Le roman et ses personnages: visions de l`homme et du monde

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Le roman et ses personnages: visions de l`homme et du monde
Des mots passants
Le roman et ses personnages: visions de l'homme et du monde
Sujet de type bac avec en bleu les conseils ou plan
Texte A Louis-Ferdinand CELINE , Voyage au bout de la nuit, 1932 Le narrateur de ce roman, militaire, est affecté
dans un fort colonial au Congo. Il évoque ici le commerce malhonnête d’un colon, tenancier d’un
comptoir qui rachète le caoutchouc récolté par les populations locales pour le revendre à meilleur prix. Une famille de
récolteurs vient justement apporter sa récolte…. C’était la première fois qu’ils venaient comme ça
tous ensemble de la forêt, vers les Blancs en ville. Ils avaient dû s’y mettre depuis bien longtemps les uns et les
autres pour récolter tout ce caoutchouc-là. Alors forcément le résultat les intéressait tous. C’est long à suinter le
caoutchouc dans les petits godets qu’on accroche au tronc des arbres. Souvent, on n’en a pas plein un
petit verre en deux mois. Pesée faite, notre gratteur[1] entraîna le père, éberlué[2], derrière son comptoir et avec un
crayon lui fit son compte et puis lui enferma dans le creux de la main quelques pièces en argent. Et puis : « Va-t'en ! qu'il
lui a dit comme ça. C'est ton compte !... » Tous les petits amis blancs s'en tordaient de rigolade, tellement il avait bien
mené son business. Le nègre restait planté penaud devant le comptoir avec son petit caleçon orange autour du sexe.
« Toi, y a pas savoir argent? Sauvage alors? que l'interpelle pour le réveiller l'un de nos commis[3], débrouillard,
habitué et bien dressé sans doute à ces transactions péremptoires[4]. Toi y en a pas parler « francé » dis ? Toi y en a
gorille encore hein ?... […] Il lui reprit l'argent d'autorité et à la place des pièces lui chiffonna dans le creux de la
main un grand mouchoir très vert qu'il avait été cueillir finement dans une cachette du comptoir. Le père nègre hésitait à
s'en aller avec ce mouchoir. Le gratteur fit alors mieux encore. Il connaissait décidément tous les trucs du commerce
conquérant. Agitant devant les yeux d'un des tous petits Noirs enfants, le grand morceau vert d'étamine : « Tu le
trouves pas beau, toi, dis morpion ? T'en as souvent vu comme ça, dis ma mignonne, dis ma petite charogne, dis mon
petit boudin, des mouchoirs ? » Et il le lui noua autour du cou, d'autorité, question de l'habiller. La famille sauvage
contemplait à présent le petit orné de cette grande chose en cotonnade verte... Il n'y avait plus rien à faire puisque le
mouchoir venait d'entrer dans la famille. Il n'y avait plus qu'à l'accepter, le prendre et s'en aller. Tous se mirent donc à
reculer lentement, franchirent la porte, et au moment où le père se retournait, en dernier, pour dire quelque chose, le
commis le plus dessalé[5] qui avait des chaussures le stimula, le père, par un grand coup de botte en plein dans les
fesses.
Texte B Didier DAENINCKX , Cannibale, incipit, 1998
Je m’appelle Gocéné, je suis né à Canala
mais les hasards de la vie m’ont fait découvrir les hautes vallées de la Hienghene, et c’est là que sont les
miens aujourd’hui. Il y a très longtemps, j’ai été désigné par le chef du village, avec une vingtaine de
garçons et moitié moins de filles, pour aller à Nouméa[6]. Nous ne savions pas pourquoi… Les soldats nous ont
escortés jusqu’à La Foa . Deux jours de marche par la route charretière. Là des camions nous attendaient. Nous
sommes descendus à Nouméa où nous avons rejoint d’autres Kanak venus des îles d’Ouvéa, de Lifou, de
Maré[7]… Nous étions plus d’une centaine. On dormait dans un immense hangar sur le port, quand le
grand chef Boula nous a réveillés pour nous présenter un Français, l’adjoint du gouverneur Joseph Guyon. Il a
commencé par nous appeler « Mes Amis », et tout le monde s’est méfié. Il a rendu hommage à nos pères, à nos
oncles qui étaient allés sauver la mère patrie d’adoption, pendant la Grande Guerre, avant de nous annoncer
que nous partirions dés le lendemain pour l’Europe. -Ce voyage est la chance de votre vie. Grâce à la Fédération
Française des Anciens Coloniaux qui a intercédé auprès de M. le Gouverneur, la Nouvelle-Calédonie tiendra toute sa
place au cœur de la prochaine Exposition coloniale. Auprès de vos frères en voie de civilisation, d’Afrique,
d’Asie, d’Amérique, vous représenterez la culture ancestrale de l’Océanie. Vous montrerez par
vos chants, vos danses, que coloniser ce n’est pas seulement défricher la jungle, construire des quais, des
usines, tracer des routes, c’est aussi gagner à la douceur humaine les cœurs farouches de la savane, de la
forêt, et du désert… Nous avons embarqué le 15 janvier 1931, sur le Ville de Verdun. Nous vivions sur le
troisième pont, comme des passagers de dernière catégorie. Il faisait trop chaud le jour, trop froid la nuit, et plusieurs
d’entre nous ont contracté la malaria lors d’une escale aux Nouvelles-Hébrides. Il y a eu trois morts si
mes souvenirs sont exacts, dont Bazit, un Kanak albinos de Wé. L’équipage a jeté leurs corps à la mer sans nous
laisser le temps de leur expliquer que l’on naît pour vivre avec les vivants et que l’on meurt pour vivre avec
les morts. Les morts ne peuvent vivre dans l’océan, ils ne peuvent pas retrouver leur tribu… Nous sommes
arrivés à Marseille au début du mois d’avril, sous la pluie. Texte C René MARAN, Batouala, extrait du chapitre
5, 1887 Batouala est un grand chef de la République centrafricaine, autrefois appelée « Oubangui-Chari », à V époque
de la domination coloniale fran-çaise qui débuta au dix-neuvième siècle. Il s'adresse ici à une grande assemblée de son
peuple lors d'une fête qui réunit plusieurs villages. - Notre soumission, reprit Batouala, dont la voix allait s'enfiévrant,
notre soumission ne nous a pas mérité leur bienveillance. Et d'abord, non contents de s'appliquer à supprimer nos plus
chères coutumes, ils n'ont eu de cesse qu'ils ne nous aient imposé les leurs. Ils n'y ont, à la longue, que trop bien réussi.
Résultat : la plus morne tris-tesse règne, désormais, par tout le pays noir. Les blancs sont ainsi faits, que la joie de vivre
disparaît des lieux où ils prennent quartiers. Depuis que nous subissons, plus le droit de jouer quelque argent que ce soit
au « patara ». Plus le droit non plus de nous enivrer. Nos danses et nos chants sont pourtant toute notre vie. Nous
dansons à propos de tout, à pro-pos de rien, pour le plaisir. Rien ne se fait ni ne se passe, que nous dansions aussitôt. Et
nos danses sont innombrables. Nous dansons la danse de l'eau de la terre et de l'eau du ciel, la danse du feu, la danse
du vent, la danse de la fourmi, la danse de l'éléphant, la danse des arbres, la danse des feuilles, la danse des étoiles,
la danse de la terre et de ce qui est dedans, toutes les danses. Ou, plutôt, mieux est de dire que naguère nous les
dansions toutes. Car, pour ce qui est des jours que nous vivons, on ne nous les tolère plus que rarement. Et encore
nous faut-il payer une dîme1 au « Gouverne-ment ! ». 1. Un impôt.
Texte D Jean-Claude CARRIERRE , La
controverse de Valladolid, extrait du chapitre 7, 1992 Ce roman fait le récit d’une polémique (une controverse)
qui eut lieu en Espagne à Valladolid au XVI° siècle. Elle devait déterminer la nature exacte des Indiens découverts par
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Christophe Colomb dans les Antilles. Le locuteur est un moine dominicain de nom de Bartolomé de Las Casas,
défenseur des Indiens. Cette discussion se déroule sous l’autorité d’un cardinal chargé de trancher le
débat. -[…] De tous temps les envahisseurs , pour se justifier de leur main mise , ont déclaré les peuples
conquis indolents , dépourvus , mais très capables d’imiter ! César racontait la même chose des gaulois
qu’il asservissait ! Ils montraient , disait – il , une étonnante habileté pour copier les techniques romaines !
Nous ne pouvons pas retenir ici cet argument ! César s’aveuglait volontairement sur la vie véritable des peuples
de Gaule , sur leurs coutumes , leurs langages , leurs croyances et même leurs outils ! Il ne voulait pas , et par
conséquent ne pouvait pas voir tout ce que cette vie offrait d’original . Et nous faisons de même : nous ne
voyons que ce qu’ils imitent de nous ! Le reste, nous l’effaçons , nous le détruisons à jamais , pour dire
ensuite : ça n’ a pas existé ! Le cardinal, qui n’a pas interrompu le dominicain , semble attentif à cette
argumentation nouvelle , qui s’intéresse aux coutumes des peuples . Il fait remarquer qu’il s’agit là
d’un terrain de discussion des plus délicats, où nous risquons d’être constamment ensorcelés par
l’habitude, prise depuis l’enfance, que nous avons de nos propres usages, lesquels nous semblent de ce
fait très supérieurs aux usages des autres .
Question préliminaire (6 points) Que dénonce chacun des textes ?
Vous n'oublierez pas de comparer les élé-ments dénoncez, en cherchant des points communs et d'éventuelles
différen-ces ou nuances. Comparez le point de vue du narrateur de chacun des textes.
Vous traiterez un de ces
sujets au choix ( 14 points ) Commentaire Vous ferez le commentaire du texte A à partir du parcours de lecture suivant :
Vous analyserez la façon dont le texte fait la description de la famille de récolteurs. Vous montrerez que cette scène fait
la satire de la colonisation. Dissertation En vous appuyant sur le corpus de textes et sur votre expérience de lecteur,
vous vous interrogerez sur ce que peut apporter la lecture d'un roman. Écriture d'invention Inventez une situation
mettant en scène un personnage contemporain (qui vit à votre époque) qui subit une forme de ségrégation
(discrimination). Vous ferez en sorte que ce personnage persuade le lecteur que la situation difficile qu'il vit, sert à
dénoncer cette injustice.
Question 1 Méthodologie La formulation de la question vous invite non pas à faire comme
très souvent une synthèse mais à repondre à la question texte par texte même si certains éléments peuvent être
communs. En effet , la question vous invite à comparer ce qui est critiqué. Même si vous devez détailler les éléments
de « chacun des textes », faites des relations entre eux en utilisant des outils de comparaison (comme, tel que, ainsi
que, égale-ment, de la même manière, de la même façon...), d'opposition (mais, en revan-che, au contraire...), ou de
nuance (de façon différente, par ailleurs, pourtant...). Les quatre textes sont des textes narratifs qui appartiennent au
genre romanes-que mais ils présentent également une dimension argumentative. C'est le terme « dénonce » qui vous
le signifie parce qu'il vous renseigne sur leur dimension critique. La difficulté de ce travail réside dans le fait que cette
critique sera sans doute en partie implicite du fait du caractère narratif du corpus. Ainsi parfois la criti-que sera formulée
directement dans le discours d'un personnage, mais elle pourra apparaître plus indirectement à travers la situation décrite
; il faudra alors déterminer ce qui, dans la description ou la narration peut apparaître comme choquant ou révoltant et qui
mérite d'être dénoncé. Réponse Chacun des textes dénonce les méfaits de la colonisation, mais les reproches ne
sont exactement les mêmes. En effet, dans Voyage au bout de la nuit, la critique porte tout à la fois sur l'exploitation
financière que subissent les populations locales qui sont exploi-tées par les « Blancs » : ici une famille de récolteurs se
fait escroquer parce qu'on lui échange le caoutchouc si difficilement recueilli contre un simple mouchoir. Mais le texte
montre aussi la violence physique et psychologique des colons. Enfin, le voca-bulaire employé à l'égard du père est
teinté de racisme et exprime les préjugés du colonialisme qui considère les africains comme un peuple non civilisé plus
proche de la nature, du « sauvage » ou du « gorille » que de l'homme dit « civi-lisé ». Le texte de Didier Daeninckx met
aussi en valeur le manque de respect de la valeur humaine des colons qui jettent par-dessus bord le corps des kanaks
morts pendant le voyage qui les amène en métropole sans aucune forme de cérémonie funèbre, niant par ce geste,
tout à la fois leurs croyances et leur dignité. Dans cet extrait également, le colon se considère supérieur au peuple
colonisé : l'adjoint du gouverneur affirme en effet que « coloniser ce n'est pas seulement défricher la jungle, construire
des quais, des usines, tracer des routes, c'est aussi gagner à la douceur humaine les cœurs farouches de la savane
», ce qui montre qu'il considère le peuple kanak comme des sauvages. D'ailleurs, le peuple de Gocéné se méfie de
l'homme politique qui ment lorsqu'il les appelle « mes amis ». On ne fait pas dormir ses « amis » dans un hangar à fruits.
Le discours de Batouala exprime la même idée. Les Blancs s'emploient « à supprimer nos plus chères coutumes, ils
n'ont eu de cesse qu'ils ne nous aient imposé les leurs », dit-il. Là encore, la colonisation s'applique à imposer la
civilisation blanche, parce qu'elle l'estime supérieure et que cela lui permet aussi de s'enrichir. René Maran, comme
Céline, relève le caractère mercantile (intéressé par l'argent) du colonialisme, Batouala évoque ainsi la « dîme » que
son peuple doit payer au « Gouvernement ». Ces deux extraits de roman, comme celui de La controverse de Valladolid
révèlent la domination qu'exer-cent les colons sur les colonisés. Loin d'être une entente harmonieuse entre deux
peuples, le colonialisme instaure un rapport de « soumission » comme le dénonce Batouala, une « main-mise » selon
Bartolomé de las Casas qui montre à l'instar des autres textes que coloniser c'est nier la culture de l'autre pour mieux
l'asservir.
Question 2 Méthodologie La notion de point de vue est essentielle dans la narration et la description
puisqu'elle permet d'analyser la façon dont les éléments sont décrits ou racon-tés ; tout dépend en effet de l'angle
selon lequel on regarde. Mais attention à la formulation de la question. En effet les textes étant à la fois argumentatifs et
narratifs, le « point de vue » du narrateur peut recouvrer deux réalités : •
si l'on considère l'aspect argumentatif
des textes, il peut s'agir de déterminer ce que le narrateur pense de la colonisation ; •
si l'on considère l'aspect
narratif, il faut alors déterminer la focalisation c'est-à-dire l'angle d'observation selon lequel les éléments de l'histoire
sont racon-tés. C'est ce que l'on appelle la focalisation. Cette ambiguïté de la notion de point de vue tient au double
sens du verbe « voir » qui peut vouloir dire « observer » et « penser ». (Je vois la mer / je vois ce que tu dis). Pourtant,
dans la mesure où la première question vous interroge sur l'aspect argumentatif des textes, la seconde porte donc sur la
focalisation . Réponse Tous les textes dénoncent directement ou indirectement la colonisation mais le point de vue
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dans chacun d'eux varie ce qui permet d'envisager le problème selon des angles différents. On peut établir une
première distinction permettant de regrouper les extraits deux à deux. En effet, les textes A et D présentent le problème
du point de vue des colons puisque le narrateur personnage de Voyage au bout de la nuit est un soldat blanc, Bardamu,
et La controverse de Valladolid donne la parole au moine dominicain Bartholomé de Las Casas, un espagnol
appartenant au camp des conquistadors. Mais à l'intérieur de cette première distinction nous relevons des différences de
focalisation. En effet, le discours de Bartholomé de Las Casas est présenté en focalisation externe. Le narrateur
délivre objective-ment ce qu'il voit de l'extérieur, le discours du moine est retranscrit tel quel, au discours direct. Ce qui
permet ici de distinguer le point de vue externe du point de vue omniscient est la modalisation du discours présente
dans le der-nier paragraphe. Un narrateur omniscient n'éprouverait pas de doute quant à l'interprétation de l'état d'esprit
d'un des personnages comme c'est le cas dans cette remarque, « Le cardinal, qui n'a pas interrompu le dominicain,
semble attentif à cette argumentation nouvelle ». Cette remarque traduit l'objectivité du narrateur. Le cas du Voyage au
bout de la nuit est plus complexe, puisque la focalisation glisse du point de vue interne vers la focalisation omnisciente.
Par contre, les deux textes B et C, présentent le problème de la colonisation du point de vue des colonisés : le narrateur
personnage est un kanak dans Cannibale et Batouala livre un discours de son héros éponyme (le nom du héros est en
même temps le héros de l'histoire), un Africain. Mais là encore la focalisation du mode de narration varie. Si Cannibale
présente la narration de l'intérieur, donc en focalisation interne (Gocéné raconte sa propre histoire), dans Batouala, au
contraire le discours direct que prononce le héros est présenté par un narrateur externe, ce que montre la première
phrase qui pré-sente le discours et renseigne objectivement sur l'état du locuteur ; « -Notre soumission, reprit Batouala,
dont la voix allait s'enfiévrant, notre soumission ne nous a pas mérité leur bienveillance ».
Les sujets
d’écriture 1. Le commentaire Méthodologie Pour le premier axe : Revoyez sur le rôle et la fonction de la
description. Vous devez analyser les caractéristiques de cette famille, ce qu'elle a de parti-culier, de remarquable, et
cherchez à cerner les points de vue qui sont portés sur elle ; celui de l'auteur mais aussi celui des autres personnages de
la scène. Le deuxième axe : il vous questionne sur la dimension satirique du texte. la satire vise à critiquer, dénoncer en
se moquant : comme la moquerie, la satire oscille entre les registres sérieux (elle peut être violente et polémi-que) et
les registres plaisants ( teintée d'ironie, d'humour) ou franchement parodique, burlesque ou comique. Pour répondre à
cette question vous devez utiliser les éléments de la première partie, en effet la façon dont cette famille est traitée
constitue un élément important de la satire de la colonisation. Une phrase de transition est nécessaire entre ces deux
parties pour montrer de quelle manière la description fait partie de la vision satirique. La première question à laquelle
vous avez répondu peut également vous aider puisque la satire est une forme de dénonciation. C'est l'occasion de
vous rap-peler la cohérence du corpus et de l'ensemble des travaux proposés : avant de commencer à répondre, lisez
bien l'ensemble des textes et des questions posées pour en comprendre l'unité. Réponse Introduction •
Présentation du texte Voyage au bout de la nuit est un monument de la littérature, roman polémi-que, parfois violent, il
se reconnaît surtout à sa langue particulière qui lors de sa sortie en 1932, attira une critique importante, la jugeant
indécente et indigne de la littérature. Pourtant c'est cette langue originale qui fait la richesse de ce livre et offre au
lecteur un regard sans concession sur une première moitié du vingtième siècle, vue à travers le regard raide de Bardamu,
héros voyageur de ce livre qui nous amène ici en Afrique. Louis-Ferdinand Céline, dans cet extrait, peint une scène
ordinaire de la colonisation, en décrivant une transac-tion commerciale entre une famille indigène et le tenancier blanc
d'un comp-toir. • Annonce du plan Mais le regard complexe du héros-narrateur éclaire d'un jour particulier cette
candide famille de récolteurs qui vient amener le fruit de son travail dans l'antre de la colonisation. I - Une famille de
récolteurs pathétique 1. Fragilité et candeur • Une famille en terrain inconnu • Une famille animée d'une
curiosité naïve • Une famille fragile La famille de récolteurs se caractérise d'abord par sa fragilité, sa naïveté,
même ; « C'est la première fois qu'ils venaient tous ensemble de la forêt » nous indique d'emblée le texte. Cette
famille est en effet vierge de tout contact avec « les Blancs » et « la ville ». Elle est donc immédiatement perçue en
position de faiblesse (ce que symbolise la majuscule de « Blancs »), puisqu'elle se lance dans l'inconnu ; dans un milieu
géographique et social qu'elle ne connaît pas pour établir des relations avec des inconnus. Pourtant c'est moins la peur
que la curiosité qui les pousse à se déplacer « tous ensemble », en famille, pour faire valoir le prix de leur récolte,
puisque « le résultat les intéressait tous ». La présence des « Noirs enfants » renforce également cette impression de
fragilité, par l'insistance produite par la répétition de « petit(e) » dans la bouche du « gratteur » qui utilise d'ailleurs
l'enfant comme un point faible lors du paie-ment du caoutchouc récolté. La rouerie (ruse malhonnête) du colon profite
ainsi de la candeur (naïveté) de cette famille dont même le père est infantilisé : traité comme un gamin à qui l'on reprend
« d'autorité » l'argent qu'on lui a donné pour lui placer « dans le creux de la main un grand mouchoir très vert », comme
un gâteau pour ne pas qu'il tombe. 2. Une famille pathétique • Un vocabulaire qui provoque la compassion •
Le dénuement physique et psychologique de cette famille • Une situation injuste C'est donc le pathétique qui
domine tout d'abord cette scène parce que le colon va profiter de sa naïveté, de sa faiblesse pour abuser de cette famille
qui est, à l'image du père, d'abord « éberlué », puis « penaud » et enfin résigné (« Il n'y avait plus qu'à accepter, le
prendre et s'en aller »). Son dénuement n'est pas seulement physique (il est seulement vêtu d'un « petit caleçon orange
autour du sexe »), mais également psychologique ; sans défense dans un milieu hostile, il va subir les moqueries, la
méchanceté, l'humiliation du tenancier du comptoir et de ses « amis blancs » qui se « tordaient de rigolade ». Le lecteur
est en effet frappé par l'injustice dont est victime cette famille, qui a tant peiné pour récolter ce précieux caoutchouc et
qui se le fait spolier (voler) aussi faci-lement. Ce contraste renforce l'iniquité (forte injustice) de la situation d'ail-leurs
décrite avec un soucis de réalisme : le narrateur insiste d'abord sur la difficulté du labeur, « ils avaient dû s'y mettre
depuis bien longtemps les uns et les autres pour récolter tout ce caoutchouc là », puis « C'est long à suinter (...), on en a
pas plein un petit verre en deux mois. ». De cette manière la rapi-dité de la transaction et sa malhonnêteté paraissent
encore plus évidentes au lecteur qui prend en pitié ces gens. 3. Le double point de vue du narrateur • Une scène
réaliste • Un langage direct • Une double focalisation : le glissement du point de vue interne vers une
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focalisation omnisciente Ce réalisme de la scène est rendu plus évident encore par la langue spécifi-que de Céline qui
opère un curieux mélange entre langage direct et indirect. Le langage direct nous plonge au cœur de l'action, nous
donne à voir les acteurs de la scène mais uniquement du côté des « Blancs », qui sont les seuls à s'ex-primer. Ainsi, le
narrateur, témoin de la scène comme le suggère la première personne employée une fois dans ce passage (« notre
gratteur »), donne à voir la scène, avec ses dialogues crus et directs. Pourtant il ne paraît pas complète-ment de leur côté,
il ne rit pas avec eux ; « Tous les petits amis blancs s'en tor-daient de rigolade » : il ne s'inclut pas dans ces « amis ». Le
narrateur brouille encore les cartes lorsqu'il mêle au discours direct des structures indirectes qui participent également
de cette prise de distance (« Va-t'en ! qu'il lui dit comme ça. »). Ces deux éléments permettent au narrateur de glisser
d'une focalisation interne vers un point de vue omniscient. En s'éloignant de ses amis ; les Blancs, il nous suggère le
point de vue de la famille noire et passe ainsi des « bourreaux » aux « victimes » en entraînant le lecteur avec lui dans un
élan de compréhension voire de compassion, à l'image de l'avant-dernier paragraphe. II - Un tableau critique de la
colonisation 1. La violence du discours • Le vocabulaire grossier et insultant • Le parler « petit nègre » •
De la violence verbale vers la violence physique Ce mode de narration incite le lecteur à porter un regard critique sur ce
tableau de la colonisation ordinaire. Nous évoquions à l'instant la langue particulière de Céline et le discours direct qu'il
emploie. Il convient là de souligner son extrême violence. Le voca-bulaire utilisé à rencontre du père est grossier et
insultant ; « morpion », « cha-rogne », « boudin ». Le langage direct permet également à l'auteur de reproduire le parler «
petit nègre » utilisé par moquerie par l'un des commis noir définitivement perverti (qui a perdu son caractère vertueux)
par les colo-nisateurs ; « Toi, y a pas savoir argent » ou encore, « Toi y en a pas parler "francé" ». Cette langue reflète
la violence psychologique et dégradante des colons. D'abord verbale, elle est aussi physique. Et le lien est établi par
l'ex-pression que le « gratteur » utilise à rencontre du père lorsqu'il lui dit : « Va-t'en ! (...) C'est ton compte ». En le jetant
dehors, il semble le condamner : car comment ne pas penser au double sens de l'expression « avoir son compte », qui
signifie aussi « être mort ». D'ailleurs et finalement, la famille sera jetée dehors avec brutalité, « par un grand coup de
botte en plein dans les fesses ». 2. Le racisme • Le sentiment de supériorité des colons • La volonté de
dégrader • Un point de vue ironique sur la colonisation Cette utilisation au style direct de la langue du gratteur et
de ses amis mati-née de violence et de mépris révèle le racisme des colons avec le cortège d'idées stéréotypées
(toutes faites) qu'il véhicule. D'abord, ce sentiment de supériorité perceptible dans les mots employés pour désigner
cette famille qui n'est pas considérée à sa juste valeur humaine mais déconsidérée, rabaissée à un rang inférieur dans
un mouvement de dégradation qui va du sauvage (homme non civilisé) vers l'animal (le caractère humain est alors nié ;
dans la théorie de l'évolution l'homme descend du singe, stade auquel semble can-tonné le père qualifié de « gorille
»). Notons que ce singe, qui se caractérise par sa grande force physique et son aspect musculeux et brutal ne semble
guère convenir pour qualifier ce père récolteur et paraît ironiquement désigner davan-tage l'attitude du commis. Celui-ci
révèle d'ailleurs le processus de la coloni-sation. Pour un colon, coloniser c'est civiliser, amener en pays « sauvage » la
voix de la civilisation. Le terme « dessalé » traduit à lui seul cette idée ; ce mot suggère que ce commis noir est devenu
acceptable à la civilisation, débarrassé de sa « sauvagerie » que l'on a gratté comme du sel, de la même manière que
la morue devient comestible une fois que la couche de sel qui la recouvre est ôtée. D'ailleurs il porte des « chaussures »,
signe extérieur évident de sa nou-velle humanité le séparant du primitif qui va pieds nus. Là encore remarquons l'ironie
du texte qui fait de ce simple attribut le symbole de la civilisation mais paradoxalement aussi de la brutalité inhérente
(qui accompagne toujours) à la colonisation. 3. Le mercantilisme des colons • Un rapport de force inégal entre
colons et colonisés • Une parodie d'échange commercial • Une situation symbolique des dérives de la
colonisation Parce que, loin d'offrir un tableau idyllique de la colonisation, Céline met au contraire en scène le rapport
de force qu'elle instaure entre une population locale exploitée et les colons blancs dominateurs. Parce que la transaction
com-merciale racontée ici n'est qu'une parodie de ce qu'on appelle habituellement un « échange commercial ». En effet
cette famille de récolteurs va tout simple-ment se faire voler les fruits de son travail si difficilement obtenus. Pour tout
salaire elle ne percevra en définitive qu'un simple «mouchoir» vert. Cette transaction(s) péremptoire(s) » illustre la
domination des Blancs qui mènent l'opération avec autorité et malhonnêteté, ne laissant aucune chance au père
récolteur. Elle est d'ailleurs savamment orchestrée (organisée) : d'abord un simulacre d'honnêteté grâce à la pesée
pour calculer une rétribution qu'on « lui enferma dans le creux de la main », ensuite on « lui reprit l'argent d'autorité »
pour lui imposer un mouchoir que l'on « avait été cueillir finement dans une cachette » pour le nouer « autour du coup
d'autorité ». Le gratteur profite de la faiblesse du récolteur ; de sa naïveté, n'hésitant pas à utiliser l'enfant pour arri-ver à
ses fins. Ce qui fait rire ses comparses qui « s'en tordaient de rigolade tel-lement il avait bien mené son business ». Cet
éloquent exemple de « commerce conquérant » (l'expression est édifiante [qui a valeur d'exemple]) permet de mesurer
les dérives de la colonisation, sa nature mercantile et le fossé qui sépare les populations locales exploitées et
humiliées des colons violents, gros-siers et cyniques (ils se moquent de la morale) qui se retranchent derrière la table du
« comptoir », alors que le mot qualifie également dans le vocabulaire colonial une implantation commerciale d'un pays
dans une colonie ; tout un symbole. Conclusion • Bilan • Mise en perspective Céline, par son style
particulier et riche, permet à la fois au lecteur de pren-dre conscience de la fragilité de cette famille de récolteurs, spoliée
de sa richesse, et des travers du colonialisme, violent, malhonnête et raciste. Le tra-vail sur la langue, à travers le
vocabulaire et l'ambiguïté du point de vue, per-met de croiser les regards sur ce phénomène et de prendre conscience à
la fois de la perception des colons et des colonisés. La dimension satirique du texte qui oscille entre compassion, ironie
et cynisme met ainsi en lumière les dérives de la « soumission » des peuples, ses stéréotypes et ses mensonges à
l'instar des autres extraits du corpus.
2. La dissertation Méthodologie • La problématique de la
dissertation est simplement formulée mais pose cependant problème car elle nécessite d'être quelque peu précisée.
Elle vous demande de réfléchir sur « ce que peut apporter la lecture d'un roman », c'est-à-dire sur les bénéfices que la
lecture d'un roman procure ; il vous invite ainsi à analyser ce que le lecteur gagne à lire des romans et ce qu'il recherche
dans ce genre. • La question posée est ouverte, elle induit donc un plan analytique qui s'ap-puiera pour sa
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construction sur les deux ou trois grandes idées qui seront autant d'axes fédérateurs pour construire les deux ou trois
grandes parties : vous pou-vez par exemple réfléchir au plaisir physique lié à l'émotion que procure la lec-ture d'une
belle histoire, ainsi qu'aux joies intellectuelles que certains ouvrages peuvent également susciter. • Le sujet vous
invite à vous appuyer sur votre expérience de lecteur, qui ne se limite pas, rappelons-le, à votre année de première.
Réponse
Dissertation Plan détaillé de la dissertation Introduction • Accroche et présentation du thème Avant
d'être le genre littéraire le plus pratiqué et le plus lu, le roman désignait la langue vulgaire, celle que l'on par-lait par
opposition à la langue savante, que l'on dédiait aux tâches plus nobles, la littérature, la science ou la liturgie. Le parcours
du mot suggère celui du genre qui prit au cours des siècles une dimension de plus en plus grande. •
Problématique On peut ainsi s'interroger sur le succès envahissant du roman et se demander ce que la lecture d'un
roman peut bien apporter au lec-teur, quels bénéfices il tire de la fréquentation du genre romanesque. • Annonce
du plan Nous verrons d'abord que le plaisir immédiat que procure le récit d'une belle histoire, les mécanismes internes
au roman tels que l'exem-plarité du héros et l'identification du lecteur à lui participent également de l'in-térêt qu'on lui
porte. Pourtant le genre peut se révéler aussi un excellent support pour une pensée plus abstraite ou engagée. I - Le
plaisir de la lecture Ce qu'apporte d'abord le roman c'est le plaisir que procure sa lecture. Il évo-luera dans le temps à
travers les transformations du genre et des mœurs. 1. Le plaisir de l'histoire • Comme les enfants dès leur
plus jeune âge, nous aimons les histoires. Le récit satisfait notre curiosité naturelle. • Ces histoires sont souvent
incroyables, étonnantes, merveilleuses, elles per-mettent donc au lecteur de s'évader de son quotidien, de rêver, de se
laisser aller au pouvoir de l'imagination. Le cycle du Seigneur des Anneaux par exem-ple, avant d'être un film est une
œuvre littéraire à laquelle l'auteur, J.R.R. Tolkien a consacré plus de dix ans de sa vie de philologue. Elle nous
transporte dans un univers complètement extraordinaire que l'on appelle le fantastique médiéval et qui est comme
parallèle au nôtre avec sa géographie, son histoire, ses créatures, ses langues, sa mythologie et même ses arts. •
On peut également donner pour exemple la littérature fantastique qui explore la limite entre naturel et surnaturel. Le
Horla de Guy de Maupassant par exem-ple amène le lecteur à la limite de la folie. 2. Une vieille histoire • D'ailleurs
dans les premières formes de roman, le héros est un personnage extraordinaire, survivance du récit épique qui
présente certaines caractéristi-ques formelles du genre romanesque comme la longueur du récit qui met en scène des
personnages fictifs. • La littérature française s'inspire de l'univers épique pour ses premières for-mes de roman que
l'on appelle d'abord « estoire » ou conte et qui s'appuient à partir du XIIe siècle et surtout au XIIIe siècle sur une tradition
orale que l'on appelle « la matière de Bretagne » : des histoires épiques et chevaleresques autour de la table ronde
présidée par le roi Arthur. Chrétien de Troyes est le plus illustre représentant de cette littérature, avec Lancelot ou le
chevalier de la charrette par exemple. 3. Une histoire qui évolue •
Même si le personnage de roman sera
toujours nommé « le héros », les carac-téristiques du roman vont évoluer. Le genre subira une démythification, le héros va perdre de sa superbe, il deviendra
de plus en plus souvent un homme « nor-mal », dans des situations de la vie courante. Pourtant le récit ne subit pas
pour autant de perte. L'intérêt qu'il suscite est seulement différent. Ainsi Rabelais (auteur de Gargantua et Pantagruel)
en France, puis Cervantes (auteur de Don Quichotte) en Espagne cherchent à faire rire le lecteur en parodiant le roman
de chevalerie. • Le roman va suivre d'ailleurs l'évolution des mœurs. Alors que Rabelais et Cervantes
traduisent à la Renaissance l'essoufflement du modèle féodal, Lesage au siècle des Lumières anticipe à travers les
aventures de son héros picaresque Gil Blas de Santillane l'ascension du peuple qui dès la révolution et surtout au dixneuvième deviendra le nouveau héros du roman. Ce nouveau héros constitue l'une des clefs de l'attrait du genre
romanesque : l'intérêt du lecteur pour ses personnages. II - Une expérience par procuration 1. Le rôle du personnage
• Le personnage participe à l'intérêt que suscite le roman selon trois modalités au moins : il contribue à la cohérence
de l'action, il agit comme un porte-parole de la pensée, la psychologie, les idéaux, l'engagement de l'auteur et il reflète
un univers social et culturel ainsi qu'un type d'homme ou de femme déterminé. • Ainsi le lecteur a t-il la possibilité
de voyager à travers la vie, les yeux et la pensée d'une multitude d'hommes et de femmes de tous âges et de toutes
épo-ques, comme autant de réincarnations ou de métamorphoses possibles. • D'autant plus que la variété des
genres romanesques est immense et induit autant de types de héros, comme le chevalier pour les romans de
chevalerie, le policier ou le malfrat pour les romans policiers, l'aventurier, l'amoureux, mais aussi le père de famille,
l'amant, l'ouvrier, etc. 2. De la notion d'exemplarité • Tous ces types d'hommes et de femmes conduisent le
lecteur à s'interroger sur les conduites du héros, sur son code de valeur, sa morale. • Or même si ces personnages
ont perdu leur caractère merveilleux ou mythi-que, ils gardent leur dimension d'exemplarité, comme si l'histoire qu'ils
vivaient devant nos yeux de lecteur permettait grâce au livre de conserver ce caractère sacré. • Par ailleurs, le
héros est singulier ; le roman isole sa vie parmi d'autres à tra-vers une histoire particulière et participe donc à cette mise en
valeur naturelle. Le héros acquiert ainsi le statut de représentant ou de modèle d'un genre d'homme ou de femme qui
peut servir de référence au lecteur. On parle par exemple d'un don quichotte de manière courante pour désigner un
idéaliste qui soutient une cause perdue. En perdant les majuscules que lui donnait Cervantes, le héros a gagné
l'universalité. 3. Vers le principe de l'identification • En s'humanisant le héros se rapproche du lecteur, de ses
préoccupations sou-vent quotidiennes. Ainsi sa nouvelle fonction semble parfois moins faire rêver que de participer à la
compréhension de la vie ou néanmoins de certains de ces aspects en confrontant le héros aux mêmes situations que
celles que peut vivre le lecteur. • Cela favorise l'un des principes essentiels de ce qui motive la lecture d'un roman ;
l'identification au héros. Le lecteur peut se reconnaître en lui, chercher des réponses à sa propre vie mais également
rêver à une vie différente en endossant le costume, un roman durant, de quelqu'un d'autre. Qui ne s'est pas demandé,
par exemple comment il aurait fait à la place de Robinson Crusoé pour survivre sur une île au milieu de l'océan. •
C'est un moteur essentiel du désir de lecture parce que ce principe est vecteur d'émotion, il s'appuie sur deux
éléments constitutifs de la nature humaine ; ce que La Rochefoucault (auteur du dix-septième) nommait « l'amour
propre » qui incite à tout ramener à sa propre personne et l'empathie, capacité naturelle à partager les émotions d'autrui.
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Des mots passants
Mais le plaisir que procure la lecture d'un roman peut être d'une différente nature également. Il provient souvent du
message plus intellectuel véhiculé notamment par les personnages. III - L'enrichissement de la pensée 1. Les
personnages, vecteurs de pensées • Ceux-ci portent, c'est l'une de leur caractéristique relevée plus haut, les
préoccupations de l'auteur. Gocéné traduit la volonté de Didier Daeninckx de décrire les préjugés colonialistes de la
France du début du siècle à l'égard des Kanaks, comme Céline fait part de sa vision particulière de l'Afrique dans son
roman Voyage au bout de la nuit à travers le point de vue satirique, ironique et parfois cynique de son narrateur Bardamu.
La même démarche anima d'ailleurs Montesquieu au siècle des Lumières lorsqu'il permit à ses contemporains de
découvrir la France à travers les yeux faussement naïfs de deux persans dans son roman épistolaire les Lettres
persanes. • Dans ses contes philosophiques (on disait roman au dix-huitième) et particu-lièrement dans Candide,
Voltaire permet de suivre pas-à-pas le héros dont le voyage est la représentation symbolique du parcours intellectuel que
le lecteur accomplit en même temps que le personnage. 2. Le roman comme œuvre engagée • Plus encore
le roman peut être un moyen de convaincre et surtout de persua-der le lecteur de la légitimité d'une cause. Grâce à lui
ont est parfois plus à même de comprendre une idée, un point de vue parce que le roman a la capa-cité de nous
plonger au cœur des choses, de nous les faire voir de l'intérieur ; • C'est la démarche entreprise par René
Maran dans Batouala. Par ce roman, il espérait permettre au lecteur de découvrir le point de vue du noir sur la
colo-nisation. Son récit fournit une occasion (qui était exceptionnelle à l'époque) de voir avec les yeux de l'autre,
d'adopter son point de vue ou tout au moins de chercher à le comprendre. • L'engagement de l'auteur est d'ailleurs
clairement exprimé dans la préface dans des termes qui ne manquèrent pas de susciter la polémique à une époque où
le point de vue dominant était largement du côté des colons et de leur sup-posée supériorité ; « Tu es la force qui prime
sur le droit. Tu n'es pas un flam-beau mais un incendie. » écrit-il à l'adresse des européens. 3. Le roman comme
expression d'une vision du monde • Enfin, le roman peut être même l'expression de la vision du monde de
l'au-teur par l'intermédiaire d'un exemple, en incarnant sa pensée dans le destin exemplaire d'un personnage
romanesque comme le fit par exemple Jean-Paul Sartre dans La Nausée. Ce récit à la première personne est une
illustration de la philosophie existentialiste de l'auteur qui l'avait par ailleurs théorisée dans des essais philosophiques
traditionnels. • La volonté de partager sa vision du monde peut même prendre la dimension d'une œuvre
entière. Balzac tenta par exemple de brosser un tableau complet de son époque à travers son immense œuvre
romanesque « La comédie humaine » : le réalisme de sa prose avait pour ambition de scruter à la loupe des différentes
couches sociales de la France du dix-neuvième siècle et d'en offrir une vision globale, ce que tenta de faire également
Emile Zola avec le naturalisme des « Rougont Macquart ». Ces deux œuvres ambitieuses offrent un regard à la fois
sociologique et scientifique sur la société de leurs auteurs et nous aident à mieux la cerner. N'oublions pas de parler
enfin de l'intérêt que peut susciter la science fiction qui, en plus de l'attrait de récits extraordinaires, permet souvent
une réflexion philosophique parce que le monde futuriste autorise des prospectives qui peuvent alerter par analogie sur
les dérives du monde contemporain. Le Meilleur des mondes de Aldous Huxley présente une société dans laquelle les
individus sont sélectionnés dès la naissance en fonction de leur patrimoine génétique ; leur place dans la société
dépendra directement de lui sans possibilité de s'en libérer, ce qui fait naturellement écho aux interrogations éthiques
que soulèvent les travaux modernes sur la génétique. Conclusion • Bilan Le roman peut donc apporter beaucoup
de choses au lecteur ; le plai-sir simple de l'histoire soutenu par le phénomène d'identification, mais égale-ment la joie
plus intellectuelle de découvrir d'autres univers physiques et psychologiques. Une œuvre romanesque peut être
aussi un excellent support pour une réflexion philosophique. • Elargissement Mais il ne faudrait pas évacuer non
plus la démarche esthé-tique du roman, qui comme la poésie par exemple est une réflexion et un champ
d'expérimentation permanent de l'écriture et de l'art.
3. L'écriture d'invention Méthodologie • La forme :
un récit qui peut intégrer des parties discursives (des discours). • Le type de texte : narratif, descriptif voire
explicatif et argumentatif si vous utilisez la forme du dialogue argumentatif. • La situation de communication : vous
devez adopter la position d'un auteur de roman. Deux possibilités s'offrent à vous : une narration à la troisième per-sonne
(pensez à réfléchir à la focalisation que vous allez adopter) ou une nar-ration à la première personne avec l'utilisation d'un
personnage narrateur. Attention cependant à ne pas donner à votre récit un caractère autobiographi-que puisque vous
devez « inventer ». Vous choisirez un lieu à votre scène en toute liberté, en revanche la consigne impose d'ancrer votre
récit dans un monde « contemporain ». • Le registre : une très grande variété de registres est possible.
L'utilisation du pathétique pourrait permettre d'attirer la compassion des lecteurs pour mieux persuader, mais certains
registres plaisants comme la satire ou l'ironie sont également possibles. Le mélange des registres est envisageable,
comme dans le roman de Céline. Faites votre choix. • Le registre de langue doit être courant, voire soutenu,
jamais familier. • Les objectifs : il s'agit d'inventer une situation (une petite histoire) autour d'un personnage. Cette
situation doit décrire/raconter de quelle manière ce per-sonnage subit une forme de ségrégation. La « ségrégation »
est une « discrimi-nation », c'est-à-dire une mise à l'écart d'une personne par rapport à un groupe parce qu'elle est
différente. Cette différence peut être sociale, physique, raciale, ethnique, intellectuelle, religieuse, culturelle ou
sexuelle. C'est une forme d'injustice parce que la discrimination met à l'écart un individu pour le seul fait d’une
différence souvent indépendante de sa volonté. L’objectif de ce devoir est de faire en sorte que la situation que
vous allez inventer soit suffisamment explicite, claire pour que le lecteur comprenne de lui-même qu’elle est
condamnable et doit être dénoncée.
[1] Le tenancier du comptoir est si malade et nerveux qu’il ne cesse de se gratter.
[2] Ebahi.
[3] Le commis est noir.
[4] Qui ne permet pas la contestation.
[5] Terme imagé et péjoratif qui signifie ici : sorti
de son milieu naturel et nettoyé de sa « sauvagerie ». Ce commis s’est tellement européanisé qu’il porte
des chaussures.
[6] Canala et Nouméa sont deux villes importantes de Nouvelle-Calédonie, île du Pacifique
colonisée par la France au milieu du XIX° siècle.
[7] Ces trois îles sont proches de la Nouvelle-Calédonie.
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