Histoire et définition de la coopération décentralisée

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Histoire et définition de la coopération décentralisée
Histoire et définition de la coopération décentralisée
Extraits du rapport au ministre délégué à la
coopération et à la francophonie, Charles
Josselin, portant évaluation des politiques de
coopération décentralisée et de présentation de
propositions
susceptibles
d’en
améliorer
l’efficacité.
Pierrick Hamon (05/12/1997)
02 - Héritage des anciens, et classiques, jumelages comme des mouvements de
solidarité, y compris avec l’est-européen, et de soutien au « Tiers Monde », la coopération
décentralisée, se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins de la Décentralisation et de la
Mondialisation. Ce mouvement caractérise la société française qui, paradoxalement peut-être,
manifeste ainsi sa capacité, non seulement d’adaptation, mais, surtout, d’anticipation et
d’ouverture, même si cela ne se fait pas sans contradictions et parfois même dans une certaine
confusion. Preuve que l’Etat, après la réforme de 1982, n’a pas empêché ce foisonnement
d’initiatives, cette constellation tout à fait considérable, qu’il convient désormais d’organiser,
éventuellement même de réorienter, de rééquilibrer géographiquement, tout en respectant
l’autonomie de chacun, collectivités et acteurs privés.
03 - La Mondialisation, souvent perçue comme une menace dans la mesure où elle
tendrait à uniformiser toutes les sociétés autour d’un modèle « occidental » unique, ne
constituerait elle pas tout autant une nouvelle opportunité pour les sociétés civiles des pays du
« Sud ». Le « Sud » où l’on craint beaucoup plus encore les mesures protectionnistes du « Nord ».
De fait, en effet, l’actuel processus de « mondialisation » conduit à accentuer les inégalités autant
à l’intérieur des pays qu’entre les ensembles géographiques. Mais, à condition de pouvoir
« organiser l’espace autour des flux et des réseaux », ainsi que le suggère l’Universitaire africain,
Mamadou Diouf, et de saisir ces nouveaux modes de communication et de relation, la
mondialisation peut aussi ouvrir des horizons nouveaux au développement local, peut-être plus
encore au Sud qu’au Nord.
Pour Daby Diagne, Sénégalais, Président de la CAMVAL et de la FMCU : « La
Mondialisation n’a pas que des effets négatifs. Elle contribue à l’universalisation d’un certain
nombre de valeurs et de droits : droits de l’Homme, droits au travail, droit à l’environnement ; droit
des générations futures... Les collectivités locales et leurs autorités ont ainsi un rôle nouveau
dans les enjeux de la mondialisation ; la voix des élus au plan international, est légitime pour le
définir ».
Pour le Malien Ousmane SY, c’est bien d’abord aux africains de réagir : « Face à la
Mondialisation synonyme d’exclusion, comment nous organiser pour jouer notre rôle ? »
Incontestablement, l’Afrique aura aussi besoin, dans le cadre des nouveaux Accords
de Lomé, et afin de pouvoir répondre aux exigences de l’OMC, d’une période de transition et
quelques filets de sécurité, dans le cadre d’espaces régionaux à construire, suivant en cela
l’exemple ... européen !
05 - La Coopération Décentralisée, en particulier avec les régions de ce qu’il est
désormais convenu, à Paris, d’appeler Zone de solidarité prioritaire, n’est pourtant pas totalement
nouvelle. Elle s’est développée, petit à petit, de diverses manières, depuis une quinzaine
d’années. Elle constitue désormais une réalité de l’action internationale de la France. Tel est
d’ailleurs le souhait exprimé par les Elus, notamment lors du dernier Congrès de l’AMF
(Association des Maires de France). La Décentralisation a pu se développer avec l’accès au
pouvoir d’Etat d’élus français déjà très engagés dans le développement local. De la même
manière, l’arrivée au Gouvernement de personnalités, Maires ou Présidents de Conseils
Généraux et Régionaux, particulièrement investis dans l’ouverture à l’international de leurs
Collectivités, au Sud comme au plan européen, marque sans aucun doute une nouvelle étape
dans le processus de décentralisation...
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Si nous nous sommes intéressé, conformément à la demande qui nous avait été
formulée, à la seule coopération décentralisée au développement, c’est aussi pour mettre en
évidence que la plupart des constats et recommandations valent tout autant pour l’ «action
extérieure des Collectivités territoriales » en général, selon la dénomination, moins ambiguë, qui
avait été initialement choisie dans le décret de 1983. On parle de plus en plus des politiques de
« Relations Internationales et Coopération Décentralisée »... Le développement de la Coopération
Décentralisée, l’évolution de son cadre et de son environnement juridiques, pourraient bien avoir
un impact significatif sur le fonctionnement de l’appareil administratif d’Etat, et sur les relations
centre-périphérie, sur le « système politico-administratif » français, pour reprendre les concept et
vocabulaire de la sociologie des organisations !
I - De quoi s’agit-il ?
11) Une démarche « nouvelle ».
111 - Au lendemain de la dernière guerre, et tirant, enfin, les leçons des suites de la
précédente conflagration, un certain nombre de responsables politiques, aux premiers rangs
desquels figuraient Charles De Gaulle et Konrad Adenauer, appelèrent au rapprochement des
peuples européens. Ils furent, cette fois ci, entendus. De sorte à donner à cet appel une
dimension concrète et populaire, dans le cadre des accords d’Etat à Etat, les villes françaises
furent incitées, par les gouvernements de l’époque, à s’engager dans des « jumelages » avec des
villes étrangères, et en particulier avec des villes allemandes. Il s’agissait alors d’impliquer
directement les populations et, prioritairement, la jeunesse des deux pays, grâce à un instrument
mis en place tout spécialement : l’Institut Franco-allemand pour la Jeunesse. Un mouvement qui
s’élargira très vite à bien d’autres territoires.
Une histoire qui est certes connue, et il faut rendre hommage aux promoteurs de ce
mouvement décisif. Il semble pourtant que tous les enseignements n’en aient pas encore été
complètement tirés pour notre histoire contemporaine. C’est pourquoi il importe de la rappeler,
en introduction, et de se demander pourquoi cette évolution de ce que l’on appelle désormais
« coopération décentralisée », enfin en pleine expansion, a mis tant de temps à s’organiser. C’est
pourquoi, encore, il nous a semblé indispensable de revenir sur les différentes étapes, politiques,
institutionnelles, juridiques, qui ont jalonné cette ouverture au monde, progressive,
des
Collectivités Territoriales françaises, tant elle pourrait servir de référence, alors que les terrains
d’ignorance et d’incompréhension se sont aujourd’hui déplacés, de l’Est/Ouest au Nord/Sud.
On sait le rôle que ce mouvement a pu jouer dans la construction progressive, et
pragmatique, de l’Europe des citoyens, selon la conception réaliste de Jean Monnet. Elle n’est pas
moins essentielle que celle qui s’est faite « par le haut » (Traité de Rome). L’Union Européenne
n’aurait certainement pas eu la même réalité si l’Europe des jumelages, celle des peuples et des
citoyens, dont on nous parle tant en ce moment, n’avait pas existée. Il reste sans doute à lui
trouver le second souffle qui, incontestablement, lui manque aujourd’hui, et à l’ « organiser ».
N’est ce pas, en Europe, le rôle du Comité des régions ?. Les procédures européennes d’appui,
sur lesquelles nous reviendrons dans le présent document, quoique disparates, y ont
incontestablement aidé au travers de plusieurs Programmes. Les accords de jumelage, qui
n’emportaient aucune conséquence juridique, ne concernaient, le plus souvent, que des échanges
culturels, éducatifs ou officiels. Ils font aujourd’hui partie du paysage par les affichages qui en
sont présentés à l’entrée de la plupart de nos villes et villages, ou par des noms données à leurs
places ou monuments; des manifestations dont la valeur symbolique autant que concrète, revêt
une importance capitale dans l’évolution indispensable des mentalités. La paix dans laquelle nous
vivons depuis cinquante ans, doit à ce mouvement une part essentielle, on ne le dit pas assez.
Le mouvement ainsi lancé ne devait plus s’arrêter, à tel point que Edgar Faure, en
1956 voulut y mettre un peu ordre afin de lui donner un essor plus coordonné. Il fit paraître un
décret, aujourd’hui oublié, qui rendait à l’époque, obligatoire de la part des Collectivités, la
déclaration, auprès des Préfectures, des initiatives qu’elles prenaient en matière de jumelage. Le
décret d’Edgar Faure prévoyait en outre, et déjà, la création d’un dispositif de coordination. Avec
la tendance au renforcement, irrésistible, du rôle des villes dans le développement, et
l’équipement, de notre pays, les maires, des élus toujours plus nombreux, voulurent alors aller
plus loin dans les échanges, tout en les formalisant.
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112 - Ainsi, le 28 juin 1980, Gaston Defferre, maire de MARSEILLE, devait il signer un
accord de Coopération avec le « Maire » et le Conseil Populaire de la ville d’ALGER; un accord
qui marquait une étape, décisive et symbolique, dans des relations plus anciennes, dans une ville
à forte immigration algérienne. Ce n’est évidemment pas un hasard si le premier à s’engager aussi
loin, et à oser défier les interdictions plus ou moins explicites de l’époque, fut l’auteur des lois de
décentralisation deux ans plus tard. Le maire de MARSEIILE fut suivi sur cette voie par le maire
de LILLE, Pierre Mauroy qui, le 30 mai 1981, paraphait un accord avec le Gouverneur du
Maryland, au nom de la Région Nord Pas de Calais. Le mouvement franchissait un nouveau cap;
il ne devait plus cesser de se développer, tant en direction des collectivités européennes et du
« Nord », que de celles du « Sud », par solidarité et volonté de soutenir le développement de pays
dont sont issus, comme à Marseille, nombre de nos concitoyens. En ce sens la Coopération
Décentralisée est un pur produit de la Décentralisation.
A l’initiative de Gaston Defferre, devenu entre temps Ministre de l’Intérieur, le
Législateur consacrait enfin la notion, par la loi du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions. Celle qui suivit aussitôt, le 31 mars 1982 relative à
l’organisation des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, qui
contenait des dispositions importantes sur la coopération transfrontalière, même si l’article 65 de
la loi de 82 est plutôt restrictif, dans la mesure où cette loi ne concernait que les nouvelles régions,
et pas les communes et départements. En outre, elle n’autorisait la coopération transfrontalière
que dans les domaines de la concertation et de la prise de contacts. La porte entrebâillée ne
pouvait que s’ouvrir plus grande. Ce n’est que progressivement que l’action extérieure des
Collectivités Locales trouva ses contours, en parvenant à maturité, après une adolescence
quelque peu brouillonne. Il fallait que jeunesse se passe. Un encadrement trop serré aurait pu
brider, ou briser, une dynamique, nouvelle et tournée incontestablement vers l’avenir, l’actualité en
témoigne désormais. Il appartenait aux pouvoirs publics de consacrer cette évolution et de
l’organiser pour l’aider à mieux se développer.
113 - Ce qui fut engagé, dés l’année suivante avec la nomination de Yves Delahaye
(qui joua un rôle déterminant dans la reconnaissance, par l’Etat, de la « Coopération
Décentralisée ») comme premier Délégué pour l’Action Extérieure des Collectivités locales. Dans
sa lettre-circulaire, la première du genre, en date du 26 mai 1983, adressée aux Ministre de
l’Intérieur et de la Décentralisation, des Relations Extérieures, aux Préfets Commissaires de la
République, aux Chefs de postes diplomatiques et consulaires, le Premier Ministre Pierre Mauroy
précisait en effet : « En attribuant des compétences et des moyens accrus aux collectivités
locales, la politique de décentralisation donne à celles-ci la possibilité d’affermir leur identité et de
développer leurs activités dans de nombreux domaines. Les communes, les départements et les
régions peuvent, dans l’exercice de leurs attributions, être de la sorte appelées à entretenir des
contacts avec des collectivités locales d’autres pays. Le développement de ces contacts peut
s’avérer avantageux non seulement pour les collectivités locales mais encore pour le pays tout
entier. Les régions, les départements et les communes de France peuvent en effet contribuer à
démultiplier et à diversifier l’action de la France dans le monde ». Il faudra néanmoins attendre
encore presque 10 années pour que le législateur reconnaisse officiellement, le droit aux
Collectivités Territoriales de faire de la Coopération Décentralisée.
114 – Mais le fait précède généralement le Droit, et parfois même, on le voit, avec la
complicité de l’Etat, ou tout au moins de certaines de ses composantes : une
réalité, soulignée par les sociologues, et qui est, une fois de plus, ainsi vérifiée. Elle démontre,
s’il le fallait, que ces nouvelles compétences que se sont « auto-attribuées », communes,
départements et régions, correspondent bien à un mouvement, en profondeur, de la société
française. Un mouvement que la Décentralisation n’a fait que reconnaître, et amplifier. La
coopération décentralisée constitue, en effet, on l’a vu, l’une des résultantes logiques de la
Décentralisation. Celle-ci ne visait elle pas le renforcement des stratégies de développement local
? Ainsi, la loi Defferre, en lançant, en 1982, un véritable processus qui se poursuit encore
aujourd’hui, entendait encourager les volontés de désenclavement et, donc, d’ouverture des
populations et acteurs locaux sur l’extérieur, et plus largement sur le monde. Comment, en effet,
promouvoir le développement local sans susciter la recherche de partenaires au dehors ?.
Le
développement local, qu’il soit économique, social ou culturel, y compris dans sa dimension
solidaire, passe nécessairement par cette ouverture.
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115 - Dépassant les jumelages classiques, les collectivités françaises se sont ainsi
progressivement investies dans des échanges au caractère plus global, et au contenu plus
concret, dans tous les domaines, tant en direction des pays dit du Sud, par solidarité et volonté de
soutien au développement, qu’avec les Etats développés du Nord. Une distinction « Nord/Sud »
que la mondialisation de l’économie a rendu, en bonne partie, caduque. Où situer dans cette
distinction le Vietnam, la Chine, et les « dragons » du sud-est asiatique ? Contrairement à ce que
suggère le langage, ainsi que le rappelle Yves Delahaye, la Coopération Décentralisée ne résulte
pas de la décentralisation de la politique de coopération de l’Etat. L’Etat n’a procédé à aucun
transfert de compétence. Cette forme récente de coopération internationale ne doit son nom
qu’au seul fait qu’elle est pratiquée par des collectivités territoriales décentralisées. Une forme de
coopération qui, de fait, vient compléter et enrichir celle de l’Etat – Etat et collectivités territoriales
font partie de la même puissance publique - et des autres acteurs de l’international. A la différence
de la coopération bilatérale qui associe les Etats sur de gros projets impliquant des budgets
importants, la coopération décentralisée met en relation des territoires et leurs populations, des
partenaires qui ont un nom et un visage, qui se connaissent et se reconnaissent dans la durée. La
relation affective et la confiance y tiennent une place singulière.
116 - En ce sens, comme les premiers jumelages ont contribué à réunir efficacement,
au lendemain de la guerre, Allemands et Français dans les conditions que nous venons de
rappeler, ce type de relation développées aujourd’hui dans le cadre des politiques de coopération
décentralisée, peut aider au rapprochement indispensable des peuples, notamment du Nord avec
le Sud. Il s’agit d’une voie ouverte qu’il convient, en effet, d’élargir, alors que de dangereux
stéréotypes se développent au sein des opinions publiques, du Sud comme du Nord.
Paradoxalement, il semble bien que ces stéréotypes négatifs soient plus présents au sein des
populations des pays dit développés, alors même que nous sommes censés être mieux informés.
Dans un monde dont l’interdépendance s’affirme chaque jour davantage, il devient indispensable
de retrouver les moyens et méthodes qui permettront de retrouver le compréhension et la
rencontre entre les hommes, entre les cultures, entre les identités individuelles et collectives.
117 - C’est bien aussi l’éducation à la citoyenneté qui est ainsi en question, une
éducation à la citoyenneté qui n’aurait de sens, dans ce monde de communication et d’exclusion,
qu’à condition d’y intégrer, et en priorité, l’éducation au Développement. Les Collectivités
Territoriales ne sont elles pas les premières concernées ? C’est, pour beaucoup d’élus, la
première raison de leur engagement dans la coopération décentralisée.
12) Un débat engagé, en l’absence de cadre juridique
120 - Du début des années 1980 à la loi de 1992, la coopération décentralisée s’est
développée dans un vide juridique apparent mais qui ne devait pas poser de difficultés majeures,
d’autant que l’Etat soutenait déjà, par ses conseils et contributions financières, l’engagement des
Collectivités à l’international.
121 - L’émergence des collectivités sur le terrain de l’international, jusqu’alors réservé
à la seule compétence de l’Etat, dérangeait parfois ici ou là, d’autant que l’expérience des élus en
ce domaine était toute récente. Certaines initiatives, parfois maladroites, risquant même de
contrarier la politique de l’Etat, servaient, non sans quelque raison, d’arguments à ceux qui, au
sein de l’appareil d’Etat, s’opposaient discrètement mais fermement, à cette évolution, par crainte
de voir l’unité de la République remise ainsi en cause.
122 - N’est ce pas le vieux débat entre Girondins et Jacobins qui resurgit à nouveau
à cette occasion ? Le centralisme républicain ou parisien ne serait il pas plutôt alors le garant
d’une unité fictive, et le protecteur des égalités formelles au détriment de diversités visibles parce
que réelles et efficaces... ? (Joseph Rovan).
A la veille de l’entrée en vigueur de la monnaie européenne, et alors que la
mondialisation s’impose chaque jour un peu plus, on peut se demander si de telles appréhensions
ne sont pas éloignées des réalités quotidiennes, et de terrain ? Des observations qu’il convient de
rapprocher du débat qui s’est instauré autour de la coopération décentralisée et de son rapport à
l’Etat. Un Etat moderne, dans sa fonction bien comprise de « control », au sens anglo-saxon du
terme, et non plus de « contrôle » au sens tutélaire...
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Cette première période d’improvisation et d’amateurisme, faisait tout de même qu’il
arrivait que les ambassades et missions de coopération ne soient pas informées des projets des
collectivités. Il arrivait que celles ci ne découvrent par la presse la signature d’accords de
coopération qui ignoraient tout de la politique de l’Etat dans le pays concerné.
Il est même
ainsi arrivé qu’une collectivité régionale signa un accord avec un Etat ! Cela résultait parfois aussi
de la nature de certaines relations, distantes, que quelques représentants de l’Etat entretenaient
avec ceux des collectivités. Cela tenait le plus souvent, non d’une hostilité mais d’un manque
d’informations et de formation.
Les choses ont depuis bien changé, bénéficiant d’un certain consensus politique :
Jean-Bernard Raymond comme Claude Cheysson, Jacques Chirac comme Pierre Mauroy et
Laurent Fabius et enfin Michel Rocard, avaient, dés 1983, par plusieurs circulaires successives,
cherché à consolider cette évolution. Outre Yves Delahaye, quelques collaborateurs de cabinet
jouèrent, dans la première époque, un rôle moteur : Jean-Claude Cousseran, Michel Delebarre,
Pierre-René Lemas, Eric Giully, Christine Dessouche, Benoit Chadenet, ... D’autres, au sein des
services, prirent le relais (quand ils ne l’avaient pas souvent précédé...) en particulier au Ministère
de la Coopération, mais aussi au Ministère des affaires Etrangères et au Ministère de l’Intérieur. Et
cela à une époque où la coopération décentralisée était encore regardée avec un certain
scepticisme, voire quelque ironie : on ne fait pas carrière avec la coopération décentralisée.
Rapidement est apparue la nécessité de faire le point sur des pratiques les plus
diverses, dont on avait tendance à ne relever ainsi que les plus caricaturales, pourtant
minoritaires. Des dysfonctionnements dus, le plus souvent, au manque d’expérience en la matière,
des uns et des autres, comme, parfois aussi, à une volonté, à tort ou à raison, dans le cadre des
nouvelles libertés locales, fraîchement issues de la Décentralisation, de s’affranchir de la tutelle
autrefois envahissante, et des tendances « caporalistes », de certaines composantes l’Etat.
Néanmoins, la plupart des collectivités, notamment les plus importantes, se tournèrent d’emblée
vers les ambassades et missions de Coopération afin de solliciter avis et informations, et une
reconnaissance officielle et valorisante aux yeux des citoyens …électeurs.
123 - Les premières Assises Nationales sur le thème de la coopération décentralisée,
furent organisées conjointement par l’Etat et les Collectivités Territoriales, à Bordeaux, en 1987.
L’initiative en revenait au Ministre de la Coopération de l’époque, Michel Aurillac. Des rencontres
qui furent suivies de bien d’autres, notamment à l’initiative de Cités Unies France (CUF) et de
l’Association des Présidents de Conseils Généraux (APCG), toujours en collaboration avec les
Ministères des Affaires Etrangères et de la Coopération. C’est la multiplication de telles
Rencontres qui amenèrent, par leur vertu pédagogique, à faire évoluer les comportements dans
un sens plus cohérent. Des colloques furent organisés un peu partout dans les régions, et
auxquels se sont rapidement intéressés, et associés, les milieux universitaires quand ils n’en
prenaient pas eux-mêmes l’initiative (Montpellier, Reims, Lille, Paris, etc...). Des universitaires et
chercheurs qui sentaient, plus ou moins confusément, qu’il se passait quelque chose au sein du
système politico administratif local. Leurs travaux contribuèrent, il faut le reconnaître, à légitimer
plus encore ce mouvement, tout en posant les questions qui conduisirent à la loi de 1992.
124 C’est, nous semble t il, le débat organisé, à l’Assemblée Nationale, en avril
1989, sur la politique de Coopération, qui devait marquer l’autre étape significative. Les
Parlementaires, de tous les groupes politiques, devaient y insister, très clairement, sur le rôle
désormais essentiel qu’il convenait de reconnaître à la coopération décentralisée au sein de la
politique française de coopération.
Il n’est pas inutile d’en rappeler quelques propos (J.O.Débats A.N./20 avril 1989).
•
Pierre Bérégovoy (Premier Ministre) : « Il faut accorder une place plus
active dans notre politique à d’autres acteurs que l’Etat. Il s’agit des ONG, des
Collectivités territoriales, mais aussi, au delà, de nos entreprises, en particulier en
Afrique ».
•
Alain Vivien (Rapporteur) : « La coopération décentralisée constitue un
gisement insoupçonné de compétences et de moyens, de moyens financiers et
humains, de capacité de formation aux échelons intermédiaires, de transferts de
technologie, d’appui à la francophonie.
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Ne serait il pas temps d’encourager l’association (de ces collectivités)
afin de promouvoir cette politique nouvelle et de la rendre plus cohérente avec les
objectifs d’une stratégie nationale de coopération que nous voulons désormais unifiée ?
Une synergie est à construire avec la politique de l’Etat.
•
Jean-Pierre Fuchs : « En proposant le développement local partenarial, je
n’ai pas la prétention d’apporter un nouvelle solution, un remède supplémentaire. Je
constate qu’il a été employé avec succès par quelques ONG. Je vous propose une
nouvelle approche... Le temps est révolu où les uns pouvaient s’occuper de fournir les
livres pendant que de d’autres créaient une antenne médicale et que les derniers
tentaient de relancer les productions locales, chacun dans son seul secteur. Il faut aller
plus loin dans la démarche, en y apportant plus de coordination, plus d’efficacité, et plus
de résultats. En respectant la personnalité de chacun, nous permettrons une utilisation
optimale des moyens humains, techniques et financiers. Mais ...d’abord agir en étroite
relation avec les Autorités africaines.
Qui mieux qu’une collectivité locale dispose
de la force de frappe suffisante ? Qui mieux qu’elle peut comprendre les aspirations des
populations à assurer une amélioration des conditions de vie, créer des liens d’amitié,
assurer une connaissance mutuelle ? Qui mieux qu’elle peut apporter le poids de son
expérience et de ses compétences ?
•
J.P.Delalande : « il convient, en outre de mobiliser en direction de
l’Afrique nos partenaires européens. Nous souffrons trop des problèmes de concurrence
des coopérations et de leurs arrière-pensées d’influence politique et économique »
•
Théo Vial-Vassat : « Il faut intéresser le plus directement possible nos
concitoyens... Ce n’est pas seulement par l’appel aux quêtes publiques ou à l’impôt que
l’on peut y parvenir. C’est l’affaire de tous... Je souhaite (en ce sens) que soient
encouragées toutes les initiatives de jumelage entre telle commune française et telle
commune africaine ».
•
Jean-Yves Le Déaut : « La coopération décentralisée ne doit pas signifier
le désengagement de l’Etat. Premier objectif : recruter des hommes compétents,
motivés, responsables, ouverts sur les problèmes spécifiques du tiers monde, capables
de travailler en équipe... Les ONG doivent travailler en étroite liaison avec les
Collectivités Territoriales, notamment les communes pour monter des actions durables et
pluriannuelles. Il faut que le Gouvernement aligne notre politique de déduction fiscale sur
le régime consenti au Royaume Uni, aux Pays Bas et au Danemark. Le manque à
gagner pour l’Etat sera largement compensé par les effets induits du travail généré. Il
nous faut prendre en compte l’énorme besoin dans le domaine de la maintenance... Il
faut enfin stimuler les jumelages avec le tiers monde, non par des jumelages « tiers
mondains », mais par des jumelages fondés sur l’échange humain et professionnel ».
•
Jacques Pelletier (Ministre de la Coopération) : « Les villes, les
département et les régions ont un savoir-faire opérationnel sur les problèmes concrets
développement urbain, environnement,... Parce qu’ils sont proches de leurs
concitoyens, les Elus locaux peuvent mobiliser toute la population autour d’un projet de
coopération, et faire avancer cette éducation au développement ... Afin de réfléchir à ce
type de coopération décentralisée dans le dispositif français, j’ai décidé d’associer les
Collectivités locales aux Commissions Mixtes... ».
124 - Autres dates significatives : les 19 et 20 novembre 1990 :
Les seconde Assises (pour le développement) furent organisées à Rennes, à
l’initiative de la Commission Coopération Décentralisée de l’APCG (Assemblée des Présidents de
Conseils Généraux) présidée par Charles Josselin, président du Conseil Général des Côtes
d’Armor (Secrétaire : Vincent Minier), en collaboration avec le Ministère de la Coopération et Cités
Unies France. Elles devaient marquer une étape de plus. Leur préparation fut assurée par la
Commission Coopération Décentralisée pour le Développement, créée par arrêté du Ministre de la
Coopération Jacques Pelletier, en 1989, à laquelle étaient représentés les Villes, Départements et
Régions. Entre temps, l’APCG, sous la présidence de Jean Puech, Président du Conseil Général
de l’Aveyron, avait, en effet, décidé de créer en son sein, une Commission Coopération
Décentralisée.
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125 - Enfin en 1994, étaient organisées à la Maison de la Chimie à Paris, sous la
présidence du Ministres des Affaires Etrangères, Alain Juppé, et du Ministre de la Coopération,
Michel Roussin, les troisièmes Assises, en collaboration avec tous les partenaires concernés qui
avaient désormais pris l’habitude de se rencontrer, dans le cadre de multiples manifestations sur
le sujet. Une collaboration qui s’était progressivement instituée entre les associations d’Elus (CUF,
APCG, AFCCRE,...) et le Bureau Commun de Coopération Décentralisée.
13) Une ambiguïté sémantique
130 - Le vocable « Coopération Décentralisée » reste peu explicite, et porteur
d’ambiguïté. Il ne s’agit aucunement, on l’a vu, d’une décentralisation de la politique de
coopération de l’Etat, qui relève de la responsabilité de l’Etat. Ce qui n’interdit pas, que les
collectivités locales ne puissent agir en ce domaine.
131 - L’ambiguïté est d’autant plus forte que l’habitude avait été prise de désigner par
coopération décentralisée tout ce qui concernait les actions non gouvernementales. C’est
d’ailleurs cette définition qui est toujours retenue par la Commission Européenne et les autres
pays francophones (voir Dossier Fiches de Synthèse publiées en 1997 par la Commission :
Coopération Décentralisée : une approche européenne nouvelle au service du développement
participatif). Pour la DG VIII , à Bruxelles, il s’agit d’une coopération au développement. Son
objectif est de renforcer le rôle et la place de la société civile dans les processus de
développement : La coopération décentralisée constitue un mode opératoire participatif, mais
recouvre aussi une réalité plus large, en tant qu’élément du dialogue politique sur la coopération.
Elle implique les organisations de la société civile du Sud et du Nord, et d’autre part les pouvoirs
publics locaux du Sud et du Nord. Ce qui complique encore un peu plus la présentation de projets,
parfois mal orientés, pour cofinancement de la Commission, ou d’autres bailleurs de fonds
internationaux.
Le « Guide de la Coopération Décentralisée », publié par le Centre Nord-Sud du
Conseil de l’Europe, en janvier 1998 appelle à son tour à une clarification sémantique, en faisant
la distinction entre les conceptions « extensives » et « restrictives » : « On constate que la
principale difficulté de définition du concept en question tient largement aux acteurs que l’on
retient ou que l’on écarte et non aux domaines de coopération qui restent naturellement
extrêmement divers ou même aux modalités d’intervention /..../ Ce qui semble le plus important,
en réalité, c’est que la coopération décentralisée puisse se prévaloir d’une certaine spécificité par
rapport à d’autres formes de coopération au développement : non gouvernementale, assise
locale,/ .../ La coopération décentralisée doit être perçue comme le prolongement des processus
de décentralisation en cours dans de nombreux Etats./.../ Le critère de base c’est la participation
d’une Collectivité, sous une forme ou sous une autre, extensive (avec les acteurs du territoire) ou
restrictive (soutien à une ONG, ou services propres,...) ».
Dans son Numéro d’octobre 1990, la publication du Ministère de l’Intérieur,
« Démocratie Locale », précisait que la « Coopération Décentralisée, appelée parfois Coopération
Internationale ou Action Extérieure des Collectivités Territoriales, concerne toutes les formes de
coopération entre Collectivités locales françaises et étrangères ». Le Décret du 8 juin 1983
instituait un « Délégué pour l’Action Extérieure des Collectivités Locales » .
132 - Mais c’est la loi du 6 février 1992, en son titre IV, qui arrête pour la première
fois, une définition légale. Elle le fit d’ailleurs plutôt par défaut. En effet, les Parlementaires avaient
estimé que les « relations internationales », relevaient du niveau national, et que la terminologie
action extérieure, pourtant maintenue pour le Délégué, pouvait faire confusion. Le terme
d’ International restait encore tabou et cela, alors même que les services correspondants des
collectivités sont très souvent qualifiés d’ « International » pour que le citoyen puisse comprendre
ce dont il s’agit. Des enquêtes (cf enquête 1997/ARRICOD) ont montré que bien des responsables
élus locaux faisaient eux-mêmes confusion, tout comme bien des représentants de l’Etat.
Claude Cheysson, l’un des principaux initiateurs de ce mouvement, avait pourtant
tranché, en 1982, pour l’« Action Extérieure ». Une définition conçue et perçue comme plus
ambitieuse, au domaine plus large.
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Claude Cheysson portait alors le titre de Ministre des Relations Extérieures. La Loi de
92, a donc finalement retenu, après arbitrage du Premier Ministre, Michel Rocard, en son titre IV,
la formulation « Coopération décentralisée ». Il s’agissait de valoriser la démarche de coopération, conçue comme plus constructive que la notion de relations internationale, et de faire
figurer, incidemment, la notion de société civile décentralisée. Néanmoins le Délégué restait
Délégué à l’Action Extérieure des Collectivités Territoriales...
Il conviendrait, au moins,
d’harmoniser les deux appellations.
Ce débat sémantique n’est pas réservé à la France. Il traduit une évolution, un débat
de fond qui touchent tous les Etats, qu’ils soient fédéraux ou centralisés. Il est utile de rapporter en
ce sens les débats du Conseil de l’Europe, et en particulier ceux de la CPLRE (Conférence
Permanente des Pouvoirs Locaux et Régionaux d’Europe), qui devaient déboucher sur la
Résolution N°227 (novembre 1992) qui adoptait une modification terminologique : coopération
inter-territoriale, et non plus seulement régionale.
133 - Le législateur a surtout voulu désigner d’une même formulation, Coopération
décentralisée, les relations des collectivités françaises avec des collectivités, ou communautés,
territoriales, du Sud et du Nord. Ainsi pour Jean-Jacques Gleyzal, adjoint au Maire de
GRENOBLE « il est intéressant de constater que la philosophie de la Coopération décentralisée
qui a d’abord été conçue pour le Sud s’est ainsi élargie au Nord. L’idée de coopération est celle
d’échanges égalitaires bilatéraux, et c’est là qu’il y a une atténuation de la différence de
traitement des relations avec le Nord et des relations avec le Sud ». Question de conception en
effet. Il n’y a pas d’un coté une relation noble, intéressante et profitable, et de l’autre une relation
de type charitable, généreuse et solidaire, mais « à fonds perdus » et sans retour ! Toutes
constituent un enjeu pour le développement économique et culturel au « Nord » comme au
« Sud ». Il est intéressant de relever la réaction, en ce sens, de l’un des responsables du CNPF, le
Président de l’Union Patronale des Côtes d’Armor qui s’était, lors d’une réunion consacrée en
mars 1998 aux possibilités et à la spécificité du partenariat économique Nord-Sud, insurgé contre
des propos qui, à cette occasion, insistaient sur cette différence. Pour Henri Desclèves en effet, il
est essentiel de rappeler que culture, solidarité et développement économique forment les
données inséparables d’un même ensemble. Ne pas le comprendre explique, selon lui, certaines
maladresses et échecs commerciaux français à l’étranger.
14) une construction juridique progressive et inachevée.
140 - De nouveaux instruments :
Le Professeur Jean-Louis Autin, de l’Université de Montpellier, l’affirme sans détour :
« dans l’histoire déjà longue de la Coopération Décentralisée, le 6 février 1992, restera marqué
d’une pierre blanche ».
141 - La loi de Décentralisation du 2 mars 1982.
C’est la loi locomotive du « train de lois » qui suivra, et qui est encore à ce jour
inachevé. Elle autorise, pour la première fois, les régions, nouvelles collectivités territoriales, à
organiser à des fins de concertation, des contacts réguliers, avec des Collectivités frontalières.
Première reconnaissance légale, mais très limitée, de l’action à l’international de collectivités
territoriales. Jusqu’en 1992, les pratiques conventionnelles étaient dépourvues de fondement
législatif exprès en droit français. Le fait a été tellement commenté qu’il est superfétatoire d’y
insister longuement. Il nous suffit donc de rappeler que le Gouvernement avait approuvé par
décret du 4 juin 1984, la Convention-cadre de Madrid (conclue dans la Capitale espagnole le 21
mai 1980) sur la coopération transfrontalière, et ceci sous les auspices du Conseil de l’Europe.
Cette convention prévoyait, en effet, expressément la possibilité pour les collectivités et autorités
territoriales, et non seulement les régions, de conclure des accords dans le cadre de relations de
voisinage, n’impliquant pas forcément l’existence d’une frontière commune entre les parties
contractantes. La Conférence des Régions Maritimes (CRPM) puis l’Association des régions
frontalières avaient ouvert la voie.
Avec la bienveillance de l’Etat, et surtout sans intervention marquante du juge
administratif, la coopération décentralisée n’a cessé alors de s’amplifier, tant en direction de
l’Europe communautaire que vers les pays du Sud, notamment avec l’intervention nouvelle des
départements et régions.
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Un mouvement qui a connu une nouvel accélération, après 1989 avec la chute du Mur
de Berlin, vers l’Est mais aussi en Asie, Amérique latine (voir le rapport de M.Giles Berthommier)
puis à nouveau avec les pays du pourtour méditerranéen : Maghreb et Afrique sub-saharienne, et
cela sans être aucunement contrarié par le flou juridique.. .
142-1 - Un Décret, 4 circulaires, un Arrêté, une Loi :
* Le Décret du 8 juin 1983 institue un « Délégué pour l’action extérieure des
Collectivités locales », placé auprès du Secrétaire Général du Ministère des Affaires Etrangères.
1983-1987 : Yves DELAHAYE (Diplomate)
1988-1889 : Jacques BUTIN (Diplomate)
1990-1997 : Hubert PERROT (Préfet)
1997-2003 : Jacques ANDRIEU (Préfet)
2003-2011 : Antoine JOLY (Administrateur civil)
2011 - … Jean-Michel DESPAX (Diplomate) mises à jour octobre 2012
Les Circulaires de mai 1985, qui portent obligation pour les Collectivités d’informer
l’Etat en ce domaine. Reconnaissance de la Coopération Décentralisée. Appel à
concertation.
•
Trois circulaires complémentaires à la précédente, en date du 12 mai 1987, qui
portent sur la nécessité pour l’Etat d’informer les Collectivités, et précise le cadre
d’intervention des Collectivités territoriales .
•
•
Circulaire du 28 mai 1991 : Coopération décentralisée et Contrats de Plan.
•
La Loi du 6 février 1992 étend à toutes les collectivités territoriales et à leurs
groupements le droit d’agir à l’international , mais dans des conditions définies.
Une légalité qui reconnaît une légitimité déjà admise par l’Etat ainsi qu’on vient de
le voir.. Le « Plus » apporté par la coopération décentralisée, comme son intérêt et
son efficacité pratiques, ne sont désormais plus contestés.
L’Arrêté du 27 janvier 1989, portant création par le Ministère de la Coopération, de
la « Commission Coopération Décentralisée pour le Développement », commission
consultative paritaire Etat/Collectivités Territoriales.
Cette loi en son titre IV, prévoit, en outre, la création d’une « Commission Nationale
de Coopération Décentralisée ».(voir, plus loin, espaces de coordination) + Circulaire du 18 février
1992, déléguant aux Préfets la responsabilité de la mise en œuvre de la contribution financière de
l’Etat, exclusivement pour les pays « hors champs » + Nomination dans chaque Préfecture de
région (SGAR) d’un Monsieur Coopération Décentralisée, chargé d’examiner et transmettre les
demandes de financement au Ministère des Affaires Etrangères.
La Loi de 1992 comble ainsi les lacunes du droit comme le flou de la situation
antérieure. Néanmoins, et ainsi que l’ont relevé les circulaires d’interprétation et d’application,
ultérieures (26 mai 1994).
§ Il doit s’agir d’une coopération avec des « collectivités territoriales
étrangères. La définition française risque bien d’être limitative (déconcentration, absence
d’élection, démocraties locales inexistantes, ...)...En fait la pratique retient la notion d’entité ou
communauté territoriale pouvant avoir vocation a devenir collectivité librement administrée...
§ « ...dans la limite de leurs compétences ». S’agit il exclusivement des
compétences attribuées par les lois de 1982/1984 ?. Ne pas intervenir dans les domaines de
compétences relevant d’un autre niveau territorial !.Telle est l’interprétation alors retenue. Une
jurisprudence récente du Conseil d’Etat vient de corriger cette interprétation (voir plus loin).
§ « ...dans le respect (et non dans le cadre) des engagements internationaux
de la France »
16 - Une jurisprudence prudente mais plus ouverte, qui prend en compte les
évolutions en cours. La Loi de 1992 est intervenue pour reconnaître une évolution largement
engagée, admise et même, on l’a vu, soutenue depuis 1983 et impulsée par l’Etat.
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161 - 18 décembre 1991 : Il était temps. Le Tribunal Administratif de Saint-Denis de
La Réunion, saisi pour excès de pouvoir par un conseiller municipal, venait d’annuler une
délibération concernant l’aide apportée à la Ville de DIEGO-SUAREZ, à MADAGSCAR, au motif
qu’elle aurait énoncé une motivation politique mais aussi parce que la coopération décentralisée
ne respecte pas l’article L121-26 du Code des Communes selon lequel « le Conseil Municipal
règle par ses délibérations les affaires de la commune ». Mais avec la loi de 1992, ainsi que l’a
relevé Xavier Philippe dans sa Note de commentaire, l’arrêt du T.A. ne serait plus d’actualité.
162 - 28 juillet 1995 : Le Conseil d’Etat (Arrêt Commune de Villeneuve d’Asq),
s’appuyant sur la loi de 1992, donne une interprétation plus ouverte de la notion d’intérêt local ,
d’affaires locales, dans la mesure où il s’agit d’encourager le développement de coopérations
associant des acteurs du territoire communal. En cela, le Conseil d’Etat prolonge assez
logiquement sa jurisprudence relative à la décentralisation. Cet arrêt est donc d’une importance
décisive . S’y ajoute la réflexion sur le statut international des collectivités locales, de leurs
relations à travers l’étude du Droit international et des discours et de la pratique des organisations
internationales (Conseil de l’Europe, associations internationales d’élus et de collectivités, etc...).
L’arrêt du Conseil d’Etat complète une récente argumentation du professeur Autin selon laquelle
les autorisations budgétaires spécifiques, consacrées à la coopération décentralisée,
constituaient, à défaut de base légale, de véritables substituts juridiques. Le professeur Luchaire
va plus loin en considérant que « la loi de finances peut ainsi, au détour d’une autorisation
budgétaire, fonder une compétence parfaitement légale... ».
21 - Des conceptions variées mais évolutives.
La coopération décentralisée revêt toute une gamme de conceptions qui, loin de
s’opposer, se complètent bien souvent. Comme la décentralisation, qui se caractérise par un
processus de décision démocratique et diversifié, la coopération décentralisée recherche, et
invente et trouve progressivement, avec ses partenaires, ses propres marques, ses propres
pratiques sur le terrain. Des simples contacts sans objectif précis dans le cadre d’une relation
régulière ou non, des relations d’amitié dans le cadre d’un accord formel, ou ouvrant la voie à des
accords plus conventionnels sur des objectifs précis et aux modalités définies, des jumelages
classiques aux jumelages-coopération, des pratiques solidaires ou caritatives à de véritables
accords de coopération-développement, des conventions qui se veulent durables aux actions
ponctuelles ou limitées dans le temps par refus de l’assistance et de la substitution, des
coopérations délibérément et exclusivement économiques aux échanges, intégrant tous les
domaines y compris et notamment culturel, avec des engagements réciproques ou non, etc...
Certaines collectivités locales, à la recherche d’une meilleure efficacité de la politique de soutien
au développement, ont choisi ne pas installer la collectivité, ou le groupe aidé, dans l’assistance.
Le Conseil Général du Territoire de BELFORT annonce d’emblée que ses interventions devront
être limitées dans le temps, ainsi que cela se fait pour des projets de développement au nord : ne
pas créer d’habitude, et contractualiser sur une durée définie, voire de manière dégressive dans
un souci de respect comme de « responsabilisation ». Il s’agit alors de se réserver la possibilité de
pouvoir aider d’autres projets à éclore, puis à se développer.
Cette conception, et celle qui s’inscrit délibérément sur la durée dans le cadre d’une
convention de partenariat, loin de s’opposer, peuvent en fait évoluer de l’une vers l’autre sans
qu’il soit question de hiérarchisation.
Elles s’adaptent à des réalités elles-mêmes évolutives. N’est-ce pas justement l’un
des principaux atouts de la coopération décentralisée ?
Pierrick Hamon / Décembre 1997
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