Comment liquider une copropriété en cas de divorce
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Comment liquider une copropriété en cas de divorce
Les Acteurs de l’Immobilier Comment liquider une copropriété en cas de divorce Lorsque deux époux sont en instance de divorce et qu’ils sont copropriétaires d’un bien immobilier, le sort à réserver à cette copropriété n’est pas aisé à fixer. Ce d’autant moins qu’il dépend de nombreux paramètres liés tant à la liquidation du régime matrimonial qu’au droit de la copropriété. E n tout état, les époux doivent préalablement se décider pour l’un des trois cas de figure suivants: • soit ils optent pour la vente de leur bien immobilier à un tiers, • soit ils envisagent que l’un des conjoints rachète la part de l’autre, • soit ils maintiennent leur copropriété en l’état, que celle-ci soit occupée par l’un d’eux ou par un tiers (location). Des questions en cascade Me Patrick Blaser, avocat, associé de l’Etude Borel & Barbey, Genève. Pour chacun de ces cas de figure, un certain nombre de questions devront être résolues. Si possible à l’amiable; à défaut par le juge dans le cadre d’une procédure de divorce qui s’annonce longue et périlleuse. En cas de vente du bien immobilier se posera la question de la répartition du prix de vente entre les deux conjoints. En cas de rachat de la copropriété par l’un des deux conjoints, il conviendra de déterminer la valeur de cette part. Enfin, en cas de maintien de la copropriété avec attribution de la jouissance du bien immobilier à l’un des deux conjoints, les conjoints devront fixer l’indemnité due au conjoint qui n’occupe plus le bien immobilier. Les réponses à ces questions dépendent principalement: • du régime matrimonial choisi par les époux (participation aux acquêts, séparation de biens ou communauté de biens); • du financement du bien immobilier (quel conjoint a avancé les fonds propres, payé les intérêts hypothécaires, l’amortissement et les charges et, cas échéant, participé aux frais de travaux à plus-value?); • des autres éléments entrant dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial (autres biens immobiliers, prévoyances professionnelles et avoirs mobiliers). Chaque cas étant particulier, c’est essentiellement la jurisprudence qui établit les règles permettant de trouver les solutions les plus adéquates dans chaque cas d’espèce. Le cas de la séparation de biens Récemment, le Tribunal fédéral a été amené à rappeler les principes généraux applicables à la liquidation d’une copropriété entre deux O C T O B R E – N O V E M B R E 2 0 11 • 73 Droit Immobilier PI Droit Immobilier devait par conséquent être vendu aux enchères publiques, faute de pouvoir être attribué à l’un ou à l’autre des conjoints. Il faudra probablement opter pour la vente du bien. Comment répartir le prix de vente entre les conjoints époux soumis au régime de la séparation de biens (ATF 5A_600/2010). Cet arrêt illustre bien la façon dont il convient de régler concrètement un cas qui se présente assez fréquemment dont les faits essentiels sont les suivants. Durant leur du mariage, les époux, en séparation de biens, avaient acquis en copropriété une maison d’habitation qu’ils avaient financée comme suit: • Montant de l’acquisition 1 070 000.• Fonds propres versés par l’épouse 340 000.• Emprunt hypothécaire contracté par les deux conjoints 530 000.• Emprunt bancaire contracté par l’époux, nanti par son fonds de pension 200 000.Les époux n’avaient pu ensuite s’entendre ni sur l’attribution de l’immeuble à l’un d’entre eux, ni sur la valeur des parts de copropriété, ni sur les remboursements à opérer entre chaque époux. Le Tribunal fédéral l’a finalement fait à leur place. Et cette décision pourra servir d’exemple à bon nombre de cas semblables. 74 N U M É R O Par son arrêt (du 11 janvier 2011), le Tribunal fédéral a en effet fixé plusieurs principes généraux pouvant s’appliquer aux liquidations d’une copropriété d’un bien immobilier suite au divorce de deux conjoints mariés sous le régime de la séparation de biens. Le rachat de la part de copropriété de l’un des conjoints par l’autre conjoint En cas de séparation de biens, un époux peut obtenir qu’un bien immobilier acquis en copropriété par les deux époux lui soit attribué intégralement s’il remplit les conditions suivantes: • il doit justifier d’un intérêt prépondérant par rapport à celui de son conjoint. • il doit être financièrement en mesure de racheter la part de son conjoint à sa valeur vénale. Le conjoint qui revendique l’attribution du bien immobilier doit par conséquent prouver: • qu’il a, par rapport à son conjoint, un intérêt effectivement prépondérant à devenir seul propriétaire du bien immobilier, • qu’il a les moyens financiers lui permettant de racheter la part de 2 9 copropriété de l’autre conjoint à sa valeur vénale. Dans le cas d’espèce, l’épouse, qui voulait se voir attribuer la part de copropriété de son mari, a été éconduite par le Tribunal fédéral, au motif qu’elle n’avait pas prouvé «à satisfaction de droit» ses allégués, à savoir: • que l’immeuble lui servait effectivement de lieu de travail, • qu’elle était financièrement en mesure de racheter la part de son époux et de payer à ce dernier une soulte (en l’espèce 200 000.- fr.), • que les banques étaient disposées à transférer à son seul nom les emprunts hypothécaires (qui s’élevaient à 730 000.- fr.). En conséquence, le Tribunal fédéral a constaté que la procédure n’avait pas permis d’établir que l’épouse avait la capacité financière suffisante lui permettant: • de désintéresser financièrement son époux, • d’obtenir des banques qu’elles libèrent ce dernier des emprunts hypothécaires contractés par les conjoints. Le Tribunal fédéral a par conséquent jugé que l’épouse ne pouvait pas réclamer l’attribution du bien immobilier et que ce dernier Comme l’immeuble devait être vendu aux enchères, il n’y avait pas lieu d’en déterminer la valeur vénale, ce qui simplifie largement le problème. Par contre, le Tribunal fédéral a dû se prononcer sur : • le remboursement dû à l’épouse pour les fonds propres qu’elle avait avancés, • le remboursement des intérêts hypothécaires acquittés par chacun des époux. Pour déterminer l’indemnité due à chacun des époux suite à la vente de leur bien immobilier, il convient de déterminer préalablement comment l’acquisition du bien immobilier a été financée. Lorsqu’un époux a financé seul l’acquisition en en payant les fonds propres, son conjoint est redevable sur sa part de la moitié de cette somme, celle-ci lui ayant été en quelque sorte avancée. En l’occurrence, c’est l’épouse qui s’est acquittée seule des fonds propres à hauteur de 340 000.- fr. Son époux lui doit par conséquent 170 000.- fr., à déduire de la part lui revenant lors de la vente. Ce procédé ne remet nullement en cause le principe de l’égalité des quotes-parts que présume l’article 646 al. 2 CC, consacré aux rapports entre les copropriétaires. S’agissant du remboursement des intérêts, il convient de s’en référer à l’article 649 CC, qui prévoit que chaque copropriétaire doit participer au paiement des charges (qui comprennent notamment les intérêts hypothécaires et l’amortissement du capital) à hauteur de sa part. Si l’un des copropriétaires paie plus que sa part, il peut recourir contre les autres copropriétaires dans la même proportion. Il appartient au copropriétaire concerné de prouver le montant des intérêts qu’il a payés. En l’espèce, le Tribunal fédéral a constaté que l’épouse avait payé 77 000.- fr. d’intérêts, alors que son mari n’en avait payé que 14 000.- fr.. Sur ce le Tribunal fédéral a jugé qu’il convenait d’imputer, à titre de remboursement des intérêts, un montant de 63 000.- fr. en faveur de l’épouse sur le bénéfice de la vente. Prévoyance professionnelle déjà encaissée Dernier point abordé par le Tribunal fédéral (et pas des moindres): celui du paiement en faveur de l’épouse d’une indemnité équitable (article 124 CC) suite au fait que l’époux avait encaissé, avant sa retraite mais pendant le mariage, ses avoirs de prévoyance professionnelle, lesquels ont notamment servi, au demeurant, de nantissement pour l’emprunt bancaire de 200 000.- fr. Le principe juridique de base est de partager par moitié la prestation de sortie: lorsque celle-ci a déjà été encaissée avant le prononcé du divorce, ce principe subsiste, mais peut être nuancé en fonction de la situation patrimoniale de chacun des époux après le divorce. Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral a jugé qu’il n’y avait pas de raison de déroger au principe d’un partage par moitié. C’est pour cette raison que l’indemnité équitable due par l’époux à l’épouse, en application de l’article 124 CC, a été fixée à 200 000.- fr.. Cet arrêt du Tribunal fédéral illustre parfaitement que si la liquidation d’une copropriété entre deux conjoints en instance de divorce est effectivement loin d’être aisée, il n’en demeure pas moins que les conjoints ont tout intérêt à donner la priorité à la recherche d’une solution amiable à leur problème plutôt que de s’exposer, inutilement, à des années de procédure qui aboutiront à une solution qu’ils auraient finalement pu trouver eux-mêmes en quelques mois. n Patrick Blaser, avocat [email protected] Récemment parus dans la rubrique «Droit Immobilier» Comment planifier sa succession (Prestige Immobilier No 28) Résiliation immédiate du bail en cas de sous-location durable (Prestige Immobilier No 27) Nouveautés en matière de droit du bail (Prestige Immobilier No 26) Entrepreneurs impayés: L’immeuble en otage! 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