m Lors d`un travail préparant la représentation, le metteur en scène

Transcription

m Lors d`un travail préparant la représentation, le metteur en scène
m Lors
d’un travail préparant la représentation, le metteur en
scène de la pièce d’Obaldia et la comédienne qui interprète le
personnage de Brigitte réfléchissent ensemble à la meilleure
manière de jouer la scène sur le plateau. Imaginez leur dialogue,
chacun défendant son point de vue par des arguments différents.
Vous pouvez vous appuyer sur les textes du corpus reproduits pages suivantes.
D’autres pistes / Pour aller plus loin
1. Composez la scène d’exposition d’une pièce de théâtre que vous vous
apprêtez à écrire. Vous aurez le souci de fournir au spectateur des informations sur la situation, les personnages et le registre de la pièce, et de
susciter son intérêt.
2. Imaginez qu’un personnage comme Brigitte (document D) « joue » à
l’avance une scène d’affrontement dont il sera un des protagonistes.
Rédigez son étrange monologue. Vous avez le choix du registre de la
scène.
3. Pendant une répétition, les acteurs qui incarnent le couple Smith dans
la pièce de Ionesco (document C) s’adressent au metteur en scène et
font part de leurs préoccupations : ils ne savent pas vraiment comment
intéresser le public à une conversation aussi banale et répétitive, peu porteuse pour des comédiens. Le metteur en scène leur explique comment il
conçoit leur interprétation et quel intérêt présente ce type de théâtre.
Composez ce dialogue, dans lequel le metteur en scène soutient les
choix de Ionesco.
4. Deux candidats au conservatoire d’art dramatique discutent. Chacun
a choisi une des trois scènes du corpus pour son audition au concours
d’entrée. Ils défendent leur choix respectif et indiquent ce qui les a déterminés. Ils expliquent aussi leur conception du personnage qu’ils jouent et
leur interprétation, en faisant des références précises à leur scène.
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5. Un directeur de théâtre propose à un acteur de jouer l’un des personnages de la scène de Ionesco (document C). Celui-ci refuse, soutenant
qu’il préfère interpréter des personnages moins banals, qui ont plus de
personnalité, quitte à ce qu’ils confinent à l’héroïsme ou même à la monstruosité. Le directeur lui oppose ses raisons. Composez leur dialogue qui
devra faire référence à la scène choisie, mais aussi à d’autres personnages du théâtre.
6. « Elle […] jette la poupée dans les coulisses, et va ouvrir » (document
D, l. 61-62). Composez la scène qui met face à face Brigitte et la maîtresse de son mari. Vous tiendrez compte de la scène 1 proposée dans le
corpus. Votre scène pourra confirmer ce que Brigitte imaginait ou prendre
une tout autre tournure. Elle doit cependant être en cohérence avec la
scène 1.
7. « Je pourrais le prendre de plus haut […] Me draper dans mon
offense » (document D, l. 22-23). Modifiez la suite de la scène en adoptant ce ton.
8. « Exaltation génésique de tout notre être. Je cite. C’est dans sa lettre.
Tu parles d’un style ! » (document D, l. 42-43) : écrivez la « lettre » que la
maîtresse du mari de Brigitte a écrite à celle-ci. Vous tiendrez compte de
ce qui figure dans la scène de Obaldia, qui indique le ton de cette lettre.
9. Écrivez un texte à distribuer à l’entrée du théâtre, dans lequel vous
ferez la liste ordonnée des règles du parfait spectateur de théâtre. Vous y
définirez les principes et les conditions idéales pour apprécier un spectacle,
sans oublier les éléments de base du savoir-vivre du bon spectateur.
10. Composez le dialogue entre un acteur de théâtre et un acteur de
cinéma. Chacun défendra son métier dont il exposera les attraits et les
difficultés.
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« Plaire et toucher »
Documents
A – Nicolas Boileau, Art poétique, III, 1674.
B – Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne, acte I, scène 1,
1833.
C – Eugène Ionesco, La Cantatrice chauve, scène 1, 1950.
D – René de Obaldia, Deux femmes pour un fantôme, scène 1, 1971.
m Dans
quelle mesure chacune des trois scènes du corpus répondelle aux principes d’art dramatique énoncés par Boileau dans
son Art poétique (document A) ? Votre réponse n’excédera pas
une page.
Document A
Boileau, poète du
théâtre.
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siècle, définit ici les normes classiques de l’art du
[…]
Le secret est d’abord de plaire et de toucher
Inventez des ressorts qui puissent m’attacher.
Que dès les premiers vers l’action préparée
Sans peine du sujet aplanisse l’entrée1.
Je me ris d’un acteur qui, lent à s’exprimer,
De ce qu’il veut d’abord, ne sait pas m’informer.
Et qui, débrouillant mal une pénible intrigue,
D’un divertissement me fait une fatigue […].
Le sujet n’est jamais assez tôt expliqué.
[…]
Nicolas Boileau, Art poétique, III, 1674.
1. Du sujet aplanisse l’entrée : aplanisse l’entrée du sujet, supprime les difficultés à l’entrée du sujet.
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Document B
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ACTE I, SCÈNE 1
Une rue devant la maison de Claudio
Marianne sort de chez elle, un livre de messe à la main ; Ciuta,
une vieille femme, l’aborde.
CIUTA. – Ma belle dame, puis-je vous dire un mot ?
MARIANNE. – Que me voulez-vous ?
CIUTA. – Un jeune homme de cette ville est éperdument amoureux de vous ; depuis un mois entier, il cherche vainement
l’occasion de vous l’apprendre. Son nom est Cœlio ; il est d’une
noble famille et d’une figure distinguée.
MARIANNE. – En voilà assez. Dites à celui qui vous envoie qu’il
perd son temps et sa peine, et que, s’il a l’audace de me faire
entendre une seconde fois un pareil langage, j’en instruirai mon
mari. Elle sort.
CŒLIO, entrant. – Eh bien ! Ciuta, qu’a-t-elle dit ?
CIUTA. – Plus dévote1 et plus orgueilleuse que jamais. Elle instruira son mari, dit-elle, si on la poursuit plus longtemps.
CŒLIO. – Ah ! malheureux que je suis, je n’ai plus qu’à mourir.
Ah ! la plus cruelle de toutes les femmes ! Et que me conseilles-tu,
Ciuta ? Quelle ressource puis-je encore trouver ?
CIUTA. – Je vous conseille d’abord de sortir d’ici, car voici son
mari qui la suit. Ils sortent. Entrent Claudio et Tibia.
CLAUDIO. – Es-tu mon fidèle serviteur ? Mon valet de chambre
dévoué ? Apprends que j’ai à me venger d’un outrage.
TIBIA. – Vous, Monsieur !
CLAUDIO. – Moi-même, puisque ces impudentes guitares ne
cessent de murmurer sous les fenêtres de ma femme. Mais,
patience ! tout n’est pas fini. Écoute un peu de ce côté-ci : voilà du
monde qui pourrait nous entendre. Tu m’iras chercher ce soir le
spadassin2 que je t’ai dit.
TIBIA. – Pourquoi faire ?
CLAUDIO. – Je crois que Marianne a des amants3.
TIBIA. – Vous croyez, Monsieur ?
CLAUDIO. – Oui ; il y a autour de ma maison une odeur
d’amants ; personne ne passe naturellement devant ma porte ; il y
pleut des guitares et des entremetteuses.
TIBIA. – Est-ce que vous pouvez empêcher qu’on donne des
sérénades à votre femme ?
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CLAUDIO. – Non, mais je puis poster un homme derrière la
poterne et me débarrasser du premier qui entrera.
Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne, 1833.
1. Dévote : qui remplit avec exactitude et zèle ses devoirs religieux. 2. Spadassin : homme
d’épée, assassin à gages. 3. Amants : amoureux.
Document C
Ionesco est un auteur de théâtre français qui a renouvelé l’art dramatique.
En l’axant sur les mécanismes du langage, il dénonce la vanité et le vide
des conversations quotidiennes. Son répertoire comporte également des
pièces à résonance politique ou de portée métaphysique.
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SCÈNE 1
Intérieur bourgeois anglais, avec des fauteuils anglais. Soirée
anglaise. M. Smith, Anglais, dans son fauteuil et ses pantoufles anglais,
fume sa pipe anglaise et lit un journal anglais, près d’un feu anglais. Il
a des lunettes anglaises, une petite moustache grise, anglaise. À côté de
lui, dans un autre fauteuil anglais, Mme Smith, Anglaise, raccommode
des chaussettes anglaises. Un long moment de silence anglais. La
pendule anglaise frappe dix-sept coups anglais.
MADAME SMITH. – Tiens, il est neuf heures. Nous avons mangé
de la soupe, du poisson, des pommes de terre au lard, de la salade
anglaise. Les enfants ont bu de l’eau anglaise. Nous avons bien
mangé, ce soir. C’est parce que nous habitons dans les environs de
Londres et que notre nom est Smith.
M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.
MADAME SMITH. – Les pommes de terre sont très bonnes avec
le lard, l’huile de la salade n’était pas rance. L’huile de l’épicier du
coin est de bien meilleure qualité que l’huile de l’épicier d’en face,
elle est même meilleure que l’huile de l’épicier du bas de la côte.
Mais je ne veux pas dire que leur huile à eux soit mauvaise…
M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.
MADAME Smith. – Pourtant, c’est toujours l’huile de l’épicier
du coin qui est la meilleure…
M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.
MADAME SMITH. – Mary a bien cuit les pommes de terre, cette
fois-ci. La dernière fois elle ne les avait pas bien fait cuire. Je ne les
aime que lorsqu’elles sont bien cuites.
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M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.
MADAME SMITH. – Le poisson était frais. Je m’en suis léché les
babines. J’en ai pris deux fois. Non, trois fois ? Ça me fait aller aux
cabinets. Toi aussi tu en as pris trois fois. Cependant la troisième
fois, tu en as pris moins que les deux premières fois, tandis que moi
j’en ai pris beaucoup plus. J’ai mieux mangé que toi, ce soir.
Comment ça se fait ? D’habitude, c’est toi qui manges le plus. Ce
n’est pas l’appétit qui te manque.
M. SMITH fait claquer sa langue.
MADAME SMITH. – Cependant, la soupe était peut-être un peu
trop salée. Elle avait plus de sel que toi. Ah, ah, ah. Elle avait aussi
trop de poireaux et pas assez d’oignons. Je regrette de ne pas avoir
conseillé à Mary d’y ajouter un peu d’anis étoilé. La prochaine fois,
je saurai m’y prendre.
Eugène Ionesco, La Cantatrice chauve, 1950.
Document D
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SCÈNE 1
BRIGITTE, tout en arpentant la pièce. – Piano, piano, Brigitte.
Du calme. Sei ruhig, mein Kind, sei ruhig1 . Ma non troppo2.
Mollo3. Piano4. Ne te mets pas dans un état pareil ; elle va venir,
elle n’est pas en retard… Et même quand on est en retard, à Paris,
on n’est pas en retard. À moins de se tromper de jour… Du calme,
Brigitte, du calme. Domine-toi. Piano… Piano. (Brigitte va et vient
d’un coin du salon à l’autre. Elle prend une bouteille de gin sur la
table roulante et se verse, dans un grand verre, une quantité non négligeable d’alcool, avec, tout de même, un peu d’eau. Après avoir bu…)
Quand elle sera là, elle sera là ! (Mimant la scène.) Entrez, entrez
Madame ; c’est bien ici… Vous avez trouvé sans difficulté ?… Avec
tous ces sens interdits !… Sans parler des travaux : l’extension du
réseau téléphonique, le Métro Express Régional, les fouilles carolingiennes… Entrez, Madame la Maîtresse de mon mari…
(S’adressant à la poupée, avec emphase.) Maîtresse des Maîtresses,
Bougresse des Bougresses… Je ne suis que sa femme, que son
humble servante, que son écuelle de son… prenez ce siège,
Madame, montez sur le trône ! Je baise les plis de votre robe. La
poussière de vos pas s’imprime en lettres d’or. Votre haleine est le
miel du zéphyr. L’ivoire de vos mains confond les aubes rougissantes… (Sans trop savoir pourquoi, Brigitte retire ses chaussures et les
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pose sur la table.) Je pourrais le prendre de plus haut. Je dois le
prendre de plus haut. Me draper dans mon offense. (Toujours à la
poupée :) Vous désirez, Madame ?
Faisant les questions et les réponses.
– Je désire votre mari.
– Très original !
– J’ajoute qu’il me désire aussi.
– La loi de Clifton.
– Pardon ?
– La loi de Clifton, la loi des champs magnétiques : lorsqu’un
corps aimanté dérivant dans l’espace rencontre un autre corps
inversement proportionnel au carré de sa distance… Excusez-moi,
j’essaie de « débanaliser » la situation.
– Parce que vous trouvez…
– D’une banalité à faire pleurer, Madame… (Sur le point de
pleurer.) Tu ne vas pas te mettre à pleurer, Brigitte ?… Vous disiez,
Madame ?
– Pierre et moi, nous ne pouvons plus vivre l’un sans l’autre ;
nous ne pouvons plus vivre sans ce désir, sans cette exaltation
génésique5 de tout notre être. (S’arrêtant net et froidement.)
« Exaltation génésique de tout notre être. » Je cite. C’est dans sa
lettre. Tu parles d’un style !… (Reprenant avec lyrisme.) Oui, dis-je,
sans cette exaltation génésique, biotique6 et apostolique7 , les jours
et les nuits tombent sur nous comme des peaux mortes ; Pierre et
moi nous avons l’impression de nous enfoncer dans un désert…
– Un désert. Et moi-même je ne suis que du sable. Une statue
de sable. Soufflez, chère Madame, Sultane des Sultanes, soufflez
fort : vous allez me voir me désagréger. (Elle souffle.) Voilà, je
n’existe plus… Une poignée de sable qui coule entre vos doigts…
Je n’existe plus, je n’ai jamais existé. J’ai fait semblant jusqu’à
aujourd’hui. C’était pour rire. C’était… en vous attendant… En
vous attendant, si vous le permettez, je vais mettre un peu de
musique : la troisième sonate pour piano de Brejnev8.
Brigitte va jusqu’au pick-up et tire un disque. Nous entendons
les premières mesures de la troisième sonate pour piano de Brejnev.
Sonnerie de la porte d’entrée.
C’est, pour Brigitte, comme si elle venait de recevoir une décharge
électrique.
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Elle arrête la musique, remet précipitamment ses chaussures,
avale le reste du gin, opère un dernier contrôle devant la glace, jette
la poupée dans les coulisses, et va ouvrir.
René de Obaldia, Deux femmes pour un fantôme, 1971.
1. Sei ruhig, mein Kind, sei ruhig (allemand) : sois calme, mon enfant, sois calme. 2. Ma
non troppo (emprunté au vocabulaire musical italien) : mais pas trop. 3. Mollo (terme familier
français, en décalage avec les mots techniques italiens qui l’entourent) : lentement. 4. Piano
(terme de musique italien) : doucement. 5. Génésique : sexuelle. 6. Biotique : liée à la vie,
terme scientifique. 7. Apostolique : se rapportant aux apôtres, les disciples du Christ ; terme
aberrant dans la série des trois adjectifs. 8. Brejnev est le nom d’un homme politique russe ;
en faire le nom d’un compositeur produit un effet comique.
D’autres pistes / Pour aller plus loin
1. Justifiez le regroupement de ces scènes dans un même corpus.
2. Montrez en quoi ces scènes jouent leur rôle de scène d’exposition.
3. Identifiez le(s) registre(s) de chaque scène.
4. Analysez l’identité des personnages en présence, étudiez les rapports
qui existent entre eux. Par quels moyens la personnalité des différents
personnages est-elle rendue sensible dans ces scènes ?
5. Étudiez la modalité (interrogative, exclamative, déclarative, impérative…) des phrases : quelle modalité domine dans chaque scène ? Que
révèle-t-elle sur les personnages ?
6. Appréciez la nature, l’importance et l’utilité des didascalies. Quelles
sont dans ces scènes la fréquence et l’importance des mouvements et
des gestes ?
7. Dans quelle(s) scène(s) le décor et les objets prennent-ils une importance significative ? Justifiez votre réponse.
8. Identifiez le registre ou les registres de ces trois scènes.
9. D’où vient la théâtralité de ces scènes ? Justifiez votre réponse.
10. Classez les scènes selon leur degré de tension dramatique.
11. En quoi ces scènes exigent-elles des qualités particulières de la part
des acteurs ou actrices qui les interprètent ? Laquelle vous paraît la plus
difficile à mettre en scène ? Pourquoi ?
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