introduction les theories economiques
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introduction les theories economiques
Agrégation interne Economie-Gestion, intro , fiche 5, théorie de la régulation, IUFM D’Auvergne, Arnaud Diemer IUFM Auvergne _____________ Arnaud Diemer ____________________________________________________________________ PREPARATION AGREGATION INTERNE ECONOMIE/GESTION ____________________________________________________________________ INTRODUCTION LES THEORIES ECONOMIQUES Fiche 5 : La théorie de la Régulation Bibliographie : Aglietta M . (1976), Régulation et crises du capitalisme, Calmann-Levy, Paris, 2ème édition Aglietta M., Orléan A. (1982), La violence de la monnaie, PUF, Paris. Benassy J-P, Boyer R., Gelpi R-M (1979), Régulation des économies capitalistes et inflation, Revue économique, vol 30, n° 3, mai. Boyer R., Saillard Y. (1995), Théorie de la régulation, l’état des savoirs, La Découverte. Boyer R., Durand J-P (1995), L’Après-fordisme, Syros. Boyer R. (1987), La théorie de la régulation, une analyse critique, Agalma, La Découverte. Boyer R. (1983), L’introduction du taylorisme en France à la lumière de recherches récentes. Quels apports et quels enseignements pour le temps présent, Travail et emploi, n°18, octobre-décembre, pp. 17-41. Lipietz A. (1979), Crises et inflation, pourquoi ?, Maspero. Sciences humaines (1996), Peut-on en finir avec la crise ?, rencontre avec Robert Boyer, n°60, avril, pp. 28-33 Théret B. (1992), Régimes économiques de l’ordre politique. Esquisse d’une théorie régulationniste des limites de l’Etat, PUF, 1992. 1 Agrégation interne Economie-Gestion, intro , fiche 5, théorie de la régulation, IUFM D’Auvergne, Arnaud Diemer LA THEORIE DE LA REGULATION I ) POSITIONNEMENT DE LA THEORIE DE LA REGULATION La théorie de la régulation trouve son origine dans une critique sévère et radicale du programme néoclassique qui postule le caractère auto-régulateur du marché et l’hypothèse d’homogénéité des comportements.1 Elle entend pour cela bénéficier des apports de disciplines voisines telle que l’histoire, la sociologie, les sciences politiques et sociales avec lesquelles elle entretient de multiples relations (emprunt et transformation de notions, importations d’hypothèses, exploration de quelques questions identiques ou voisines). «L’approche de la régulation est concernée par des processus économiques hétérogènes, où se mêlent nécessité et contingence, contrainte du passé et création du nouveau » Aglietta (1998, p 412). Une hypothèse fondatrice de la théorie de la régulation concerne l’historicité fondamentale du processus de développement des économies capitalistes : dans ce mode de production, l’innovation organisationnelle, technologique, sociale, devient permanente et met en mouvement un processus dans lequel les rapports socioéconomiques connaissent une transformation, tantôt lente et maîtrisée, tantôt brutale et échappant au contrôle et à l’analyse. Le pari de la théorie de la régulation est donc d’historiciser les théories économiques. Enfin la théorie de la régulation se donne pour ambition d’expliquer avec le même ensemble d’hypothèses des problèmes tels que le chômage, le progrès technique, la construction européenne... Ses chefs de file sont R. Boyer, M. Aglietta..... Comme la généralisation de l'échange marchand rend les crises possibles, Boyer (1986)2 présente une notion intermédiaire, celle de régime d'accumulation, suggérant que de telles contradictions peuvent être surmontées : "On désignera sous ce terme l'ensemble des régularités assurant une progression générale et relativement cohérente de l'accumulation du capital, c'est à dire permettant de résorber ou d'étaler dans le temps les distorsions et déséquilibres qui naissent en permanence du processus lui-même"(1986, p 46). 1 Critique qui s’applique également au Marxisme qui établit les lois générales conduisant au renversement du capitalisme. 2 R. Boyer " La théorie de la régulation : une analyse critique" Agalma La Découverte 1986 2 Agrégation interne Economie-Gestion, intro , fiche 5, théorie de la régulation, IUFM D’Auvergne, Arnaud Diemer En ce sens, les crises économiques majeures sont des crises de mutation entre une régulation ancienne qui ne permet plus la croissance économique et une nouvelle régulation qui permettra de résoudre les causes profondes de la crise. L'origine même de ces régularités apparaîtra au travers des formes institutionnelles, définies comme la codification d'un ou plusieurs rapports sociaux fondamentaux. R. Boyer introduit cinq formes institutionnelles (la monnaie, le rapport salarial, la concurrence, les modalités d'adhésion au régime international, l'Etat) intervenant dans la détermination du régime d'accumulation. Cet ensemble de concepts intermédiaires permet à Boyer de définir la notion de régulation : "On qualifiera de mode de régulation tout ensemble de procédures et de comportements, individuels et collectifs, qui a la triple propriété de : reproduire les rapports sociaux fondamentaux à travers la conjonction de formes institutionnelles historiquement déterminées, soutenir et piloter le régime d'accumulation en vigueur, assurer la compatibilité dynamique d'un ensemble de décisions décentralisées"(1986, p 54). Aglietta précisera dans la postface de son ouvrage « Régulation et Crises du capitalisme qu’un « mode de régulation est un ensemble de médiations3 qui maintiennent les distorsions produites par l’accumulation du capital dans les limites compatibles avec la cohésion sociale au sein des nations ». (1998, p 412). Le mode de régulation décrit ainsi comment les formes institutionnelles à travers leurs moyens d'actions, conjuguent et contraignent les comportements individuels tout en déterminant les mécanismes d'ajustement sur les marchés. Ces moyens d'action au nombre de trois, sont les suivants: - La loi, la règle ou le règlement, définis au niveau collectif, qui ont pour vocation d'imposer, par la coercition, directe ou symbolique et médiatisée, un certain type de comportement économique aux groupes et individus concernés. - La recherche d'un compromis, issu de négociations, insistant sur le fait que ce sont les agents privés ou des groupes qui, partant de leurs intérêts propres, aboutissent à un certain nombre de conventions régissant leurs engagements mutuels. - L'existence d'un système de valeurs ou de représentations suffisant " pour que la routine remplace la spontanéité et la diversité des pulsions et initiatives privés. De tels exemples se retrouvent dans les croyances religieuses, dans les règles de bonne conduite, dans les vues sur l'avenir selon Keynes... 3 Les formes institutionnelles de Boyer prennent le nom de médiations chez Aglietta. 3 Agrégation interne Economie-Gestion, intro , fiche 5, théorie de la régulation, IUFM D’Auvergne, Arnaud Diemer Le mode de régulation peut alors être représenté par la figure suivante : REGIME D'ACCUMULATION Rapports Sociaux Mode de Production Capitaliste Organisation Economique La Loi Le Règlement La Règle La monnaie Codification Le rapport salarial Forme Institutionnelle La concurrence Type D'action Le Compromis Les Conventions L'adhésion au régime international Les formes de l'Etat Le système de valeurs La routine MODE DE REGULATION Analyse du schéma L’organisation économique (une entreprise) met un place un mode de production capitaliste (chercher à créer de la valeur). Cette valeur devra être répartie entre les différents agents (salariés, entreprises). Comprendre la répartition de la richesse revient à appréhender l’accumulation du capital en termes de rapports sociaux. Les médiations sont ici utilisées afin de résorber ou étaler dans le temps les distorsions économiques qui naissent en permanence du processus capitaliste lui même. Selon Aglietta, « Le capitalisme est une force mue par le désir d’accumuler de l’argent, cette force se convertit en un dynamisme qui transforme la division du travail. Etant intrinsèquement créateur et destructeur, le capitalisme ne peut entraîner de progrès pour la société que si des ensemble de médiations formant un mode de régulation établissent une cohérence entre les déséquilibres inhérents à son mouvement. L’effet global de cette cohérence lorsqu’elle est réalisée est un régime de croissance » (1998, p 426). Aglietta insiste principalement sur deux types de médiations : la monnaie et le rapport salarial. * La monnaie permet d’une part d’établir le lien social (lien individu-société). Le rapport entre deux individus est marchand car il est médiatisé par la monnaie, en d’autres termes, la cohérence des relations marchandes passe par le règlement des dettes (et non par la détermination des prix). Endettement réciproque industrielsociété : l’industriel s’endette envers la société (demande de monnaie) pour investir dans un projet industriel, cependant la société a une dette envers l’industriel (qui 4 Agrégation interne Economie-Gestion, intro , fiche 5, théorie de la régulation, IUFM D’Auvergne, Arnaud Diemer participe à la division du travail). D’autre part accumuler de l’argent, c’est accumuler de la monnaie, et la monnaie c’est le pouvoir. L’accumulation de la monnaie revient donc à rechercher du pouvoir. * le rapport salarial est l’expression d’une inertie du statut des individus dans une société capitaliste. Le rapport salarial fait référence à la production plutôt qu’aux échanges. Le capitaliste contrôle le salarié mais dans des limites définies par la médiation du rapport salarial. II ) LA CRISE DU MODE DE REGULATION FORDISTE Les théoriciens de la régulation parle de mode de régulation concurrentiel pour désigner les procédures qui ont eu cours durant la seconde moitié du XIXe siècle. E cette époque, la régulation se caractérise par une fixation souple de salaires et des prix qui varient en fonction des conditions prévalant sur le marché du travail et des biens. Elle repose également sur une forme d’accumulation du capital que la théorie qualifie d’extensive : la valorisation des capitaux est assurée non par modernisation des équipements mais par une extension du salariat. Au début du Xxe siècle, sont jetées conjointement au Taylorisme, les bases d’un nouveau mode d’accumulation du capital : l’accumulation intensive. La modernisation des équipements et une croissance rapide et régulière de la productivité en sont les deux traits majeurs. Mais si les entreprises mieux et plus, si le profit augmente, les retombées sont inexistantes pour les salariés. Ainsi la production croît, mais sans pouvoir trouver de débouchés suffisants puisque les salariés et la consommation stagnent. La crise de 1929 peut donc s’analyser comme l’expression d’une accumulation intensive (taylorisme) dans un cadre où la régulation reste encore concurrentielle. Le blocage est levé dans les années 30, avec la lente mise en place d’un mode de régulation monopolistique. Celui-ci s’érige sur de nouveaux piliers : force accrue des organisations syndicales salariées, cartellisation des grandes entreprises, développement de l’intervention étatique, indexation des salaires sur la productivité… toutes ces modifications provoquent une rigidité des prix sur les marchés. Se met en place aux Etats-Unis et en Europe, un nouveau mode de régulation macroéconomique que les théoriciens de la régulation nomment Fordisme. L’organisation nouvelle du travail engendre de forts gains de productivité et permet de produire massivement des biens intermédiaires. La conjonction entre production et consommation de masse produit un cercle vertueux : 5 Agrégation interne Economie-Gestion, intro , fiche 5, théorie de la régulation, IUFM D’Auvergne, Arnaud Diemer Rationalisation du travail - Taylorisme - Fordisme Production de masse Hausse des salaires Forts gains de productivité Consommation de masse Hausse des profits Investissements Forte demande La crise contemporaine soulignerait que le moteur de la croissance se serait grippé. Les causes sont multiples : - crise du travail - changements de mode de consommation - Etatisation - Tertiairisation de l’économie Il convient également d’intégrer d’autres variables comme l’ouverture croissante de la société française sur l’économie internationale (mondialisation) ou encore les changements technologiques. En parallèle, la théorie de la régulation s’est rapprochée d’autres théories (économie des conventions, théorie des institutions) et a intégré l’apport d’autres disciplines (droit, sociologie, science politique). 6