DE LA TORTURE, DU TRAiTEmEnT inhUmAin ET DU TRAiTEmEnT

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DE LA TORTURE, DU TRAiTEmEnT inhUmAin ET DU TRAiTEmEnT
DE LA TORTURE, du traitement inhumain
et du traitement degradanT
P. DE HERT
Chargé de cours en chef Université Tilburg
Professeur Université Libre de Bruxelles
G. PYL
Chargé de cours Ecole nationale des Officiers
de la Police intégrée Bruxelles
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DE LA TORTURE, du traitement inhumain et du traitement degradant
Introduction
En adoptant la Loi du 9 juin 1999, portant assentiment à la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants, la Belgique a décidé que la Convention précitée serait totalement applicable en Belgique (M.B., 28 octobre 1999). Cela a notamment
pour conséquence que notre pays doit veiller à incriminer dans la loi
pénale nationale toutes les formes de torture, tentatives de torture, complicité et participation à la torture.
En raison du fait que l’article 70 du Code pénal dispose qu’«il n’y a pas
d’infraction lorsque le fait était ordonné par la loi et commandé par l’autorité», un nouveau paragraphe était par conséquent indispensable pour
assurer la conformité du droit belge avec le prescrit de la Convention.
Cette nécessité découlait également du principe des droits de l’Homme.
L’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales interdit la torture et les traitements inhumains et dégradants (Cour eur. D.H., Jalloh contre Allemagne, Arrêt du
11 juillet 2006, www.echr.coe.int). Il est ici question de «droits de l’homme absolus», ce qui, selon la doctrine, exclut tout recours sur base d’éléments
de justification fondés sur l’état de nécessité ou l’ordre d’un supérieur
(Van den Wyngaert, C., Strafrecht, strafprocesrecht en internationaal strafrecht, Anvers, Maklu,
ANNEE?, 215 et 218). L’application des principes de droit relatifs aux délits
de violence classiques en droit pénal belge n’est de ce fait pas possible.
La loi du 14 juin 2002, de mise en conformité du droit belge avec la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants (M.B., 14 août 2002) a complété le Livre II, Titre
VIII, Chapitre Ier, du Code pénal par une Section V – De la torture, du
traitement inhumain et du traitement dégradant, comprenant les articles 417bis à 417quinquies.
Il est clair que les nouvelles dispositions du Code pénal ne peuvent être
lues indépendamment des dispositions de la Loi sur la fonction de police
relatives à l’utilisation de moyens de contrainte, comme c’était déjà le
cas pour les délits de violence classiques (par ex. coups et blessures
volontaires). Le texte de l’article 1er, alinéa 3 de la Loi sur la fonction de
police confirme que les services de police, et donc les fonctionnaires de
police qui en font partie, ne peuvent utiliser des moyens de contrainte
pour accomplir leurs missions que dans les conditions prévues par la
loi. Il s’agit dans ce cadre de respecter les principes de la légalité, de la
proportionnalité et de la subsidiarité (Pyl, G., «La Convention contre la torture dans
la loi pénale belge», Vigiles, 2003, n° 4).
Par la même loi, certains articles incriminant la torture pendant la prise
d’otages (art. 347bis, C. pén.), l’attentat à la pudeur ou le viol (art. 376,
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C. pén.) et le vol commis à l’aide de violence ou menace et d’extorsion
(art. 473, C. pén.) comme circonstance aggravante, ont été adaptés
aux nouvelles dispositions. Enfin, l’article 438 incriminant de 10 ans à
15 ans de travaux forcés, la détention illégale et arbitraire aggravée par
la torture, a été abrogé, puisqu’il n’avait plus de raison d’être (Goossens, F.,
«Foltering, onmenselijke behandeling en onterende behandeling als nieuwe misdrijven in het
Strafwetboek», TVW, 2002, 334).
La loi du 26 novembre 2011 modifiant et complétant le Code pénal
en vue d’incriminer l’abus de la situation de faiblesse des personnes
et d’étendre la protection pénale des personnes vulnérables contre la
maltraitance (M.B., 23 janvier 2012), modifie les articles 417ter, 417quater et
417quinquies.La loi du 26 novembre 2011 règle aussi l’ester en justice
dans les procédures auxquelles donnerait lieu l’application des articles
417ter, 417quater et 417quinquies.
Tout établissement d’utilité publique et toute association jouissant de
la personnalité juridique depuis au moins cinq ans à la date des faits
et se proposant par statut soit de protéger les victimes de pratiques
sectaires, soit de prévenir la violence ou la maltraitance à l’égard de
toute personne vulnérable en raison de son âge, d’un état de grossesse,
d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale, peut avec l’accord de la victime ou de son représentant, ester en
justice dans les procédures auxquelles donnerait lieu l’application des
articles (…) 417ter, 417quater, 417quinquies, (…) du Code pénal et de
l’article 77quater de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire,
le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.
Ce droit d’ester en justice ne peut toutefois être exercé que si ces établissements et associations ont été agréés par le Roi qui fixe les modalités de cet agrément. La victime peut à tout moment, renoncer, par ellemême ou son représentant, à l’accord visé à l’alinéa 1er, ce qui a pour
effet de mettre fin à la possibilité, pour l’établissement d’utilité publique
ou l’association concernée, de continuer à ester en justice dans les procédures visées dans le même alinéa.
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I. DE LA TORTURE
1. DELIT DE BASE
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A … (victime) LA TORTURE, EN L’OCCURENCE, UN TRAITEMENT INHUMAIN DELIBERE QUI PROVOQUE UNE DOULEUR AIGUE OU DE TRES GRAVES OU
CRUELLES SOUFFRANCES, PHYSIQUES OU MENTALES;
Incrimination légale: article 417ter, alinéa 1°, C. pén.
Sanction:
Réclusion de dix ans à quinze ans.
2. CIRCONSTANCES AGGRAVANTES
a) DE LA TORTURE PAR DES OFFICIERS OU DES FONCTIONNAIRES PUBLICS
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
EN SA QUALITE D’OFFICIER OU FONCTIONNAIRE PUBLIC,
DEPOSITAIRE OU AGENT DE LA FORCE PUBLIQUE AGISSANT
A L’OCCASION DE L’EXERCICE DE SES FONCTIONS, AYANT
FAIT SUBIR A … (victime) LA TORTURE, EN L’OCCURENCE,
UN TRAITEMENT INHUMAIN DELIBERE QUI PROVOQUE
UNE DOULEUR AIGUE OU DE TRES GRAVES OU CRUELLES
SOUFFRANCES, PHYSIQUES OU MENTALES;
Incrimination légale: article 417ter, alinéa 2°, a), C. pén.
Sanction:
Réclusion de quinze ans à vingt ans
+ destitution obligatoire (art. 19, C. pén.)
+ interdiction à perpétuité obligatoire (art. 31, C. pén.).
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b) DE LA TORTURE DES PERSONNES MALADES OU VULNERABLES
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A … (victime) LA TORTURE, EN L’OCCURENCE, UN TRAITEMENT INHUMAIN DELIBERE QUI PROVOQUE UNE DOULEUR AIGUE OU DE TRES GRAVES OU
CRUELLES SOUFFRANCES, PHYSIQUES OU MENTALES;
dont la situation de vulnerabilite en raison de
l’age, d’un etat de grossesse, d’une maladie, d’une
infirmite ou d’une deficience physique ou mentale
ou en raison de sa situation precaire etait apparente ou connue de l’auteur des faits.
Incrimination légale: article 417ter, alinéa 2°, 1°b, C. pén.
Sanction:
Réclusion de quinze ans à vingt ans
+ destitution obligatoire (art. 19, C. pén.)
+ interdiction à perpétuité obligatoire (art. 31, C. pén.).
c) DE LA TORTURE ENVERS UN MINEUR
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A UN MINEUR (victime) LA TORTURE, EN
L’OCCURENCE, UN TRAITEMENT INHUMAIN DELIBERE QUI
PROVOQUE UNE DOULEUR AIGUE OU DE TRES GRAVES OU
CRUELLES SOUFFRANCES, PHYSIQUES OU MENTALES;
Incrimination légale: article 417ter, alinéa 2°, 1° c, C. pén.
Sanction:
Réclusion de quinze ans à vingt ans
+ destitution obligatoire (art. 19, C. pén.)
+ interdiction à perpétuité obligatoire (art. 31, C. pén.).
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d) DE LA TORTURE CAUSANT DES CONSEQUENCES PHYSIQUES
OU PSYCHIQUES GRAVES
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A … (victime) LA TORTURE, EN L’OCCURENCE, UN TRAITEMENT INHUMAIN DELIBERE QUI PROVOQUE UNE DOULEUR AIGUE OU DE TRES GRAVES OU
CRUELLES SOUFFRANCES, PHYSIQUES OU MENTALES;
LORSQUE L’ACTE A CAUSE UNE MALADIE PARAISSANT
INCURABLE, UNE INCAPACITE PERMANENTE PHYSIQUE
OU PSYCHIQUE, LA PERTE COMPLETE D’UN ORGANE OU
DE L’USAGE D’UN ORGANE, OU UNE MUTILATION GRAVE;
Incrimination légale: article 417ter, alinéa 2°, 2°, C. pén.
Sanction:
Réclusion de quinze ans à vingt ans
+ destitution obligatoire (art. 19, C. pén.)
+ interdiction à perpétuité obligatoire (art. 31, C. pén.).
e) DE LA TORTURE ENVERS UN MINEUR OU UN NECESSITEUX DU
FAIT D’ASCENDANTS OU DE PERSONNES POURVUES D’AUTORITE
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR LA TORTURE, EN L’OCCURENCE, UN
TRAITEMENT INHUMAIN DELIBERE QUI PROVOQUE UNE
DOULEUR AIGUE OU DE TRES GRAVES OU CRUELLES
SOUFFRANCES, PHYSIQUES OU MENTALES, A UN MINEUR
(victime) OU UNE PERSONNE QUI, EN RAISON DE SON ETAT
PHYSIQUE OU MENTAL, N’ETAIT PAS A MEME DE POURVOIR
A SON ENTRETIEN, PAR SES PERE, MERE OU AUTRE ASCENDANT, TOUT AUTRE PERSONNE AYANT AUTORITE SUR LUI
OU EN AYANT LA GARDE, OU TOUTE PERSONNE MAJEURE
QUI COHABITE OCCASIONELLEMENT OU HABITIELLEMENT
AVEC LA VICTIME;
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Incrimination légale: article 417ter, alinéa 3°, 1°, C. pén.
Sanction:
Réclusion de vingt ans à trente ans
+ affichage obligatoire de l’arrêt (art. 18, C. pén.)
+ destitution obligatoire (art. 19, C. pén.)
+ interdiction à perpétuité obligatoire (art. 31, C. pén.).
f)DE LA TORTURE CAUSANT LA MORT SANS INTENTION DE LA
DONNER
Qualification:
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A … (victime) LA TORTURE, EN L’OCCURENCE, UN TRAITEMENT INHUMAIN DELIBERE QUI PROVOQUE UNE DOULEUR AIGUE OU DE TRES GRAVES OU
CRUELLES SOUFFRANCES, PHYSIQUES OU MENTALES,
EN CAUSANT LA MORT SANS INTENTION DE LA DONNER;
Incrimination légale: article 417ter, alinéa 3°, 2°, C. pén.
Sanction:
Réclusion de vingt ans à trente ans
+ affichage obligatoire de l’arrêt (art. 18, C. pén.)
+ destitution obligatoire (art. 19, C. pén.)
+ interdiction à perpétuité obligatoire (art. 31, C. pén.).
Jurisprudence
La jurisprudence relative à l’application de l’article 417ter (torture) en
droit pénal belge est encore très restreinte. C’est principalement la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, pris en application de l’article 3 de la Cour eur. D.H., qui est susceptible de nous
donner des informations sur ce que recouvre le concept de torture.
La jurisprudence de la Cour eur. D.H. n’est pas sans importance et ce
non seulement du fait que la Cour eur. D.H. est directement applicable
en droit belge, mais également parce que le législateur c’est plutôt laissé
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guider par la jurisprudence de la Cour eur. D.H. que par les dispositions
de la Convention internationale contre la torture lors de sa définition du
concept de torture. Ce fut également l’opinion du Conseil d’Etat, lequel
posa que rien ne s’opposait à ce que l’interprétation des concepts de
torture (…) découlant de la jurisprudence de la Cour européenne soit
introduite dans la loi (Conseil d’Etat, Avis n° 31.342/2 du 6 juin 2001).
A.Eléments constitutifs
1. Les actes
Selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme,
la notion de «torture» ne s’appliquera que si «des traitements inhumains
délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances» ont été infligés (Cour eur. D.H., Irlande contre Royaume-Uni, Requête 00005310/71, Arrêt du 18 janvier
1978, violation de l’art. 3, A25).
En ce qui concerne la nature de la douleur, il est clair qu’il peut s’agir
tant d’une douleur physique que mentale. Cette précision est essentielle
étant donné que les méthodes de torture évoluent de plus en plus dans
la direction de certaines formes de traitements qui influencent l’équilibre psychique d’un individu, sans cependant constituer une atteinte
directe à l’intégrité physique (Cour eur. D.H., Irlande contre Royaume-Uni, Requête
00005310/71, Arrêt du 18 janvier 1978, violation de l’art. 3, A25).
La définition de la torture contient également la raison de la maltraitance, comme dans l’article 1er du Traité des Nations Unies sur la Torture lequel mentionne notamment comme buts: l’obtention d’information, la punition et l’intimidation (Cour eur. D.H., Salman contre Turquie, Requête
21986/93, Arrêt du 27 juin 2000, violation des articles 2 et 3 Cour eur. D.H., note E. Van Nuffel,
Rev. Trim. D. H. 2001, 856-885).
Des exemples d’agissements de ce type sont légion dans la jurisprudence internationale.
Pendaison par les bras pendant un interrogatoire (Cour eur. D.H., Aksoy contre
Turquie, Requête 00021987/93, Arrêt du 18 décembre 1996, violation de l’art. 3, Recueil 1996VI).
Chocs électriques infligés pendant un interrogatoire (Cour eur. D.H., Cakici
contre Turquie, Requête 00023657/94, Arrêt du 8 juillet 1999, violation de l’art. 3, Recueil des
arrêts et décisions 1999-IV).
Mauvais traitements graves pendant l’arrestation, ayant entraîné la mort
(Cour eur. D.H., Orak contre Turquie, Requête 00031889/96, Arrêt du 14 février 2002, violation
des art. 2 et 3, non publié. L’arrêt peut être consulté sur le site de la Cour eur. D.H., www.echr.
coe.int).
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Aspersion d’eau glacée, attachée dans un pneu de voiture que l’on a
fait tourner pendant longtemps, finalement violée par les personnes
chargées de son interrogatoire (Cour eur. D.H., Aydin contre Turquie, Requête
00023178/94, Arrêt du 25 septembre 1997, violation de l’art. 3, Recueil 1997-VI).
Enfermé seul, sans lumière, sans couverture par une température inférieure à 0°C, au pain et à l’eau (Cour eur. D.H., Tekin contre Turquie, Requête
00022496/93, Arrêt du 9 juin 1998, violation de l’art. 3, Recueil 1998-IV).
Frappé et assommé avec des crosses d’armes pendant l’arrestation,
blessures graves à la tête (Cour eur. D.H., Ilhan contre Turquie, Requête 00022277/93,
Arrêt du 27 juin 2000, violation de l’art. 3, Recueil des arrêts et décisions 2000-VII).
Arrêté et, pendant trois jours, frappé à plusieurs reprises, menacé, humilié (on a uriné sur lui) et enfin violé avec une matraque (Cour eur. D.H.,
Selmouni contre France, Requête 00025803/94, Arrêt du 28 juillet 1997, violation de l’art. 3,
Recueil des arrêts et décisions 1999-V).
Le fait qu’un individu ait été séquestré pendant plus de 24 heures, ligoté,
menotté, frappé à de nombreuses reprises au moyen d’une matraque de
fortune, d’un marteau, d’un instrument piquant et tranchant par deux personnes, provoquant des lésions extrêmement importantes, qu’il ait fait
également l’objet de lésions caractéristiques s’accordant avec des traumatismes par brûlures aux fins qu’il avoue le vol de bijoux, est constitutif
d’actes de torture au sens de l’article 417bis, 1° du Code pénal (Bruxelles,
12e Chambre, 29 juillet 2003, www.cass.be).
Le fait d’être successivement frappé, bâillonné, ligoté, séquestré, menacé et avoir reçu des coups de couteaux, dans le but d’obtenir des codes
de cartes bancaires, est constitutif d’actes de torture au sens de l’article 473, alinéa 2, du Code pénal (Cass., 2e Chambre, 30 avril 2003, www.cass.be).
Le fait d’avoir été battue et d’avoir reçu des coups de pied à plusieurs
reprises, d’avoir été maltraitée à l’aide d’un fer à repasser et ce afin de
la forcer, en la faisant souffrir, à livrer aux malfaiteurs la combinaison ou
la clef de la chambre forte, indique que la victime a été soumise à des
tortures, conformément à l’article 473, alinéa 2, du Code pénal (Cass.,
2e Chambre, 17 décembre 1996, www.cass.be).
Une simple menace de comportement interdit au sens de l’article 3 de la
Cour eur. D.H. peut en soi constituer une violation dudit article 3 si elle
s’avère suffisamment réelle et immédiate. C’est ainsi que la menace de
torture peut, dans certaines circonstances, être au moins constitutive
d’un traitement inhumain (Cour eur. D.H., Campbell et Cosans contre le Royaume-Uni,
Requêtes 7511/76 et 7743/76, Arrêt du 25 février 1982, pas de violation de l’article 3 Cour eur.
D.H., www.echr.coe.int).
Durant un interrogatoire policier, une menace intentionnelle et crédible
d’une personne, avec maltraitance réelle et immédiate, peut être consti-
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tutive d’un traitement inhumain, voire même de torture
(Cour eur. D.H.,
Grande Chambre, Gäfgen contre Allemagne, Requête 22978/05, Arrêt du 1 juin 2010, violation
de l’article 3 Cour eur. D.H., www.echr.coe.int).
Lorsqu’une autorité, membre du Conseil de l’Europe et liée par la protection de la Cour eur. D.H., prive une personne de sa liberté afin de la
livrer ensuite, aux fins d’interrogatoire, à un service de renseignements
étranger d’un pays qui n’est pas lié par la protection de la Cour eur.
D.H., on ne peut que constater la violation de l’article 3 de la Cour eur.
D.H. dans le chef de l’Etat membre (Cour eur. D.H., Grande Chambre, Requête
39630/09, Arrêt du 13 décembre 2012, El-Masri contre FYROM (Former Yugoslavian Republic of Macedonia), violation de l’article 3 Cour eur. D.H., Pyl, G., Handboek Politiediensten,
Malines, Kluwer, 2013).
2. L’intention
Force est de constater que le délit de torture (tout traitement inhumain
délibéré qui provoque une douleur aiguë ou de très graves et cruelles
souffrances, physiques ou mentales) n’est pas lié à une intention spécifique quelconque et ne demande donc pas un dol principal (Berkmoes, H.,
«Folterverbod in het strafrecht», Panopticon, 2004, 210).
L’intention criminelle se trouve déjà dans la définition du délit: «tout traitement délibéré». Il s’agit d’un traitement sciemment exécuté et dont le
caractère illégal est bel et bien connu. Les motifs personnels de l’auteur
sont ne sont d’aucune importance (Dupont, L. & Verstraeten, R., Handboek Belgisch Strafrecht, Louvain, Acco, 1990, 415 et s.).
L’exigence d’un dol spécial, prévu par la Convention, a été écartée de
l’interprétation du nouvel article 417bis par le législateur. La Convention
du 10 décembre 1984 exige en effet que les souffrances aient été infligées dans un but précis: «aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une
tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte
qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire
pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une
forme de discrimination quelle qu’elle soit (…)». Cette limitation entend
surtout réprimer la torture en tant qu’instrument de gouvernement, c’est
à-dire dans le but, soit d’arracher des aveux ou des renseignements aux
détenus, soit de recourir à la terreur pour asseoir un régime.
En attendant la mise en œuvre de la loi du 14 juin 2002, tant la Cour
d’arbitrage que la Cour de Cassation ont suivi de près l’interprétation
de la Convention. Selon la Cour d’Arbitrage, il faut entendre par torture et traitement inhumain «tout acte par lequel une douleur aiguë ou
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des souffrances graves, physiques ou mentales, sont intentionnellement
infligées, par exemple dans le but d’obtenir des renseignements ou des
aveux de la victime, de la punir, de faire pression sur elle ou sur des tiers
ou d’intimider» (Cour d’Arbitrage, Arrêt n° 39/91, 19 décembre 1991, http://www.arbitrage.
be). La Cour de cassation a repris ces définitions dans sa jurisprudence ultérieure (Cass.,
18 mai 1999, Arr. Cass., 1999, 354).
L’intention citée par la Cour d’Arbitrage et la Cour de Cassation n’est
en fait pas nécessaire pour obtenir une qualification de torture; il s’agit
d’exemples de motifs qui ne doivent, en fait, pas nécessairement être
présents. Le juge belge peut qualifier de torture des agissements qui
causent des souffrances aiguës, même s’il s’agit de torture «gratuite».
B.Circonstances aggravantes
Le délit de base «de la torture», comme défini dans le Code pénal, s’applique au comportement de tout individu. Le législateur a jugé important
d’insister sur la particulière gravité d’un tel acte commis par des personnes bien définies, envers des personnes bien définies ou provoquant
des conséquences spécifiques.
L’article 417ter, alinéa 2°, 1°, a, C. pén. alourdit la peine si le délit de
base a été commis sous la couverture de «l’autorité», par analogie avec
d’autres dispositions du Code Pénal.
L’article 417ter, alinéa 2°, 1°, b, C. pén. alourdit la peine si le délit de
base a été commis envers des personnes étant considérées comme
particulièrement vulnérables. Il s’agit d’une circonstance aggravante,
comparable à celle de l’article 376 C. pén.
L’article 417ter, alinéa 2°, 1°, c, C. pén. alourdit la peine si le délit de
base a été commis envers un mineur. Le concept de mineur suppose
une interprétation large et doit être appliqué envers tous les mineurs.
L’article 417ter, alinéa 2°, 2°, C. pén. alourdit la peine si le délit de
base a provoqué certaines conséquences pour la victime. Les dispositions de l’article ont été empruntées à l’incrimination pour prise d’otage
(art.347bis, C. pén.).
L’article 417ter, alinéa 3°, 1°, C. pén. alourdit la peine si le délit de base
a été commis sous le couvert de l’autorité. Les dispositions de l’article
ont été empruntées à l’incrimination pour coups et blessures volontaires
(art. 410, alinéa 2°, C. pén.) et sont également présentes dans l’article
incriminant le viol et l’attentat à la pudeur (art. 377 C. pén.).
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L’article 417ter, alinéa 3°, 2°, C. pén. alourdit la peine si le délit de base
a entraîné la mort, mais sans intention de la donner, par analogie avec
l’article 401 C. pén. incriminant les coups et blessures volontaires, entraînant la mort.
C.Ordre du supérieur ou commandement de l’autorité et l’état de
nécessité
Selon l’article 417ter, alinéa 4°, C. pén.: «L’ordre d’un supérieur ou d’une
autorité ne peut justifier l’infraction prévue à l’alinéa premier».
Ceci constitue une conséquence du fait que, selon la Convention internationale, article 2 § 3: «L’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture.»
La Cour eur. D.H. ne prévoit aucune restriction à l’article 3, lequel interdit la torture et les traitements inhumains et dégradants (Cour eur. D.H.,
Jalloh contre Allemagne, Arrêt du 11 juillet 2006, www.echr.coe.int). Il est ici question
de «droits de l’Homme absolus» ce qui exclut tout recours sur base
d’éléments de justification fondés sur l’état de nécessité ou l’ordre d’un
supérieur (Van den Wyngaert, C., Strafrecht, strafprocesrecht en internationaal strafrecht,
Anvers, Maklu, ANNEE?, 215 et 218).
Toujours selon l’article 417ter, alinéa 4°, C. pén.: «L’état de nécessité ne
peut justifier l’infraction prévue par l’alinéa premier.»
Cette disposition a été insérée par la loi du 18 mai 2006, visant à insérer
un nouvel alinéa à l’article 417ter du Code pénal (M.B., 1er décembre 2006).
L’objet de la modification de la loi était de répondre aux recommandations du Comité contre la torture établi en exécution de l’article 19 de
la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants. Lors de la présentation
du rapport initial de la Belgique en mai 2003, le Comité s’est déclaré
préoccupé par «l’absence d’une disposition légale interdisant clairement
d’invoquer l’état de nécessité pour justifier la torture».
Ce concept est défini par la doctrine comme étant la situation dans
laquelle se trouve une personne qui n’a raisonnablement d’autre ressource que de commettre une infraction pour sauvegarder un intérêt
égal ou supérieur à celui que cette infraction sacrifie. Par rapport à l’extrême gravité que représentent les actes de torture, il est évident qu’aucun intérêt ne peut justifier la torture (Doc. Parl., Chambre, n° 51-2193/1, 1-2,
Exposé des Motifs, Projet de loi visant à insérer un nouvel alinéa à l’article 417ter du C. pén.).
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II. LE TRAITEMENT INHUMAIN
1. DELIT DE BASE
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A … (victime) UN TRAITEMENT INHUMAIN
PAR LEQUEL DE GRAVES SOUFFRANCES MENTALES OU
PSYCHIQUES SONT INTENTIONELLEMENT INFLIGEES, NOTAMMENT DANS LE BUT D’OBTENIR D’ELLE DES RENSEIGNEMENTS OU DES AVEUX, DE LA PUNIR, DE FAIRE PRESSION SUR ELLE OU D’INTIMIDER CETTE PERSONNE OU DES
TIERS;
Incrimination légale: article 417quater, alinéa 1°, C. pén.
Sanction:
Réclusion de cinq ans à dix ans.
2. CIRCONSTANCES AGGRAVANTES
a) LE TRAITEMENT INHUMAIN PAR DES OFFICIERS OU DES FONCTIONNAIRES PUBLICS
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
EN SA QUALITE D’OFFICIER OU FONCTIONNAIRE PUBLIC,
DEPOSITAIRE OU AGENT DE LA FORCE PUBLIQUE AGISSANT A L’OCCASION DE L’EXERCICE DE SES FONCTIONS,
AYANT FAIT SUBIR A … (victime) UN TRAITEMENT INHUMAIN
PAR LEQUEL DE GRAVES SOUFFRANCES MENTALES OU
PSYCHIQUES SONT INTENTIONELLEMENT INFLIGEES, NOTAMMENT DANS LE BUT D’OBTENIR D’ELLE DES RENSEIGNEMENTS OU DES AVEUX, DE LA PUNIR, DE FAIRE PRESSION SUR ELLE OU D’INTIMIDER CETTE PERSONNE OU DES
TIERS;
Incrimination légale: article 417quater, alinéa 2°, 1° a), C. pén.
Sanction:
Réclusion de dix ans à quinze ans.
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b) LE TRAITEMENT INHUMAIN DES PERSONNES MALADES OU
VULNERABLES
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A … (victime) UN TRAITEMENT INHUMAIN
PAR LEQUEL DE GRAVES SOUFFRANCES MENTALES OU
PSYCHIQUES SONT INTENTIONELLEMENT INFLIGEES, NOTAMMENT DANS LE BUT D’OBTENIR D’ELLE DES RENSEIGNEMENTS OU DES AVEUX, DE LA PUNIR, DE FAIRE PRESSION SUR ELLE OU D’INTIMIDER CETTE PERSONNE OU DES
TIERS; CETTE DERNIERE dont la situation de vulnerabilite en raison de l’age, d’un Etat de grossesse,
d’une maladie, d’une infirmitE ou d’une dEficience
physique ou mentale ou en raison de sa situation
prEcaire Etait apparente ou connue de l’auteur
des faits.
Incrimination légale: article 417quater, alinéa 2°, 1° b), C. pén.
Sanction:
Réclusion de dix ans à quinze ans.
c) LE TRAITEMENT INHUMAIN ENVERS UN MINEUR
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A UN MINEUR (victime) UN TRAITEMENT
INHUMAIN PAR LEQUEL DE GRAVES SOUFFRANCES MENTALES OU PSYCHIQUES SONT INTENTIONELLEMENT INFLIGEES, NOTAMMENT DANS LE BUT D’OBTENIR DE LUI DES
RENSEIGNEMENTS OU DES AVEUX, DE LE PUNIR, DE FAIRE
PRESSION SUR LUI OU D’INTIMIDER CETTE PERSONNE OU
DES TIERS;
Incrimination légale: article 417quater, alinéa 2°, 1° c), C. pén.
Sanction:
Réclusion de dix ans à quinze ans.
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d) LE TRAITEMENT INHUMAIN CAUSANT DES CONSEQUENCES
PHYSIQUES OU PSYCHIQUES GRAVES
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A … (victime) UN TRAITEMENT INHUMAIN PAR LEQUEL DE GRAVES SOUFFRANCES MENTALES
OU PSYCHIQUES SONT INTENTIONELLEMENT INFLIGEES,
NOTAMMENT DANS LE BUT D’OBTENIR D’ELLE DES RENSEIGNEMENTS OU DES AVEUX, DE LA PUNIR, DE FAIRE
PRESSION SUR ELLE OU D’INTIMIDER CETTE PERSONNE
OU DES TIERS; LORSQUE L’ACTE A CAUSE UNE MALADIE
PARAISSANT INCURABLE, UNE INCAPACITE PERMANENTE
PHYSIQUE OU PSYCHIQUE, LA PERTE COMPLETE D’UN ORGANE OU DE L’USAGE D’UN ORGANE, OU UNE MUTILATION
GRAVE;
Incrimination légale: article 417quater, alinéa 2°, 2°, C. pén.
Sanction:
Réclusion de dix ans à quinze ans.
e) LE TRAITEMENT INHUMAIN ENVERS UN MINEUR OU UN NECESSITEUX DE LA PART D’ASCENDANTS OU DES PERSONNES
POURVUES D’AUTORITE
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A UN MINEUR (victime) OU A UNE PERSONNE QUI, EN RAISON DE SON ETAT PHYSIQUE OU MENTAL, N’ETAIT PAS A MEME DE POURVOIR A SON ENTRETIEN,
PAR SES PERE, MERE OU AUTRE ASCENDANT, OU TOUT
AUTRE PERSONNE AYANT AUTORITE SUR LUI OU EN AYANT
LA GARDE, OU TOUTE PERSONNE MAJEURE QUI COHABITE
OCCASIONELLEMENT OU HABITIELLEMENT AVEC LA VICTIME, UN TRAITEMENT INHUMAIN PAR LEQUEL DE GRAVES
SOUFFRANCES MENTALES OU PSYCHIQUES SONT INTENTIONELLEMENT INFLIGEES, NOTAMMENT DANS LE BUT
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D’OBTENIR DE LUI DES RENSEIGNEMENTS OU DES AVEUX,
DE LE PUNIR, DE FAIRE PRESSION SUR LUI OU D’INTIMIDER
CETTE PERSONNE OU DES TIERS;
Incrimination légale: article 417quater, alinéa 3°, 1°, C. pén.
Sanction:
Réclusion de quinze ans à vingt ans
+ destitution obligatoire (art. 19, C. pén.)
+ interdiction à perpétuité obligatoire (art. 31, C. pén.).
f) LE TRAITEMENT INHUMAIN CAUSANT LA MORT SANS INTENTION DE LA DONNER
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A … (victime) UN TRAITEMENT INHUMAIN
PAR LEQUEL DE GRAVES SOUFFRANCES MENTALES OU
PSYCHIQUES SONT INTENTIONELLEMENT INFLIGEES, NOTAMMENT DANS LE BUT D’OBTENIR D’ELLE DES RENSEIGNEMENTS OU DES AVEUX, DE LA PUNIR, DE FAIRE PRESSION SUR ELLE OU D’INTIMIDER CETTE PERSONNE OU DES
TIERS; EN CAUSANT LA MORT SANS INTENTION DE LA DONNER;
Incrimination légale: article 417quater, alinéa 3°, 2°, C. pén.
Sanction:
Réclusion de quinze ans à vingt ans
+ destitution obligatoire (art. 19, C. pén.)
+ interdiction à perpétuité obligatoire (art. 31, C. pén.).
Jurisprudence
A.Eléments constitutifs
1. Les actes
Aux termes de l’article 417bis, la notion de traitement inhumain se définit
comme suit: «tout traitement par lequel de graves souffrances mentales
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ou physiques sont intentionnellement infligées à une personne, notamment dans le but d’obtenir d’elle des renseignements ou des aveux, de
la punir, de faire pression sur elle ou d’intimider cette personne ou des
tiers».
La distinction entre la torture et le traitement inhumain se fait en se fondant sur le critère de l’intensité des souffrances infligées aux victimes. Il
s’ensuit que la définition de la torture ne s’applique pas si une certaine
forme d’intensité n’est pas atteinte. Dans ce cas, le fait est défini comme
un «traitement inhumain». Le traitement inhumain est celui qui provoque
volontairement des douleurs ou des souffrances mentales ou physiques
d’une intensité particulière, sans atteindre le seuil de «fort graves et
cruelles souffrances» qui transforme le comportement en un acte de torture. Il faut également rappeler que l’intensité des souffrances n’est pas
le seul critère qui permet de spécifier la notion de traitement inhumain. A
l’instar de la torture, l’infraction repose également sur la gravité de l’acte,
non tant qu’il occasionne une certaine douleur, mais parce qu’il exprime
un mépris profond de l’individu (Doc. Parl., Chambre, n° 50-1387/001, 15-16).
Cette distinction apparaît également dans la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme. Un traitement inhumain est défini
par la Cour comme un traitement par lequel «des souffrances mentales
et physiques d’une certaine intensité sont infligées intentionnellement»
(Cour eur. D.H., Tyrer contre le Royaume-Uni, Requête 00005856/72, Arrêt du 25 avril 1978,
violation de l’art. 3, A26). Pour tomber sous le coup d’un mauvais traitement
un minimum de gravité doit être atteint. L’appréciation de ce minimum
reste cependant relative et dépend de l’ensemble des données de la
cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques
ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge, de l’état de santé de la
victime (EHRM, Raninen contre la Finlande, Arrêt du 16 décembre 1997, non-violation de
l’article 3, Recueil des arrêts et décisions, 1997-VIII).
Certains traitements ont été considérés comme inhumain par la Cour
Européenne des droits de l’Homme notamment parce qu’il y avait préméditation, parce qu’ils avaient été infligés des heures durant ou encore
parce qu’ils avaient causé des blessures physiques ou une intense souffrance physique et mentale. Pour qu’une punition ou un traitement soit
qualifié d’inhumain, il faut que la souffrance qui s’ensuit dépasse dans
tous les cas ce qui est inévitablement lié à une certaine forme de punition ou de traitement légitime. (Cour eur. D.H., Labita contre Italie, Requête 26772/95,
Arrêt du 6 avril 2000, pas de violation de l’article 3 Cour eur. D.H., www.echr.coe.int).
Le fait qu’une autorité retienne une personne dans un hôtel pendant
23 jours, dans un état d’insécurité, d’inquiétude et d’angoisse, représente pour cette personne une charge émotionnelle et psychologique
importante. Le fait qu’elle n’a subi aucune atteinte physique ne fait pas
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obstacle à la constatation que le traitement qui lui a été infligé intentionnellement par l’autorité doive être qualifié de traitement inhumain au
sens de l’article 3 de la Cour eur. D.H. (Cour eur. D.H., Grande Chambre, Requête
39630/09, Arrêt du 13 décembre 2012, El-Masri contre FYROM (Former Yugoslavian Republic of Macedonia), violation de l’article 3 Cour eur. D.H., Pyl, G., Handboek Politiediensten,
Malines, Kluwer, 2013).
La détention d’un enfant âgé de cinq ans, dans un centre conçu pour
adultes alors qu’il était séparé de ses parents et ce, sans que quiconque
n’ait été désigné pour s’en occuper, ni que des mesures d’encadrement
et d’accompagnement psychologiques ou éducatifs ne soient dispensées par un personnel qualifié, pendant une durée de deux mois, fait
preuve d’un manque d’humanité et atteint le seuil requis pour être qualifié de traitement inhumain (EHRM, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga contre la
Belgique, Requête n° 13178/03, Arrêt du 12 octobre 2006, violation de l’article 3, www.echr.
coe.int).
Le fait de séparer un enfant âgé de 5 ans de sa mère et de l’enfermer
dans un centre conçu pour adultes et de limiter l’assistance à la mère
au seul fait de l’avertir de la détention de sa fille et de lui transmettre un
numéro de téléphone auquel elle pouvait la joindre, a causé une souffrance et une inquiétude profonde dans le chef de la mère, lesquelles
ont atteint le seuil de gravité d’un traitement inhumain visé par l’article
3 de la Convention (EHRM, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga contre la Belgique,
Requête n° 13178/03, Arrêt du 12 octobre 2006, violation de l’article 3, www.echr.coe.int).
Un état d’incertitude sur le sort de son fils, celui-ci n’étant pas rentré
chez lui après son arrestation; le fait que les autorités locales vont
jusqu’à prétendre que son fils n’a même pas été arrêté et ne font aucun
effort pour retrouver la trace du disparu, signifie dans le chef du père un
traitement inhumain au sens de l’article 3 de la Convention (EHRM, Mubi-
lanzila Mayeka et Kaniki Mitunga contre la Belgique, Requête n° 13178/03, Arrêt du 12 octobre
2006, violation de l’article 3, www.echr.coe.int).
Le matériel génétique nécessaire à la réalisation d’une comparaison
génétique peut consister en substances diverses telles que notamment
des cheveux, de la salive ou du sang, provenant de la personne suspectée. Pour des raisons de fiabilité, il est généralement préférable que ces
substances soient directement prélevées sur la personne concernée, ce
qui suppose son consentement. A défaut de consentement du donneur,
ces substances peuvent, le cas échéant, être obtenues à l’occasion,
par exemple, d’une saisie de vêtement ou de mégots de cigarettes de
l’intéressé. Ce genre de prélèvements pour les besoins de l’instruction,
aux fins d’expertise génétique, ne constitue nullement une ingérence
dans la vie privée ni davantage un traitement inhumain (Cass., 31 janvier
2001, www.cass.be).
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Le placement d’un détenu dans un quartier de haute sécurité, compte
tenu de son comportement dangereux, ne constitue pas un traitement
inhumain, au sens de l’article 3 de la Convention (Trib. Liège, Présidence,
30 janvier 1995, www.cass.be).
2. L’intention
Le délit de traitement inhumain (tout traitement par lequel de graves
souffrances mentales ou physiques sont intentionnellement infligées à
une personne, notamment dans le but d’obtenir d’elle des renseignements ou des aveux, de la punir, de faire pression sur elle ou d’intimider
cette personne ou des tiers) est caractérisé par une intention générale.
L’intention criminelle se trouve déjà dans la définition du délit: «de graves
souffrances mentales ou physiques sont intentionnellement infligées». Il
s’agit d’un traitement sciemment exécuté et dont le caractère illégal est
bel et bien connu. Les motifs personnels de l’auteur ne sont d’aucune
importance (Dupont, L. & Verstraeten, R., Handboek Belgisch Strafrecht, Louvain, Acco,
1990, 415 et s.).
Contrairement au délit de torture, le législateur a retenu l’exigence d’intention spécifique, visée par la Convention internationale, pour la définition de l’article 417quater C. pén., mais en la formulant autrement.
Le législateur s’est basé sur la formulation de la Cour d’Arbitrage selon
laquelle un traitement inhumain doit être compris comme étant «tout
acte par lequel une douleur aiguë ou des souffrances graves, physiques
ou mentales, sont intentionnellement infligées, notamment dans le but
d’obtenir des renseignements ou des aveux de la victime, de la punir, de
faire pression sur elle ou sur des tiers ou d’intimider» (Cour d’Arbitrage, Arrêt
n° 39/91, 19 décembre 1991, www.arbitrage.be). Par l’ajout du mot «notamment»
le législateur souligne que l’énumération de l’article 417quater C. pén.
n’est pas limitative. Contrairement à la torture, il faut ici avoir infligé intentionnellement des souffrances physiques ou psychiques.
B.Les circonstances aggravantes
Le délit de base de «traitement inhumain», comme défini dans le Code
pénal, s’applique au comportement de tout individu. Le législateur a estimé important d’insister sur la particulière gravité d’un tel acte commis
par des personnes bien définies, envers des personnes bien définies ou
provoquant des conséquences spécifiques.
L’article 417quater, alinéa 2°, 1°, a, C. pén. alourdit la peine si le délit
de base a été commis sous la couverture de «l’autorité», par analogie à
d’autres incriminations du Code Pénal.
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L’article 417quater, alinéa 2°, 1°, b, C. pén. alourdit la peine si le délit
de base a été commis envers des personnes étant considérées comme
particulièrement vulnérables. Il s’agit d’une circonstance aggravante,
comparable à celle de l’article 376 C. pén.
L’article 417quater, alinéa 2°, 1°, c, C. pén. alourdit la peine si le délit de
base a été commis envers un mineur. Le concept de mineur suppose
une interprétation large et exige d’être appliqué envers tous les mineurs.
L’article 417quater, alinéa 2°, 2°, C. pén. alourdit la peine si le délit de
base a provoqué certaines conséquences pour la victime. Les dispositions de l’article ont été empruntées à l’incrimination pour prise d’otage
(art. 347bis C. pén.).
L’article 417quater, alinéa 3°,1°, C. pén. alourdit la peine si le délit de
base a été commis sous la couverture de l’autorité. Les dispositions de
l’article ont été empruntées à l’incrimination pour coups et blessures volontaires (art. 410, alinéa 2°, C. pén.) et sont également présentes dans
l’article incriminant le viol et l’attentat à la pudeur (art. 377, C. pén.).
L’article 417quater, alinéa 3°, 2°, C. pén. alourdit la peine si le délit de
base a entraîné la mort, mais sans intention de la donner, par analogie
avec l’article 401 C. pén. incriminant les coups et blessures volontaires,
entraînant la mort.
C.Ordre du supérieur ou commandement de l’autorité
Selon l’article 417ter, alinéa 4°, C. pén.: «L’ordre d’un supérieur ou d’une
autorité ne peut justifier l’infraction prévue à l’alinéa premier.»
Ceci constitue une conséquence du fait que, selon la Convention internationale, article 2 § 3: «L’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture.»
La Cour eur. D.H. ne prévoit aucune restriction à l’article 3, lequel interdit
la torture et les traitements inhumains et dégradants. Il est ici question
de «droits de l’Homme absolus», ce qui exclut tout recours sur base
d’éléments de justification fondés sur l’état de nécessité ou l’ordre d’un
supérieur.
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III.Le traitement dEgradant
1. DELIT DE BASE
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
AYANT FAIT SUBIR A … (victime) UN TRAITEMENT DEGRADANT QUI CAUSE AUX YEUX D’AUTRUI OU AUX SIENS, UNE
HUMILIATION OU UN AVILISSEMENT GRAVE;
Incrimination légale: article 417quinquies, alinéa 1er , C. pén.
Sanction:
Emprisonnement de quinze jours à deux ans
+ une amende de 50 euros à 300 euros ou d’une de ces peines
seulement.
2. CIRCONSTANCES AGGRAVANTES
Qualification
A … (lieu), LE … (date),
Ayant fait subir A … (victime) dont la situation de
vulnErabilitE en raison de l’Age, d’un Etat de grossesse, d’une maladie, d’une infirmitE ou d’une dEficience physique ou mentale Etait apparente ou
connue de l’auteur des faits, un traitement dEgradant qui cause au yeux d’autrui ou aux siens,
une humiliation ou un avilissement grave;
Incrimination légale: article 417quinquies, 2e alinéa, C. pén.
Sanction:
La peine minimale prévue à l’alinéa 1er sera doublée.
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Jurisprudence
A.Eléments constitutifs
1. Les actes
Le délit de «traitement dégradant» n’était jusqu’il y a peu pas punissable
en Belgique. Conformément à l’avis du Conseil d’Etat du 4 décembre
1998 portant sur l’avant projet de loi de mise en conformité du droit
belge avec la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, c’est devenu le cas par l’entrée
en vigueur de la loi du 14 juin 2002.
En tenant compte du fait que les conséquences du traitement dégradant
sont nettement moins graves pour la victime que celles découlant de la
torture et du traitement inhumain, la définition du «traitement dégradant»
ne peut s’appliquer par conséquent qu’au traitement qui «offense brutalement l’individu en présence d’autres personnes ou l’incite à agir contre
sa volonté ou contre sa conscience». Cela vaut également pour un traitement par lequel une personne est «humiliée à ses propres yeux» (Cour
eur. D.H., Tyrer contre Royaume-Uni, Requête 00005856/72, Arrêt du 25 avril 1978, violation
de l’art. 3, A26). Plus qu’une différence de palier, il convient de parler de
différence de nature quant aux conséquences de l’acte à l’égard de la
victime.
Le caractère public d’une peine peut être un facteur relevant afin d’évaluer si celle-ci est humiliante, mais même sans caractère public, une
peine peut être humiliante. Il peut suffire que la victime soit à ses yeux
humiliée, même si ce n’est pas le cas aux yeux d’autres personnes (Cour
eur. D.H., Tyrer contre le Royaume-Uni, Requête 00005856/72, Arrêt du 25 avril 1978, violation
de l’article 3, A26).
Un traitement est humiliant lorsqu’il est de nature à éveiller dans le chef
de la victime des sentiments d’angoisse et d’infériorité qui peuvent l’humilier et peuvent briser sa résistance physique et morale (Cour eur. D.H.,
Irlande contre le Royaume-Uni, Requête 00005310/71, Arrêt du 18 janvier 1978, violation de
l’article 3, A25).
Les dispositions relatives au traitement dégradant incriminent l’acte,
quelle que soit la qualité, officielle ou non, de l’auteur.
Bien que l’on ne puisse retenir aucune preuve d’un mauvais traitement
intentionnel de la part de la police ou du personnel d’une prison, un traitement qui mène à faire passer une personne handicapée la nuit dans
une cellule insuffisamment chauffée, sans accès à des sanitaires adaptés, peut être assimilé à un traitement dégradant au sens de l’article 3
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Cour eur. D.H.
(Cour eur. D.H., Price contre Royaume-Uni, Requête 00033394/96, Arrêt
du 10 juillet 2001, violation de l’art. 3, Reports of Judgments and Decisions 2001-VII).
2. L’intention
Le délit du traitement dégradant (tout traitement qui cause à celui qui y
est soumis, aux yeux d’autrui ou aux siens, une humiliation ou un avilissement graves) est caractérisé par une intention générale. La notion de
«soumission» indique clairement que, contrairement à l’auteur, la victime n’a pas voulu le traitement.
Lorsque la Cour européenne des Droits de l’Homme examine si un traitement est humiliant, elle examine si le but était d’humilier la victime
ou si les conséquences ébranlent négativement sa personnalité. Même
l’absence d’une telle intention ne peut exclure la constatation d’une violation de l’article 3 de la Cour eur. D.H. (Cour eur. D.H., Valasinas contre Lituanie,
Requête 44558/98, Arrêt du 24 juillet 2001, violation de l’article 3 Cour eur. D.H., www.echr.
coe.int).
Le délit de traitement dégradant peut également être caractérisé par une
intention indirecte, éventuelle ou possible. C’est le cas lorsque l’auteur
veut appliquer ce traitement, sans pourtant en vouloir directement les
conséquences, mais persiste néanmoins, malgré le fait qu’il prévoie la
possibilité que des conséquences non souhaitables ne surviennent; il
accepte, le cas échéant, ces conséquences (Dupont, L. & Verstraeten, R., Handboek Belgisch Strafrecht, Louvain, Acco, 1990, 437).
Vu que, lors de la soumission à un traitement dégradant, l’élément intentionnel dans le chef de l’auteur est totalement présent, non pas au sens
de «faire volontiers» mais bien au sens d’«accepter a priori», l’intention
éventuelle doit être mise au même niveau que l’intention (Dupont, L. & Verstraeten, R., Handboek Belgisch Strafrecht, Louvain, Acco, 1990, 438).
B.L’ordre du supérieur ou commandement de l’autorité
La loi du 14 juin 2002 prévoit explicitement que l’ordre d’un supérieur
ou d’une autorité ne peut justifier l’infraction. Il est fait référence par là
à l’article 70 du Code pénal, à savoir le fait ordonné par la loi et commandé par l’autorité comme cause de justification. Cette exception n’est
curieusement pas appliquée s’il s’agit d’un «traitement dégradant»;
l’article 417quinquies ne contient pas cette disposition. On pourrait en
déduire que le fait d’infliger un traitement dégradant peut être justifié s’il
est ordonné par une autorité.
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Cela a suscité l’inquiétude du Comité des droits de l’homme des Nations
Unies qui était arrivé à cette conclusion dans son examen du rapport
présenté par la Belgique les 6 et 7 mai 2003 et avait formulé la considération suivante à ce sujet: «Le manque de précision entourant la notion
‘d’ordre manifestement illégal’, et par le fait qu’un agent ayant commis
un traitement dégradant peut s’exonérer de sa responsabilité pénale, en
vertu de l’article 70 du Code pénal, s’il a agi sur ordre d’un supérieur»
(Nations Unies, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Comité des Droits de l’Homme,
CAT/C/CR/30/6, 14 mai 2003).
La violence physique ou psychique utilisée par un fonctionnaire (de
police) n’est légale que si elle est autorisée par un ordre légal ou réglementaire reçu et qu’elle ne dépasse pas la mesure strictement nécessaire pour accomplir l’acte commandé (Cass., 18 février 1952, Pas., I, 352; Arr.
Cass., 1952, 352). La circonstance qu’un fonctionnaire (de police) a agi sur
ordre de l’un de ses supérieurs n’est pas une cause de justification, si le
subordonné n’a pas pu se tromper au sujet du caractère délictueux de
l’ordre qui lui a été donné (Cass., 13 décembre 1978, Pas., 1979, I, 437; Arr. Cass.,
1979, 437). L’autorité doit en outre être une autorité légale et l’ordre doit
être en rapport avec les compétences du supérieur (Cass., 27 juillet 1891,
Pas., I, 228; Cass., 30 novembre 1903, Pas., 1904, I, 59). Dans cet ordre d’idées, il
est déjà assez difficile de considérer un ordre d’infliger un «traitement
dégradant» comme étant un ordre légal et réglementaire.
L’exercice de l’autorité au sein de la police intégrée est régi par la Loi du
7 décembre 1998, article 120, qui stipule que l’autorité est toujours exercée dans les limites de l’habilitation figurant dans les dispositions législatives, contractuelles ou réglementaires ou dans des ordres de service
permanents ou temporaires (M.B., 5 janvier 1999, article 120). Les ordres des
membres du personnel qui exercent une autorité légale doivent toujours viser l’exécution des missions policières et le bon fonctionnement
des services. Les ordres doivent de plus être légaux et opportuns et
être relatifs à l’objectif que l’on souhaite atteindre. Leur exécution doit
être possible en tenant compte des règles relatives à la déontologie.
Le supérieur qui donne un ordre est également tenu de donner toute
information complémentaire nécessaire à l’exécution correcte de l’ordre.
En ce qui concerne la réception et l’exécution des ordres, on attend
du subordonné qu’il exécute ces ordres correctement en tenant compte
des directives qui lui ont été données à cet effet. Si nécessaire, il peut
demander des directives complémentaires. Si un membre du personnel
reçoit un ordre illégal, il communique immédiatement son intention de ne
pas exécuter cet ordre au supérieur qui a donné l’ordre ou au supérieur
de celui-ci. Enfin, la loi disciplinaire stipule qu’un ordre manifestement
illégal ne peut être exécuté (Pyl, G., «La Convention contre la torture dans la loi
pénale belge», Vigiles, 2003, n° 4).
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DE LA TORTURE, du traitement inhumain et du traitement degradant
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