Entre art et sport: une extrême franchise.

Transcription

Entre art et sport: une extrême franchise.
ENTRE ART
ET SPORT:
UNE EXTRÊME
FRANCISE
Les Jeux de la XXIe Olympiade
en 7976.
LeRoy Neiman, artiste américain éclectique, cherche à mettre en
relief les limites des possibilités humaines. C’est un objectif qu’il
partage avec tous les athlètes du monde. Sa peinture se veut une
rencontre choc et d’une extrême fanchise entre l’art et le sport.
C’est ce qu’il a expliqué à Vladimir Markov, au cours d’une interview pour Panorama Olympique, le magazine du CNO de l’Union
soviétique, et que nous reproduisons ici.
Par Vladimir Markov
271
ART ET SPORT
I
l est facile de reconnaître LeRoy Neiman
à ses longues moustaches, taillées avec
soin, et à son éternel cigare. Le peintre en
tire plusieurs bouffées, sans se presser,
avant d’entamer notre entretien.
Je suis né en 1927 dans une famille
pauvre qui habitait à St. Paul, petite ville
provinciale des Etats-Unis. Dès mon plus
jeune âge, j’ai travaillé pour gagner ma vie
en décorant les vitrines des épiceries. J’arrondissais mes revenus en dessinant des
affiches pour les soirées dansantes et les
matches de football. Mais je ne pensais pas
alors que je me mettrais à la peinture pour
de bon, explique LeRoy Neiman.
Le futur peintre était très attiré par les
compétitions sportives et les films sur les
« vedettes » du sport. il y avait une salle de
boxe non loin de chez lui, dans la cave
d’une église, et il s’y rendait très souvent. II
a gardé sa prédilection pour la boxe
jusqu’à maintenant.
— Le boxeur affronte son adversaire
en combat singulier et c’est ce qui arrive
qu’il n’était qu’en classe de sixième. LeRoy
a eu tout d’abord comme professeur le
peintre Clement Haupers, fort connu à
cette époque à St. Paul, ensuite il a eu
pour maîtres d’autres artistes dont certains
étaient français.
ÉLEVE DE BORIS ANISFELD
Néanmoins, c’est Boris Anisfeld, originaire
de Russie et élève d’llya Répine, qui a surtout influencé sa personnalité de peintre.
C’était un artiste très original et un
homme de cœur, raconte Neiman. II surprenait alors l’entourage par ses cheveux
longs, ça ne se portait pas à cette époque.
Ce qu’il y avait aussi d’étrange, c’est qu’il
dessinait à l’atelier à la lumière des chandelles. En général, il y avait quelque chose
de mystique dans tout son comportement.
II parlait anglais avec un fort accent et
n’employait qu’un minimum de mots. Mais
c’était un excellent pédagogue, il a complètement bouleversé mes idées sur la
peinture, en premier lieu sur la perception
de la couleur. II exigeait d’obtenir un maximum de profondeur aux dépens de la couleur, justement.
Anisfeld ne faisait pas qu’enseigner à
l’Institut des Beaux-Arts de Chicago, où
Neiman a fait ses études, il travaillait
comme décorateur au Chicago Opera et
au Metropolitan Opera.
II me considérait comme son meilleur élève, et j’étais à tel pont envoûté par
sa forte individualité qu’après mes études il
m’a fallu au moins cinq ans pour redevenir
un Américain, poursuit LeRoy Neiman. Les
autres élèves et moi-même, nous avons
toujours estimé que Boris Anisfeld est un
authentique peintre russe, bien qu’il ait
vécu loin de son pays.
En 1969, LeRoy Neiman avait saisi
les traits de l’un des plus grands
boxeurs de tous les temps, Ray
Robinson, qui vient de mourir
récemment.
souvent dans la vie, surtout si l’on doit se
faire une place au soleil, constate le peintre.
La chance lui a souri parce qu’on a
remarqué son talent très tôt. II a recu le
Prix national pour une de ses œuvres alors
272
L’œuvre de LeRoy Neiman témoigne
d’un intérêt avide pour la vie de chaque
jour, pour les loisirs des gens. Ses toiles
représentent des rues, des cafés, des parcs,
des plages, le tourbillon de la vie au mille
couleurs, aux teintes vives. Par ailleurs, le
peintre fixe son attention sur des personnalités célèbres et crée toute une galerie de
portraits: Robert et Edward Kennedy, Mar-
tin Luther King, Gina Lollobrigida, Bobby
Fischer, le groupe des Beatles.
L’artiste a beaucoup de difficultés à
suivre la course vertigineuse de la vie, et
c’est pour cela que je travaille habituellement dans plusieurs genres à la fois, précise Neiman, expliquant ses conceptions
créatrices.
coupoles des églises de Moscou, du palais
du Kremlin, de certains coins de la place
Rouge.
Neiman estime de son devoir de favoriser les échanges entre les Etats-Unis et
l’Union soviétique dans le domaine de la
culture, du sport et dans d’autres sphères.
Le peintre américain et le président des
En effet, l’éventail de ses œuvres est
extrêmement large : outre la peinture, I’artiste sculpte à ses heures, illustre des livres
et des revues, exécute des eaux-fortes, des
lithographies, des monotypes, expérimente
le dessin par ordinateur. II a consacré de
nombreux tableaux au sport.
UNE EXTRÊME FRANCHISE
II y a beaucoup de points communs entre
un sportif et un artiste, tous les deux cherchent à mettre en relief les limites des possibilités humaines, et ils y consacrent toutes
leurs forces, déclare Neiman. Par ailleurs,
une extrême franchise rapproche les sportifs et les hommes de culture. II est peu
probable que quelqu’un d’autre puisse
exprimer d’une manière aussi précise et
émotionnelle la nature de l’homme, son
désir de perfection, de beauté. Et tout cela
sous les yeux de spectateurs qui sont capables, eux-mêmes, de juger des qualités et
des défauts de leur création.
L’artiste au travail.
Match de baseball.
Le peintre est très versé dans le sport,
il connaît personnellement nombre de
vedettes du monde sportif. En 1986, LeRoy
Neiman a été peintre officiel des Jeux de la
Bonne Volonté à Moscou, et c’est Lui également qui assurera la décoration des prochains Jeux à Seattle, en 1990. Son attrait
pour les sports s’est manifesté avec éclat
lors des JO de Montréal, où il a peint ses
toiles directement devant la caméra. Des
millions de téléspectateurs ont alors pu
observer sa manière de travailler.
Neiman est inséparable d’un grand sac
de cuir où il range ses blocs-notes et ses
crayons feutres, voilà déjà vingt ans qu’il
s’en sert. II aime fixer sur-le-champ ses
impressions les plus vives. II est revenu à
Moscou dernièrement pour inaugurer une
exposition de ses œuvres. Ses blocs-notes
se sont enrichis alors de croquis des
273
ART AND SPORT
Match de football, 1980.
éditions « Knodler publishing Incorporated », Mauris P. Leibovitz, se sont entretenus à Moscou du projet d’un livre pour
lequel Neiman fera les portraits des meilleurs sportifs soviétiques II s’agit de la première édition soviéto-américaine de ce
genre.
Neiman nourrit une autre idée intéressante, celle d’organiser un combat entre le
274
meilleur boxeur soviétique des superlourds et le champion des Etats-Unis parmi
les professionnels. « Leur prestation serait
un fort beau cadeau pour tous les supporters », estime le peintre.
V.M.
Cet article est repris de Panorama Olympique, organe du CNO
d'Union soviétique (No. 1/1989).

Documents pareils