Mauger délinquance juvénile
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Mauger délinquance juvénile
LESPRIT Manon HK3 Fiche de lecture n°3 : La sociologie de la délinquance juvénile, Gérard Mauger On considère la délinquance juvénile comme un fait social dont on peut avoir une représentation : • par expérience directe (ex : en tant que victime) • par expérience indirecte (ex : après un récit) On connait la délinquance par le biais des statistiques judiciaires et policières (aspect quantitatif et scientifique), par la littérature, le cinéma, les médias, les enquêtes sociologiques... Pour les statistiques : délinquance juvénile = « fait social de longue durée », alors que pour les médias c'est un « phénomène à ellipses ». Question de la fiabilité : rapport entre phénomène et représentation statistique/médiatique. → plusieurs critiques : par exemple pour les médias, la représentation varie (intérêts politiques...) → reflet plus ou moins déformé ? → artefact pur et simple ? Question de l'impact des représentations médiatiques sur ces phénomènes et donc de la réception socialement différenciée des informations médiatiques. → ces informations contribuent-elles à augmenter la délinquance juvénile ? Pour H. Becker, est déviant celui qui est étiqueté comme déviant + problème de l'intériorisation des stéréotypes entretenus par les journalistes + certaines interprétations sont discutables (ex : démission de la famille...) + focalisation sur certaines variables (ex : être immigré...). Les médias imposent donc certains problèmes. Il faut distinguer : • délinquance : mesurée par les statistiques juridiques et policières • délinquance juvénile : part de délinquance des jeunes • délinquance des bandes de jeunes : jeunes des classes populaires La délinquance est trop souvent associée aux bandes de jeunes. I/ La délinquance juvénile : construction d'objet délinquance juvénile = idéal type de l'objet pré-construit : c'est un problème social qui est aussi un problème sociologique car c'est une réalité sociale → comment en faire un objet de science ? Déviance et délinquance déviance = « actes qui (…) une fois accomplis, (…) déterminent de la part de la société cette réaction particulière qu'on nomme la peine » Durkheim On peut élargir la peine à la stigmatisation. Ici : déviance a un sens plus large que délinquance, c'est transgresser les normes d'une société/d'un groupe social donné. La notion de déviance est donc variable d'une société à l'autre. Becker définit la déviance comme la « transgression d'une norme acceptée d'un commun accord ». La déviance est différente de la délinquance car elle génère une réaction sociale différente : • déviance : réaction sociale diffuse, informelle et de faible intensité • délinquance : réaction sociale institutionnalisée et codifiée /!\ une pratique déviante peut s'inscrire dans le répertoire des pratiques délinquantes et donc être pénalisée → les contours sont variables Pratiques déviantes et contrôle social Étude de la sociogénèse des pratiques délinquantes = sociologie du « passage à l'acte » : c'est chercher les trajectoires/situations qui conduisent à transgresser les normes. Étude des institutions et des pratiques du contrôle social = sociologie de la « réaction sociale » : c'est trouver les processus de production des normes et d'incrimination. Expliquer les crimes = étudier les institutions chargées de prononcer les sanctions i.e. d'avantager une criminologie de la réaction sociale. Plusieurs problèmes : → on ignore le point de vue des déviants → les pratiques délinquantes sont seulement vues sous l'angle juridiques Pratiques délinquantes Pour les juristes il y a 3 catégories différentes d'incrimination selon la gravité de la sanction (crime ˃ délit ˃ contravention). Ce classement est très général et ignore plusieurs distinctions (ex : grande criminalité, délinquance populaire, délinquance professionnelle...). → comment savoir quelles pratiques relèvent de la délinquance juvénile? Il faut distinguer les incriminations les plus fréquentes dans la population juvénile et il faut donc déterminer la population juvénile (cf : « police des âges » pour en savoir plus). Mesures de la délinquance Elles peuvent être des enjeux politiques et donc utilisées dans une « rhétorique alarmiste ». Plusieurs obstacles : → répertoire des pratiques incriminées varie avec le temps → incrimination échappe souvent à la mesure ⁃ Statistiques policières et judiciaires On utilise surtout les statistiques policières : elles enregistrent les infractions à victime individuelle directe (ex : vols, agressions) connues par le biais de la plainte + les autres infractions (ex : séjour irrégulier d'un étranger) → grosses variations dans l'enregistrement de ces infractions et donc délinquance enregistrée pas toujours représentative de la délinquance réelle. Autre problème : seulement 3 critères sont utilisés pour définir les personnes mises en cause : sexe, mineur/majeur, nationalité) donc pas de sociogénèse de la pratique délinquante possible. ⁃ « Enquêtes de victimisation » et « enquêtes par auto-révélation » → moyen d'évaluer l'écart entre délinquance réelle/enregistrée Enquêtes auto-révélées = enquêtes par questionnaire. Sondages de victimisation = étude du comportement des victimes (ex : tolérance à la violence). /!\ problèmes méthodologiques : formulation des questions, significations des mots utilisés pour les enquêtés (ex : agression), fiabilité des réponses obtenues... → permet d'établir un profil-type de la victime : « homme jeune (moins de 25 ans), célibataire, vivant en ville, sans emploi ou ayant de faibles revenus », ce profil est aussi le profil-type du délinquant ⁃ Les grandes tendances mesurées par la statistique Les statistiques policières révèlent une forte croissance de la délinquance au cours des 50 dernières années. Délinquance et délinquance juvénile On distingue délinquance juvénile de délinquance car : les pratiques délinquantes de masse sont surtout des pratiques juvéniles + la France réserve un traitement spécifique à la délinquance des mineurs + certaines disciplines scientifiques proposent des théories des comportements juvéniles. ⁃ La sur-représentation des jeunes hommes → La plupart des pratiques incriminées correspondent à la jeunesse sociologiquement définie comme la période située entre sortie du système scolaire/émancipation de la cellule familiale d'origine et accès au marché du travail/formation d'une cellule conjugale. → Les femmes commettent moins d'actes de délinquance que les hommes et ceux ci sont souvent moins graves. ⁃ La justice des mineurs Les mineurs sont soumis à une réglementation pénale partiellement spécifique, ce qui contribue à faire de la délinquance juvénile une délinquance à part. Les criminologues et juristes construisent le droit des mineurs progressivement au court du XIXème siècle. • naissance de la politique criminelle « humaniste » fondée sur la reconnaissance de l'origine sociale : en plus de punir, on prévient et on re-socialise // attitude de compassion (ex : notion de « carence maternelle » qui introduit la notion de responsabilité du corps social dans la production de toute déviance + dimension psychologique) • attention collective + action éducative individualisée nécessaires pour éviter de s'ancrer dans une délinquance répétitive ⁃ La responsabilité → avant, un certain seuil d'âge correspondait à un changement de discipline (psychologie/droit) et de traitement (psychothérapie/prison) : le mineur délinquant apparaît d'avantage comme une « victime » → depuis les années 2000 : définition purement judiciaire de la responsabilité (notion fondamentale du droit : c'est être responsable de ses actes )+ banalisation des interventions pénales au niveau des politiques judiciaires de la jeunesse qui se basent désormais sur la capacité de discernement de l'individu plutôt que sur son âge ex : introduction de sanctions éducatives pour les 10-13 ans La délinquance des jeunes des classes populaires Des études mettent en évidence la forte corrélation entre pauvreté d'un quartier et taux de délinquants juvéniles y résidant : la délinquance semble très corrélée à l'appartenance aux classes populaires précarisées. /!\ certaines enquêtes de délinquance auto-reportée remettent en cause cette « idée reçue » : ces jeunes n'ont pas le monopole de la délinquance juvénile, cependant, il est légitime de faire de la délinquance des jeunes de classes populaires une catégorie sui generis car les pratiques délinquantes sont plus fréquentes dans cet univers → distinction de 2 types de délinquance juvénile : • une « délinquance anomique » : symptôme + conséquence d'une crise d'éducation et caractéristique des jeunes appartenant aux classes favorisées • une délinquance // un phénomène « endémique » : liée au style de vie des jeunes appartenant aux classes populaires → deux catégories de crimes et délits des jeunes : • les « conduites expressives » qui sont à elles mêmes leur propre fin (ex : dégradations, bagarres, agressions sexuelles...) : en forte de croissance • les « actes d'appropriation » ou « agressions instrumentales » (ex : vols, racket, cambriolages...) : progresse faiblement Comment rendre compte sociologiquement de ces pratiques ? II/ Les théories de la délinquance juvénile Criminologie et sociologie de la délinquance Garofalo (1885) définit la criminologie comme « l'ensemble des approches « scientifiques » du crime (sociologie, psychologie, psychiatrie, histoire, droit, médecine, police technique, anthropologie) ». Henry Lévy-Bruhl : la criminologie a un double objet : • le criminel dont l'étude du comportement est basée sur des méthodes de la biologie et de la psychiatrie • le crime dont l'étude est assurée par la sociologie criminelle Il y a donc une division du travail de recherche en deux disciplines distinctes. → premières tensions : certains défendent l'existence d'un « déterminisme anatomopsychologique » (// déterminisme biologique) i.e. l'homme a des penchants naturels vicieux alors que d'autres défendent la « philantropie » i.e. l'homme peut s'améliorer → naissance de la « sociologie criminelle » avec : • Durkheim et la tendance du « milieu social » (crime = objet de prédilection de la sociologie durkheimienne) • Tarde et la psychosociologie (synthèse entre psychologie et sociologie) Ils revendiquent une explication du social par le social on observe déjà le futur conflit entre psychologie et sociologie. Les tendances de la recherche aux États-Unis émergence de la sociologie avec l'école de Chicago + apparition dans les années 1970 des « théories actionnistes »:l'explosion de la délinquance est due à la multiplication récentes des occasions de délinquance (// théorie de l'action rationnelle) /!\ limite: ces théories peuvent apparaître d'avantage comme une arme de combat dans le domaine politique que scientifique car elles impliquent des conséquences politiques (en effet, lutter contre la délinquance ne passe plus par une lutte contre les inégalités et la pauvreté mais par un renforcement des sanctions et du contrôle) Les tendances de la recherche en France Le paradigme actionniste rencontre en France un succès scientifique tardif, limité et précaire, notamment à cause de l'existence d'un paradigme du contrôle social + difficulté de considérer le délinquant comme une acteur rationnel (≠ : individu soumis à des déterminations sociales, voire génétiques, en particulier pour les mineurs) et donc, on préfère la protection et l'éducation à la punition). → renouveau de la sociologie de la délinquance des jeunes des classes populaires car : • champ médiatique/politique focalisé sur les jeunes des cités • nouvelle génération de sociologues qui renouvellent les approches • cette nouvelle génération de sociologues est issue de milieux plus populaires qu'avant (avec la massification de l'école) qui bénéficient donc d'une connaissance spontanée et contrôlée de l'univers étudié Théories savantes, doctrines professionnelles et représentations profanes → deux types de théories professionnelles opposées : • délinquance des jeunes des cités due à la manifestation d'une crise d'adolescence ou à celle d'une crise d'identité des fils d'immigrés liée à leur perte de repères • délinquance en tant que choix rationnel orienté par une intention d'enrichissement → trois types de représentations profanes : • « conceptions essentialistes » qui prennent la forme d'une psychologisation et d'une ethnicisation de la délinquance • « conceptions morales » qui reprochent aux parents (la plupart du temps immigrés) de ne pas suffisamment surveiller leurs enfants jugés trop nombreux, fainéant et incapables de travailler • « conceptions sociales » : surtout chez les mères immigrées qui relient la délinquance au chômage, aux mauvaises fréquentations, à la tentation et à la frustration Classement des théories savantes ⁃ Classements professionnels (1) : juristes et médecins La criminologie oppose traditionnellement juristes et médecins car les juristes pensent les individus comme étant autonomes et responsables de leurs actes et maîtres de leurs décisions tandis que les médecins pensent que l'activité humaine est conditionnée. On retrouve ce clivage chez les sociologues qui opposent « déterminisme » et « liberté ». ⁃ Classements professionnels (3) : médecins et sociologues Clivage au sein des théories déterministes car pour certains les causes seraient « individuelles » (relevant de la génétique ou de la personnalité) tandis que pour d'autres les causes seraient « collectives » (relatives aux conditions d'existence). Il existe également certaines théories qui résultent de la synthèse des deux précédentes : les crimes auraient des causes individuelles et sociales. Un inventaire raisonné des schèmes d'interprétation ⁃ Territoires de la délinquance Il est question de la localisation géographique : des études montrent que la ségrégation sociale est aussi spatiale et donc, que la délinquance est plus forte dans certaines zones dites « délaissées ». ces zones sont peuplées par des bandes ou gangs constitués d'individus de divers groupes ethniques et qui considèrent ces espaces comme leur territoires et donc le défendent contre toutes intrusions. ⁃ Socialisations délinquantes → L'appartenance à une bande résulte de la désorganisation des instances d'intégration traditionnelles (famille puis école et enfin travail). Cet échec des socialisations traditionnelles se traduit par une socialisation délinquante : quand un individu intègre une bande ou un groupe, c'est parce que tous les liens (qui constituent le lien social) qu'il devrait avoir avec la société ordinaires sont distendus voire rompus. → Pour certains sociologues, la fréquentation de délinquants entraîne vers la délinquance tandis que pour d'autres, les délinquants fréquentent des délinquants (théorie des affinités électives). Le contrôle social explique des les femmes, soumises à un plus fort contrôle familial, soient moins délinquantes que les hommes. → Les bandes deviennent elles mêmes des instances de socialisation au sein desquelles les individus acquièrent un savoir faire (ex : dealer) et adhèrent aux normes morales du groupe : certains sociologues parlent de « sous-culture délinquante ». Ces bandes permettent aussi parfois au individus de s'assurer des revenus, du prestige et du pouvoir mais surtout, le fait d'être respectés et reconnus, elles concurrencent ainsi le mode de vie conforme. ⁃ L'espace des pratiques délinquantes Selon Albert K. Cohen, l' « esprit de la sous-culture délinquante » peut être défini par trois critères : cette sous-culture est non-utilitaire, elle est malicious (plaisir de voir les autres dans l'ennui) et elle est négativiste (elle va a l'inverse de la culture dominante). → on peut distinguer 3 types de sous-cultures délinquantes : • une forme criminelle : associée aux vols utilitaires • une forme conflictuelle : associée à l'utilisation instrumentale de la violence • une forme de retrait : associée à la consommation de drogues ⁃ La sous-culture « conflictuelle » Sur-représentation masculine due au fait que les jeunes hommes ne peuvent s'identifier à un rôle masculin alors qu'ils sont dans une période d'apprentissage de la « virilité ». ⁃ La sous-culture « criminelle » Cette sous-culture repose sur une « tension » entre structure sociale et valeurs culturelles. La déviance peut être définie comme un moyen détourné pour atteindre des objectifs légitimes, de même, les jeunes issus des classes populaires veulent atteindre des objectifs légitimes (ex : participer à la consommation de masse) mais leurs moyens sont différents et donc illégaux. Ce type de décision est liée à la fermeture du champ des possibles sociaux légitimes (anomie, précarité...) ainsi qu'à l'ouverture du champ des possibles déviants. ⁃ La carrière délinquante → Cette carrière est caractérisée par la participation (le fait de commettre au moins un acte de délinquance pendant une période donnée) et la fréquence (le nombre d'actes délinquants commis). Ces carrières commencent par une transgression, intentionnelle ou non, qui va persister par la suite. Deux types de carrières s'opposent : « délinquants occasionnels » + « délinquants de carrière ». → Si ce type d'activité devient répétitive, les individus seront étiquetés comme étant déviants. Pour certains sociologues, c'est cet étiquetage qui va enclencher un processus qui rendra l'individu délinquant. III/ Des « blousons noirs » aux « loubards » La morphologie du monde des bandes ⁃ L'âge et le sexe Dans une bande, les plus jeunes on 13/14 ans, les plus vieux 21 ans et les plus nombreux ont 15/17 ans + monde des bandes = monde masculin avec apprentissage de la virilité + familles populaires exercent un contrôle plus fort sur leurs filles et celles qui y échappent sont des « filles garçons » ou des « filles objets ». ⁃ Les origines sociales Monde des bandes = monde populaire + forte représentation des enfants d'immigrés et de rapatriés + conditions de vie = précarité, anomie, peu de contrôle... ⁃ Le cursus scolaire Ces jeunes sortent du système scolaire le plus tôt possible (i.e. à l'âge légal) et s'orientent d'avantage vers l'apprentissage, ils pensent que l'intelligence est un « don » que l'on a, ou pas, dès la naissance. De plus, ces jeunes ne sont en général pas dotés du capital culturel aujourd'hui nécessaire pour entrer dans la vie active. ⁃ Le cursus professionnel Souvent sans diplômes ou juste titulaires d'un CAP, ils n'ont que leur force physique pour seule ressource + la force du nombre. Ils ne sont pas qualifiés et ont des emplois précaires dénués de perspectives promotionnelles. Licenciements, altercations et départs consécutifs fréquents. ⁃ ⁃ L'espace résidentiel Les bandes sont implantées dans les quartiers populaires + citées des grands ensembles. L'ancienne solidarité qui y régnait s'est transformée en rivalité/compétition. La « culture » du monde des bandes ⁃ Une forme de sociabilité des jeunes des classes populaires La bande déjà = à sociabilité de loisirs : regroupement pour fuir l'encadrement des parents, l'ennui, la frustration... Ces groupes ont plusieurs caractéristiques : un code vestimentaire, un langage particulier, la collectivisation de biens, des pratiques culturelles/sportives communes... ⁃ Un univers d'apprentissage des conduites de virilité → ces jeunes veulent « devenir des hommes » et donc « faire leurs preuves » : force physique et virilité sont à la base de l'estime de soi + de la reconnaissance des autres → les bagarres entre bandes sont des questions d'honneur, de défense de territoires... de même pour les affrontements avec la police qui apparaît comme une sorte de « bande rivale » → ces jeunes cherchent à affirmer la victoire de la force sur le savoir et l'argent ⁃ Un univers de restauration de l'estime de soi L'emprise du groupe de pairs varient en fonction inverse de la considération familiale, scolaire, professionnelle : on cherche à compenser le manque de reconnaissance. Cependant, la reconnaissance au sein de la bande est soumise à des conditions et la bande est elle même un espace de concurrence avec ses « winners » et ses « loosers ». Le monde des bandes et la culture populaire La reconnaissance sociale est liée à l'honneur et à l'effort : importance de l'endurance physique et du travail qui deviennent des valeurs morales. On associe à la virilité le risque, le défi et le conflit. → les pratiques délinquantes très présentes dans le monde des bandes sont un moyen d'exercer sa virilité et donc de s'insérer dans le monde masculin et ces pratiques prennent généralement fin lorsque les individus parviennent à former un couple stable et durable : le mariage marque un seuil dans le sens où on transforme la force de combat en force productrice/de travail → la culture d'atelier semble répondre à un critère essentiel pour qu'un emploi soit accessible aux jeunes des bandes : celui de la bonne humeur (machisme, dureté, sens du comique, de la solidarité...) Le monde des bandes et le « milieu » Le « milieu » est constitué de professionnels qui ont une ambition économique , sont organisés, ont des règles, des codes... Ici, la violence est instrumentale (≠ à la violence expressives des bandes de jeunes) car le « milieu » se place dans une logique d'enrichissement. La prison + le marché de la drogue font le lien entre les bandes et le « milieu » et sont autant d'occasions de conversion pour les jeunes des bandes. Drogue et « bohème populaire » → banalisation de la consommation de drogues : au départ, la drogue avait une fonction emblématique et initiatique dans l'univers contre-culturel, elle permettait aux consommateurs « hors système » de s'évader et de se distinguer → au fil du temps : perte du rapport contre-culturel de la drogue, tout comme l'alcool, elle est seulement consommée pour ses vertus « euphorisantes, enivrantes, excitantes... » Les bandes, le milieu et la bohème populaire 1960/1970 → classe populaires stigmatisées + auto-exclues : ségrégation spatiale et sociale + refus de s'en sortir (auto-élimination scolaire, repli sur la famille et le quartier, préservation de l' « entre-soi »...) IV/ Des loubards aux jeunes des cités Le tournant des années 1975 laisse place à la monté de l'insécurité sociale + à la déstabilisation des modes de vie. Une crise de « reproduction » des classes populaires ⁃ Les transformations du marché du travail ouvrier → disparition de branches entières de la production industrielle + nouvelles technologies et stratégies patronales = ruine des métiers ouvriers traditionnels et dévalorisation des diplômes techniques / valeurs centrales de l'identité masculine ouvrière (force physique, virilité...) → paupérisation + précarisation de la population ouvrière → tertiarisation mais les employés sont souvent considérés comme les ouvriers du tertiaire ( conditions de travail, salaires... proches) ⁃ Les transformations de l'espace résidentiel → barrière entre les ouvriers qualifiés et « respectables » dont les logements neufs traduit l'ascension collective (= ouvriers pavillonnaires) et les ouvriers spécialisés/manœuvres immigrés (= ouvriers des cités) → logements ouvriers = HLM + « grands ensembles » sont aussi habités par les immigrés aujourd'hui (d'où le recours de plus en plus fréquent au vote FN pour remettre de la distance entre eux et la population immigrée) : montre le déclassement qui touche les ouvriers non qualifiés en particulier ⁃ Les transformations du système scolaire → déclin numérique/symbolique/politique du monde ouvrier mais espoir de progression grâce à la scolarité plus longue mais en même temps : discrédit des lycées techniques/professionnels par rapport aux filières générales → problème de l'illusion promotionnelle due à la banalisation de l'entrée des fils d'ouvriers dans l'enseignement secondaire donc système scolaire = lieu de tous les espoirs (cf : école démocratique) et de toutes les déceptions (cf : mécanismes de reproduction sociale) ⁃ L'apparition d'une économie souterraine → les jeunes sortis du système scolaire sans formation professionnelle ou avec un diplôme qui ne vaut presque rien ont peu de chance de trouver un emploi stable (emplois précaires, stages, petits boulots, formation, chômage...) → conséquence : désenchantement, désillusion, inquiétude due au déclassement + attitudes déviantes = bases de la formation d'une économie souterraine, lien entre « monde des bandes » et le « milieu » Sociogénèse de la culture de rue ⁃ Les héritages du pauvre → les familles démunies n'ont pas assez d'information sur le fonctionnement du système scolaire pour s'en sortir + manque de savoir/savoir-faire/savoir-être … provoque le déficit en capital scolaire → déficit en capital culturel très souvent lié au déficit en capital économique propre aux familles monoparentales et/ou avec un nombre d'enfants élevé → classes populaires coincées entre restrictions nécessaires et univers de la consommation → promiscuité dans les logements : augmente les risques d'affrontement entre les différentes générations + familles matériellement incapables d'assurer un contrôle = familles accusées d'être « démissionnaires », les enfants seraient livrés à eux mêmes ⁃ Échec scolaire et culture de rue → échec scolaire provoque un sentiment d'« indignité » et donc une sorte de « dépression scolaire » qui conduisent à une volonté de perturber l'ordre de la classe (bagarres, bruit, chahut...) pour en détourner la fonction pédagogique et pour se revaloriser/se « venger » Les transformations de l'espace des styles de vie des déviants ⁃ Le monde des bandes : inaffectation, virilité et « bizness » Deux pôles : • celui des jeunes encore scolarisés caractérisé par un esprit rebelle et un « virilisme agressif » et où la réputation qui s'acquière par la bagarre est importante • celui des « grands » de l'économie souterraine et informelle avec des individus qui ont subit l'échec dans leurs tentatives d'insertion dans le monde du travail : impératif de la « débrouille » → instrumentalisation fréquente des « petits » par les « grands » pour des missions plus ou moins risquées ⁃ Le milieu :les professionnels du « bizness » → désigne le passage de l'amateurisme au professionnalisme et donc la délégation des taches dangereuses aux petits trafiquants (+ suppose l'apprentissage de certaines pratiques économiques) = signe de réussite financière Luttes pour la reconnaissance et économie du capital symbolique ⁃ La lutte pour la reconnaissance → les jeunes des cités sont en quête de respect et de gratifications symboliques qui supposent la reconnaissance, c'est pourquoi leur réputation à tant d'importance à leurs yeux (+ pour compenser la disqualification scolaire qu'ils ont vécue) ⁃ Le désengagement des pratiques délinquantes → les pratiques délinquantes sont souvent des pratiques juvéniles, comment rendre compte du désengagement à l'âge adulte? : après la jeunesse (il faut profiter) vient le temps de « se ranger » (recherche de plus de stabilité et d'une identité sociale, à l'image d'un père de famille) → trois formes d'éloignement de la délinquance : brutal (maladies, accidents, décès..), contraint (déménagements, incarcérations...) , progressif (acceptation progressive de l'humiliation liée aux métiers subalternes)