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LES MÉDECINS ET LA VIE DE LA JEUNE FILLE Ann Voisin Les médecins et la vie de la jeune fille Roman Editions Persée Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur et toute ressemblance avec des personnes vivantes ou ayant existé serait pure coïncidence. Consultez notre site internet © Editions Persée, 2015 Pour tout contact : Editions Persée – 38 Parc du Golf – 13 856 Aix-en-Provence www.editions-persee.fr DE LA MÊME AUTEURE : Fabienne – Les négligences médicales sont-elles une fatalité ? « Histoire de vie », Éditions l’Harmattan. Remerciements à Paule Dehay pour la création originale de la première et de la quatrième de couverture de ce livre. À mes enfants LA DEMANDE N ous sommes dans le service maternité-obstétrique d’un hôpital général situé au nord de la région parisienne. Dans une chambre, une toute jeune fille écoute Pascal qui la réconforte tout en lui caressant la main. Fanette, qui paraît souffrir, sourit cependant. Pensif, le jeune homme décroise en silence les longues mèches ondulées coiffées en tresses sages et, doucement, tendrement, embrasse les cheveux de la malade. Elle rougit. « Je l’aimais bien et je ne savais pas qu’il était si gentil » se dit-elle. « Quelle douceur, je la trouve vraiment jolie, et cette chevelure merveilleuse… » pense Pascal. Attendri, il s’adresse à Fanette avec nostalgie : « Tu te souviens, quand tu es venue pour ton premier cours de maths. Tu t’es présentée, j’ai été immédiatement conquis par l’adolescente délicieuse que tu étais ; ce que tu m’amusais avec ton humour acide et tes taquineries. J’ai vite apprécié ta finesse et ton intelligence. » Il s’est exprimé avec une telle émotion, en lui caressant de nouveau la main, qu’elle, émerveillée, ne répond pas, alors très doucement : « Fanie, je pense à toi tout le temps, surtout depuis que tu as été opérée, tu ne me quittes pas ! À la fin de ton hospitalisation, je 11 voudrais t’aider, que tu viennes vivre avec moi, tu seras heureuse, je te le promets ! Dis-moi oui, je t’en supplie ! » Bouleversée par cette proposition, le visage rouge et les yeux mouillés, la petite murmure : « Je ne peux pas, tu te rends compte, j’ai à peine seize ans et toi tu en as vingt-cinq, et puis maman ne voudra jamais ! » Contrarié, au bord des larmes : « Je lui parlerai à ta mère, elle m’estime et a de l’amitié pour moi, tu verras, elle acceptera ! — Moi je sais qu’elle ne voudra pas. — Est-ce que tu m’aimes au moins ? » lui demande-t-il inquiet. Elle tente de le rassurer : « Tu es quelqu’un que je respecte. Tu m’avais dit que tu étais avec Isabelle… Je ne veux pas laisser ma mère et mon petit frère seuls, on est bien tous les trois. — Comme tu me fais de la peine ! C’est vrai que je vois Isabelle, maintenant je sais que c’est avec toi que je veux vivre. » Elle lui paraît épuisée. « Excuse-moi, ma Fanette, je te fatigue. » Il pose sa tête sur l’épaule de la jeune fille qui n’ose bouger ; tous les deux restent calmes. De ses grands bras, il entoure le corps de la petite et se rapprochant lui dépose un baiser dans le cou et sur la joue, enfouit sa figure dans les tresses défaites ; le visage de la petite s’illumine d’un doux sourire, Pascal découvre cette expression et se sent envahi par le désir, l’embrasse sur le front puis, se dirigeant vers la porte, se retourne : « Je t’aime Fanie, souviens-toi que je t’aime, je reviens demain ! » Bouleversé, il rentre chez lui. « Elle ne sait pas la tendresse folle que j’éprouve pour elle, et c’est vrai qu’avec Isabelle, nous devions nous mettre ensemble, comment faire ? » Au fil des visites du jeune homme, ses mots et ses gestes remplis de douceur, dont a bien besoin l’enfant, la réconfortent plus qu’il ne l’imagine. Après 12 chacun de ses départs, ravie autant qu’émue, elle peut rêver tout en s’interrogeant sur l’amour. Peut-être a-t-elle peur parfois que Pascal n’ait qu’un sentiment de tendresse passagère à son égard. La maman demeure toujours dans l’expectative concernant la maladie dont souffre sa fille. Aide-soignante depuis dix ans en cancérologie dans un autre établissement de soins, elle s’accroche à une erreur de sa part puisque le médecin n’a encore rien précisé ; pour elle, ce ne peut être qu’un cancer. Sur son lieu de travail, un jour que l’assistante se trouve dans le bureau médical, elle frappe à cette porte. « Bonjour madame, je voudrais vous entretenir d’un problème personnel. — Oui, bonjour Sophie, que se passe-t-il ? — Ma fille hospitalisée a subi une intervention que le médecin ne nomme pas, après l’avoir opérée, le chirurgien m’a déclaré : “J’ai laissé le nodule qu’elle a dans le vagin afin qu’elle puisse avoir des relations sexuelles normales plus tard”. Moi je pense qu’elle a un cancer. — Non voyons, ça n’est peut-être pas si grave que cela ! — Vous pensez ? — Oui ! » Indécise, Sophie retourne à son travail encore plus anxieuse qu’avant l’entretien. « Je suis aide-soignante et elle me prend pour une débile ! Comment faire pour sauver ma gosse ? » Elle est consternée. Quand, suivant ses horaires, elle arrive dans le service dans lequel sa fille l’attend, elle observe que les infirmières fuient. En arrivant chez elle, elle s’interroge : « Qu’est-ce qui les effraie à ce point ? Dans leurs études, elles apprennent comme nous que ça n’est pas un virus qui s’attrape, et pourquoi ont-elles si peur, impossible de parvenir à la moindre rencontre avec un membre de cette équipe ? Dans mon travail, je vis tous les jours avec des personnes atteintes d’un cancer, je crains la suite. Dire que le 13 chirurgien a laissé ce nodule dans le vagin de ma fille “afin qu’elle ait une vie sexuelle normale” comme il m’a dit, ce ne peut être qu’une métastase, et tout repartira de là ! » Elle se réveille la nuit avec cette question : est-ce un cancer ? Elle veut savoir, seulement elle a tellement peur. « Si ma gamine était atteinte d’une maladie pareille, le médecin-chef ne l’aurait pas gardée alors que nous sommes relativement proches de Villejuif. S’il fallait défendre mon enfant, je me sens si seule, si démunie, je ne sais ce que je dois faire ! » En cette fin d’après-midi, après avoir tant pleuré, Sophie a besoin de se confier à son amie infirmière qui loge dans l’appartement en dessous du sien. Caroline l’accueille chaleureusement comme à son habitude et la pauvre maman craque littéralement dans ses bras. « Prends un rendez-vous chez le médecin et si tu veux, je t’y accompagne. — Oui, tu as raison, je vais téléphoner, je suis à bout ! » Rentré du collège, le frère de Fanette âgé de douze ans reconnaît les sanglots de sa mère à travers les cloisons mal insonorisées de l’immeuble, comprend que sa sœur va mal et attend, inquiet. Plus tard, Sophie trouve la force de rencontrer le regard triste de son fils. À la fin d’un souper silencieux, elle et Guillaume s’embrassent affectueusement et chacun rejoint sa chambre. Dominée par la peur, la mère rencontre le médecin de cobalthérapie qui nomme la maladie. « Je ne m’étais pas trompée. » Anéantie, et hantée par le risque de mort de son enfant, elle sait qu’il lui faudra faire face. Quand la petite cancéreuse sort de l’hôpital, il y a négation de la gravité de la maladie par l’équipe puisque aucun suivi n’est instauré par un médecin. La mère et la fille accrochées l’une à l’autre rentrent chez elles en ambulance. 14 La malade va seule en transport spécialisé pour sa première séance de cobalthérapie, le chauffeur ignorant sans doute sa maladie et sa souffrance ne l’aide pas à monter dans la voiture. Arrivés à l’unité de soin, il ne lui propose pas non plus son soutien. Il allume une cigarette et attend la jeune fille en fumant, tandis qu’elle doit se cramponner à la rampe pour rejoindre la salle de radiothérapie. Complètement épuisée, elle ne s’exprime pas auprès du médecin et à la fin de l’épreuve, alors qu’il l’aide à se relever, elle lui demande : « Docteur, c’est un kyste que j’ai ou quelque chose de plus grave ? Sans trop se rendre compte de l’âge de « sa patiente », ce dernier lui répond : — Tu as eu un cancer de l’ovaire, ne t’inquiète pas, je pratique la dose maximale et sans danger, tu verras, tout ira bien ! » L’adolescente, assommée et choquée par cette révélation, blêmit, il lui faudra beaucoup de temps pour rejoindre l’ambulancier qui fume toujours en l’attendant. Arrivée chez elle, le visage défait, presque livide, elle pose des questions à sa mère revenue de son travail. Raidie et la voix sourde : « Dis-moi maman, l’interne qui nous avait reçues, à mon entrée à l’hôpital, avait bien expliqué que j’avais un kyste ? — Oui, répond doucement Sophie en regardant sa fille. » À cet instant, elle la voit maigre, triste et pâle. L’enfant se tient droite devant sa mère qui sent un tremblement l’envahir, Fanette ne la lâche pas des yeux, elle veut la vérité : « S’ils ne me l’avaient pas enlevé, j’aurais eu un cancer ? Les larmes aux yeux et rouge d’émotion, Sophie avoue : — Oui, ma Fanie, le chirurgien a tout enlevé pour ta sécurité. Rappelle-toi, il te l’avait dit. — Tu sais maman, dit la jeune fille en se rapprochant, dès le lendemain de mon opération, je souffrais tellement que j’ai pensé 15