ninjutsu l`enseignement interne

Transcription

ninjutsu l`enseignement interne
Art n°1 (numéro 98)
NINJUTSU
L’ENSEIGNEMENT INTERNE
par Kacem Zoughari
« Il y a autant de chemins que de pèlerins… »
L’art de devenir invisible ou devenir le « Caché » doit être pris dans le sens le plus
profond. C’est une pratique qui engage l’âme car il s’agit de parvenir à s’oublier et
effacer son ego… »
Arts Martiaux : vous avez fait des études d’électronique qui auraient dû vous
assurer une situation sociale et cependant, il y a trois ans vous avez décidé d’étudier
le japonais à l’INALCO de Paris. Vous parlez et écrivez cette langue couramment.
Kacem Zoughari : J’ai fait ce choix car la connaissance du japonais, aussi bien que
l’histoire et la pensée japonaise, me permettait de lever la barrière de la langue et
aussi pouvoir m’exprimer et dire ce que j’avais sur leur cœur aux différents maîtres
que j’ai rencontré et tout particulièrement Hatsumi sensei. Dans la transmission d’une
tradition comme le ninjutsu, la transmission orale (kuden), comme dans tout art, est
très importante et que malheureusement le défaut de communication, la
méconnaissance et l’ignorance de l’histoire et la pensée japonaise occulte. Et cela
même si on a vécut longtemps au Japon. Par ailleurs, avoir accès aux textes
originaux, différents manuscrits, densho, makimono et autres types de documents de
références, sans passer par des traductions successives du japonais à l’anglais, puis
en français, est un privilège appréciable. Dans beaucoup de traduction, on perd
beaucoup du sens et de la saveur du texte du départ. Je dirais enfin que j’ai la
chance, quand je séjourne au Japon de vivre très près de Hatsumi sensei. Ce dernier
sait ce que je désire, aucun grade, aucune promotion personnelle ou divers titre,
encore moins de flatteries, seulement apprendre et étudier pour appliquer, faire des
recherches pour comprendre l’art du ninjutsu.
Ainsi, il est dés lors indispensable de connaître la langue japonaise tout en
s’adonnant profondément à la pratique du ninjutsu afin de ne pas avoir recours à un
interprète dont les traductions peuvent être douteuse ou sujettes à diverses facteurs
propres à ce dernier.
A.M. : C’est une démarche assez rare de nos jours.
K.Z. : Vraiment je ne pense pas du tout. Beaucoup ont vécus au Japon de longues
années, appris la langue, certains se sont mariés avec une japonaise,...d’autres sont
installés et y vivent encore aujourd’hui pratique auprès de leur maître et cela quelque
soit la discipline. Donc tous, d’une certaine manière, on le m^me point de départ : à
savoir aller à la source pour apprendre et s’en imprégner.là bas, il rencontre diverses
difficultés liées à la vie japonaise, la culture les relations humaines. Certains arrêtent
la pratique, d’autres continue mais de manière sporadique, ou encore sont vite
aspirés par les tumultes de la vie sociale japonaise. La motivation première, la foie
du premier instant change. Beaucoup parlent le japonais, savent se débrouiller, mais
lire plus du nombre kanji officiel, savoir déchiffrer un vieux manuscrit ou encore
connaître les coutumes et la culture du Japon comme un universitaire, il n’y en pas
peu. La grande différence réside dans la continuité de l’approfondissement de la
pratique du ninjutsu, l’étude de la langue et de tout les aspect propres, non
seulement, à l’histoire du ninjutsu et des arts martiaux en général, mais aussi, de
l’histoire, la sociologie, la culture et la pensée du Japon. Donc on peut dire que cette
démarche n’est pas rare, cependant rare sont ceux qui persévèrent et continuent
dans la double pratique, de l’art et de la culture de soi.
A.M. : Pourquoi avez-vous choisit Hatsumi sensei et pas un autre maître ?
K.Z. : cette une très bonne question. Tout d’abord si un élève choisit cela ne veut
pas dire qu’il y a une réciprocité du côté du maître. En ce qui me concerne, je
fréquente les cours de Hatsumi sensei, mais je ne me présente pas comme son
élève ou un de ses élèves. Avec les études et le recherches que j’ai effectués sur les
différents arts martiaux et e le ninjutsu en particulier, je peux avancer que pour être le
disciple d’un maître comme hatsumi sensei il faut que ce dernier nous ai choisit
comme son future successeur. Donc, non je ne suis pas l’élève d’Hatsumi sensei et
essaye de garde l’honnêteté de ne pas usurper ce qui n’est pas. Par contre mon
choix de pratiquer ou de suivre ses cours sont motivés simplement par le fait qu’il est,
à la lumière de tout les instructeurs, maîtres, sôke, que j’ai rencontré et des
recherches minutieuse que j’ai réalisé jusqu’à aujourd’hui, le seul est unique héritier
de la tradition du ninjutsu transmise par Takamatsu Toshitsugu sensei. En conclusion,
je ne suis qu’un étranger qui fréquente ses cours.
A.M : Votre Attitude tranche avec l’idée que l’on peut se faire avec l’idée que l’on
peut se faire, à tort ou à raison, du ninjutsu. La très forte vulgarisation de cet art a fait
une mode dans les années quatre-vingt, qui s’adressait plutôt à des enfants.
K.Z. : Il y a beaucoup de malentendus et de désinformation sur le ninjutsu aussi bien
en Occident qu’au Japon. Pour être franc, les japonais eux-mêmes, ne connaissent
rien du ninjutsu, m^me les maîtres d’arts martiaux les plus connus. Pour la plupart, ils
entretiennent un ensemble de clichés stéréotypés qui provient essentiellement de
sources théâtrales et littéraires. Le Japon a connu deux vagues successives de
vulgarisation du ninjutsu, ou le « ninja boum », dans les années 50, 60 et 70.
Hatsumi sensei a d’ailleurs participé de très prés car il était souvent invité à la
télévision japonaise, la presse, les colloques, où il présentait l’authentique tradition
du ninjutsu faisant autorité. L’occident a connu ce phénomène via les USA et toute la
recrudescence de film et ouvrage ninja qui s’en suivirent. Cependant, la faute ne
revient as uniquement à la presse et au médias. Beaucoup de pratiquant avides de
reconnaissance, de nouveauté et de pouvoir ont contribué à la confusion et la
désinformation du ninjutsu. Celle-ci continue encore aujourd’hui. Mais comme l’a dit
un Saint : « Il y a autant de chemins que de pèlerins ». Donc chacun est libre de
chercher et de trouver ce qu’il croit être le chemin ou la voie……..Cependant, le
danger est aussi grand que l’auto satisfaction illusoire.
A.M. : Malgré une très grande médiatisation des années quatre-vingt, on a
l’impression que l’on connaît somme toute peu de chose sur Hatsumi sensei, quand
au parcours qui l’a amené au ninjutsu.
K.Z. : Il est vrai que lui-même s’est peu livré à la presse et même dans ses livres. Le
peu d’information qui a filtré, a été repris d’un article à l’autre, d’un livre sur l’autre.
Hatsumi sensei distille les informations çà et là, dans la presse. Je possède, comme
beaucoup, les copies de plusieurs des articles japonais qui parlent de lui. En plus de
cela, j’ai le privilège de le « connaître » (enfin ce qu’il veut bien faire connaître et
comment le faire connaître) et le côtoyer suffisamment ainsi que des personnes très
proches de lui, ce qui permet d’avoir des compléments d’informations non
négligeable pour comprendre l’homme insaisissable qu’il est.
A.M : Pouvez-vous retracer pour nos lecteurs son parcours.
K.Z : Hatsumi Masaaki est un amoureux des arts martiaux, de tout types d’art
martiaux, et de tout ce qui peut être en relation avec les arts martiaux. Il n’est pas un
homme de budô, ou un budôka ou encore un maître d’art martiaux, non. C’est un
ninja dans le sens le plus profond qui soit, il ne pratique pas, n’enseigne pas, il est à
la fois pratique, transmission, l’art et l’ombre et la lumière du ninjutsu. Son amour
avec les arts martiaux commence très tôt, née en 1932, il commence par la pratique
jûdô alors qu’il est à l’école primaire. Dans son enfance il jouait comme de nombreux
enfant avec un bokuto, mais il semble que pour lui ce jeu ne fut plus qu’un simple jeu
où on imite le bushi. Parallèlement à la pratique du jûdô il commence le karaté, le
juken jutsu (art du maniement de la baïonnette. Comme il le dit lui-même : « Cette
époque d’avant guerre (avant la seconde guerre mondiale) était propice et se
prêtait bien à l’étude et la pratique des arts martiaux ».
A.M : c’était l’époque où la pratique des arts martiaux était encouragée par le
gouvernement militariste japonais, car il y voyait un moyen de forger l’esprit
nationaliste du peuple.
K.Z : c’est vrai, mais historiquement cela n’est pas nouveau au japon. Déjà dès le
début de la période meiji et avec l’instauration d’organisations de grande envergure
comme la Daini pon butokukai, l’enseignement des arts martiaux était généralisé et
on le trouvait dans toutes les écoles. De ce fait ; l’éducation par les arts martiaux était
déjà bien présente. Le climat ou l’insécurité due au contrôle des voies maritimes
primordiales pour assuré au japon son ravitaillement poussées une partie de la gente
au pouvoir a poussé vers une forme de nationalisme dont les arts martiaux furent un
véhicule. Ainsi Hatsumi sensei pratiqua intésenement avant et pendant la seconde
guerre mondiale ce qu’on nomme les shin budô (kendô, jûdô, aikidô, karate-do,
juden jutsu, aidô, ect). A la fin de la guerre, il apprit la boxe anglaise, les arts
martiaux chinois tout en tant assidu au kôdôkan jûdô. Malgré cette activité martiale,
qui lui prenait beaucoup de temps, car il se rendait dans de nombreux dôjô, il étudia
la littérature et le théatre ainsi que la médecine à l’université de Tôkyô. Cette intense
activité sera couronnée sur le plan des arts martiaux par un 5e dan en jûdô, un 8e
dan en karate. Diplômé en médecine, il ouvrit une clinique spécialisée dans
l’ostéopathie et la moxabustion dans sa ville natale, Noda dans la préfecture de
Chiba.
Comment est il venu au ninjutsu ? Je pense qu’il serait préférable de dire que le
ninjutsu l’appelait et non le contraire. Tout ce que hatsumi sensei entreprenait dans
l’étude et la pratique des arts martiaux formait, sans qu’il le sache, un terreau qui le
faisait converger ver le ninjutsu et bien sur son unique maître, Takamatsu Toshitsugu.
Cependant avant l’appel de l’Art et la rencontre avec le maître, il connut certaines
expériences qui le firent douter de l’efficacité des budô moderne qu’il avait pratiqué
au plus niveau. Voila comment il raconte son expérience :
« Dans les années cinquante, j’enseignais en qualité d’instructeur le jûdô aux
G.I américains. Je prenais beaucoup de plaisir à projeter ces gaillard taillés
dans le roc jusqu’au jour où l’un d’entre eux réalisa sur moi un contre en
faisant une contre prise ressemblant à la technique onikudaki. Ce soldat, avait
été confronté à la réalité du combat pendant la guerre et nulle doute qu’il avait
dû se sortir de dangereuse situation à maintes reprises. A partir de ce moment
là, un profond doute sur la pratique des budô moderne, ainsi que leur légitimité
en tant qu’art martial, s’installa en moi. Je me demandais s’il existait pas un art
parfait, ultime,dans lequel la taille est la force physique n’étaient pas l’unique
facteur d’efficacité. Dès lors, je començais les recherches et la pratique des
kobujutsu, les vieux art martiaux. J’achetai et étudiais divers vieux manuscrit,
densho, makimono sur les vieux arts martiaux et les vielles écoles
traditionnelles du bujutsu. J’ai fait la connaissance d’un instructeur qui vivait
de sa pratique, son nom était Ueno Takashi. Un maître de kobudô ancien. Je
dépensais jusqu’à deux mille dollars US par mois pour le faire venir et suivre
son enseignement. Il me « vendit » un grand nombre de densho, makimono, et
des techniques de combat que j’apprenais rapidement. C’est comme cela que
j’ai appris des écoles comme le Asayama ichiden ryû taijutsu. Cependant, je
dois avouer que l’attitude mercantile de M.Ueno n’allait pas avec l’idée que je
me faisais du bujutsu et du budô en général. J’ai fait la connaissance de
nombreux maîtres, comme Nawa Yumio avec qui j’étudiais le kotô. C'est-à-dire
comment reconnaître les armes antiques, les armures, l’époque à laquelle elles
furent forgés ou construites ces armes ect……Nawa Yumio sensei était un
pratiquant de bujutsu et soke de deux écoles, le Masaki-ryû manrikikusari jutsu
et le Edo machikatta ryû. Il était connu comme un écrivain et historien des arts
martiaux et du ninjutsu. Nos relations sont toujours aussi bonnes.
Puis un jour, on me rapporta qu’un vieux maître habitait la ville de Kashihara,
près de Nara. Il était détenteur de neuf anciennes traditions martiales et son
efficacité était redoutable. Peu nombreux étaient les personnes qui avait
connaissances du niveau de ce maître et surtout que c’était un des dernier
ninja. il s’appelait Takaamtsu Toshitsugu.
Quand je l’ai rencontré, j’avais 27 ans et lui approchait les 70 ans. J’ai été
profondément déstabilisé par ce que sa personne irradiait. Aujourd’hui encore
cette sensation m’habite toujours. J’étais comme absorbé, immobile,
compétemment anéantit devant son attitude qui ne semblait rien ni reflétait la
pratique, c’était vraiment assez effrayant. J’avais rencontré beaucoup de
maîtres connus auparavant, mais aucun ne m’avait, comme takamatsu sensei,
inspiré cette crainte emprunt d’un profond respect. Il m’avait effacé, surpassé
sans avoir eu à me combattre. Sans aucune technique, il me terrifiait. Après un
échange de points de vues, il me proposa quelque application de combat au
cours desquelles il se joua de moi comme si j’étais un enfant, alors que mon
expérience dans divers budô de l’époque était grande. A chaque technique
qu’il faisait sur moi, je ressentais dans mon corps entier une douleur
fulgurante qui pénétrait jusque dans mes os, comme s’il m’avait «tué ». et
pourtant il n’y avait aucune force palpable dans ses moindres gestes. Voilà
l’art que je recherchais ! Je demandais à Takamatsu de me prendre pour
disciple faisant sur le champ table raz de tout mes diplômes et grades que
j’avais reçut. C’était en l’an 32 de l’ère showa.
À cette époque Takamatsu sensei n’acceptait plus d’élèves. La plupart de ses
élèves étaient tous morts à l’exception de Fumio Akimoto sensei mais qui était
déjà très vieux. Ce dernier avait montré quelque forme de koppo jutsu de
l’école Gikan ryû au fameux maître de jûdô, Kyozô Mifune.
Certaines personnes ont eu une correspondance avec takamatsu sans jamais
le rencontrer ni être admis comme élève. Bien qu’ils possèdent des diplômes
signés de la main de takamatsu sensei, aucun densho, témoignages, ou photo,
ne témoigne d’une quelconque relation profonde de maître à disciple. En ce qui
me concerne, et sans savoir pourquoi, il m’admit comme seul et unique
disciple et me transmit tout son savoir jusqu’à sa mort en avril 1972. Et bien
que certains avaient reçu de sa part diplômes et autres manuscrit, le plus
souvent incomplet, il avait décidé de me transmettre tout son savoir, car il
m’avait choisit comme son successeur. C’est pourquoi pendant 15 ans, tout
les week-end, je me rendais chez lui à une distance de six cents kilomètres car
je vivais à Noda dans la préfecture de Chiba dans la région du Kantô, et
Takamatsu sensei vivait dans la région du kansai (Nara-kyotô-Osaka). Je
rentrais chaque dimanche soir pour ouvrir ma clinique le lundi matin. La
distance ne représentait rien car j’étais enfin heureux, j’avais trouve l’ultime art
que je cherchais. ».
A.M : Le ninjutsu, l’art de se rendre invisible. A partir de cette définition, on imposé
une image du ninja cagoulé, vêtu de noir se déplaçant la nuit pour assassiner dans
l’ombre….
K.Z : Il s’agit là d’un détournement caricatural de cet art qui provient notamment et
en très grande partie de la littérature de l’ère Genroku (1780), où les premières
peintures représentant le ninja ont été réalisées à partir des chroniques militaires
(gunki mono). Etre invisible c’est être absent et dénudé de toute intention. C’est ce
que Takamatsu sensei écrivait dans ses manuscrits. C’est cela l’invisibilité du ninja.
On ne peut le voir ni l’attraper car sa forme est en fait une forme où il n’y a pas de
formes et d’intentions palpables. Cette définition peut étonner les personnes qui sont
acquises –malgré elles- à l’image du ninja, assassin de l’ombre. La définition est plus
subtile m^me si, extérieurement, cette image que l’on a caricaturiséeà outrance a
existée mais en excluant tout le côté fantastique.
A.M. : À un niveau plus profond, pouvez-vous préciser ?
K.Z. : Le concept « être invisible » demande à être compris dans un sens profond et
non superficiellement car il touche à l’être lui m^me dans sa vie quotidienne et dans
sa pratique la plus intime. Il s’agit de demander à l’être de se transcender au travers
de la pratique du nnjutsu afin que chaque mouvement, transfert du poids du corps,
souffle, deviennent imperceptibles par l’adversaire. Il ne s’agit pas de se cacher mais
de devenir « le caché ». Pour cela il faut que la forme pratiquée et les convictions le
plus intimes du pratiquant soient des plus pures. On entend souvent qu’il faut
dépasser le forme, cependant cette forme, ce moule qu’il faut dépasser est un
obstacle à la réalisation de l’invisibilité, car il s’agit d’un condensé de savoir éducatif
qui, loin d’aider à se débarrasser de tout ce qui est superflu, rajoute des
automatismes et formate le corps. En ninjutsu les techniques de bases possèdent en
elles m^mes la clef de l’invisibilité car elle exigent du pratiquant de se transcender.
En effet ces formes et techniques de bases sont elles mêmes toutes effacées et sans
intention car il s’agit de ne pas laisser deviner à l’autre notre niveau. De
l’enseignement de Takamatsu sensei, Hatsumi Masaaki dit ceci :
« Quoi qu’il arrive, une fois avoir atteint un haut niveau, vous devez
commencer à cacher vos formes. Vous ne devez pas montrer votre technique.
Tant que tout restera invisible vous serez capable de rester envie. Etre invisible,
c’est être un vrai ninja. Beaucoup de budôka, maître, ont essayé de paraître
fort et montrer cette force par des démonstration physique et déploiement
ostentatoire de puissance. Les callosités osseuses de certains, l’attitude
arrogante d’autres, en sont la preuve jusqu’à aujourd’hui. Dans le passé, et de
nombreuse chroniques en témoignent, les vrai pratiquant d’art martiaux et
maître de premiers plan n’agissaient jamais de tell sorte qu’on sache qu’il
étaient maître d’une quelconque technique. Simplement, parce que l’on
comprend que vous pratiquez un art de combat, on se méfiera et vous serez
visé le premier. En tant de guerre, vous seriez tué en premier. Par conséquent,
plus ils étaient forts et plus ils avaient des difficultés à devenir invisibles. Par
contre dés que ces pratiquants ont pu devenir « invisible », ils ont pu être
capable d’agir encore plus efficacement.
Les formes changent constamment selon les époques, les gens, les lieux, les
coutumes. Ce qu’il y a de plus important à se rappeler est que nous pouvons
respecter la tradition du combat sans vraiment la comprendre totalement et
qu’il nous faut maîtriser cet instinct animal qui ne peut être expliqué ni transmit
par le biais des mots. Il est très difficile de trouver un maître qui enseigne et
nous éveille ainsi. J’ai eu vraiment beaucoup de chance de trouver Takamatsu
sensei qui savait ô combien cela était important dans la pratique des arts
martiaux. Il m’a transmit l’essence du ninjutsu et du budô en alliant
judicieusement et adéquatement, les mots, les images et les techniques de
combat. »
A.M. : Développer sa pratique pour devenir « invisible » aux autres, signifie, à
contrario, qu’il faut développer sa capacité à « sentir » un danger, à deviner l’autre et
inversement à ne pas être deviner par l’adversaire.
K.Z. : Oui. Les techniques du ninjutsu sont toutes crées pour cultiver le subconscient
de façon naturelle, de sorte que le mouvement devient spontané et répond
adéquatement aux moindres changement. Ainsi, il faut une pratique qui permet de
faire appel à ce qui a de plus profond en nous. Donc il s’agit d’un éveil des sens les
plus profond au travers de la culture du corps et de l’esprit. En ce qui concerne le
travail de cet instinct, hatsumi massaki rapporte ceci :
« Si vous devez penser, vous ne pourrez vous protéger. Vous avez besoin de
l’instinct que possèdent les animaux sauvages, ceux-là même qui bougent
instinctivement au moment où ils perçoivent un quelconque danger.
Takamatsu sensei décrivait cette faculté comme une capacité naturelle du
corps et de l’esprit, une perception venue du corps dans sa totalité. Dans les
ouvrages, vous trouverez beaucoup d’explications qui contiennent des mots
tels que : « technique invisible » ou bien « mouvement secret, caché »…Mais
vous ne pourrez pas les acquérir et les réaliser sans avoir cette perception
venue du corps dans sa totalité. Aussi, si vous en faites que lire des livres,
regarder des photos et analyser toutes les techniques utilisant ce principe,
vous ne pourrez jamais comprendre le véritable budô. Ce qui est mauvais est
que beaucoup de personnes s’affirment elles-mêmes maîtres de budô mais ont
tendance à oublier. Dans ce domaine, la réussite n’a rien à voir avec le nombre
de waza que vous connaissez. Beaucoup de livres et de manuscrits, densho,
makimono ont été écrits à divers périodes de l’histoire du Japon, de telle
manière que s’ils étaient dérobés, personne ne puisse comprendre ou
déchiffrer leur contenu. Même si vous possédez ces manuscrits, vous ne
pourrez jamais maîtriser les budô. Actuellement, en temps de paix il est facile
de rester envie. Mais par le passé, perdre la vie était très courant. Les budô ne
consistent pas seulement en des techniques de combat. Vous devez protéger
votre vie quotidiennement. Takamastu sensei cherchait à me transmettre cela à
chacune de mes visites. Lorsque je lui rendais visite, sa femme me servait
toujours du thé. Le thé était chaque fois d’une variété différente. Tout à coup
un jour, takamatsu sensei me demanda : « Quelle sorte de thé tu viens de
boire ?! ». Comme j’étais incapable de lui répondre, il me réprimanda et me
dit : « Qu’aurais-tu fais s’il y avait eu du poison dedans ?! ».
une fois encore, lorsque je séjournais chez lui, en me levant le matin, il me
demanda le nombre de fois qu’il était passé tout près de moi durant la nuit à
plusieurs reprise. Cela voulait dire que si je ne le savais pas, j’aurais pu être
tué. C’était une réelle pratique de chaque instant où tout était porté à l’extrême.
Un jour, il m’ordonna de méditer seul dans une des pièces de sa maison. Au
bout d’un certain temps, je sentis quelque chose derrière moi. Je bougeais
rapidemen. J’entendis alors quelque chose de tranchant, je pensais que c’était
un sabre mais je ne paniquais pas. Peu après, je sentis encore quelque chose
et je roulais en avant. Takamatsu sensei me demanda alors d’ouvrir les yeux.
Il se tenait là, debout, tout souriant, un véritable sabre entre les mains. Il me dit
alors : « Ton instinct est de mieux en mieux ! ».
Bien que je n’aurais pu ne pas éviter le sabre, j’avais toutefois acquis le sens
qui me permettrait de sentir venir quelqu’un. A travers cette pratique je reçus le
certificats et makimono qui attestent la succession des neuf écoles de mon
maître, Takamatsu, y compris le Togakure ryû ninpô. Lorsque mon maître
mourut en 1972, je rassemblais les neuf écoles et les ouvris au public en tant
que fondateur du bujinkan dôjô. »
A.M. : Après ces années de pratique, où en êtes vous de votre compréhension des
arts martiaux ?
K.Z : Le bujutsu ou art martial a pour vocation la guerre. Bien souvent, on ne voit que
la dimension externe de la guerre. Et de ce fait, quelque soit l’esprit dans lequel on
aborde la pratique ou son étude, on atteint nécessairement un certain niveau tant sur
le plan du mental que sur le plan de la technique. Mais en fait, on comprend par une
pratique assidue que le combat n’est pas extérieur mais intérieur. Il ne s’agit pas
uniquement d’un simple d’entraînement mais d’un engagement personnel dans
lequel l’âme est confrontée à la nécessité d’élévation intérieur. C’est une pratique de
chaque instant qu’il s’agit ici. Il faut étudier à la manière d’un religieux disait souvent
Takamatsu sensei. Comme un croyant qui ponctue sa journée de prières
quotidiennes qu’il soit catholique, Juif ou musulman. Cette démarche spirituelle est
nécessaire car elle permet de vivre en harmonie avec la justice céleste, parce que le
pratiquant devient vertueux par sa sincérité. Ainsi, il peut se parfaire dans l’essentiel
et se cultiver dans les détails, afin que l’endurance et la persévérance puissent forger
l’abnégation et l’humilité. Parallèlement, se familiariser avec l’idée de survie et
construit l’efficacité.
A.M. : Merci.
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Kacem Zoughari