Scénario et dialogues de Julien Eger
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Scénario et dialogues de Julien Eger
Scénario et dialogues de Julien Eger Tristan et Michèle, un couple très organisé, va devoir faire face à une rude épreuve : se débarrasser d’une tache au plafond. Tristan et Michèle semblent experts en taches mais il manque quelques centimètres à Tristan pour atteindre celle-ci. Ils vont donc avoir besoin d’emprunter l’escabeau de leur voisin Marc pour parvenir à leurs fins. Si sonner à une porte pour demander un service à son voisin peut paraître chose aisée pour certains... Pas pour Tristan. 1 – INT - JOUR - CAGE D’ESCALIER/ASCENSEUR TRISTAN LEGRAND, la quarantaine, costard impeccable, bien peigné, attend l’ascenseur. MARC, la quarantaine aussi, en jogging, le rejoint. Ils ont tous les deux une baguette à la main. Tristan tient en plus le Journal du dimanche dans l’autre main. MARC Bonjour monsieur Legrand. Comment allez vous ? TRISTAN Bien et vous ? MARC Ca va merci. On entend les portes de l’ascenseur s’ouvrir. Tristan fait signe à Marc de passer, Marc entre, suivi de Tristan. MARC Merci. Tristan et Marc sont dans l’ascenseur, les portes se referment. Marc lit vaguement le Journal du dimanche de Tristan qui s’en aperçoit. VOIX OFF TRISTAN Ben vas-y, te gêne pas… Tu veux pas que je te fasse la lecture, aussi ? Tristan baisse alors lentement son bras mais Marc se penche lui aussi, petit à petit, pour lire le journal. Les portes s’ouvrent à nouveau. Tristan replie son journal. Marc se redresse. MARC Bonne journée. TRISTAN Merci, vous aussi. Tristan sort. Les portes se referment sur Marc. Fondu au blanc. Le titre : ‘Mon cher voisin’ apparaît au centre de l’image suivie d’une petite tache sur le premier « i » de voisin qui s’agrandit jusqu’à envahir toute l’image. 1 2 – INT – JOUR – SALON TRISTAN & MICHELE Le salon / salle à manger est vaste et blanc avec quelques objets de couleurs pastel (parme, lilas, vert d’eau). Tout est parfaitement rangé, propre, aseptisé. Michèle, une jolie femme de 35ans, sexy, tailleur noir impeccable, prépare méticuleusement la table du déjeuner. Elle pose précautionneusement chaque couvert, verre, assiette, corbeille de pain soigneusement découpé… A l’arrière plan, Tristan lit son journal, assis sur un fauteuil moderne. VOIX OFF TRISTAN … Non mais quelle espèce d’hypocrite avec son « bonjour monsieur Legrand », « Comment allez vous ? » … Tu parles… Il s’est encore bien foutu de ma gueule … Un peu plus, il me l’arrachait des mains mon journal … Michèle enclenche une chaîne Hi-Fi moderne. Michèle et Tristan dégustent en silence un émincé de poulet avec un Chardonnay blanc sur fond de musique classique. On entend comme le déplacement d’un meuble à l’étage au-dessus, Michèle et Tristan lève la tête vers le plafond, puis se remettent à manger. Soudain, alors que Michèle s’apprête à prendre une bouchée d’émincé de poulet, elle relève la tête vers le plafond, et se fige. TRISTAN Qu’est-ce qu’y a ? MICHELE (elle désigne le plafond) Regarde ! TRISTAN (il lève la tête) Je ne vois rien… MICHELE Là, tu es aveugle (ou quoi) ? Tristan se lève et se tend vers une minuscule tâche noire au plafond au dessus de la table : un moucheron mort à côté du lustre. TRISTAN Ah oui, il y a une petite tache on dirait, ah oui… MICHELE (elle se lève) On s’en occupe ? 2 TRISTAN (Il se lève) On s’en occupe. Elle se dirige vers la cuisine, lui vers l’entrée. 3 – INT – JOUR – SDB TRISTAN & MICHELE Tristan entre dans la salle de bain, se baisse pour prendre un tabouret, se relève, se regarde dans la glace, et sort. VOIX OFF TRISTAN … Et en plus il puait ce con… Je suis sûr qu’il avait même pas pris de douche… Non mais pour qui il se prend ce mec ? … 4 – INT – JOUR – CUISINE TRISTAN & MICHELE Michèle s’agenouille devant un meuble moderne, elle en ouvre les portes et découvre un attirail de produits d’entretien rangés en ligne du plus petit au plus grand. Elle sélectionne les deux produits les plus grands, une éponge et un chiffon. 5 – INT – JOUR – SALON TRISTAN & MICHELE Tristan arrive d’un côté, Michèle de l’autre. Il monte sur un mini-tabouret en mettant ses bras sur le côté comme un équilibriste pour ne pas tomber alors qu’il est à 10cm du sol. MICHELE Ca va ? TRISTAN Oui, oui… Michèle lui tend une éponge imbibée de produit, il tend son bras vers le minuscule moucheron, mais il lui manque une bonne vingtaine de centimètres pour l’atteindre. MICHELE Alleeeez, tu y es presque ! Tristan tend son bras au maximum, puis le relâche. TRISTAN Je suis pas assez grand. 3 Michèle encaisse le coup tandis que Tristan descend du tabouret. Soudain le visage de Michèle s’illumine. MICHELE Le voisin du dessus ! Il refait son appart ! Il a sûrement un escabeau… TRISTAN Hein ?? (un temps) Non, non, attends, on va trouver une solution… Il pose son regard sur la table et fait mine de monter dessus. MICHELE Non mais tu n’y penses pas !! Tristan lâche la table. Ils réfléchissent un instant. TRISTAN Apporte moi les annuaires… MICHELE Ca fait des années que j’ai jeté ces gros bouquins qui ne servent à rien… TRISTAN Tu as jeté les annuaires ? MICHELE (comme une évidence) Ben oui… (un silence) Et si je mets une couverture sur une chaise, tu crois que ... TRISTAN Une chaise avec une couverture ? Tu veux qu’on se casse une jambe, c’est ça ?? … (un silence) Ecoute, demain dès la première heure, j’irai acheter un bel escabeau tout neuf, bien stable ; ça te va comme ça ? MICHELE Demain ?? Mais t’es fou ou quoi ? Je te signale que mes parents viennent dîner ! Ici ! Ce soir !! Et il est hors de question qu’ils voient notre appartement dans cet état (là) !! 4 Elle lui jette un regard plein de reproches. TRISTAN Ok, ok… Calme toi… je vais aller demander l’escabeau… Tout à l’heure… après le déjeuner… Fondu au violet sur son visage. 6 – INT – JOUR – PALIER MARC – PHOBIE TRISTAN Ces séquences seront filmées avec un grain grossier, une image assez sombre, monochrome, dans les violets. Le son n’est pas très net non plus, comme pris de loin. 6-1 Tristan, de dos, sort de l’ascenseur et avance sur le palier de Marc. Il sonne. Marc ouvre. MARC (antipathique) Ah, c’est encore vous ! TRISTAN Oui… Excusez moi de vous dérangez mais… J’ai entendu que vous faisiez des travaux… Et … Vous pourriez me prêter votre escabeau ? MARC (hautain, méprisant) Hmmm … (il inspecte Tristan des pieds à la tête) Vous êtes pas gêné, hein… TRISTAN C’est que j’ai une … Marc claque la porte au nez de Tristan, qui sursaute. Flash blanc. 6-2 Tristan, de dos, avance sur le palier de Marc. Il sonne. Marc arrive par derrière et lui tape sur l’épaule. MARC (culpabilisant) Je peux vous aider ?! 5 Tristan sursaute. TRISTAN Ah ! Heu non… Enfin oui… Je… Je voudrais savoir si … MARC (il éclate de rire) Ah ah ah ! Vous avez pas peur du ridicule vous ! Marc entre chez lui et claque la porte au nez de Tristan, paniqué. Flash blanc. 6-3 Tristan, de dos, sonne. Marc ouvre. MARC T’as rien d’autre à foutre que de venir emmerder tes voisins ?! Allez dégage maintenant ! Marc claque la porte au nez de Tristan, effrayé. Flash blanc. 7 – INT – JOUR – SALON TRISTAN & MICHELE Tristan et Michèle boivent le café dans de jolies tasses blanches au salon. Une belle boite de chocolat est posée sur la table basse. MICHELE Quelle affreuse journée pour un dimanche… Tu n’as pas dit que tu allais demander l’escabeau du voisin ?! TRISTAN J’ai dit ça, moi ? MICHELE Oui tu as dit ça. Tu y vas ou pas ? TRISTAN Oui, oui.… Je vais y aller … Tristan finit très lentement son café tandis qu’il observe par intermittence sa femme, dont il ne peut soutenir le regard insolent … 6 VOIX OFF TRISTAN … Qu’est-ce qu’elle a à toujours me parler du voisin ? ... Et comment elle peut être aussi sûre qu’il a un escabeau ?... Sous la pression du regard impérieux de son épouse, il pose sa tasse et sort de la pièce. 8 – INT - JOUR - CAGE D’ESCALIER/ASCENSEUR Dans l’ascenseur, Tristan appuie sur le bouton du 4ème étage, l’ascenseur monte. Tristan écoute à la porte de son voisin et s’apprête à sonner. VOIX OFF TRISTAN Non, non… Tout ça c’est un coup monté … Je le sens très mal… Il fait demi tour et rappel l’ascenseur. Arrivé à son étage il n’arrive pas à sortir, l’ascenseur continue de descendre jusqu’au rdc où les portes s’ouvrent sur Marc, un bouquet de fleurs à la main. MARC Ah tiens… monsieur Legrand ! C’est rigolo, ça… Tristan pousse un petit rire gêné et forcé. Marc monte dans l’ascenseur. MARC Vous remontez ? Vous avez oublié quelque chose ? TRISTAN (très sérieux) Non non je fais des tours d’ascenseur, ça me détend ! Marc rit. Les portes se referment. L’ascenseur démarre. TRISTAN Je… MARC Oui ? TRISTAN Non rien. L’ascenseur s’arrête. Les portes s’ouvrent. 7 MARC Bonne après midi. TRISTAN Oui, vous aussi… Tristan descend. 9 – INT – JOUR – SALON TRISTAN & MICHELE Michèle est en train de lire, jambes croisées sur un fauteuil moderne en écoutant de la musique classique. On entend la porte. Tristan apparaît. TRISTAN J’ai frappé, j’ai sonné, personne. MICHELE (anéantie) C’est pas vrai… TRISTAN Si, si, je t’assure… toutes façons même s’il était là il ne répondrait pas, c’est un con… Tristan s’assoit dans un fauteuil moderne et lit le journal. Michèle se lève et va observer sa minuscule tache au plafond. MICHELE Quelle affreuse journée… TRISTAN Oui, tu l’as déjà dit ma chérie… MICHELE Oui mais là c’est pire, viens voir ! J’ai l’impression qu’elle a grandie… TRISTAN (lève le nez de son journal) Mais non… MICHELE (elle se tourne et s’approche vers lui) Tu crois que les voisins d’en dessous auraient un escabeau ? TRISTAN Ils sont partis en vacances ! 8 MICHELE Ah bon ??? Et les voisins d’en face ?! TRISTAN Ils sont en week end ! MICHELE Et ceux du premier ?!! Fondu au violet sur le visage de Tristan. 10 – INT – JOUR – ESCALIERS – PHOBIE TRISTAN Cette séquence sera filmée comme la 6 : avec un grain grossier, une image assez sombre, monochrome, dans les violets. Le son n’est pas très net non plus, comme pris de loin. Tristan, de dos, attend l’ascenseur sur son palier. Une porte s’entrouvre en grinçant. Il tourne la tête : un homme au visage étrange l’observe par l’entrebâillement avec un regard malveillant. Tristan prend alors les escaliers. Il descend un étage. Là il entend des rires derrière les portes. Il accélère son pas et descend un autre étage. Soudain la lumière s’éteint. FEMME Vous cherchez quelque chose ? La lumière se rallume sur une femme au visage inquiétant, puis un homme très costaud entre par une porte de pallier. HOMME Vous êtes perdu monsieur Legrand ? Tristan fait demi tour et remonte les escaliers à toute vitesse, il tente de s’échapper par une porte donnant accès au palier du second : derrière la porte, Marc l’attend avec un escabeau. MARC Vous le voulez vraiment mon Escabeau ? Tristan referme la porte et continue de monter à toute vitesse. Il y a des gens derrière lui qui lui courent après, Marc en tête du cortège. 9 11 – INT – SOIR – SALON TRISTAN & MICHELE Le jour se couche, Tristan est assis, son journal est posé sur ses genoux. Il semble ailleurs. VOIX OFF TRISTAN … Oui, c’est ça … Il a séduit ma femme … Ou alors il l’a menacé pour les aider à m’éliminer… Et puis il est venu faire la tache … Ou bien c’est elle qui est de mèche avec eux… On entend quelques sanglots. Tristan se tourne vers Michèle : Elle tient sa tête entre ses mains et pleure. Il s’approche d’elle. TRISTAN Ca va pas ? MICHELE Non, ça va… C’est rien. (elle voit l’heure sur la montre de Tristan) Mince ! 17h21, mes parents vont arriver… Elle s’apprête à se lever mais Tristan la retient. Il allume une lampe. TRISTAN Tu es sûre que ça va ? Tu ne veux pas me dire quelque chose ? Me parler ? … (Il lui prend la main) Tu peux tout me dire tu sais… Ils se regardent. MICHELE Je vais voir le voisin ! TRISTAN Quoi ? Elle se lève et se dirige vers la sortie de l’appartement. MICHELE C’est le seul moyen qu’on s’en sorte … Tristan la rattrape et l’arrête. 10 TRISTAN C’est moi qui vais voir le voisin ! MICHELE Mais… Michèle le regarde étonnée. Tristan sort de l’appartement. La porte claque. 12 – INT - SOIR - CAGE D’ESCALIER/ASCENSEUR Dans l’ascenseur, Tristan appuie sur le bouton du 4ème étage, l’ascenseur monte. VOIX OFF TRISTAN Ah la salope ! J’en étais sûr !! Elle veut aller manigancer un nouveau coup avec lui parce qu’elle sait que je me doute de quelque chose maintenant !! Tristan écoute à la porte de son voisin : on entend des rires derrière la porte. Des rires de plus en plus forts. VOIX OFF TRISTAN Ah le fumier ! Il est encore en train de se foutre de ma gueule avec ma femme qui l’a appelé pour le prévenir ! Ah, ils doivent bien se marrer en se disant que j’ai gobé leur putain d’histoire d’escabeau !!! Il prend sa respiration et sonne. Marc ouvre tout sourire. Tristan lui balance un grand coup de poing dans la figure. Marc vacille. TRISTAN Tu peux te le garder ton escabeau gros con !! Marc tombe à la renverse. 13 – INT – SOIR – SALON TRISTAN & MICHELE Michèle dresse soigneusement la table quand soudain on entend le bruit d’un choc : le moucheron tombe dans l’assiette juste devant elle. Elle jette un coup d’œil au plafond, et récupère soigneusement le moucheron. MICHELE (satisfaite) Yesss ! 11 14 – INT - SOIR - CAGE D’ESCALIER/ASCENSEUR Dans l’ascenseur, Tristan époussette son costume. TRISTAN Non mais… Les portes se referment sur lui. Noir, musique classique et générique de fin. 12 L’origine du projet A l’origine, cette histoire a été racontée par un psychanalyste dont le patient était paranoïaque. Elle est ensuite devenu une histoire drôle que l’on entend dans les dîner : ‘C’est l’histoire d’un mec qui a besoin d’un marteau pour accrocher un tableau… Il se souviens alors que son voisin en a un et décide de lui emprunter. Mais soudain un doute le saisit… Il se dit que son voisin pourrait très bien lui refuser… Il se dit aussi que la dernière fois qu’il a croisé son voisin, celui-ci ne lui a pas dit bonjour… Puis il se met à penser que son voisin ne l’aime pas, que c’est un égoïste… Le type décide alors d’aller voir son voisin, il sonne à la porte, et sans lui laissez dire un mot lui cri : « Garde le ton marteau, espèce de con ! ». ‘ C’est à peu près dans ces termes que je l’ai entendu la première fois. Certains accentue le côté philosophique, moi je préfère le côté absurde, et décalé… Pourquoi ce projet ? Des films de Woody Allen à ceux de Louis De Funès, la paranoïa est un élément fondateur de l’humour au cinéma. L’obsession en est un autre. J’ai choisi d’adapter cette histoire à l’écran tout d’abord parce qu’elle me fait rire et que j’ai envie de la partager mais aussi parce que je crois qu’elle peut être encore plus drôle jouée et filmée. Le cinéma me permet de traiter la paranoïa de manière visuelle et sonore, à travers une voix off, témoin du délire intérieur, des images (des scènes qu’il s’imagine), et des sons (des rires, des chuchotements). Je souhaite ainsi créer un décalage visuel et sonore entre la raison apparente (les scènes réaliste, les dialogues) et le délire paranoïaque de Tristan (les images de ses délires - la voix off). Jusqu’à ce que son délire devienne sa réalité et qu’il cogne son malheureux voisin en lui disant enfin ce qu’il pense. J’ai introduit un personnage supplémentaire, sa femme, qui elle aussi est en décalage avec la réalité. Totalement obsédée par la propreté, à la limite de l’hystérie pour obtenir ce qu’elle veut. Elle va donc jouer un rôle essentiel dans la motivation de son mari et créer l’urgence. Le film traite donc aussi de l’obsession. Quelques intentions de mise en scène Je souhaite apporter un soin particulier au casting, puis au travail avec les acteurs, que je souhaite le plus réel et le plus sincère possible. Dans l’appartement, la lumière sera assez claire, en contraste avec les plans sombres des délires paranoïaques. Les cadres participeront à accentuer la symétrie du décor de l’appartement. Pour les séquences des délires paranoïaques, nous utiliserons des effets de type « transtrav », des cadrages avec des lignes de fuites délirantes (spirale de la rampe d’escalier…) … Les séquences d’ascenseur avec Marc seront réalistes tant au niveau de la lumière que du cadre… La prise de son sera perchée, ce qui a le double avantage de donner du réalisme aux scènes et de différencier le son in de la voix off qui aura ainsi plus de présence, que l’on ressentira comme plus intime. Pour la décoration de l’appartement, elle sera à l’image du personnage de Michèle, très propre, moderne, stylisée, minimaliste.