auprès du
conquérant pour y subir de nouvelles humiliations. Il reste encore un grand
pan de l’histoire de l’Acadie à écrire, autant avant la Déportation qu’après la
Déportation. Oui, les Acadiens ont survécu, mais leur histoire est surtout orale
et se confond avec le folklore et les traditions :
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L’imaginaire acadien, comme tant d’autres phénomènes culturels, prend son
origine profonde dans la Déportation de 1755. Jean-Paul Hautecoeur, dans
son livre L’Acadie du discours, affirme qu’il s’agit là de l’an 1 du peuple acadien,
celui qui le fonde dans le martyr et qui imprime dans son imaginaire un
comportement qui le marque depuis. À partir de cette date fatidique, l’Acadie
disparaît des manifestations matérielles et géographiques, le nom se renfloue
dans une sorte de vénération religieuse et, pour plus de 100 ans, il se produit
une errance dont nous ne savons rien ou presque. Sans institution, sans
protection et sans scolarisation, il ne nous est resté que la mémoire pour
renflouer des souvenirs dont la douleur était impensable. Comme toutes les
collectivités déportées nous avons fait de la première Acadie, celle d’avant la
Déportation, une terre de rêves perdue à jamais. Cette idéologie est
perceptible dans les complaintes que nous avons composées sur le mode
mineur et qui ressemblent fort aux blues des Noirs américains ou aux cantors
des Juifs de la diaspora. L’inconsolable mélopée du paradis perdu. (Chiasson
2004, 147-148)
Déjà en 1969, des auteurs voulaient s’affranchir d’une Évangéline restée fidèle
jusqu’à sa mort, de cette Acadie traditionnelle portée à se replier sur elle-même
pour écouter ses complaintes. C’est le début de la contre-lecture du mythe par
une nouvelle génération d’artistes d’une « Acadie-à-faire » dont l’un des porteétendards sera le poète Léonard Forest :
Évangéline porte mal la mini-jupe. Son regard est tourné vers le passé. Elle
pleure longuement une patrie perdue. Debout et stoïque à Grand-Pré
(Nouvelle-Écosse), assise et inconsolable à Saint-Martinville (Louisiane),
Évangéline rumine un bonheur ancien qui s’est terminé en cauchemar. Mais le
temps ne reviendra pas sur lui-même. La fidélité chaste de cette fille douce
aux grands yeux sombres s’use dans un silence que nul n’écoute plus […]
Cette Acadie nouvelle conteste sa propre fidélité. Elle l’interroge, la secoue, la
redéfinit au futur. Dans ce débat souvent douloureux, parfois violent, on ne
veut plus entendre les soupirs de celle qui fut, pendant un siècle, à la fois
l’héroïne et la sainte, à la fois souvenir et symbole d’espoir, à la fois fierté et
honte. Évangéline est l’image même de la fidélité, mais la jeune Acadie veut
descendre de son socle la fidélité. (Forest 1969, 135-136)
Aux yeux de ces nouveaux auteurs, Évangéline représente l’aliénation de
l’Acadie. En effet, comme le montre éloquemment Robert Viau (1998) :
L’héroïne acadienne a été créée par un auteur étranger, américain. Le poème
évoque l’oppression des Acadiens par les Anglais, mais il a été écrit en anglais.
Évangéline est un symbole de piété catholique, selon un protestant, et c’est
l’image de la femme idéale, selon un homme. Certes, le poème raconte un
épisode de l’histoire acadienne, mais en même temps il nie l’Acadie. Evangeline
souligne doublement le vide, le néant de l’Acadie, car c’est une épopée
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étrangère, américaine, et son sujet est la destruction de l’Ancienne Acadie. De
plus, Évangéline aurait été imposée comme héroïne nationale et archétype par
l’élite traditionnelle qui trouvait en elle une incarnation des valeurs de piété,
de soumission et de résignation ; en somme, un personnage bien pensant qui
respecte l’Église et l’autorité civile. (147)
La route est cependant longue pour s’affranchir d’un tel symbole. Chaque
année, des milliers de gens se déplacent à Grand-Pré, devenu site historique
national, pour visiter l’église qui symbolise le lieu du début de la Déportation,
et voir la statue d’Évangéline. L’on semble même avoir oublié que ce n’est pas
à Grand-Pré que la Déportation a commencé, « mais à Beaubassin, dans
l’isthme de Chignectou, où les Britanniques ont emprisonné et déporté les
premiers groupes d’Acadiens ». (Arsenault 2008, 22) Évangéline devient même
une marque de commerce qui se monnaie au niveau touristique. En 1960, les
Acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard fondent à Abram-Village l’École
régionale Évangéline (Arsenault 1982, §11), nom que prendra également toute
cette région où habitent la grande majorité des Acadiens de l’Île. C’est dans ce
sens que Angèle Arsenault, native de cette région insulaire, prendra la parole
afin de faire réaliser à la population en général ce qu’est devenu le symbole
d’Évangéline.
La nouvelle Évangéline acadienne
D’entrée de jeu, elle confie dans sa chanson qu’elle veut raconter
l’histoire de quelqu’un que le gens connaissent, mais qu’elle veut aussi se
dissocier de Longfellow :
Je m’en vais vous parler de quelqu’un que vous connaissez
Oui mais trompez-vous pas, a vient pas des États,
Même si un certain fellow, qui s’appelait Longfellow,
l’a popularisée, y a deux cents ans passés. (Arsenault 1977, §12)
Dans le reste de cette chanson, qui ne contient aucun refrain, l’auteurecompositrice-interprète cherche à rectifier les faits et à corriger les erreurs de
Longfellow en fonction de l’histoire des Acadiens. Elle prend soin de camper
son personnage à la façon « acadienne » : « elle était ben ben fine », c’est-à-dire
très gentille et intelligente ; « ils étaient riches en maudit », en référence aux sols
riches cultivés par les Acadiens. Elle opte pour un point de vue féminin, faisant
2
Puisqu’il s’agit d’un disque, les citations faisant référence à cette chanson sont ma propre
transcription de la chanson, même s’il est possible d’en retrouver plusieurs « non officielles »
sur Internet.
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de Gabriel autant un objet d’amour qu’un objet égaré, un sujet passif soumis
aux actions des Anglais. Seule Évangéline effectue une recherche3 :
Elle s’appelait Évangéline, elle était ben ben fine.
Elle aimait Gabriel, sur la terre comme au ciel.
Ils vivaient en Acadie, ils étaient riches en maudit.
Mais un jour les Anglais n’étaient pas satisfaits,
Alors ils les ont déportés, Gabriel a disparu.
Évangéline déconfortée l’a cherché tant qu’elle a pu. (Ibid.)
C’est toutefois dans le deuxième paragraphe que la description d’Évangéline
change : elle devient un personnage d’action qui va en Acadie, au Québec, en
Ontario, en Floride, en Idaho et en Louisiane accompagnée (pour les besoins
de la rime ?), « de sa cousine Diane » (§2). Bien sûr que ce trajet est impossible
à imaginer pour Longfellow : l’héroïne du poème ne peut pas venir au Canada
car les Acadiens ont été dispersés dans les colonies américaines. Arsenault fait
plutôt ici référence au symbole qui s’est propagé de l’Acadie au reste du
Canada au gré des déplacements des Acadiens contemporains qui quittent à la
recherche de nouveaux emplois, mais qui s’est aussi déplacé aux États-Unis,
faisant ainsi référence aux sources même de Longfellow. Voilà également que
l’héroïne est accompagnée de sa cousine, et non plus d’un prêtre. Les plus
hautes dimensions morales du mythe se trouvent de la sorte annihilées car
Évangéline ne porte plus les valeurs de l’Église. Elle devient plutôt une
voyageuse et rejoint la cause de l’émancipation des femmes et, accompagnée de
sa cousine, elle prend la décision en Louisiane de mettre un terme à sa quête.
Comme dans le poème de Longfellow, Évangéline consacre son temps à
soigner les malades à l’hôpital, là où elle retrouvera finalement Gabriel sur son
lit de mort. Cependant, au lieu de lui dire merci et de s’éteindre avec lui
(Longfellow, 98), elle lui dit :
merci beaucoup.
Asteur que t’es enterré, j’vais pouvoir m’en retourner.
Je m’en vais pour investir dans les compagnies de l’avenir
Afin que le nom d’Évangéline soit connu en câline4. (Arsenault 1977, §3)
Et quelles sont ces compagnies de l’avenir dans lesquelles elle se propose
d’investir ?
3
Ce qui, cependant, n’est pas très loin de la version du poème de Longfellow dans lequel
Gabriel semble un « amoureux mou » dans sa quête, préférant se joindre aux Amérindiens pour
entreprendre son voyage à travers le continent et se transformer en chasseur. Ignorant
qu’Évangéline le cherche, il passera quelques fois tout près d’elle sans le savoir.
4
C’est-à-dire beaucoup connu.
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Evangeline Fried Clams
Evangeline Salon Bar
Evangeline Sexy Ladies Wear
Evangeline Comfortable Running Shoes
Evangeline Automobile Springs
Evangeline Regional High School
Evangeline Savings Mortgage and Loan
Evangeline the only French newspaper in New Brunswick
Evangeline
Evangeline Acadian Queen
Les entreprises qu’elle cible appartiennent surtout au secteur tertiaire de
l’économie de par la nature des biens et services qu’elles offrent : un restaurant
de fruits de mer, un bar, une boutique de lingerie féminine, une boutique de
chaussures de sport, une compagnie de distribution de pièces automobiles et
une société financière de prêts et hypothèques. À l’exception de la Evangeline
High School, qui est en fait l’école Évangéline, soit la première école régionale de
langue française à l’Île-du-Prince-Édouard fondée en 1960, et le journal
Évangéline, qui déménagea de la Nouvelle-Écosse pour devenir le seul journal
francophone quotidien du Nouveau-Brunswick de 1905 à 1982, tous les autres
noms d’entreprises sont en anglais. Voilà, pour Angèle Arsenault, une façon
éloquente d’aborder deux problèmes majeurs en Acadie : 1) le groupe
majoritaire côtoyé étant anglophone, le commerce ne peut se faire qu’en
anglais ; 2) le peuple acadien, n’en déplaise à son élite, est anglicisé tout comme
son héroïne qui, puisque d’invention américaine, ne pouvait parler français
dans la version originale du poème. Même deux des symboles acadiens de
langue française risquent de tomber face à l’anglicisation qui les guette. Ce sont
les affres de l’assimilation par son versant économique que dénonce Arsenault
sur les rythmes d’une musique festive. La survivance n’est pas religieuse
comme au XIXe siècle, ni même de tradition ou linguistique dans l’Acadie de
l’Île-du-Prince-Édouard contemporaine, elle est plutôt de nature économique.
L’Acadien doit assumer son être-parmi les anglophones en s’assurant d’abord
de son égalité économique. Ce n’est pas en œuvrant au sein du secteur primaire
de l’économie que les Acadiens le réussiront, mais plutôt en se hissant dans les
hautes sphères des secteurs de la transformation et du service à la clientèle. Et,
pour réussir financièrement, ils auront besoin de clients qui possèdent l’argent,
soit les anglophones. Par une réflexion sur la réalité quotidienne, Arsenault
questionne le comportement social de l’Acadien et propose de réécrire son
histoire pour que le présent soit plus soutenable. Comme elle le dira dans la
chanson « Grand-Pré » en 1994, il ne fait pas s’arrêter sur ce que l’Acadie aura
été, mais plutôt réfléchir à ce qu’elle pourrait devenir :
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si mon histoire est triste,
ce n’est pas votre faute
mais soyons des artistes,
écrivons-en une autre
qui sera bien plus belle,
beaucoup moins dramatique […]
à partir d’aujourd’hui bâtissons l’avenir
en gardant du passé nos plus beaux souvenirs. (Arsenault 1994, §1)
D’une population majoritaire qui partageait le territoire avec les
Amérindiens en 1758, les Acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard sont passés à
une communauté minoritaire qui doit constamment combattre pour sa survie.
Comme Évangéline, les symboles de ce peuple ont été décidés par une élite
qui, souvent, ignorait la réalité du peuple : un peuple de pêcheurs,
d’agriculteurs et de bûcherons qui durent attendre le milieu du XXe siècle avant
de pouvoir se scolariser. Les discours des chefs nationalistes qui, depuis
environ 1860, les enjoignent de « demeurer fidèles à leurs traditions et à leur
langue, tout en aspirant, cependant, vers un statut social plus élevé » (Arsenault
1985, 44), semblent avoir été en partie écoutés. Les Acadiens ont délaissé leur
état d’infériorité pour acquérir un statut d’égalité avec la population
anglophone au niveau socio-économique. Il semble donc avoir gagné au niveau
de l’être-parmi, c’est-à-dire que les Acadiens arrivent à vivre avec la
communauté anglophone tout en passant inaperçus aux yeux de leurs voisins
pour se bâtir un avenir. Malheureusement, ils passent également inaperçus aux
oreilles de ces derniers. Il est très rare encore de nos jours d’entendre parler
français à l’extérieur des maisons et des écoles de langue française. Il s’agit de
créer une distance par rapport à sa langue maternelle, une manœuvre
d’affirmation par la négative. Les Acadiens de l’Île se reconnaissent sans pour
autant se parler français. Mais il s’agit aussi d’une manœuvre de résistance face
à une certaine ghettoïsation. Par exemple, dans la capitale provinciale,
Charlottetown, il est impossible de voir des affiches en français à l’exception de
celles qui arborent le nom des rues selon le bilinguisme officiel. Seuls quelques
rares commerces peuvent à l’occasion nous servir en français, surtout en haute
saison touristique. Seuls les bureaux de la fonction publique fédérale et
provinciale offrent des services complets dans les deux langues, encore faut-il
se présenter aux heures de travail des quelques préposés qui parlent français.
Contrairement au centre-ville typique retrouvé dans de grandes villes d’Europe
et d’Amérique qui abrite bon nombre de communautés linguistiques, le centreville de Charlottetown ne possède pas d’écoles autres que des écoles de langue
anglaise. Pour aller à la seule école et au seul centre communautaire de langue
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française de la grande région de la Capitale, il faut se rendre à la périphérie. Le
désir d’être-parmi les Acadiens et la société en général se voit de la sorte
pousser en marge de la communauté qui détient le pouvoir. Oui, l’Acadien a
obtenu l’égalité socio-économique, mais il souffre encore d’un grand complexe
au niveau de l’utilisation de sa langue. Malgré le fait que l’Île-du-PrinceÉdouard soit une province qui aspire à devenir officiellement bilingue, le
français y a plutôt l’air d’un handicap. L’Acadien qui veut y connaître la
prospérité se doit d’abord, tout comme Évangéline, de maîtriser la langue
anglaise.
Muet aux oreilles des anglophones, l’Acadien doit asseoir son identité
collective et culturelle sur des assises qui lui sont étrangères. L’hétérogénéité
des éléments qui le définissent en font un être qui n’aspire qu’à vivre parmi la
majorité malgré le fait qu’il soit constamment repoussé vers la marge.
L’Acadien de l’Île-du-Prince-Édouard n’a pas encore de littérature, mais des
auteurs-compositeurs-interprètes de la trempe d’Angèle Arsenault sont les
poètes contemporains qui ouvrent l’imaginaire et contribuent à créer un désir
d’espace culturel et communautaire qui lui soit propre. Ils lui proposent une
relecture des faits historiques qui va plus loin que le folklore pour ainsi le faire
sortir des murs de son silence et mettre l’accent sur sa résistance. Dans ce sens,
la chanson populaire de l’Acadien ne peut que rejoindre la culture de son élite
dans la promotion d’un être-parmi dont le désir pudique serait de parler
français.
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