Bulletin de veille sur l`avortement - #55

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Bulletin de veille sur l`avortement - #55
Réseau de veille- Avortement
Bulletin 55- septembre 2014
Le bulletin de veille sur l’avortement est un document de travail de la FQPN.
Il recense l’actualité de l’avortement et des luttes pour le libre-choix ici et à travers le
monde. Nous le publions quatre à cinq fois par an afin d’alimenter les actions et les
réflexions de notre réseau de veille et de mobilisation.
Mot d’introduction
Bonne rentrée à toutes et tous! Cette édition du bulletin de veille est entièrement
consacrée à la mifépristone, autrement connue sous le nom de RU-486.
La mifépristone est un médicament utilisé en combinaison avec d’autres pour
provoquer des avortements sans intervention chirurgicale. Autorisée dans 57 pays, cette
substance est en attente d’approbation par Santé Canada depuis…2012.
La FQPN organise un évènement/ webinar le 16 septembre à midi avec des
intervenant.e.s qui nous partageront leurs expériences de pratique avec la mifépristone
et répondront à vos questions. Inscrivez-vous!
Et n’oubliez pas la Journée pancanadienne d’actions pour la justice reproductive, en
solidarité avec les personnes affectées par la fermeture de la clinique Morgentaler au
Nouveau Brunswick, le samedi 20 septembre à 14h00 au Parc Émilie-Gamelin.
L’équipe de la FQPN
Table des matières
L’avortement par médicament........................................................................................................ 2
L’avortement par médicament au Canada ...................................................................................... 2
La mifépristone? .............................................................................................................................. 4
Autorisation de la mifépristone au Canada..................................................................................... 6
La FQPN et l’avortement par médicament...................................................................................... 7
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L’avortement par médicament
Il existe plusieurs méthodes pour un avortement de premier trimestre.
Celle qui est le plus utilisé au Québec est la méthode chirurgicale, qui consiste à aspirer
le produit de la conception par le col de l’utérus. C’est une intervention médicale rapide
(quelques minutes seulement) et sécuritaire. Pour en savoir plus sur le déroulement
d’un avortement chirurgical, consultez ce document produit par le Centre de Santé des
femmes de Montreal.
Une autre méthode consiste à donner à la personne qui souhaite avorter certains
médicaments qui vont provoquer l’expulsion de l’embryon. Selon les pays, on utilise la
combinaison mifépristone/misoprostol, methrotrexate/misoprostol ou misoprostol
seulement. Ces avortements peuvent être réalisés jusqu’à entre 7 et 9 semaines de
grossesse (calculée à partir de la date des dernières menstruations).

Medical methods for early termination of pregnancy can be safe and effective,
Cochrane review, 2011
L’avortement par médicament au Canada
Utilisation du methrotrexate dans le monde
Au Canada, le régime homologué pour l’avortement par médicament est la combinaison
methrotrexate /misoprostol qui peut être utilisé jusqu’à 7 semaines de grossesse.
Comment ça fontionne? Le méthotrexate freine la production d’acide folique,
nécessaire au développement de l’embryon. Le misoprostol provoque des contractions
de l’utérus qui permettent l’expulsion de l’embryon.
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Concrètement, lorsqu’on est enceinte et qu’on souhaite recourir à l’avortement par
médicament, il faut faire dater sa grossesse par un.e médecin (échographie) qui prend
note de notre historique et évalue notre condition médicale (prise de sang, etc.). C’est la
première visite
Le lendemain, au cours de la seconde visite, le methrotrexate est administré sous forme
liquide ou par injection intramusculaire. Les comprimés de misoprostol, emportés à la
maison, doivent être pris dans les jours qui suivent, par voie orale ou vaginale. Le
misoprostol déclanche les crampes utérines qui vont mener à l’expulsion de l’embryon.
Celles-ci sont plus fortes que les crampes menstruelles et sont accompagnées de
saignements et eventuellement de fièvre, frissons, diarrhée, nausée et grande fatigue. Si
l’expulsion n’a pas eu lieu, il faut reprendre du misoprostol au cours des 24 heures
suivantes. Il est possible de prendre des médicaments pour atténuer les effets
secondaires.
Une troisième visite médicale est necessaire au cours des deux semaines suivantes pour
s’assurer de l’expulsion complète de l’embryon par échographie. Si l’expulsion ne s’est
pas produite, il faut reprendre du misoprostol et refaire une échographie de contrôle.
Pour environ 2% des femmes, l’avortement ne sera pas complété et il faudra recourir à
un avortement chirurgical.
Efficacité : de 92 à 96% pour des grossesses allant jusqu’à 7 semaines. Pour 15 à 25 %
des femmes, le processus d’avortement prendra jusqu’à un mois (CT). Certaines
recourent alors à l’avortement chirurgical afin de mettre fin au processus.
Complications possibles: saignements qui necessitent un curettage, avortement
chirurgical à la demande de la femme parce que le processus prend trop de temps,
poursuite de la grossesse - qui devra être interrompue chirurgicalement car le
methrotrexate endommage l’embryon. Une femme qui a recours à l’avortement par
médicament doit donc être prête à recourir à un avortement chirurgical au cas où
l’expulsion ne serait pas complétée.
Fréquence et lieux d’utilisation de cette méthode : seule la Colombie Britannique
produit des statistiques sur l’avortement par médicament. Dans cette province,
l’avortement médicamenteux compte pour 15% des avortements prodigués, ce qui est
plus qu’au Québec ou seuls quelques centres de services le pratiquent. Tous les centres
n’ont pas en effet l’infrastructure nécessaire pour proposer le service (une ligne d’appel
ouverte 24h) et la demande pour ce type d’intervention est relativement faible.
La méthode methrotrexate /misoprostol disponible au Canada est sécuritaire et
relativement efficace. Elle est cependant peu offerte, necessite plusieurs rendez vous et
cela peut prendre plusieurs semaines avant que l’avortement soit complété, ce qui peut
occasioner du stress et de l’anxiété. La femme doit être prête à recourir à l’avortement
chirurgical au cas où l’expulsion n’aurait pas été complété. La fertilité et le cycle naturel
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sont cependant rapidement rétablis après l’intervention mais il n’est pas recommandé
de retomber enceinte avant trois mois.
Pour en savoir plus :



Medication Abortion, un site web consacré à l’avortement par médicament
Protocoles et résultats utilisés pour l’avortement par médicament, PWP, 2010
Les valeurs qui guident le choix de la méthode d’avortement- médicamenteuse ou
chirurgicale- par les femmes
La mifépristone
La mifépristone est un médicament qui bloque l’action de la progesterone nécessaire
pour établir et maintenir l’attachement du placenta. Elle est disponible dans 57 pays et
est reconnue comme un produit sécuritaire et efficace pour provoquer un avortement
lorsqu’utilisée jusqu’à 7 à 9 semaines de grossesse, en combinaison avec le misoprostol.
Certaines études montrent que ce médicament peut aussi être utilisé dans des cas de
grossesses plus avancées en combinaison avec de l’ethacridine lactatate ou de
l’ocytocine.
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Le protocole utilisé aux États-Unis au début des années 2000, lors de son introduction
recommandait l’absorbtion de 600mg de mifépristone suivie deux jours plus tard par
400µg de misoprostol par voie orale. Les deux médicaments étaient administrés en
clinique, avec un suivi deux semaines plus tard. Le taux de succès était de 92%.
Avec l’expérience et les preuves cliniques accumulées, la pratique consiste maintenant à
prescrire 200mg de mifépristone, suivie de 800µg de misoprostol inséré vaginalement à
la maison. Ce protocole est plus efficace, moins couteux, produit moins d’effets
secondaires et permet de réaliser l’avortement en seulement deux visites médicales. Le
problème est qu’il n’est pas appouvé par la FDA, ce qui a entrainé une poursuite faite
par des anti-choix au Planning Familial de l’Oklahoma. Lire l’article ici.
L’efficacité de la combinaison mifépristone/misoprostol pour provoquer un avortement
est de 97-99%. Les effets secondaires sont les mêmes que dans le cas de l’utilisation du
méthrotrexate/misoprostol. La différence est que l’expulsion est beaucoup plus rapide
dans le cas de l’utilisation de la combinaison mifépristone/misoprostol. Les risques de
complication sont les mêmes. L’autre différence est que la mifepristone ne semble pas
avoir de conséquences négatives dans les cas où la grossesse se poursuit et est menée à
terme.
Risques: en 2001 une Canadienne est morte d’un choc septique quelques jours après
avoir eu recours à l’avortement par mifépristone/misoprostol. Moins d’une dizaine de
décès ont été recensés en Amérique du Nord suite à l’utilisation du
mifépristone/misoprostol, sur plus de 1 millions de cas. Aucune relation de causalité
directe n’a cependant été établie entre ces médicaments et le décès. Un choc toxique
peut être provoqué dans une multitude de circonstances, comme par exemple
l’utilisation de tampons, un accouchement, une césarienne ou un avortement. Ce décès
est cependant utilisé par des anti-choix comme le député fédéral Vellacot qui en
décembre 2013 a écrit à Santé Canada – organisme indépendant du gouvernementpour dire aux responsables qu'il croit qu'« il existe trop de risques pour les femmes pour
approuver ce produit au Canada ». D’ailleurs, le thème de la « marche pour la vie » de
cette année était RU4life? Jeu de mot sur RU-486, le nom de code de la substance.
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

Comparison of abortions induced by methotrexate or mifépristone followed by
misoprostol, 2002
OMS, Comparative effectiveness, safety and acceptability of medical abortion at
home and in a clinic: a systematic review, 2011
A fatal case of Clostridium sordellii septic shock syndrome associated with medical
abortion.
5
Autorisation de la mifépristone au Canada

Extraits de l’article : Valse-hésitation pour une pilule. RU-486 : Le droit de choisir.
Québec Science, 2014 :
« En France, en Suède ou au Royaume-Uni, plus de la moitié des avortements se font
par mifépristone/misoprostol, avant sept ou neuf semaines, selon la législation du pays.
Aux États-Unis, c'est le cas dans 20% des procédures. Mais au Canada, la mifépristone
est introuvable. Cette exception canadienne est dénoncée depuis longtemps par les
médecins et les associations pour le droit des femmes. En 2009, la Société canadienne
des obstétriciens et gynécologues avait d'ailleurs appelé Santé Canada à trouver un
arrangement avec l'industrie pharmaceutique pour rendre la mifépristone disponible.
Les choses pourraient toutefois changer. Santé Canada examine depuis plus de 18 mois
la première demande de commercialisation de la mifépristone, déposée fin 2012 par un
laboratoire pharmaceutique. La décision serait imminente.
La mifépristone pourrait permettre de réduire les délais d'accès à l'avortement et de
libérer les salles d'opération dans les hôpitaux. Plus important encore, la mifépristone
pourrait permettre aux Canadiennes d'obtenir un avortement dans des délais
convenables, quel que soit leur lieu de résidence, ce qui est loin d'être le cas
aujourd'hui- Dans certaines provinces comme l'Alberta ou le Manitoba, le tiers des
femmes souhaitant avorter doit effectuer plus de 100 km pour accéder aux services.
C'est d'autant plus vrai dans les Maritimes et dans le Nord, notamment pour les femmes
autochtones qui, elles, doivent parcourir parfois plus de 3 000 km!
Alors, y a-t-il vraiment un risque que Santé Canada rejette le RU-486? Oui, si le passé est
garant de l'avenir. «Il est arrivé que les approbations de médicaments contraceptifs
prennent plus de temps que la moyenne, en dépit des preuves d'innocuité», explique
Dawn Fowler, directrice de la National Abortion Federation. «Certains pensent que
Santé Canada maintient une attitude défavorable envers les médicaments liés à la
reproduction, avec des exigences, auprès des fabricants, plus onéreuses que celles
imposées en Europe ou aux États-Unis», indique quant à lui l'éditorial du CMAJ.
«Les procédures de Santé Canada ne sont pas du tout transparentes; personne ne sait
ce qui passe à l'interne», déplore Sheila Dunn. Les dépôts de soumission sont secrets,
tout comme les motifs qui peuvent amener l'organisme à refuser un médicament - alors
que la Food and Drug Administration (FDA) et l'Agence européenne des médicaments
les rendent publics. »

Huffington Post, La pilule abortive «RU-486» n'est toujours pas disponible au
Canada, 2014
6
La FQPN et l’avortement par médicament
En 1994 et en 2002 la FQPN a décidé de ne pas faire la promotion de l’avortement par
médicament. Ses arguments (entre autres) ?
-
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Les risques pour la santé des femmes et le manque de recul pour estimer les
impacts à long terme sur la santé
Le risque potentiel pour le maitient et le développement des services
traditionnels d’avortement, qui restent nécessaires pour les grossesses plus
avancées et les femmes qui ont des contre-indications à l’avortement par
médicament
La fausse impression de facilité de l’avortement par médicament, car le
processus se révèle plus lourd que l’avortement chirurgical
L’isolement de la femme dans le processus et l’angoisse suscitée par le moment
inconnu de l’expulsion
En revanche, la FQPN reconnaissait des aspects positifs à l’avortement par médicament,
notamment la possibilité d’imterrompre sa grossesse dès sa découverte, sans avoir à
attendre les délais de l’avortement chirugical et l’amélioration de l’accès pour les
femmes des régions éloignées ou rurales.
Consultez les documents produits lors de ces prises de position
 Position de la FQPN sur le RU486
 L’avortement par cocktail chimique. Une solution ou un problème???
 Le point sur l’avortement par médicaments
Qu’en est-il aujourd’hui? La FQPN doit-elle revoir sa position? Avons-nous assez de recul
par rapport à l’avortement par médicament? Quelles sont les valeurs en jeu dans ce
débat?
Venez en discuter avec nous le 16 Septembre lors d’un webinar/midi conférence à la
maison Parent-Roback avec trois spécialistes et praticien.ne.s, les docteurs Fiala, Aubeny
et Guilbert. Inscrivez-vous!
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