Contrats d`Etats

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Contrats d`Etats
LES CONTRATS D’ETATS
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PRESENTATION
CONDITIONS DE VALIDITE
PRATIQUE ARBITRALE ET LOI APPLICABLE
LIMITES ET NUANCES
QUELQUES CAS CONCRETS
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1 PRESENTATION
DEFINITION DU CONTRAT D’ETAT :
- Il s’agit d’un accord conclu entre états et personnes privées étrangères.
- on parle donc de contrats internationaux vu qu’ils présentent des éléments de
rattachement avec plusieurs systèmes juridiques.
- Ils présentent une grande diversité aussi bien dans leurs objets que dans leurs portée.
OBJET :
Ces accords peuvent porter sur :
- la fourniture de biens (civils ou militaires)
- de services : contrats d’études, d’assistance technique
- sur l’exploitation des richesses naturelles locales (concessions)
-la gestion de services publics (contrat d exploitation)
-construction de travaux publics (routes, ports…)
Ils peuvent avoir un objet exclusivement financier (emprunts internationaux). [Dans ce
cas, l’autorité publique agit ou se présente comme une personne privée. ]
Ils peuvent être constitutifs d’entreprises communes (join ventures) entre l’état et une
personne privée étrangère.
PORTEE :
- certains sont d’exécution instantanée : achat direct de biens ou marchandises ;
- d’autres s’exécutent sur de nombreuses années : concessions, création de join
ventures.
- on voit actuellement apparaître une nouvelle catégorie particulière d’accords : accords
de développement économique, ayant une longue durée et une portée globale.
On va bien mettre en évidence certains CARACTÉRISTIQUES ESSENTIELLES de dits
contrats.
1. l’Etat doit se présenter comme autorité publique : ETAT SOUVERAIN et surtout pas
comme personne privée. Un des éléments essentiels qui caractérise le contrat d’État
réside sans doute dans l’assujettissement juridique différent des deux contractants.
- D’un côté nous avons un État également souverain et contractant dont les objectifs
s’inscrivent dans la poursuite de l’intérêt public ; de l’autre côté nous avons une
compagnie privée, ou en l’occurrence un consortium,
économiques et financiers d’un groupe d’individus.
représentant
les
intérêts
- Ainsi, la partie publique opère dans un domaine relevant de la souveraineté étatique ou
de ses responsabilités particulières (une activité de service public, la mise en valeur des
ressources naturelles, l’équipement général du pays), alors que la partie privée entend
quant à elle rester sous un régime de droit privé.
- L’état qui contracte en la matière avec des personnes privées étrangères accepte
l’application d’une loi autre que la sienne et renonce à ses immunités.
- Afin de trouver un compromis susceptible de satisfaire les attentes des deux parties, le
contrat d’État s’est progressivement vu « internationalisé » à la volonté express ou tacite
des parties
possibilité de résoudre un litige opposant les parties contractant en faisant
RECOURS À L’ARBITRAGE INTERNATIONAL.
2. Il en ressort qu’À LA DIFFÉRENCE DU CONTRAT ADMINISTRATIF, marqué par la
prééminence de la partie étatique, les contrats d’États se caractérisent par la volonté
d’établir une certaine égalité juridique entre l’État et son cocontractant privé étranger
les contrats conclus par l’Etat souverain avec une personne de droit privée étrangère
sont des contrats conclus en dehors de son ordre juridique, là où les contrats passés par
l’Etat-administration appartiennent à l’ordre juridique interne.
3. Les contrats d’Etat constituent donc une catégorie a part entière d’actes juridiques
internationaux et sont régis, à ce titre, par le droit international comme l’ établit l’article
42 de la convention de Washington.
CLAUSES JURIDIQUES CONTENUES DANS LE CONTRAT
Parmi les clauses juridiques contenues dans le contrat et qui ont pour objet de protéger
l’investisseur, on peut citer :
1. CLAUSE D‘ARBITRAGE ou compromissoire :
Les parties confient à un tiers le soin de trancher les litiges éventuels.
La validité de telles clauses demeure toutefois sujette à la loi du For( c’est-à-dire la loi
qui doit être appliquée à une situation déterminée est la loi du lieu où la juridiction a été
saisie.)
2. CLAUSE RELATIVE AU CHOIX DE LA LOI APPLICABLE.
Celle-ci peut renvoyer au droit interne de l’État contractant, ou plus rarement au droit
applicable de l’État national de l’entreprise/investisseur, soit enfin au droit d’un État tiers.
Le principe de l’«autonomie de la volonté» permet également aux parties d’opter pour
des principes généraux de droit international ou encore des principes de droit communs
aux systèmes juridiques auxquels appartiennent les parties, ou pour l’application
simultanée de plusieurs droits nationaux. C’est ce que l’on nomme le dépeçage du
contrat.
3. CLAUSE DITE DE «STABILISATION»
En effet, lorsque les parties adoptent la loi de l’État contractant comme loi applicable en
cas de litige, la partie privée cours le risque d’une modification subséquente de cette loi.
Un tel risque existe aussi lorsque l’État modifie sa législation par exemple en matière de
taxation, de standards environnementaux ou encore en matière de droit du travail. Pour
se mettre à l’abri de telles modifications unilatérales de la part de l’État cocontractant,
l’investisseur peut ainsi demander l’inclusion d’une clause de stabilisation du droit
étatique. De ce fait, si l’État décide de changer ses lois, ces changements ne pourront
pas être invoqués contre l'autre partie au contrat. De la perspective de l’investisseur, le
système juridique de l’État se trouve ainsi cristallisé au moment de la conclusion du
contrat
2 CONDITIONS DE VALIDITE
Comme tout contrat, le contrat d’Etat doit respecter plusieurs conditions pour qu’il
soit valide. Certaines conditions sont valables pour tous les contrats, d’autres sont plus
spécifiques au contrat d’Etat.
Tout d’abord, la personne privée étrangère doit bénéficier de la capacité de
jouissance et de la capacité d’exercice. La capacité de jouissance est une condition
préalable à la capacité d’exercice et implique que la personne privée morale ou physique
est apte à être titulaire de droit. Elle peut donc disposer de droits. Par ailleurs, le
dirigeant qui signe le contrat doit être le dirigeant de droit et doit être capable d’exercice.
En d’autres termes, le dirigeant de droit a l’aptitude à exercer les droits dont il est
titulaire. L’Etat qui est cocontractant au contrat doit agir en tant qu’Etat souverain et non
en temps que personne privé pour que le contrat soit considéré comme un contrat d’Etat.
Ensuite, il faut que le consentement des cocontractants soit donné de manière
libre et éclairé et que les parties connaissent exactement ce à quoi elles s’engagent.
Cette condition est valable pour tous les contrats, quel que soit le type. Un consentement
libre signifie sans contrainte ni menace, il s'agit de donner une autorisation en toute
connaissance de cause et sans que les facultés du cocontractant soient altérées. Un
consentement éclairé signifie que les deux parties ont reçu toute l'information pertinente
sur l’objet du contrat de manière à connaître, dans la mesure du possible les différentes
options ainsi que les risques et conséquences associés à chacune des options. C'est une
décision prise en toute connaissance de cause. En effet, le principe de l’autonomie de
la volonté des parties à une importance capitale dans le contrat d’Etat. Le Code Civil
exprime la théorie de l’autonomie de la volonté selon laquelle les parties se déterminent
librement à contracter un contrat. Il est intéressant de préciser que cette autonomie de
volonté est créateur de d’obligations et donc de responsabilités.
Comme pour tout contrat, il faut également qu’il y ait un objet, l’obligation qui lie les
deux parties doit porter sur un objet qui doit être déterminé ou déterminable et licite. Les
deux parties s’engagent pour une raison, et cette raison est l’objet au contrat. De plus, la
cause de l’obligation doit être morale et licite. C’est le but du contrat, ce pourquoi les
parties s’engagent contractuellement.
Enfin, le principe Pacta sunt servanda (locution latine signifiant « les conventions
doivent être respectées ») a une place importante dans le contrat d’Etat et implique
expressément que les parties qui ont conclu le contrat sont désormais liées à ce contrat
et qu’à ce titre, elles n’ont pas le droit de déroger aux obligations issues de cet accord.
L’article 1134 du Code Civil français y fait d’ailleurs très clairement référence.
3 PRATIQUE ARBITRALE ET LOI APPLICABLE
Comme on l’a vu dans la partie précédente, le contrat d’état suppose de la part de l’Etat
contractant l’acceptation d’une perte de souveraineté.
On retrouve cette même idée dans le choix de la loi applicable aux contrats d’états et
dans les modalités du règlement des différents.
En effet dans le règlement des différents la pratique arbitrale s’est imposé dès les
premiers contrats d’états afin de s’éloigner de l’emprise du droit de l’état contractant.
L’arbitrage qui consiste donc en un mécanisme de règlement des différents auquel se
soumettent volontairement les parties par le biais du contrat d’état, garanti la neutralité
vis-à-vis des parties.
Le CIRDI (Centre International pour le Règlement des Différents Relatifs aux
Investissements) créé par la Convention de Washington du 18 mars 1965 est l’institution
la plus sollicitée dans le règlement de différents en matière d’investissement. On compte
153 états qui ont adhéré au CIRDI. Le CIRDI en tant qu’organe d’arbitrage n’est soumis à
aucune loi nationale, il ne dépend d’aucun pays, il garanti donc ainsi son impartialité et
son autonomie en se détachant de toute influence étatique
Pour pouvoir saisir le CIRDI il faut que les parties au contrat d’états remplissent trois
conditions prévues à l’article 25 de la convention de Washington.
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•
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L’exigence de nationalité : le litige doit opposer un état contractant à un
ressortissant d’un autre état, l’investisseur étranger. Les deux parties (l’état
contractant ainsi que l’état de l’investisseur étranger) doivent avoir ratifié la
convention de Washington.
La présence effective d’un investissement. La convention ne donne pas de
définition de l’investissement et ce afin de ne pas cloisonner le champ d’action du
CIRDI. On considère investissement un échange commercial qui comprend une
contribution en argent ou en biens, un retour sous forme de profits, la notion de
risque pris par les deux contractants, une certaine durée, et une importance pour
l’état contractant qui reçoit l’investissement de l’acteur étranger. On pourrait avoir
par exemple des concessions pétrolières, minières, des concessions de distribution
d’eau d’électricité, des projets industriels ….
Enfin la troisième clause réside dans le libre consentement des parties aux
contrats.
Si ces trois principes sont réunis le litige pourra être résolu par l’arbitration du CIRDI et
les décisions issues de cette arbitration s’appliquent obligatoirement comme le prévoit
l’article 53 de la convention de Washington.
Il existe aussi d’autres conventions qui régulent les problèmes d’arbitrage en matière
d’investissement international. Notamment la convention de New York, adopté dans le
cadre de la CNUDCI et entrée en vigueur le 7 juin 1959, qui vise à établir des normes
législatives communes pour la reconnaissance des conventions d'arbitrage ainsi que la
reconnaissance et l'exécution par les tribunaux étatiques des sentences étrangères et
non nationales.
On trouve deux exceptions à l’application des sentences arbitrales dans la convention de
New York :
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Dans l’hypothèse où la matière du litige ne puisse faire l’objet de conventions
arbitrales selon la loi nationale
Si la sentence prononcée porte atteinte à l’ordre public du pays en question.
Enfin les travaux actuels de la CNUDCI visent, tout comme le contenu de la convention
de New York, révèlent un effort d’harmonisation des règles et procédures en matière
d’arbitrage international notamment par l’adoption d’une loi type en 1985 qui, même si
elle n’a aucune valeur contraignante, se place en modèle et marque la volonté
d’harmonisation des règles de l’arbitrage international.
(Mentionnons aussi l’existence de la London Court of International Arbitration)
Passons maintenant aux lois applicables lors d’un arbitrage international.
En ce qui concerne la loi applicable aux contrats d’états, si ceux-ci se basent sur un droit
national, ils tendent à une internationalisation de celui-ci afin de se détacher d’un ordre
juridique national qui pourrait profiter à l’une des deux parties.
C’est ainsi que le droit international vient compléter le droit national choisi par les partis
et le corriger le cas échéant.
On trouve deux approches qui définissent le rôle que joue le droit national choisi par les
partis et le droit international dans le cas d’un différend : une approche dite horizontale
qui fut historiquement la première à apparaître et une autre dite verticale qui sera
retenue par la convention de Washington de 1965.
L’approche horizontale a été la première à apparaître dans la jurisprudence, celle-ci place
le droit national choisi par les partis et le droit international au même niveau. Ainsi les
lois du droit national sont interprétées à la lumière du droit international en ce sens
aucune prérogative, aucun avantage n’est donné au droit national.
Pour résumer certains aspects du contrat spécifiques à la loi nationale seront jugés selon
celle-ci et d’autre seront jugés selon les principes du droit international.
L’approche verticale consiste à appliquer d’abord le droit choisi par les partis, le droit
international ne rentrant en jeu que lorsque que le droit national choisi par les partis
présente des lacunes ou entre en conflit avec des normes du droit international.
En ce sens même si ce système semble privilégier le droit national et n’accorder au droit
international qu’un rôle secondaire de correcteur, le système vertical garde cependant
une place conséquente au droit international qui intervient dès qu’un principe du droit
national choisi est en conflit avec celui-ci.
C’est cette approche qui a été retenue par la Convention de Washington de 1965 dans
son article 42-1. Ainsi tous les cas portés devant la juridiction du CIRDI, organe de
règlement des différents prévus par la convention de Washington, seront jugés selon ce
même principe.
Enfin en l’absence de choix explicite d’un droit national par les parties c’est la règle
résiduelle de l’article 42-1 de la Convention de Washington qui s’applique selon lequel
« le tribunal applique le droit de l’état contractant partie au différend ainsi que les
principes de droit international en la matière »
Par exemple dans une affaire SSP / Egypte dans laquelle les parties n’avaient choisi
aucun droit de manière explicite la loi égyptienne à été retenue en tenant compte du lieu
de signature du contrat et de son exécution en Egypte, tout en incluant les principes du
droit international applicable dès que le droit égyptien entre en contradiction avec ce
dernier.
De ces différentes approches ressortent plusieurs principes :
En effet on voit que le contrat d’Etat se base sur un droit national mais qu’il accorde une
place importante au droit international dans ce souci de cession de souveraineté de l’état
contractant.
Et l’on constate aussi l’autonomie des parties dans le choix du droit applicable.
3 NUANCES ET LIMITES
Principes directeurs régissant l’internationalisation de la loi applicable au
contrat
Ici, nous allons nous pencher sur la valeur du droit, aux possibilités et à la marge de
manœuvre qu’il offre à l’arbitre international lorsque celui-ci se penche sur la question de
la loi applicable.
Tout d’abord, le contrat d’Etat est un contrat fondé sur un droit national. On a vu
précédemment que les arbitres essaient le plus possible de recourir aux principes
généraux de droit international public pour ne pas privilégier la loi nationale de l’Etat
hôte. Mais il faut préciser que le contrat tire sa force probante du droit national d’un Etat
donné. Dans un célèbre arrêt sur les emprunts serbes du 22 juillet 1929, la CPIJ avait
affirmé : « tout contrat qui n’est pas un contrat entre Etats en tant que sujets du droit
international a son fondement dans une loi nationale. La question de savoir quelle est
cette loi fait l’objet de la partie du droit qu’aujourd’hui on désigne le plus souvent sous le
nom de droit international prive ou de théorie du conflit des lois». Même si les Etats
peuvent avoir adopté les mêmes règles par le biais de conventions, c’est le droit interne
qui prime.
Depuis 1929, on observe néanmoins que les parties possèdent une plus grande
autonomie.
Puisque les parties sont aujourd’hui libres de choisir la loi applicable au contrat, les
arbitres n’ont pas la possibilité de décider ex aequo et bono (Expression latine signifiant
littéralement "selon ce qui est équitable et bon". L'arbitre qui statue comme amiable
compositeur juge "ex aequo et bono".), à moins que les parties ne l’aient demandé.
Selon l’article 42(3) de la Convention de Washington „ Les dispositions des alinéas
précédents ne portent pas atteinte à la faculté pour le tribunal, si les parties en sont
d’accord, de statuer ex aequo et bono.“ Statuer ex aequo et bono permet de gagner du
temps.
Néanmoins, les arbitres ont apporté une nuance à ce principe ex aequo et bono, en
expliquant que même si les parties sont libres dans le choix de la loi applicable et
peuvent opter pour le principe ex aequo et bono, c’est tout de même la lex fori (la loi du
juge saisi) qui prime.
On remarque donc la liberté des parties quant au choix de la loi applicable au contrat
présente des limites.
Loi applicable au cadre procédural: Les différents systèmes procéduraux nationaux sont
très différents les uns des autres. L’arbitre international étant indépendant de tout
système juridique, on peut se demander s’il a vraiment la capacité d’appliquer le droit
procédural d’un Etat tiers, notamment celui du lieu où siège le Tribunal. De plus, si
jamais on applique la loi nationale de l’Etat hôte, on peut craindre que ce dernier n’en
tire profit ( cf „prendre ombrage de contraintes inconnues dans son propre droit.“
Définition du Centre d’Etude et de recherche de DI et de RI). La doctrine a soutenu la
thèse selon laquelle c’est la loi du lieu où siège l’arbitrage qui s’applique à la procédure
arbitrale, étant donné que les Tribunaux arbitraux ne sont pas dotés d’une lex fori. Cette
loi applicable régit tout le contrat. Mais en ce qui concerne les contrats d’Etat, cette thèse
présente des limites. En effet, le principe de l’autonomie des parties implique que cellesci puissent librement choisir la loi applicable à l’arbitrage, la convention d’arbitrage, etc.
Aujourd’hui, l’existence de réglements ou de procédures de source internationale pour
lesquels les parties peuvent librement opter vient atténuer les éventuelles difficultés
rencontrées par les parties lors du choix de la loi applicable. La loi nationale qui
s’applique importe peu (exemple du Réglement de l’arbitrage du CIRDI.)
La loi applicable au fond du litige tout comme la loi applicable au cadre procédural de
l’arbitrage peuvent se trouver internationaliser, et cette internationalisation est
encouragée par les différents Etats.
Dans le cas où les parties n’auraient pas choisi de loi applicable au contrat, les arbitres
appliquent la règle résiduelle de l’article 42(1) de la Convention de Washington
„Art. 42
(1) Le Tribunal statue sur le différend conformément aux règles de droit
adoptées par les parties. Faute d’accord entre les parties, le Tribunal applique le
droit de l’Etat contractant partie au différend – y compris les règles relatives
aux conflits de lois – ainsi que les principes de droit international en la matière.
(2) Le Tribunal ne peut refuser de juger sous prétexte du silence ou de l’obscurité du
droit.
(3) Les dispositions des alinéas précédents ne portent pas atteinte à la faculté pour le
Tribunal, si les parties en sont d’accord, de statuer ex aequo et bono. »
Avant de pouvoir utiliser l’article 42, les arbitres doivent prouver qu’il y a bien absence
de choix de loi applicable. C’est à l’arbitre de trancher (Affaire Benvenuti et Bonfont C.
Congo – Affaire SPP. C. Egypte : dans cette affaire, c’est le droit égyptien qui a été
choisi, mais comme l’Egypte a ratifié la convention de Washington, si le droit national est
en conflit avec le droit international, c’est le droit international qui prévaut. »)
Comme dans les contrats entre personnes privées, le choix de la loi peut être implicite,
déduit du comportement des parties mais sans être rédigé dans le contrat. (Affaire AAPL
c. Sri Lanka). Même en l’absence de choix de loi applicable, l’internationalisation de cette
loi applicable est possible. (143 pays ont ratifié la convention de Washington.)
Autonomie de la volonté des parties et le principe pacta sunt servanda : En droit français,
le Code Civil consacre la théorie de l’Autonomie de la volonté, selon laquelle les parties
se déterminent librement à contracter, comme l’a expliqué précédemment Isabelle dans
les conditions de validité. Ce principe de l’autonomie de la volonté des parties se retrouve
aussi bien en droit national qu’international et permet dans la vie économique d’apporter
une sécurité juridique. Quand un contrat est international, cette sécurité peut être
menacée. Le principe de l’autonomie de la clause compromissoire (Clause contractuelle
par laquelle les parties à un contrat donnent, dès sa signature et avant tout litige, leur
accord pour que les différends qui naîtront éventuellement du contrat, ou certains d’entre
eux, fassent l’objet d’une procédure d’arbitrage) montre bien que l’autonomie de la
volonté des parties est primordiale, mais également l’importance accordée au principe
pacta sunt servanda (En droit général et en droit international public, la locution pacta
sunt servanda affirme le principe selon lequel les traités, et plus généralement les
contrats doivent être respectés par les parties qui les ont conclus.)
On peut même affirmer que dans le cadre des contrats d’Etat, c’est le principe pacta sunt
servanda qui prime sur celui de l’autonomie de la volonté des parties.
C’est la jurisprudence arbitrale internationale en matière de contrats d’état qui permet
d’affirmer que le principe pacta sunt servanda est considéré comme un principe universel
et omniprésent auquel les arbitres seraient libres de recourir lorsqu’ils estiment
nécessaire une résolution juste et équitable d’un litige issu d’un investissement
international.
Malgré l’article 42(1) de la Convention de Washington, pour lequel l’autonomie de la
volonté des parties prévaut, et malgré le choix explicite des parties, les arbitres ont la
possibilité de rendre les principes généraux de droit international prédominants, et
notamment ce principe pacta sunt servanda, afin de permettre à la partie privée de ne
pas être désavantagée par le droit de l’Etat hôte (en permettant l’autorité exclusive du
système juridique désigné par les parties.)
Le principe pacta sunt servanda s’applique normalement aux traités conclus entre Etats
souverains. Mais les arbitres n’ont pas hésité à appliquer ce principe aux contrats d’Etat
(par le biais d’une analogie) qui peuvent être considérés comme des traités de droit
international (nous avons vu précédemment que le contrat peut servir de base juridique
pour les parties). (Affaire Trucial Coast et affaire SPP c. Egypte)
On peut donc conclure que le principe de l’autonomie de la volonté des parties
concernant le choix de la loi applicable a des limites, et notamment quand c’est le droit
de l’Etat hôte qui est choisi, car ce choix risque de créer un déséquilibre dans le contrat
au détriment de la personne privée. Il existe une controverse doctrinale, on se demande
si le principe pacta sunt servanda peut vraiment servir de base juridique afin
d’internationaliser la loi applicable au fond du contrat. Dans les faits, malgré cette
controverse, ce principe a été appliqué, tant sous l’approche arbitrale horizontale que
verticale.
4 QUELQUES CAS PRATIQUES
CAS
1. (Exemple d’approche horizontale)
de principes généraux de droit.
application parallèle du droit national soviétique et
•
l’affaire Lena Goldfields :
Il s’agit en l’espèce d’une des premières affaires où
l’on assiste à l’internationalisation de la loi applicable au contrat d’État,
concernant un accord de concession minière par le biais duquel l’Union Soviétique avait
octroyé des droits d’exploration et d’exploitation exclusifs à la société Lena Goldfields sur
de vastes parties du territoire soviétique, les arbitres ont franchis un pas important dans
l’internationalisation du droit applicable au contrat. En effet, le tribunal a accueilli
l’argument du concessionnaire selon lequel les lois de l’Union Soviétique gouvernent
uniquement les matières qui relèvent de la compétence domestique de l’URSS, pour
toute autre matière, ce sont les principes généraux du droit tel qu’énoncé par l’article 38
du statut de la Cour permanente de Justice Internationale qui constituent la loi applicable
au contrat.
2. Affaire Anglo-Iranien 1952
Cette affaire concernait la nationalisation de l'Anglo-Iranian Oil Company par l'Iran de
Mossadegh. Le Royaume-Uni affirmait que la loi de nationalisation de 1951 violait la
convention de 1933 entre l'Anglo-Persian Oil Co. (devenue Anglo-Iranian Oil Co.,
aujourd'hui BP) et le gouvernement impérial de Perse (devenu l'Iran), qui accordait une
concession de 60 ans à la compagnie pétrolière britannique sur 100 000 km2, en
échange d'un faible pourcentage de royalties.-->Londres porta plainte le 26 mai 1951
devant la CIJ, demandant que la convention de 1933 soit respectée et que l'Iran paie des
dommages et intérêts pour avoir lésé la compagnie pétrolière.
La CIJ affirma que « Ce contrat de concession liait le gouvernement iranien à la société
britannique : le gouvernement britannique n’y était pas partie et ne pouvait se prévaloir
de ses termes à l’encontre de l’Iran ». Enfin la CIJ se déclara non compétente.
3. L’affaire des emprunts serbes et brésiliens de 1929
d’importance au principe de l’autonomie des parties.
accorde de plus en plus
Dans cette affaire la CPJI affirme : « Tout contrat qui n’est pas un contrat entre des États
en tant que sujet de droit international à son fondement dans une loi nationale. La
question de savoir quelle est cette loi fait l’objet de la partie du droit qu’aujourd’hui on
désigne le plus souvent sous le nom de droit international privé ou de théorie du conflit
des lois».
5. PSEG Global Inc., The North American Coal Corporation, and Konya Ilgin
Elektrik Üretim ve Ticaret Limited Sirketi v. Republic of Turkey.
La seconde illustration concerne un projet de construction et d’exploitation d’une centrale
électrique en Turquie. Le gouvernement turc signe un contrat avec l’investisseur
étranger, également américain. Le contrat est approuvé par l’instance compétente, le
Danistay, juridiction administrative.
Certains termes tels la capacité et le prix de la centrale, continuent toutefois à faire
l’objet de discussions. Les négociations se prolongent sans aboutir à la mise en oeuvre du
projet. À nouveau, l’investisseur dépose une requête d’arbitrage auprès du CIRDI. Cette
fois-ci – et c’est là la différence par rapport à la première illustration – la requête est
fondée sur le traité bilatéral d’investissement conclu entre la Turquie et les États-Unis. En
effet, le contrat ne comprend pas de clause arbitrale. Le traité d’investissement permet
toutefois à un investisseur de recourir à l’arbitrage CIRDI.
Dans sa requête, la société américaine fait valoir qu’elle a fait un investissement protégé
par le traité, que le gouvernement a violé le traité, et que cette violation donne droit à
indemnisation.