Qu`est-ce qui distingue le contrat d`intérim du CDD - Wk-rh

Transcription

Qu`est-ce qui distingue le contrat d`intérim du CDD - Wk-rh
pratiques
[travail temporaire]
Qu’est-ce qui distingue
le contrat d’intérim
du CDD ?
La réglementation
du contrat de travail
temporaire est, pour
une large part, le décalque
de celle du contrat à durée
déterminée. Mais le contrat
de travail temporaire
présente certaines
particularités qui sont
essentiellement liées
au caractère triangulaire
des relations entre
le salarié, l’entreprise
de travail temporaire
(l’employeur) et l’entreprise
utilisatrice.
Des motifs de recours
presque identiques
Pour l’essentiel, les conditions de fond du
recours au contrat de travail temporaire
(CTT) sont identiques à celles qui s’appliquent au contrat à durée déterminée (CDD).
Comme le CDD, le CTT ne peut être conclu
que pour l’exécution d’une tâche non durable :
il ne peut avoir ni pour objet ni pour effet
de pourvoir durablement un emploi lié à
l’activité normale et permanente de l’entreprise [C. trav., art. L. 1251-5].
Par ailleurs, les mêmes interdictions s’appliquent au CDD et au CTT. Il est ainsi
interdit de conclure un contrat précaire
(CTT ou CDD) pour faire face à un accroissement temporaire d’activité dans les six
mois suivant un licenciement pour motif
économique, pour remplacer un salarié
gréviste ou pour effectuer certains travaux
particulièrement dangereux [C. trav., art. L. 1251-9
et L. 1251-10]. S’y ajoute une interdiction
spécifique au CTT : le remplacement d’un
médecin du travail ne peut pas être assuré
par la conclusion d’un CTT [C. trav.,
art. L. 1251-10].
18 Social Pratique / N° 513 / 25 novembre 2008
En revanche, les motifs justifiant la conclusion d’un CTT ne sont pas strictement identiques à ceux permettant la conclusion d’un
CDD. Il existe, certes, des motifs de recours
communs à ces deux types de contrat : le
remplacement d’un salarié absent ; l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ; les emplois à caractère saisonnier ; les emplois pour lesquels il est d’usage
de ne pas recourir au contrat de travail à
durée indéterminée ; le remplacement du chef
d’entreprise, de son conjoint ou d’un associé
non salarié [C. trav., art. L. 1251-6]. Mais, les
contrats liés à la politique de l’emploi
ne peuvent prendre en principe que la forme
d’un CDD, et non celle d’un CTT. À deux
exceptions près :
– le contrat insertion-RMA peut être conclu
sous forme de CTT [C. trav., art. L. 5134-82] ;
– les entreprises de travail temporaire sont
par ailleurs autorisées à embaucher des
salariés sous CDD dans le cadre d’un contrat
de professionnalisation, les activités professionnelles en relation avec les enseignements reçus étant alors exercées sous forme
de missions temporaires [C. trav., art. L. 6325-23].
Enfin, un CTT peut être conclu : 1° lorsque
la mission de travail temporaire vise, en
application de dispositions légales ou d’un
accord de branche étendu, à favoriser le
recrutement de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ; 2° lorsque l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise
utilisatrice s’engagent à assurer un complément de formation professionnelle au
salarié [C. trav., art. L. 1251-7].
Social pratique est aussi sur
www.wk-rh.fr
----
À NOTER
Les juges contrôlent de la même façon le recours
au CTT et le recours au CDD. Ainsi, lorsque la conclusion d’un contrat précaire est motivée par un
accroissement temporaire d’activité, les juges
vérifient que ce contrat correspond aux besoins
d’une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise
(par exemple en cas de variations cycliques de production), sans exiger ni que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié
recruté soit affecté à la réalisation même de ces
tâches. Il a par exemple été jugé que la conclusion de contrats de mission motivés par un
accroissement temporaire d’activité était illicite dès
lors que l’entreprise utilisatrice connaissait non pas
des accroissements temporaires de son activité,
mais une augmentation constante et structurelle
de sa production [Cass. soc., 9 juill. 2008, n° 06-46.164].
L’établissement de deux
contrats écrits
Alors que le recours au CDD nécessite la
conclusion d’un seul contrat écrit, le recours
au travail temporaire suppose la conclusion
d’un contrat de mission entre le travailleur
intérimaire et l’entreprise de travail temporaire et d’un contrat de mise à disposition
entre l’entreprise de travail temporaire et
l’entreprise utilisatrice.
!" Le contrat de mise à disposition doit
être établi au plus tard dans les deux jours
ouvrables suivant la mise à disposition et comporter certaines mentions obligatoires [C. trav.,
art. L. 1251-42 et L. 1251-43] :
– le motif du recours au travailleur temporaire (le cas échéant, le nom et la qualification du salarié remplacé) ;
– le terme de la mission (et, le cas échéant,
la faculté de renouvellement, de report ou
d’avancement du terme) ;
– les caractères particuliers du poste à pourvoir ;
– le lieu de la mission ;
– l’horaire ;
Social Pratique / N° 513 / 25 novembre 2008
19
[travail temporaire]
– la nature des équipements de protection
individuelle que le salarié doit utiliser ;
– le montant de la rémunération, avec ses
différentes composantes, que percevrait
dans le même poste, à qualification équivalente, après la période d’essai, un salarié
permanent de l’entreprise utilisatrice.
L’établissement d’un contrat écrit vise à
garantir le respect des différentes conditions
à défaut desquelles toute opération de prêt
de main-d’œuvre est interdite. Son omission
entraîne la nullité absolue du contrat [Cass.
soc., 5 févr. 1992, n° 89-16.274]. L’entreprise de
travail temporaire est alors en droit d’obtenir
le remboursement par l’entreprise utilisatrice des rémunérations versées au salarié
mis à disposition, ainsi que des charges
sociales qu’elle a acquittées [Cass. soc., 6 mai
1996, n° 94-12.705]. En revanche, le salarié,
qui n’est pas partie au contrat de mise à
disposition, ne peut se prévaloir de l’absence
de certaines mentions dans ce contrat pour
faire valoir les droits afférents à un contrat
à durée indéterminée auprès de l’entreprise
utilisatrice [Cass. soc., 19 juin 2002, n° 00-41.354].
L’absence de contrat de mise à disposition
ne peut être invoquée par le travailleur
intérimaire pour obtenir la requalification
de son contrat en CDI auprès de l’entreprise
utilisatrice que si cette dernière continue à
le faire travailler à la fin de sa mission sans
avoir conclu un nouveau contrat de mise à
disposition [Cass. soc., 17 sept. 2008, n° 07-40.704].
!" Le contrat de mission doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours
ouvrables suivant la mise à disposition et comporter certaines mentions obligatoires :
– la reproduction des clauses et mentions du
contrat de mise à disposition ;
– la qualification professionnelle du salarié ;
– les modalités de rémunération due au salarié,
y compris celles de l’indemnité de fin de mission ;
– la durée de la période d’essai ;
– le nom et l’adresse de la caisse de retraite
complémentaire et de l’organisme de pré-
20 Social Pratique / N° 513 / 25 novembre 2008
voyance dont relève l’entreprise de travail
temporaire ;
– la faculté, pour l’entreprise utilisatrice,
d’embaucher le salarié à la fin de la mission [C. trav., art. L. 1251-16].
L’absence de contrat de mission ou les irrégularités qui l’affectent (absence du nom
du salarié remplacé, par exemple) permettent au salarié de faire valoir les droits afférents à un contrat à durée indéterminée
auprès de l’entreprise de travail temporaire
[Cass. soc., 7 mars 2000, n° 97-41.463].
En revanche, l’absence de contrat de mission ou les irrégularités qui l’affectent
(défaut de remise du contrat dans un délai
de deux jours ouvrables) ne permettent
pas au salarié de faire valoir les droits afférents à un CDI auprès de l’entreprise utilisatrice [Cass. soc., 17 sept. 2008, n° 07-40.704].
Une période d’essai plus
courte
La durée maximale de la période d’essai
applicable au CTT est plus courte que celle
applicable au CDD. À défaut d’être fixée
par une convention ou un accord de branche,
elle ne peut excéder 2 jours si le contrat
est conclu pour une durée inférieure ou
égale à un mois, 3 jours si le contrat est
conclu pour une durée comprise entre un et
deux mois et 5 jours si le contrat a une
durée supérieure à deux mois [C. trav.,
art. L. 1251-14].
Un possible
aménagement du terme
Le CTT est soumis aux mêmes règles que
le CDD en matière de durée maximale, de
renouvellement ou de succession de contrats
[C. trav., art. L. 1251-11 à 1251-13 et L. 1251-35 à
L. 1251-37]. Toutefois, le CTT bénéficie d’une
souplesse que ne connaît pas le CDD :
[travail temporaire]
le terme fixé par le contrat de mission (ou
son avenant de renouvellement) peut faire
l’objet d’un aménagement en cours de mission. Les entreprises utilisatrices peuvent
ainsi décider d’avancer ou de reporter le
terme du contrat, à raison d’un jour pour
5 jours de travail, afin d’adapter la durée du
contrat en fonction de l’évolution de la situation. Cette possibilité d’aménagement
est toutefois strictement encadrée : l’avancement ou le report du terme ne peut avoir
pour effet de réduire la durée initiale de la
mission de plus de 10 jours de travail, ni
de conduire à un dépassement des durées
maximales ; pour les missions d’une durée
inférieure à 10 jours, le terme ne peut être
avancé ou reporté que de 2 jours [C. trav.,
art. L. 1251-30] ; la faculté d’aménagement du
terme doit être prévue dans le contrat de
mise à disposition et dans le contrat de mission (ou leur avenant de renouvellement).
----
À NOTER
Le travailleur temporaire doit percevoir, à la fin de
chaque mission, une indemnité de précarité d’emploi soumise aux mêmes conditions et au même
régime que l’indemnité de précarité due au salarié
sous CDD.
Un cas supplémentaire
de rupture anticipée
du contrat
Tout comme le CDD, le contrat de mission
ne peut, en principe, être rompu avant
l’échéance du terme sauf accord amiable,
force majeure, faute grave de l’une ou l’autre
partie ou conclusion d’un CDI par le salarié.
!
ATTENTION
La rupture du contrat de mise à disposition ne constitue pas un cas de force majeure pour l’entreprise de travail temporaire [C. trav., art. L. 1251-27],
ni plus généralement un motif valable de rupture
du contrat de mission (sauf si elle résulte d’une
faute grave du salarié).
En outre, la loi offre aux entreprises de
travail temporaire la faculté de rompre un
contrat de mission avant le terme prévu,
si elles sont en mesure de proposer au salarié un nouveau contrat de mission. Dans
ce cas, le nouveau contrat doit prendre effet
dans un délai maximal de 3 jours ouvrables
et ne peut comporter de modifications
substantielles en ce qui concerne la qualification, la rémunération, l’horaire de travail
et le temps de transport du salarié. Si la
durée du contrat restant à courir est supérieure à 4 semaines, l’entreprise de travail
temporaire peut proposer au salarié jusqu’à trois nouveaux contrats de mission
successifs. Si le nouveau contrat de mission
est d’une durée inférieure à celle restant
à courir du précédant, l’entreprise de travail temporaire doit verser au salarié une
rémunération équivalente à celle qu’il aurait
perçue jusqu’à la fin du premier contrat
[C. trav., art. L. 1251-26].
Un statut particulier
pour le travailleur
intérimaire
Le statut du travailleur intérimaire est,
contrairement à celui du salarié sous CDD,
très différent des autres salariés de l’entreprise utilisatrice. En effet, le travailleur
intérimaire est salarié de l’entreprise de
travail temporaire, et non de l’entreprise
utilisatrice. C’est donc au sein de l’entreprise de travail temporaire qu’il bénéficie des
droits collectifs : participation, intéressement, prévoyance, activités sociales et
culturelles du comité d’entreprise, etc. Par
ailleurs, son statut est déterminé par les
dispositions conventionnelles en vigueur
dans l’entreprise de travail temporaire. Il
est également soumis au règlement intérieur de l’entreprise de travail temporaire
pour ce qui concerne la nature et l’échelle
des sanctions, ainsi que la procédure disciSocial Pratique / N° 513 / 25 novembre 2008
21
[travail temporaire]
plinaire applicable. De même, les travailleurs
intérimaires peuvent être désignés délégués syndicaux et participer aux élections
des représentants du personnel au sein de
l’entreprise de travail temporaire.
Toutefois, les travailleurs intérimaires
bénéficient de certains droits identiques
à ceux des salariés permanents de l’entreprise utilisatrice. Tout d’abord, la loi tend à
garantir aux travailleurs précaires, quelle
que soit la forme juridique de leur emploi
(CDD ou CTT), des droits à rémunération
équivalents à ceux dont bénéficient les salariés permanents de l’entreprise. Elle prévoit ainsi que la rémunération (avantages et
accessoires inclus) perçue par le salarié
temporaire ne peut être inférieure à celle que
percevrait dans l’entreprise utilisatrice,
après la période d’essai, un salarié de qualification équivalente occupant le même
poste [C. trav., art. L. 1251-18]. Les travailleurs
temporaires doivent, en outre, bénéficier
(sans condition d’ancienneté) des mêmes
jours fériés que le personnel en titre de
l’entreprise utilisatrice. Les salariés tempo-
Sanctions
applicables
en cas de recours
illicite au travail
temporaire
Le recours illicite au CTT
comme au CDD peut donner lieu,
d’une part, à des sanctions pénales
pour les entreprises concernées
et, d’autre part, à la requalification
de la relation de travail en contrat à
durée indéterminée et au paiement
d’une indemnité de requalification
(au terme d’une procédure rapide
devant le conseil de prud’hommes).
Pour ce qui concerne les sanctions
applicables, la seule différence
entre le CTT et le CDD réside dans
le fait que le travailleur intérimaire
raires doivent également avoir accès dans
l’entreprise utilisatrice aux moyens de transport collectifs et aux installations collectives, notamment de restauration, dont peuvent bénéficier les salariés de l’entreprise
utilisatrice [C. trav., art. L. 1251-24]. Par ailleurs,
les salariés intérimaires sont, pendant la
durée de leur mission, soumis à la durée
du travail applicable au personnel de l’entreprise utilisatrice [Acc. 27 mars 2000, étendu
par Arr. 27 juill. 2000, JO 29 août], ainsi qu’aux
règles d’hygiène et de sécurité résultant
du règlement intérieur de l’entreprise utilisatrice [C. trav., art. L. 1251-21].
----
À NOTER
Comme les salariés en CDD, les intérimaires
doivent être pris en compte dans le calcul de
l’effectif de l’entreprise utilisatrice à due proportion de leur temps de présence au cours des
12 mois précédents, sauf s’ils remplacent un
salarié absent ou dont le contrat de travail est
suspendu [C. trav., art. L. 1111-2]. En revanche,
contrairement aux CDD, ils ne doivent pas être pris
en compte pour l’application des dispositions
relatives à la formation professionnelle continue
et à la tarification des risques accidents du travail
et maladies professionnelles [C. trav., art. R. 1111-1].
peut faire valoir les droits afférents
à un CDI contre l’entreprise
utilisatrice ou contre l’entreprise
de travail temporaire, en fonction
des règles qui ont été méconnues :
– le contrat sera requalifié en CDI
avec l’entreprise utilisatrice
(qui sera en même temps
condamnée au paiement
de l’indemnité de requalification)
lorsque cette dernière a recours
au travail temporaire sans justifier
de l’un des motifs légaux
ou en violation de l’une
des interdictions légales, ou bien
encore en cas de méconnaissance
des règles relatives au terme
et au renouvellement du contrat
[C. trav., art. L. 1251-40] ;
– le contrat sera requalifié en CDI
avec l’entreprise de travail
temporaire lorsque cette dernière
22 Social Pratique / N° 513 / 25 novembre 2008
ne respecte pas les obligations
mises à sa charge par les articles
L. 1251-16 et L. 1251-17 du Code
du travail (irrégularité de forme
affectant le contrat de mission,
remise tardive de ce contrat)
ou en cas de conclusion
d’un contrat de mise à disposition
qui méconnaît les dispositions
régissant le recours au travail
temporaire.
À NOTER
L’action engagée contre l’entreprise utilisatrice écarte toute
action simultanée contre l’entreprise de travail temporaire,
sauf si cette dernière n’a pas
elle-même établi et remis au
salarié un contrat de mission
en bonne et due forme [Cass.
soc., 13 avr. 2005, n° 03-41.967].