On aurait pu croire à une plaisanterie, mais il n`en est rien

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On aurait pu croire à une plaisanterie, mais il n`en est rien
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LE MONDE | 11.12.2012 à 15h41
Par Yan Gauchard ­ Nantes, correspondant
Au moins 5 000 personnes ont défilé, le 8 décembre à Nantes, contre le projet d'aéroport
à Notre­Dame­des­Landes. | AFP/DAMIEN MEYER
On aurait pu croire à une plaisanterie, mais il n'en est rien. Jeudi 29 novembre, les
édiles socialistes de Nantes ont gagné le théâtre du Vaudeville, à Bruxelles, pour
recevoir le prix consacrant leur ville "capitale verte de l'Europe 2013". Aucun élu
écologiste n'était du voyage , pour cause de crise aiguë autour du projet du nouvel
aéroport de Notre­Dame­des­Landes. "C'était compliqué d'apparaître main dans la
main avec les socialistes pour chercher ce prix, tant la tension était extrême sur le
terrain", admet Ronan Dantec , sénateur EE­LV de Loire­Atlantique, opposé à
l'aéroport.
Confortée par ce titre européen, la majorité socialiste imagine que l'Union
européenne adoube la future infrastructure ou en tout cas ne la juge pas
antinomique avec la notion de développement durable. "L'équation écologique
tranche en faveur d'un nouvel aéroport, égrène Gilles Retière (PS), qui préside la
communauté urbaine de Nantes Métropole depuis la nomination de Jean­Marc
Ayrault à Matignon. Certes, on va détruire des zones humides et des espaces
boisés pour réaliser ce transfert d'équipement mais en contrepartie, on va
réutiliser des parcelles situées sur le site de l'actuel aéroport et de nombreux
hectares aujourd'hui inutilisables, car trop exposés au bruit. In fine, le projet
permettra de lutter contre l'étalement urbain."
Les élus écologistes s'insurgent d'une telle "instrumentalisation" et soulignent que
dans son attendu explicitant son palmarès, l'Union européenne se garde de se
prononcer sur la pertinence d'une nouvelle plate­forme .
"BONNES PRATIQUES ENVIRONNEMENTALES"
Si la métropole a été distinguée parmi dix­sept candidats, c'est en récompense de
ses "bonnes pratiques environnementales", notamment en matière de transport,
de préservation des espaces naturels ou de consommation d'eau, énumère le
commissaire européen à l'environnement, Janez Potocnik. La sixième ville de
France succède ainsi à Stockholm, champion inaugural de la compétition en 2010,
qui s'est engagé à renoncer à toute énergie fossile d'ici à 2050, Hambourg et la
cité espagnole de Vitoria­Gasteiz.
"Tous les habitants de Nantes vivent dans un rayon de 300 mètres autour d'une
zone verte", salue le jury qui a plébiscité la candidature de la cité des Ducs de
Bretagne . Près de 15 % de la population utilisent les transports publics
quotidiennement. Les experts ont aussi mis en avant quatre sites classés Natura
2000 et "33 zones naturelles d'intérêt floral, faunistique ou écologique". Près de 60
% de la superficie terrestre du territoire sont "consacrés à l'agriculture ou à des
espaces verts".
La métropole se colore aussi volontiers de bleu, avec 250 km de cours d'eau.
Coup de génie, unanimement loué : la protection du site de la Petite­Amazonie,
vaste étendue de 19 hectares au pied du quartier Malakoff, qui comporte un grand
nombre de logements sociaux. "La question de la biodiversité ne doit pas être
cantonnée aux coins préférés des bobos", estime Patrick Rimbert , qui a succédé
à Jean­Marc Ayrault à la mairie de Nantes.
Bruxelles se félicite surtout de la mise en place "d'un plan d'action ambitieux en
matière de climat , qui vise à réduire de 30 % les émissions de CO2 par habitant
d'ici à 2020 par rapport au niveau de 2003". Nantes s'est révélée "pionnière en la
matière", note Philippe Marest , directeur général environnement de Nantes
Métropole.
DU BIO À LA CANTINE
La part des transports alternatifs s'accroît. Tous les nouveaux bâtiments publics
surgissant de terre se doivent d'être à la pointe des normes environnementales.
La ville a récemment lancé la construction d'un programme d'une trentaine de
logements sociaux à énergie positive ­ produisant plus d'énergie qu'il n'en
consomme ­ l'un des rares chantiers du genre en France. "Sur chaque opération
de rénovation, précise M. Rimbert, la ville revoit l'isolation des bâtiments et les
systèmes de chauffage." Près de 150 familles de tous horizons ont participé
pendant un an à des ateliers pour s'imprégner de gestes éco­citoyens.
La ville se targue aussi de conjuguer la notion de développement durable dans les
cantines des écoles, où près de 13 000 repas sont servis quotidiennement. "On a
multiplié par deux l'achat de produits bio depuis 2008, sans augmentation de tarifs
pour les familles les moins aisées", fait valoir Johanna Rolland , première adjointe
au maire de Nantes.
Nonobstant le contentieux aéroportuaire, "ce titre de capitale verte est justifié sur
le fond, observe M. Dantec, qui était à la tête de la délégation portant la
candidature nantaise en 2011. La municipalité, sous l'impulsion de Jean­Marc
Ayrault, n'a pas raisonné sur des actions tape­à­l'oeil, pour faire écolo, mais s'est
imposée des objectifs qualitatifs et quantitatifs." "Ce prix, c'est la reconnaissance
de l'action conjointe de cette majorité et c'est une invitation à continuer", assure,
consensuelle, Mme Rolland.
De nombreux colloques internationaux traitant de la thématique environnementale
seront organisés à Nantes en 2013, notamment le sommet mondial des maires sur
le climat en septembre.
Reste, en suspens, la "question fâcheuse" de l'aéroport, susceptible d'enrayer à
tout moment la "coproduction" entre écologistes et socialistes. M. Dantec veut
croire à un "possible apaisement" et espère un moratoire. Gilles Retière se montre
plus prudent : "On risque d'avoir du mal à déplacer des invités de marque. Un
ministre ne peut plus arriver à Nantes sans provoquer une manifestation, ce n'est
pas simple à gérer."
Yan Gauchard ­ Nantes, correspondant
Bataille contre l'aéroport Notre­Dame­des­Landes
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