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L’Encéphale (2011) 37, 153—158
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MISE AU POINT
Crises psychogènes non épileptiques.
Revue de la littérature
Psychogenic non epileptic seizures: A review
Y. Auxéméry ∗, C. Hubsch , G. Fidelle
Service de psychiatrie et de psychologie clinique, hôpital d’instruction des armées Legouest,
27, avenue de Plantières, BP 90001, 57070 Metz cedex 3, France
Reçu le 5 novembre 2009 ; accepté le 3 mars 2010
Disponible sur Internet le 1 juillet 2010
MOTS CLÉS
Épilepsie ;
Crise psychogène non
épileptique ;
Dissociation ;
Pseudocrise ;
Diagnostic
différentiel ;
Vidéo-EEG
monitorage
∗
Résumé Les crises psychogènes non épileptiques (CPNE) sont des manifestations cliniques
paroxystiques évoquant à tort des crises comitiales. Vingt à 30 % des « crises » pharmacorésistantes sont en réalité des CPNE, lesquelles concernent 10 à 50 % des adultes consultant dans
un centre spécialisé d’épileptologie. En pratique clinique courante, le diagnostic de CPNE est
le plus souvent évoqué devant des manifestations paroxystiques pharmacorésistantes. C’est
encore un diagnostic d’élimination de pathologies somatiques, épileptiques ou non, puis un
diagnostic d’élimination d’autres troubles psychiatriques. La co-occurrence des CPNE avec
d’authentiques épisodes épileptiques est fréquente. Le diagnostic clinique est insuffisant pour
discriminer les deux types de crises. L’enregistrement vidéoélectroencéphalographique est
l’examen paraclinique de choix pour établir le diagnostic positif et différentiel. Les patients
souffrant de CPNE présentent fréquemment un trouble psychiatrique comorbide à type de
trouble dissociatif ou somatoforme, mais également un trouble thymique ou anxieux dont l’état
de stress post-traumatique. Deux mécanismes étiopathogéniques sont évoqués dans la littérature : le rôle du traumatisme psychique comme inducteur de trouble dissociatif d’une part,
et une prédisposition neurobiologique, d’autre part. Une fois le diagnostic établi après sept
ans d’errance diagnostique en moyenne, le pronostic reste réservé. Un traitement psychotrope
est indiqué dans plus de la moitié des cas afin de prendre en charge les comorbidités psychiatriques associées. Même si une psychothérapie devra être proposée, le neurologue garde
un rôle central une fois le diagnostic de CPNE annoncé au patient. Les CPNE représentent un
coût important pour le système de soins. D’autres études devraient éclaircir les déterminants
physiopathologiques des CPNE pour élaborer des recommandations thérapeutiques.
© L’Encéphale, Paris, 2010.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (Y. Auxéméry).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2010.
doi:10.1016/j.encep.2010.04.009
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KEYWORDS
Epilepsy;
Psychogenic non
epileptic seizures;
Dissociation;
Pseudoseizures;
Differential
diagnosis;
Video-EEG monitoring
Y. Auxéméry et al.
Summary
Objective. — This paper summarizes the recent literature on the phenomena of psychogenic non
epileptic seizures (PNES).
Definition and epidemiology. — PNES are, as altered movement, sensation or experience, similar
to epilepsy, but caused by a psychological process. Although in the ICD-10, PNES belong to the
group of dissociative disorders, they are classified as somatoform disorders in the DSM-IV. That
represents a challenging diagnosis: the mean latency between manifestations and diagnosis
remains as long as 7 years. It has been estimated that between 10 and 30% of patients referred
to epilepsy centers have paroxysmal events that despite looking like epileptic episodes are in
fact non-epileptic. Many pseudo epileptic seizures have received the wrong diagnosis of epilepsy
being treated with anticonvulsants. The prevalence of epilepsy in PNES patients is higher than
in the general population and epilepsy may be a risk factor for PNES. It has been considered that
65 to 80% of PNES patients are young females but a new old men subgroup has been recently
described.
Positive diagnosis and psychiatric comorbidities. — Even if clinical characteristics of seizures
were defined as important in the diagnosis algorithm, this point of view could be inadequate
because of its lack of sensitivity. Because neuron-specific enolase, prolactin and creatine kinase
are not reliable and able to validate the diagnosis, video electroencephalography monitoring
(with or without provocative techniques) is currently the gold standard for the differential diagnosis of ES, and PNES patients with pseudoseizures have high rates of psychiatric disorders such
as depression, anxiety, somatoform symptoms, dissociative disorders and post-traumatic stress
disorder. We found evidence for correlations between childhood trauma, history of childhood
abuse, PTSD, and PNES diagnoses. PNES could also be hypothesized of a dissociative phenomena
generated by childhood trauma.
Pathophysiology. — Some authors report that PNES can be associated with a physical brain disorder playing a role in their development: head injury may contribute to the pathogenesis of PNES.
New-onset psychogenic seizures after resective epilepsy surgery or other intracranial neurosurgery have been described. Recent studies found psychogenic seizure disorders associated
with brain pathology in the right hemisphere, non specific interictal electroencephalography
abnormalities, magnetic resonance imaging changes and neuropsychological deficits. However,
complex partial seizures of frontal origin might present similar characteristics with PNES and
could be confused with the latter.
Prognosis and treatment. — There is actually no clear agreement as the best treatment plan for
PNES patients. The PNES diagnosis has to be clearly communicated to the patient. Nevertheless,
even after a correct diagnosis is made a high proportion of PNES patients continue to have
seizures, serious disability and bad self-reported quality of life. Furthermore, seizure remission
cannot be considered a comprehensive measure of medical or psychosocial outcome. Nearly
half of the patients who become seizure free remain unproductive and many of these patients
continue to have symptoms of psychopathology including other somatoform, depressive, and
anxiety disorders. Even if psychiatric comorbidities have to be treated by a psychiatrist? who
could also suggest a psychotherapy, in all cases the importance of a neurologist continuing to
follow post-diagnosis PNES patients is essential.
Conclusions. — PNES is a diagnostic and therapeutic challenge that is costly to patients and to
society at large. Further studies are needed to understand this dissociative psychiatric disorder
and to propose therapeutic guidelines.
© L’Encéphale, Paris, 2010.
Introduction historique
Au xixe siècle, pour quelques aliénistes comme Esquirol ou
Pinel, l’épilepsie appartenait à la nosologie des maladies mentales. Jean-Martin Charcot dans les Leçons du
Mardi évoque l’hystéroépilepsie, mais qui peut s’associer à
d’authentiques crises épileptiques. Dans l’hystéroépilepsie
à crises distinctes, les accès hystériques et épileptiques
s’observent séparément. Dans l’hystéroépilepsie à crises
combinées, ils sont réunis au sein du même accès. Plus de
150 ans après, la question des crises psychogènes non épi-
leptiques (CPNE) est toujours d’actualité. Ce phénomène
est un trouble fréquent et tardivement diagnostiqué avec
une errance diagnostique moyenne supérieure à sept ans
[33]. Beaucoup de ces patients consomment un traitement
antiépileptique potentiellement iatrogène et qui fait écran
à une prise en charge psychothérapique. Il s’agit là d’un
problème de santé publique impliquant un surcoût non négligeable pour le système de soins.
Après quelques définitions, nous reviendrons sur
l’épidémiologie du phénomène avant d’aborder les critères diagnostiques cliniques et paracliniques. L’étude
Crises psychogènes non épileptiques. Revue de la littérature
des comorbidités psychiatriques permettra ensuite de
proposer des hypothèses étiopathogéniques. Si certains
auteurs évoquent une étiologie psychotraumatique comme
source de trouble dissociatif, d’autres retiennent une
prédisposition neurobiologique favorisant la survenue de
CPNE.
Définitions
Nous différencierons la crise non épileptique de la CPNE. La
crise non épileptique désigne toute manifestation paroxystique qui peut être confondue à tort avec une crise
épileptique (CE) sans préjuger de son étiologie (organique ou psychogène). Les CPNE sont définies comme
des « manifestations paroxystiques répétitives évoquant de
prime abord des crises épileptiques, mais en rapport avec
des processus psychogènes inconscients et pas avec une
décharge neuronale excessive » [21]. Le terme de « pseudocrise » est à éviter. Outre l’imprécision du préfixe, ce dernier
peut sous-entendre la simulation, ce qui nuira à la relation
thérapeutique ultérieure. Il est à noter que le DSM-IV-TR thésaurise la CPNE au niveau des troubles somatoformes dans la
catégorie troubles de conversion. A contrario, la CIM-10 les
référence au sein des troubles dissociatifs.
Epidémiologie
Les CPNE concernent 10 à 50 % des patients adultes consultant en centre spécialisé d’épileptologie [5] et sont la
cause de 20 à 30 % des « crises » résistantes à une thérapeutique anticonvulsivante [14]. Les CPNE sont comorbides
d’authentiques CE dans 20 à 40 % des cas. La prépondérance féminine est évoquée par plusieurs auteurs en faveur
d’un sex-ratio de 1/7 [6]. Dans une étude réalisée auprès
de 1000 patients hospitalisés pour un syndrome épileptique,
Jedreczak et Owczarek retrouvent des CPNE dans 8 % des
cas, dont une moitié de CPNE isolées et une autre moitié de
CPNE associées à des CE. Dans les deux groupes de CPNE,
les patients sont des patientes respectivement dans deuxtiers et trois-quarts des cas. L’âge moyen est de 22 ans [20].
D’autres auteurs ont retrouvé les CPNE en population masculine, chez des vétérans du Vietnam notamment [12]. Les
études les plus récentes ont distingué deux pics d’incidence
au cours de la vie caractérisés par un sex-ratio inverse. Le
premier pic correspond à un groupe de femmes dont les
CPNE débutent entre l’adolescence et l’âge adulte [31] ; le
second regroupe des hommes de plus de 55 ans [10].
Diagnostic positif et différentiel
Le diagnostic de CPNE est un diagnostic d’élimination de
pathologies somatiques, puis un diagnostic d’élimination
d’autres troubles psychiatriques.
Les diagnostics différentiels somatiques des CPNE sont
nombreux. Hormis l’épilepsie, nous citerons simplement
les lipothymies, syncopes et mouvements anormaux qui
selon la présentation clinique initiale feront réaliser des
investigations cardiologiques ou neurologiques. Au niveau
des troubles du sommeil, les CPNE sont à différencier des
parasomnies dont le somnambulisme, la narcolepsie et les
155
apnées du sommeil. Le diagnostic différentiel psychiatrique
essentiel est le trouble panique dont les crises d’angoisse
sont souvent initialement confondues dans de multiples
plaintes somatiques — et notamment l’épilepsie — lorsque
prédomine l’agitation et/ou les sentiments de déréalisation/dépersonnalisation. On se devra également d’évoquer
le trouble explosif intermittent chez une personnalité labile
ou encore les reviviscences du syndrome de répétition
traumatique. Un trouble factice épileptoïde comme un
syndrome de Münchhausen est un diagnostic différentiel
théorique mais rarement retrouvé en pratique [32].
En clinique courante, le diagnostic de CPNE est le plus
souvent évoqué devant une présentation syndromique épileptique à crises motrices pharmacorésistantes. Mais le
médecin observe rarement lui-même la crise dont la description est rapportée par l’entourage. Cela peut susciter
un intérêt inconscient de la part du patient et favoriser la
répétition des crises. Les éléments séméiologiques tels que
la suggestibilité aux témoins, l’ouverture des yeux, la présence de blessure de chute, la perte d’urine et la morsure
de la langue, peuvent être présents dans les CPNE comme
dans les CE [14,33]. Dans les CPNE, les mouvements anormaux sont souvent plus amples et moins bien systématisés
que dans les CE. Souvent bien rythmés, les mouvements
anormaux des CPNE alternent rarement un enchaînement
linéaire de symptômes suivant une somatotopie neurologique précise. On note enfin le plus souvent l’absence de
confusion post-critique dans les CPNE.
La sémiologie des CPNE est plus facile à différencier chez
des patients non épileptiques que chez des sujets primoépileptiques qui ont secondairement développé des CPNE.
La mise en évidence de facteurs déclenchants ne permet
pas de trancher en faveur d’un diagnostic ou d’un autre. Si
les évènements de vie précipitants des CPNE peuvent être
appréhendés comme rappelant un traumatisme psychique
plus ancien [8], les CE peuvent également être déclenchées
par des facteurs psychogènes.
Ainsi, chaque élément séméiologique suscité pris isolément est peu sensible et peu spécifique [33].
Nous avons jusqu’ici envisagé des CPNE excitomotrices
donnant le change à la crise convulsive généralisée tonicoclonique. Mais certains auteurs retrouvent d’autres formes
cliniques de CPNE évoquant des absences épileptiques avec
une aréactivité brutale et une non réponse aux stimuli
externes [39]. Reuber et Elger définissent trois grands cadres
cliniques des CPNE avec en premier lieu un tremblement
excessif des membres, du tronc et de la tête ; en second
lieu une crise rigide catatonique ; et enfin des absences avec
rupture de contact [33].
Le diagnostic clinique de CPNE est difficile. Dans une
étude sur près de 100 sujets âgés de plus de 60 ans, la
plupart des patients présentant des CPNE (sans épilepsie
associée) consomment un traitement anticonvulsivant [28].
La question diagnostique est tout aussi cardinale en service
d’urgence. Sur 64 patients diagnostiqués comme souffrant
de CPNE, 13 avaient séjourné en service de réanimation
pour un « état de mal épileptique » en réalité reconnu secondairement comme psychogène [29]. Dans une autre étude
réalisée en réanimation neurologique sur 18 patients pris en
charge initialement pour état de mal épileptique réfractaire
tonicoclonique, huit sujets présentaient en réalité un « état
de mal épileptique psychogène ». Les récidives du trouble
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non épileptique et sa non reconnaissance sont fréquentes au
point que certains patients ont un capital veineux très altéré
du fait des prises en charge somatiques multiples [19].
La difficulté d’établir un diagnostic clinique sensible et
spécifique nécessite de réaliser des examens complémentaires.
Explorations paracliniques
L’enregistrement vidéo et électroencéphalographique monitoré reste l’examen de choix pour différencier CPNE et CE
[4]. Toutefois, si des critères EEG sont nécessaires pour
porter le diagnostic d’épilepsie, l’absence de ces derniers
n’est pas suffisante pour affirmer ou infirmer la présence
de CPNE. Il peut effectivement exister chez un sujet sain
des activités paroxystiques aspécifiques en dehors de toute
CE ou CPNE clinique. Par ailleurs, l’EEG intercritique ne
permet pas de discriminer CPNE et CE car des anomalies
— voire des décharges épileptiformes — peuvent être présentes.
Si la fréquence des crises est faible, un enregistrement
EEG-vidéo ne permettra pas forcément d’explorer le trouble
pendant une hospitalisation de 24 heures. Or les techniques
de sensibilisation de l’épilepsie par hyperpnée ou stimulation lumineuse intermittente (SLI) peuvent suggérer une
CPNE, même chez un épileptique. Certains auteurs ont proposé des techniques de provocation des crises par l’injection
d’un placebo [3]. Sans aller jusqu’à un tel subterfuge invasif, la SLI et l’hyperpnée diminuent la durée moyenne
d’hospitalisation en favorisant un épisode critique qu’il soit
épileptique ou psychogène. Cette pratique est éthique car
elle sera de toute façon réalisée pour tous les patients à la
recherche de CE. Pour d’autres auteurs, l’utilisation d’une
induction n’est pas indispensable car l’EEG-Vidéo établit le
diagnostic différentiel dans un délai moyen de quatre jours
[28].
Certains paramètres biologiques pourraient entrer dans
la discussion diagnostique comme les dosages sériques de
Neuron specific enolase (NSE), des créatines phosphokinases (CPK) et des lactates veineux. Willert et al. ont
montré l’intérêt actuel très limité de ces marqueurs pour
différencier les CPNE des CE [42]. D’autres études sont
nécessaires pour caractériser un marqueur biologique discriminant.
Comorbidités psychiatriques
Les patients souffrant de CPNE présentent le plus souvent
un trouble psychiatrique comorbide à type de trouble
dissociatif ou somatoforme, mais également un trouble
thymique ou anxieux [7,23]. Dans leur travail princeps
étudiant 45 patients atteints de CPNE, Bowman et Markand
retrouvent un trouble somatoforme et un trouble dissociatif
dans respectivement 90 % des cas [7]. Un trouble thymique
est diagnostiqué dans plus de 50 % des cas [7,13]. À la
différence des sujets présentant des CE isolées, ceux souffrant de CPNE ont davantage de douleurs chroniques, de
dépression, d’anxiété et d’état de stress post-traumatique
[7,12]. Comparativement aux patients ayant conjointement des CPNE et des CE, on note davantage de troubles
somatoformes chez les patients souffrant de CPNE isolées
Y. Auxéméry et al.
[15,24]. Les patients pour lesquels le diagnostic de CPNE est
retenu, présentent des traits de personnalité appartenant
aux clusters A et B [18,37] à la différence des patients
épileptiques (sans CPNE associées) chez qui les traits du
cluster C sont plus prégnants [18]. Enfin, notons que les
troubles cognitifs sont moindres et le niveau intellectuel
meilleur chez les sujets souffrant de CPNE seules que chez
ceux dont les CPNE sont associées aux CE [37].
Hypothèses étiopathogéniques
Deux mécanismes étiopathogéniques sont évoqués dans
la littérature : le rôle du traumatisme psychique comme
inducteur de trouble dissociatif, et/ou une prédisposition
neurobiologique.
Une co-occurrence des CPNE avec l’état de stress
post-traumatique, d’une part, [7,12,38] et les troubles dissociatifs, d’autre part [7,16], est retrouvée de manière quasi
unanime dans la littérature. En comparant des patientes
épileptiques à d’autres souffrant de CPNE isolées, Akyuz
et al. notent chez ces dernières qu’un traumatisme psychique dans l’enfance et des expériences dissociatives à
l’âge adulte sont significativement plus fréquents [1]. Les
CPNE entendues en tant que trouble dissociatif peuvent
être appréhendées comme conséquence d’un traumatisme
psychique [25]. Ce traumatisme incriminé résulte souvent
de maltraitances infantiles et en particulier de violences
sexuelles [1,7,38]. L’annonce traumatisante d’une pathologie somatique grave pour soi-même ou ses proches peut
également déclencher l’apparition de CPNE [10].
Plusieurs études suggèrent que des éléments neurobiologiques pourraient influer la survenue de CPNE. Westbrook
et al. retrouvent qu’un antécédent de traumatisme crânien
— même mineur — est un facteur de risque du développement ultérieur de CPNE (à différencier ici de l’épilepsie
post-traumatique) [41]. Sans plaider indubitablement pour
une organicité, la survenue de CPNE peut être secondaire à
des opérations neurochirurgicales en lien avec un traitement
interventionnel de l’épilepsie ou sans lien avec l’épilepsie
réfractaire [35]. Sans être épileptiques et sans préjuger de
leur cause, des anomalies intercritiques non spécifiques sont
présentes à l’EEG chez des sujets souffrant de CPNE isolées
[34]. Une prédisposition neurobiologique traduite par des
anomalies fonctionnelles à l’EEG, mais aussi des anomalies
structurelles à la neuro-imagerie, peut jouer un rôle dans
la survenue des CPNE [34]. Devinsky et al. ont incrimé le
cortex frontal de l’hémisphère non dominant dans la survenue des CPNE [9]. Sans retrouver cette localisation, Reuber
et al. ont fait état d’anomalies structurelles à la neuroimagerie [34]. Si une CPNE (ou CE) peut se manifester lors
de périodes de pseudo-sleep quand le sujet paraît endormi
mais où l’EEG traduit un rythme de veille [11], des CPNE
sont retrouvées pendant les phases II et III du sommeil [30].
Ces différents éléments doivent être entendus avec prudence car des crises épileptiques frontales nocturnes ne
sont pas toujours visibles à l’EEG et constituent de fait un
diagnostic différentiel particulièrement difficile des CPNE.
Si des anomalies neurologiques fonctionnelles et structurelles sont supposées par plusieurs équipes, la recherche de
déterminants neurobiologiques connexes aux CPNE doit être
confortée par d’autres études.
Crises psychogènes non épileptiques. Revue de la littérature
Traitement et pronostic
Devant la comorbidité CPNE/CE et le délai diagnostique, la
majorité des auteurs s’accorde sur l’intérêt de mise en place
de centres de consultation multidisciplinaires engageant
conjointement neurologues et psychiatres [17]. D’après
Baker et al., il n’y a pas d’études de niveau de preuve
scientifique suffisant pour conclure à des recommandations
thérapeutiques unanimes [2]. L’objectif thérapeutique ne
consiste pas simplement en la disparition du symptôme car
la rémission des crises n’est pas ici un critère de guérison
médicale ou de meilleure adaptation sociale [36]. Comme
la présence de comorbidités psychiatriques entraîne un pronostic moins bon six mois après l’annonce diagnostique de
CPNE [22], plusieurs auteurs insistent sur l’intérêt de traiter
les comorbidités psychiatriques associées [36]. Un traitement psychotrope est indiqué dans plus de la moitié des
cas [26]. Si les CPNE sont isolées, sans épilepsie associée,
le traitement anticonvulsivant sera arrêté. Une psychothérapie devra être proposée. Dans tous les cas, le neurologue
garde un rôle central même une fois le diagnostic de CPNE
annoncé au patient.
Malgré toutes ces orientations thérapeutiques, le pronostic à moyen terme est réservé. Dans une étude de cohorte,
Reuber et al. constatent que quatre ans après le diagnostic,
plus de 70 % des patients ont toujours des CPNE et plus de
50 % sont dépendants de l’aide sociale avec des bénéfices
secondaires importants [36].
Conclusions
Les CPNE sont souvent confondues avec l’épilepsie pharmacorésistante. Les patients souffrant de CPNE présentent
un score de qualité de vie inférieur aux patients épileptiques [40]. Le délai diagnostique est en moyenne supérieur
à sept ans, latence pendant laquelle un anticonvulsivant
a fait écran à une prise en charge psychothérapique.
Le coût de l’errance diagnostique des PNES serait de
100 000 $ par patient [27]. Le diagnostic clinique est difficile : l’enregistrement vidéo-électroencéphalographique est
l’examen paraclinique de choix. Aux confins de troubles dissociatifs et neurobiologiques potentiellement intriqués, la
prise en charge sera conjointement réalisée par le neurologue et le psychiatre, idéalement en centre de consultation
multidisciplinaire.
D’autres études sont nécessaires pour appréhender le
phénomène des CPNE dans ses déterminants étiopathogéniques et proposer des recommandations thérapeutiques
consensuelles.
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