Discours Journée déportation 25 avril 2009

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Discours Journée déportation 25 avril 2009
Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation
Samedi 25 avril 2009
Discours de Michèle BLUMENTHAL
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président de l’Association des Déportés et Internés Résistants du
12ème,
Monsieur le Président du Comité d’Entente des Associations d’Anciens
Combattants et Victimes de Guerre,
Monsieur le Président de l’Association pour la Mémoire des Enfants Juifs Déportés,
Mesdames et Messieurs les Déportés et Résistants et Anciens Combattants,
Mesdames et Messieurs,
La cérémonie qui nous rassemble aujourd’hui, comme chaque année, est une cérémonie de
recueillement et de souvenir dédiée à l’ensemble des victimes de la Déportation, cette
machine d’extermination conçue et mise en oeuvre par le régime nazi au début des années
1940.
Le 3 septembre 1941, au camp d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne, 4 chambres à gaz
pouvant contenir chacune plus de 1.000 personnes commencent à fonctionner. La barbarie
nazie repousse ainsi les limites de l’abject. Le voile noir des ténèbres recouvre pendant
près de quatre longues années la quasi-totalité de l’Europe asservie. La terreur est
omniprésente. L’idéologie nazie se répand partout, une idéologie raciste, xénophobe et
antisémite, fondée sur la croyance abjecte et folle qu’une « race » est supérieure à une
autre.
Il y a plus de 60 ans les camps d’extermination et de concentration étaient libérés. Lorsque
les troupes Alliées y pénètrent, ils découvrent l’horreur d’une réalité cachée ou supposée
telle : des charniers à ciel ouvert, des rescapés squelettiques et hagards, des entrepôts
remplis de monceaux de valises, de chaussures, et surtout de cheveux … qui témoignent
des millions d’hommes, de femmes et d’enfants victimes de cette machine effroyable.
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Comme chaque année, nous sommes réunis en ce dernier samedi d’avril pour rendre un
hommage indéfectible aux martyrs et aux héros de la déportation, et pour honorer la
mémoire de celles et de ceux qui ne revinrent jamais des camps de la mort.
En ce jour particulier, le silence et la méditation conviendraient peut-être mieux.
Mais l’homme a besoin de se souvenir avec des mots pour l’aider à vaincre la tentation de
l’oubli.
Vouloir se souvenir est une démarche exigeante.
Pourtant, il est de notre devoir de rappeler ce que fut l’une des plus effroyables et
honteuses pages de notre histoire : la déportation fut bien davantage que le transport
d’ennemis en terre étrangère ; elle fut, avec la collaboration servile du gouvernement de
Vichy et de l’Etat français, une implacable machine à déshumaniser, à tuer hommes,
femmes et enfants au service d’une funeste idéologie.
Des millions d’êtres humains à travers l’Europe, dépossédés de leur nom, furent réduits à
l’état d’un matricule tatoué sur le bras, expédiés à la mort dans les chambres à gaz ou les
fours crématoires, privés de sépultures, parce que nés juifs – ils furent six millions -, parce
que résistants, parce que tziganes, parce qu’homosexuels ou francs-maçons. Très peu en
réchappèrent.
Déportation, camps de concentration, génocide témoignent du mal et de la barbarie
absolus, dont l’homme peut, hélas, se révéler capable.
Dans notre pays, plus de 140.000 personnes furent déportées à la demande des autorités
nazies avec la complicité du gouvernement de Vichy et de l’Etat français.
Parmi elles, 76.000 étaient des juifs de nationalité française ou étrangère, dont 11.000
enfants – 4.000 ont été arrêtés à Paris le 16 juillet 1942 lors de la terrible rafle du Vel
d’Hiv. Plus de la moitié furent gazés dès leur arrivée dans les camps nazis.
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Le bilan de cette extermination, de cet anéantissement des juifs, de tous les juifs, voulus,
organisés, planifiés sur une grande échelle, avec une précision qui donne le vertige, est
effroyable : seuls 2.000 juifs déportés depuis la France ont survécu à cet enfer.
Au total, c’est près d’un quart des juifs résidant dans notre pays au début de la seconde
guerre mondiale qui furent exterminés dans le cadre de la « solution finale ».
Leurs noms et prénoms sont désormais gravés pour l’éternité sur le Mur des Noms du
Mémorial de la Shoah, ouvert en 2005 dans l’ancien quartier juif du Marais à l’occasion
du soixantième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.
Il y eut aussi plusieurs dizaines de milliers d’hommes et de femmes, résistants ou
« simples » otages, déportés par l’armée allemande, dans le cadre de la répression sans
pitié des actes de la Résistance. Moins de la moitié d’entre eux rentrèrent en France. Il faut
aussi honorer la mémoire de celles et ceux, ces héros, qui bravèrent la terreur, pour
s’élever contre cette occupation et contre la collaboration. Ils ont sacrifié leur vie au
service d’un idéal, celui de la liberté, et d’une lutte qu’ils savaient supérieure ; d’une lutte
contre la barbarie d’un régime totalitaire qui avait asservi l’Europe.
Je voudrais aussi que nous nous souvenions des déportés pour raisons politiques, de ces
Parisiennes et Parisiens qui ont fait acte de résistance et d’héroïsme pour la défense de nos
libertés.
Aux hommes et aux femmes qui survécurent à l’enfer des camps, nous devons rendre
hommage.
Leurs vies, qui se sont prolongées au-delà de ces terribles souffrances, leurs vies pourtant
blessées à jamais par l’absence des êtres chers qu’ils ont perdu, sont un témoignage
inestimable dont nous devons assurer la transmission, pour que vive leur mémoire. Pour
que jamais nous n’oublions. Pour que jamais de telles atrocités ne se reproduisent.
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Dans quelques années, les rescapés des camps ne seront plus là pour témoigner. Il
appartiendra alors aux jeunes générations, de rappeler cette effroyable tragédie et de
perpétuer cet indispensable devoir de mémoire. Une mémoire que nous devons faire vivre
dans nos cœurs, que nous devons partager et faire partager.
Permettez-moi d’emprunter quelques mots au poète et résistant Paul ELUARD : « Si
l’écho de leur voix faiblit, nous périrons ». Ces quelques mots sont à la fois si justes et si
forts ! Ensemble, faisons que jamais l’écho de vos voix ne faiblisse !
Les leçons du passé, de l’histoire, l’actualité de ce début de XXIème siècle dans notre pays
comme dans le monde nous appellent à faire preuve d’une extrême vigilance et de la plus
grande détermination dans la défense des droits de l’Homme, de la dignité humaine et des
valeurs qui fondent notre République.
Alors que nous avons commémoré en décembre dernier le 60e anniversaire de la
Déclaration Universelle des droits de l’Homme. Le 10 décembre 1948, sur la proposition
de la France, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait la Déclaration Universelle
des droits de l’Homme.
Une date historique qui vit naître le premier texte de caractère général et international
concernant les droits de l’Homme. Un texte rédigé par une poignée d’hommes alors que
l’Europe et le reste du monde sortaient de cinq ans d’une folie meurtrière. Un texte qui
depuis, quotidiennement, guide notre action.
Mais nous devons aussi être vigilant devant la résurgence de ce mal absolu aussi bien sur
d’autres continents qu’au cœur de nos villes et de nos quartiers.
Négationnisme, antisémitisme, racisme, xénophobie, sont en effet toujours présents dans
notre société. Leur recrudescence marque périodiquement l’actualité, comme l’ont prouvé
dramatiquement certains faits récents. Je tiens à condamner avec fermeté l’atteinte portée à
une annexe du Mémorial de la Shoah, dans le 4e arrondissement, le 15 avril dernier, où une
croix gammée a été taguée. Cette atteinte à la mémoire des victimes du génocide est une
offense faite à l’identité même de notre ville.
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Dans un monde qui tend à perdre ses repères, en proie à des tensions de toute sorte,
certains incitent à la guerre des civilisations et des religions, attisent les intégrismes, font
le choix du communautarisme.
Nous savons que tout langage d’exclusion, tout discours xénophobe, tout comportement
raciste ne sont ni anodins, ni innocents : ils précèdent souvent les actes les plus barbares.
Le combat contre l’oubli, l’ignorance, l’intolérance, la haine et le racisme reste
aujourd’hui, et pour l’avenir, un des combats les plus nécessaires et les plus justes.
Nous nous devons, collectivement, de rester vigilant et de ne pas laisser les fondements
d’un mal terrible de nouveau se répandre dans la société.
Comme le disait, Lucie AUBRAC « résister se conjugue au présent ». A nous de faire en
sorte que l’homme consacre ses forces à l’édification d’une société et d’un monde de
justice, de paix et de solidarité.
Je vous remercie.
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