(SUR LES RÉSEAUX)
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G É N É R A T I O N ✺ L’ENQUÊTE MACHOS i GUERRE AUX G L A M O U R 158 (SUR LES RÉSEAUX) TWITTER, ARME DE RÉACTION MASSIVE Fin novembre, Carla Bruni déclarait, dans Vogue, le féminisme « out ». « On n’a pas besoin d’être féministe dans ma génération. Des pionnières ont ouvert la brèche. Je ne suis pas militante féministe. En revanche, je suis bourgeoise. » En des temps pas si anciens, ces quelques mots auraient pu passer inaperçus. Ça, c’était avant. Avant les hashtags, les trending topics et autres RT (« retweet ») qui enflamment la Toile comme un jour de mistral. Un tweet clash généralisé, c’est ce qu’a subi l’ex-première dame. Sous le hashtag #cherecarlabruni, initié par Osez le féminisme, une armée 2.0 s’est dressée pour expliquer à Carla pourquoi elle était à côté de la plaque, l’obligeant face à cette levée de claviers à se justifier quelques jours plus tard. Campagne organisée ou action spontanée, il suffit de taper le mot « sexisme » (ou ses dérivés #sexismeordinaire, #noelsanssexisme…) sur Twitter pour voir que le sujet agite régulièrement l’agora du Web. Car, désormais n’importe quelle Twitto peut allumer la mèche : dénoncer une pub ou épingler en 140 caractères les propos des Don Draper des temps modernes. A l’instar d’un Jean-Pierre Elkabbach, qualifiant en direct Najat Vallaud-Belkacem de « très jolie femme […] avec une très belle langue de bois », immédiatement clashé par la ministre Aurélie Filippetti, faisant ainsi remonter l’info sur tous les sites d’actu. « Ça permet de réagir vite et d’interpeller directement une personnalité, commente Julie Muret, porte-parole d’Osez le féminisme. De manière générale, le terme “sexisme” est de plus en plus présent dans les médias. C’est moins chargé que “féminisme” et ça parle à un public plus large. » © Philippe Huynh-Minh/Maxppp Le sexisme, un combat d’arrière-garde ? Web pétitions, clashs via Twitter, blogs participatifs… Une nouvelle vague de filles (et de garçons) prouve le contraire en faisant du bruit sur le Net. PAR LAETITIA MØLLER Sur le Net ou dans la rue, les filles font passer le message. Ici, à la Slutwalk, en octobre 2012. G L A M O U R 158 LES FILLES SE DÉFOULENT SUR LE NET A l’exemple du blog Vie de meuf lancé en 2010 par Osez le féminisme, les « montées au créneau » anti-sexistes se multiplient sur Internet, initiées par une nouvelle garde de filles qui l’ouvrent, parfois avec pas mal d’humour. Pour tourner en dérision les costumes d’Halloween (Fucknosexisthalloweencostumes.tumblr.com) ou les jouets de genres sur Faiscommemaman.tumblr.com, qui recense fers à repasser et autres aspirateurs « pour faire le ménage comme maman et devenir une fée du logis ». Autre énorme carton : Paye ta Shnek sur le harcèlement de rue, élu meilleur Tumblr 2012 par Minute Buzz, et créé en août dernier par Anaïs Bourdet, une Marseillaise de 28 ans. « C’était juste après la vidéo de Sofie Peeters [cette jeune Bruxelloise qui a filmé les remarques et insultes qu’elle subissait quotidiennement dans la rue, NDLR], je me suis fait poursuivre en voiture par un mec sous prétexte que je n’avais pas répondu à son approche. J’ai réalisé que mes copines avaient toutes plein d’anecdotes à raconter et j’ai monté ce site en cinq minutes. L’idée était de recenser toutes ces phrases, parfois drôles, parfois sordides. Je ne m’attendais pas à un tel succès. » A savoir 900 posts reçus dès la première semaine – près de 3 000 au total – à base de : « Mademoiselle, je te veux en long, en large et en quinconce » ou : « Y’a moyen d’avoir ton numéro ? (Non.) O.K., toi quand je te prendrai en levrette tu feras moins ta maligne ». « Je ne suis pas une féministe engagée, explique Anaïs, mais ça a permis de faire prendre conscience que le phénomène n’était pas si anodin. Avant quand j’en parlais à des mecs, ils me disaient qu’on était paranos. Maintenant, ils réalisent. Récemment, un type m’a dit : “Salut, l’entrejambe”, je n’ai pas répondu, mais pendant tout le chemin, je me suis répété la phrase en boucle pour la poster en rentrant ! » DES BLOGUEUSES « NOUVEAU GENRE » Le Ciel, le féminisme et ta mère, Les Martiennes, Poulet Rotique !… une jeune génération de blogueuses maîtrisant les codes du Web a aussi décidé de faire de l’anti-sexisme une lutte des temps modernes. Elles ont la petite trentaine et abordent les choses différemment : les sujets de fond mais aussi les situations du quotidien, les remarques déplacées et les machos bon teint. Comme ce boss libidineux, « la cinquantaine bien tapée », qui a passé un an et demi à embrasser au coin des lèvres l’une des deux auteures du blog Le Ciel, le féminisme et ta mère, ou un post sur Lara Croft victime d’une tentative de viol dans le nouveau Tomb Raider. Leur objectif : libérer la parole et « montrer que les féministes ne sont pas forcément des énervées poilues ». Comme Clarence, 24 ans et auteure du blog Pouletrotique.com : « Je ne veux pas juste m’adresser aux filles qui vont aux réunions d’Osez le féminisme, mais aussi aux autres, celles qui s’en foutent un peu. Pas mal de filles ne se sentent pas engagées, n’iraient jamais à une manif pour les droits des femmes mais vivent les mêmes situations. Je veux créer le débat. » Sur son blog à l’esthétique vintage, elle publie la « pub sexiste du jour » et a collecté pendant des mois les phrases machistes d’un de ses collègues dans la rubrique « Gentleman à l’italienne ». « Je reçois plein de messages me remerciant de parler de ça, y compris d’hommes qui subissent eux aussi une grosse pression sur leur virilité. On leur demande d’être forts et sensibles, galants mais pas machos, bons pères et dieux du sexe… Ce n’est pas qu’un combat de nénettes ! » Ça ressemble à un nouveau slogan. LES ANGLAISES CLIQUENT ANTI-SEXISME Par Eléonore Kern-Gorse Le gros buzz du moment, en Angleterre, c’est la Web pétition « No more page 3 » lancée par l’actrice et auteure british de 36 ans, Lucy-Anne Holmes, sur la plate-forme Change. org pour réclamer la suppression de la célèbre page 3 du Sun, montrant des filles topless et calibrées, le tout via une esthétique cheap. Résultat : 60 000 signataires et 11 000 followers sur Twitter ont dit « yes » pour déboulonner cette effigie so macho créée en 1970 ! En parallèle, les Anglaises se lâchent sur Everydaysexism.com, un blog participatif lancé en avril dernier par Laura Bates, jeune free lance de 26 ans. A l’origine, une discussion sur le sexisme entre copines et un constat : chacune a des dizaines d’anecdotes à raconter. « Des amies qui bossent à la City m’ont même avoué que leurs collègues allaient dans des boîtes de strip à la pause déj. » Depuis, elle a reçu plus de 12 000 témoignages de femmes relatant leur expérience de sexisme ordinaire. « Ici, elles osent s’exprimer, elles savent qu’on ne va pas leur dire de se calmer », commente Laura, qui prévoit de décliner bientôt son blog dans plusieurs langues, notamment en français. Un « Vie de meuf » à la sauce british. © AFP G É N É R A T I O N G L A M O U R 1. MANIER LE TROISIÈME DEGRÉ « En passant devant un chantier, des ouvriers m’ont lancé un : “T’es bonne avec ta jupe, toi. ” Je leur ai répondu avec un grand sourire : “Vous aimez ? Ça me fait vraiment plaisir. Merci.” Ils sont restés sans voix. » Séverine, 36 ans 5 STRATÉGIES ANTI RELOUS On n’a pas toujours la bonne repartie sur le coup. Et puis parfois, si. PAR GLADYS MARIVAT 1 158 3. MOUCHER PUBLIQUEMENT « Je me suis retrouvée coincée dans le métro face à un mec qui s’est mis à me regarder d’un air lubrique. Plus il me matait, plus je rougissais, plus il prenait son pied. Je n’ai rien osé dire pendant le trajet mais juste avant de sortir à ma station – histoire de pouvoir fuir au cas où –, j’ai fait un demi-tour en hurlant : “Ça va, t’as bien maté, connard ?” Cette fois, c’est lui qui a baissé les yeux. » Lisa, 28 ans 2 3 4 2. RECADRER FROIDEMENT « Il était une heure du mat', je rentrais en scooter. A un feu rouge, devant une terrasse bondée, un mec éméché grimpe derrière moi et se met à me caresser les cuisses pour frimer. J’ai pris une grande inspiration, j’ai remonté ma visière et je l’ai regardé l’air de dire : “On est d’accord, t’es vraiment minable là ?” Ça l’a coupé net. Il a bredouillé un vague “ça va, je rigole” avant de rejoindre ses potes qui se sont foutus de lui. » Eloïse, 29 ans 5 4. CONVOQUER LA MAMMA « Pour les mecs qui me sifflent dans la rue comme un bichon à poils frisés, j’ai la réplique fatale : “Et ta mère, tu la siffles ?” C’est simple mais ça marche à tous les coups. » Bethsabée, 27 ans 5. VIDER SON SAC « L’an dernier, j’ai bossé dans des bureaux rue Saint-Denis, à Paris, un haut lieu de la prostitution. J’ai vite été choquée par les remarques de mes collègues, très durs envers les femmes, à base de : “Elle est monstrueuse celle-là. Quel tromblon !” Ce à quoi j’ai répondu un jour : “Parce que le mec, qui rentre avec elle, c'est une bombe ! ? C’est surtout un gros porc qui vient de négocier une remise de 10 euros pour une fellation.” » Juliette, 26 ans Q © Guilaume Belvèze G É N É R A T I O N