Diagnostic retraite au maroc

Transcription

Diagnostic retraite au maroc
DIAGNOSTIC DU SECTEUR DES RETRAITES
décembre 2014
1. Contexte :
Le système de retraite marocain est caractérisé par un pluralisme institutionnel non coordonné et
une couverture limitée à une population relativement réduite (de l’ordre de 33% selon des données
les plus récentes). Les principaux régimes de retraite existant différent les uns des autres quant à
leurs statuts juridiques, leurs modes de gestion, leurs ressources et leurs modalités de prestations.
Le paysage de la retraite est composé principalement de 4 régimes à caractère général :
i) trois régimes publics obligatoires :
- le régime des fonctionnaires et des militaires, géré par la Caisse Marocaine des Retraites
(CMR),
- le Régime Collectif d’Allocation de Retraite (RCAR), qui couvre le personnel contractuel de
l’Etat et des collectivités locales et le personnel de certains établissements publics, géré
conjointement par la Caisse Nationale de Retraites et d’Assurances (CNRA), du point de vue
administratif, et par la Caisse de Dépôt et Gestion (CDG), du point de vue financier,
- le régime des salariés du secteur privé, géré par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale
(CNSS),
ii) un régime facultatif géré par le secteur privé
- le régime volontaire des salariés du secteur privé, géré par la Caisse Interprofessionnelle
Marocaine de Retraites (CIMR)
A côté de ces 4 régimes, le dispositif de retraite comprend également :
- des régimes complémentaires pour les affiliés à la CIMR, à la CMR et au RCAR.
- des produits proposés par les compagnies d’assurances, y compris la CNRA qui a conçu le
produit « Régime Complémentaire de Retraite » (RECORE) destiné à toutes les catégories
socio-professionnelles.
Le schéma1 ci-dessous cartographie, de manière sommaire, le secteur des retraites au Maroc au
travers de la couverture de la population par secteur d’activité et par tranche de revenu.
Cette cartographie met en évidence l’inefficacité sociale du dispositif actuel notamment au regard du
taux de couverture retraite de la population et des catégories d’actifs qui ne disposent d’aucune
couverture retraite.
1
Commission technique de la réforme des retraites (2010)
2. Diagnostic et panorama fonctionnel des quatre principales caisses de retraite2 :
Secteur public
Statut
Secteur privé
CMR
RCAR
CNSS
CIMR
La Caisse Marocaine des Retraites est
un établissement public doté de la
personnalité morale et de l’autonomie
financière qui assure une double
mission sociale et financière, placée
sous la tutelle (contrôle financier) du
ministère de l'économie et des finances
Le Régime Collectif d'Allocation de
Retraite (RCAR) est une institution de
prévoyance sociale dotée de la
personnalité morale et de l'autonomie
financière dont la gestion est assurée par
la Caisse Nationale de Retraites et
d'Assurances (CNRA)
La Caisse Nationale de Sécurité Sociale
est un établissement public marocain,
à vocation sociale et à caractère
administratif, placée sous la tutelle
administrative du ministère de l'emploi
et des affaires sociales
La Caisse Interprofessionnelle
Marocaine de Retraite est une caisse de
retraite qui a le statut d´association à
but non lucratif
1959
Date de création
1930
1977
Champs d'application
- le régime des pensions civiles
(fonctionnaires de l’Etat, agents des
collectivités locales et de certains
établissements publics) ;
- le régime des pensions militaires
(Forces Armées Royales et Forces
Auxiliaires);
- le régime de retraite complémentaire
ATTAKMILI ;
- les régimes non cotisants de pensions
(pensions d’invalidité, allocations des
Anciens Résistants et Anciens Membres
de l’Armée de Libération)
Salariés du secteur privé
Régime général :
'-Le personnel non titulaire de l'Etat et des
Collectivités Locales (temporaires,
journaliers, occasionnels),
- Le personnel contractuel de droit
commun,
- Le personnel des organismes soumis au
contrôle financier de l'Etat prévu par le
Dahir n° 1-59-271 du 17 chaoual 1379
Régime complémentaire :
est un régime conventionnel. Sont soumis
obligatoirement à ce régime les affiliés
au régime général justifiant d'un salaire
supérieur au plafond des salaires fixé
annuellement par le RCAR, et dont
l'employeur est signataire de la
convention d'adhésion à ce régime
Régime de base obligatoire
Régime général obligatoire
+
un régime complémentaire conventionnel
(obligatoire si convention d'adhésion
signée entre l'employeur et le régime)
1949
Salariés du secteur privé dont
l'entreprise est affiliée à la CIMR.
CIMR Al Kamil est un régime de retraite
ouvert à toutes les entreprises à partir
de 3 salariés.
CIMR Al Mounassib est ouvert aux PME
dont l'effectif est inférieur ou égal à 50
salariés
Régime complémentaire facultatif
Caractéristique
Régime de base obligatoire
+
un régime de retraite complémentaire
facultatif - Attakmili - destiné
uniquement aux affiliés du régime de
base de la CMR (uniquement des
cotisations salariales)
Financement
Régime par répartition
Régime général:
capitalisation (2/3) - répartition (1/3)
Régime complémentaire :
capitalisation (1/2) - répartition (1/2)
Régime par répartition
Régime par répartition
Taux de cotisation
(part patronale - part salariale)
20%
(10% - 10%), soit 1/2 - 1/2
11,89%
(7,93% - 3,96%), soit 2/3 - 1/3
CIMR Al Kamil : de 6,9% à 23%
CIMR Al Mounassib : de 13,8% à 27,6%
Age de liquidation
60 ans
à l'exeption de quelques corps de
fonctionnaires : enseignement
supérieur (65 ans) et majistrat (66 ans)
Régime général : 18%
(12% - 6%), soit 2/3 - 1/3
Régime complémentaire : 6%
(3% - 3%), soit 1/2 - 1/2
60 ans
60 ans
60 ans
Plafond mensuel
Aucun
6000 dhs
Aucun (Vs plafond de la CNSS)
Base de calcul pour la liquidation
de la pension
Rémunération statutaire servie au
moment du départ à la retraite (dernier
salaire)
Régime en annuité à prestations
Régime général :
définies
Régime en annuité
Régime complémentaire :
Régime en points
Salaire moyen des 96 derniers mois (8
ans) de cotisation.
Intégralité de la carrière
Régime en annuité à prestations
définies
Régime en points
Mode de calcul
2,5% par année de prise en charge par
le régime avec un maximum de 40
annuitées.
- Justifier à l'âge du départ en retraite
de 3240 jours de cotisation
- 50% de la moyenne des salaires des
96 derniers mois (8ans) de cotisation
Les points accumulés par les salariés
constituent la base de calcul des
pensions.
Maximum
100% du dernier salaire
90% du salaire moyen de carrière
(voire plus dans certains cas en raison
de l'abattement fiscal (55%) applicable
aux pensions de retraite.)
Pension minimale
Anticipation
1000 dhs
21 ans de service effectif pour les
hommes / 15 ans pour les femmes
Oui
Mode d'acquisition des droits
Pension d'invalidité
2
Synthèse interne
Régime général (2015 : 16 117dhs)
Régime complémentaire : aucun (Vs
plafond régime général)
Salaire moyen de carrière
2% par année de service valable du
salaire moyen de carrière revalorisé
1000 dhs
55 ans ou 21 ans de service valable
70% du salaire moyen des 96 derniers Aucun
mois (8 ans) de cotisation
= 50% de la moyenne des salaires des
96 derniers mois de cotisation pour les
salariés ayant accumulé 3240 jours de
cotisations + majoration de 1% par
tranche de 216 jours accomplis en sus
des 3240 jours
1000 dhs
Aucun
55 ans et 3240 jours de cotisations
55 ans
Oui
Oui
Non
Le système de retraite marocain se caractérise, donc, par la coexistence de plusieurs régimes de
retraite différents les uns des autres quant à leurs statuts juridiques, leurs modes de gestion, leurs
ressources et leurs modalités de prestations.
En juillet 2013, la cour des comptes, dans son rapport3, dédié au système des retraites au Maroc, a
mis en évidence les traits saillants suivants :
- Diversité et non convergence des régimes : chaque régime a été institué à un moment donné,
pour une population déterminée, dans des circonstances particulières et avec un cadre
juridique distinct. Les régimes de retraite en vigueur sont régis par des règles et des
paramètres de fonctionnement non harmonisés.
- Faible taux de couverture des actifs : malgré le fait qu’il soit aussi diversifié, le dispositif actuel
arrive à peine à couvrir 33% de la population active, soit 3,4 millions d’actifs sur 10,5 millions.
- Non pérennité et déséquilibre structurel de certains régimes : selon les projections actuarielles
à l’horizon 2060, le total des engagements non couverts des régimes de la CMR, du RCAR et de
la CIMR, actualisé à fin 2013, s’élève à 852,6 milliards de dirhams4.
Les déficits financiers des régimes sont attendus dès 2014 pour la CMR, 2026 pour la CNSS et
2021 pour le RCAR. La situation du régime des pensions civiles de la CMR est la plus
préoccupante et la plus urgente à traiter.
- Absence de passerelles entre les régimes existants : ce qui entrave la mobilité des travailleurs
entre le secteur privé et le secteur public et contribue à la non fluidité dans le marché de
l’emploi.
- Diversité des modes de gouvernance : chaque régime est géré selon un modèle de
gouvernance différent.
3
« Rapport sur le Système de retraite au Maroc : Diagnostic et propositions de réformes ».
Les auteurs du rapport mentionnent 813 milliards de dirhams à fin 20111 regroupant la CMR, le RCAR, la CNSS et la CIMR.
En raison de l’absence de données récentes sur la CNSS, le montant total présenté à titre indicatif regroupe uniquement les
3 caisses citées.
4
3. Diagnostic démographique et actuariel des régimes de retraite :
CMR
2013
2012
884 892
879 704
496 487
471 272
(En unité)
Affiliés/actifs cotisants
Pensionnés
dont ayants cause
RCAR
2013
2012
211 837
208 751
109 682
107 519
CIMR
2013
2012
304 193
297817
150 725
145 322
CNSS
2013
(1)
2012
2 710 000
435 509
132 824
133 353
43 786
42 928
44 366
42 690
1,8
1,9
1,9
1,9
2,0
2,0
6,2
3 279
3432
5965
5385
150 467
20,4
18,4
2,3
3,8
2,2
3,6
5,3
3,2
5,3
2,9
7,4
180,8
186,2
29,9
27,9
60,2
55,9
81,2
77,7
82,7
82,9
32,0
28,4
262,0
263,8
112,6
110,8
92,2
84,3
Rapport démographique
Nbre d'employeurs adhérents
(En milliards de dirhams)
Total contributions
Total prestations
21,9
20,9
BILAN ACTUARIEL Analyse en groupe semi-fermé (2)
(En milliards de dirhams)
(3)
VAP Ressources
Engagements techniques
(4)
Total Ressources
(3)
VAP Prestations
1 017,7
1 009,3
164,4
156,7
137,3
127,8
Total engagements (des droits acquis)
691,8
649,8
169,5
164,4
84,7
78,9
Engagement net non couvert
(5)
Taux de couverture (%)
-755,7
-745,5
-51,8
-45,9
-45,1
-43,5
(des droits acquis)
11,7%
11,9%
48,8%
50,4%
37,8%
36,0%
25,7%
26,1%
68,5%
70,7%
67,2%
66,0%
Taux de préfinancement (%)
Horizon de viabilité
(6)
(7)
(épuisement des reserves)
er
Année du 1 déficit technique
(8)
2022
2014
2041
2021
néant
néant
2037
2026
Sources : Rapports d'activité des organismes et analyse interne
(1) - Rapport d'activité 2013 non disponible et pour 2012, absence de bilan actuariel pour l'assurance vieilesse.
(2) - Avec arrêt de toute nouvelle affiliation et continuité d’acquisition des droits pour les effectifs d’actifs actuels.
- Pour la CMR : uniquement le Régime Civil
(3) Valeur actuelle probable des flux (prestations ou cotisations) en groupe semi fermé = la valeur actuelle des flux financiers probables de
la population actuelle des actifs et retraités (hors nouveau entrants). Ces flux intègrent les droits passés et futurs.
(4) Correspond aux réserves de prévoyance = fonds réglementaires + provisions techniques +réserves réglementaires.
(5) Ratio des engagements techniques (réserves de prévoyance) sur le total des engagements.
(6) Ratio de la somme des engagements techniques et de la VAP ressources (réserve + cotisations) sur la VAP prestations.
(7) Pour la CNSS : Commission technique de la réforme des retraites (2010).
(8) Pour le RCAR et la CNSS : Commission technique de la réforme des retraites (2010).
La Caisse Marocaine des Retraites est la plus fragile sur le plan actuariel
La CMR est particulièrement sous tension en raison d’une dette implicite (évaluée dans le cadre
d’une analyse en groupe semi-fermé - hypothèse de fermeture du régime aux nouveaux entrants - où
les cotisants actuels cotisent et acquièrent des droits jusqu’à la liquidation) qui culminant à près de
692 milliards de dirhams, représentant près de 80% du PIB national en 20135. La dette implicite du
RCAR (169,5 milliards de dirhams) et de la CIMR (84,7 milliards de dirhams) représentent
respectivement 20% et 10% du PIB.
La valeur actuelle probable des prestations des trois caisses étudiées, s’élève à près de 1320 milliards
de dirhams contre une valeur actuelle probable cumulée des ressources de 271 milliards de dirhams.
Au niveau de la VAP prestations, la CMR concentre à elle seule près de 1020 milliards de dirhams.
5
Ministère de l’Economie et des Finances, Comptes nationaux (2013) - PIB aux prix courants : 872,8 Gdhs
L’engagement net non couvert des trois caisses étudiées s’établit à 852,6 milliards de dirhams en
2013. Il correspond à la différence entre i) la valeur actuelle probable (VAP) des ressources, à laquelle
s’ajoutent les engagements techniques (réserves de prévoyance) qui ont atteint 81,2 milliards de
dirhams et ii) la VAP des prestations. 89% de cet engagement net non couvert relève de la seule
CMR.
Au niveau des indicateurs actuariels, dans l’hypothèse de la fermeture du régime aux nouveaux
entrants en 2013, les engagements constitués uniquement des droits acquis sont couverts à hauteur
de 11,7% pour la CMR, 48,8% pour le RCAR et 37,8% pour la CIMR.
L’analyse du taux de préfinancement en 2013, dans le cadre de l’analyse des régimes en groupe
semi-fermé où les cotisants actuels cotisent et acquièrent des droits jusqu’à la liquidation, montre les
engagements de :
-
la CMR, sont couverts à hauteur de 25,7%, par les engagements techniques6 (81,2 milliards
de dirhams) et par les cotisations futures actualisées7 (180,8 milliards de dirhams),
le RCAR, sont couverts à hauteur 68,5% par les engagements techniques (82,7 milliards de
dirhams) et les cotisations futures actualisées (29,9 milliards de dirhams)
la CIMR, sont couverts à hauteur de 67,2% par les engagements techniques (32 milliards de
dirhams) et les cotisations futures actualisées (60,2 milliards de dirhams)
Entre 2012 et 2013, ce taux de préfinancement connait un recul de 0,4 point pour la CMR et de 2,2
points pour le RCAR. Cette baisse s’explique essentiellement par le rythme d’accroissement des
engagements actuariels du régime supérieur à celui des ressources. En revanche, pour la CIMR, ce
taux connait une progression de 1,2 points.
L’horizon de viabilité est également un point d’inquiétude pour la pérennité du système des
retraites. La CMR a annoncé dans son rapport d’activité, son premier déficit technique pour l’année
2014.
Concernant la CNSS, malgré le peu d’informations récoltés quant à ses données financières et
actuarielles, nous pouvons souligner que le nombre d’actifs cotisants de 2,71 millions de personnes
masque une réalité quant à la déclaration régulière des salariés du secteur privé. Seuls 46% des
employés sont déclarés tout au long de l’année.
Salariés déclarés à la CNSS (2012)
Nombre de mois
Salariés déclarés
1à3
15%
4à5
8%
6à9
16%
10
6%
11
9%
12
46%
Source : Rapport annuel 2012
6
7
Réserves de prévoyance
VAP ressources
4. Projections démographiques
Par ailleurs, la situation financière du système de retraite sera encore plus affectée dans l’avenir en
raison de la transition démographique avancée au Maroc et du changement profond qu’il produit
dans la structure de la population marocaine. L’effectif des personnes âgées de 60 ans et plus
passerait de 2,7 millions en 2010 à 10,1 millions d’individus en 2050, année où elle représenterait
24% de la population totale alors qu’elle n’en constituait que 8% en 2010.
La part de la population en âge de travailler (15-59 ans) connaitra une tendance baissière avec
un déclin de 6 points en quarante ans.
8
Evolution de la population marocaine par tranche d’âge à horizon 2050
En termes de flux, la population âgée de 60 ans et plus verra un apport additionnel de près de
7,5 millions de personnes quand celle des personnes en âge de travailler (15-59 ans) n’augmentera
que de 3,7 millions de personnes. Quant à la tranche d’âge 0-14 ans, elle verra ses effectifs baisser de
1,7 millions d’individus sur la période.
Evolution en flux de la population marocaine par tranche d’âge entre 2010 et 2050
8
Projections du Haut-Commissariat au Plan

Documents pareils