txt.corpus Carpe Diem2012

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Séquence 4 – Texte A
Texte B
Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle. »
Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.
Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront :
Il saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Je serai sous la terre, et fantôme sans os
Par les ombres myrteux1 je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m'a vu ce que vous êtes
Vous serez ce que je suis.
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène (1578), II, 24
(orthographe modernisée)
1 « Ombres myrteux » : dans les enfers, lieu où l'on accueille les couples amoureux.
Le myrte est un arbuste vert consacré à Vénus dans l’antiquité
Cependant j'ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n'avoir pas trop d'alarmes
De ces ravages du temps.
Vous en avez qu'on adore ;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.
Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu'il me plaira de vous.
Chez cette race nouvelle
Où j'aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu'autant que je l'aurai dit.
Pensez-y, belle Marquise,
Quoiqu'un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu'on le courtise
Quand il est fait comme moi.
Pierre CORNEILLE (1606-1684) Stances à Marquise
(1658)
Le chanteur Georges Brassens, en 1962, a mis en
musique les trois premiers quatrains, auquel il ajoute
un quatrième, de sa composition, imaginant cette
réponse très irrévérencieuse de Marquise :
Peut-être je serai vieille
Répond Marquise, cependant
J'ai vint-six ans, mon vieux Corneille,
Et je t'emmerde en attendant !
Séquence 4 - Texte C
Si tu t'imagines
si tu t'imagines
fillette fillette
si tu t'imagines
xa va xa va xa
va durer toujours
la saison des za
la saison des za
saison des amours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
Si tu crois petite
si tu crois ah ah
que ton teint de rose
ta taille de guêpe
tes mignons biceps
tes ongles d'émail
ta cuisse de nymphe
et ton pied léger
si tu crois petite
xa va xa va xa va
va durer toujours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
les beaux jours s'en vont
les beaux jours de fête
soleils et planètes
tournent tous en rond
mais toi ma petite
tu marches tout droit
vers sque tu vois pas
très sournois s'approchent
la ride véloce
la pesante graisse
le menton triplé
le muscle avachi
allons cueille cueille
les roses les roses
roses de la vie
et que leurs pétales
soient la mer étale
de tous les bonheurs
allons cueille cueille
si tu le fais pas
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures.
Raymond QUENEAU, L'instant fatal, 1948
Texte D
Il est morne, il est taciturne
Il préside aux choses du temps
Il porte un joli nom, Saturne
Mais c'est un Dieu fort inquiétant
Il porte un joli nom, Saturne
Mais c'est un Dieu fort inquiétant
En allant son chemin, morose
Pour se désennuyer un peu
Il joue à bousculer les roses
Le temps tue le temps comme il peut
Il joue à bousculer les roses
Le temps tue le temps comme il peut
Cette saison, c'est toi, ma belle
Qui as fait les frais de son jeu
Toi qui as payé la gabelle
Un grain de sel dans tes cheveux
Toi qui as payé la gabelle
Un grain de sel dans tes cheveux
C'est pas vilain, les fleurs d'automne
Et tous les poètes l'ont dit
Je te regarde et je te donne
Mon billet qu'ils n'ont pas menti
Je te regarde et je te donne
Mon billet qu'ils n'ont pas menti
Viens encore, viens ma favorite
Descendons ensemble au jardin
Viens effeuiller la marguerite
De l'été de la Saint-Martin
Viens effeuiller la marguerite
De l'été de la Saint-Martin
Je sais par cœur toutes tes grâces
Et pour me les faire oublier
Il faudra que Saturne en fasse
Des tours d'horloge, de sablier
Et la petite pisseuse d'en face
Peut bien aller se rhabiller...
Georges Brassens, Saturne, 1964
Séquence 4 – Textes complémentaires
A Cassandre
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté
Pierre de Ronsard (1524-1585), Les Odes, 1552
TEXTES SOURCES
1. « Carpe diem, quam minimum credula postero ».
Horace, Odes (I,XI,8).
2. « Pour toi, tandis que ton printemps est dans sa fleur, jouis-en, car il
fuit à pas précipités. »
Tibulle, Élégies, I,8.
3. « Ô, n’abandonne pas la jouissance de la vie, pendant que tu peux la
goûter [...] Semblables aux pétales qui tombent des guirlandes
fanées et surnagent çà et là de nos coupes, peut-être verrons-nous,
amants si présomptueux aujourd’hui, notre carrière se fermer
demain. »
Properce, Élégies, II, 15.
4. « Songez dès maintenant à la vieillesse qui va venir, et vous ne perdrez
pas un instant. Tandis que vous le pouvez et que vous en êtes encore à
votre printemps, amusez-vous [...] Cueillez donc une fleur, qui, si vous ne
la cueillez, se flétrira et tombera d’elle-même. »
Ovide, Art d’aimer, III.
5. « Nous nous plaignons, Nature, que la beauté des fleurs soit fugitive :
tu étales à nos yeux des richesses que tu ravis aussitôt. L’espace d’un
jour, voilà ce que vivent les roses : la puberté pour elles touche à la
vieillesse et à la mort. Celle que l’astre du matin a vue naître, le soir, à son
tour, il la voit flétrie [...] Jeune fille, cueille les roses pendant que leur
chair est fraîche et que fraîche est ta jeunesse, et souviens-toi que tes
années passeront de même. »
Ausones, Idyllia, XIV, IVe siècle ap. J-C.