Les orchidées - Jejardine.org

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Jardin du mois
Les orchidées
du Luxembourg
Texte d’Agnès Guillaumin
Aux serres du Luxembourg, plusieurs chapelles
sont consacrées aux hybrides de Paphiopedilum.
L
es 2 000 m2 de serres du Jardin du
Luxembourg abritent un grand nombre
de plantes rares réunies au cours du
temps. Les structures modernes, équipées
de tablettes roulantes et d’une régulation
automatique des températures, ont été refaites à neuf en 2000. Outre les orchidées,
qui constituent le point central des collections, elles comptent près de 600 espèces
et variétés de serre, dont 47 Codiaeum,
106 Begonia, et 50 Caladium.
Des collections nationales
Pour les seules orchidées, la collection
est représentée par 1 300 taxons, dont
580 Paphiopedilum . Si on compte le
nombre de plantes cultivées ici, ces orchidées représentent 10 000 plantes,
dont 7 000 Paphiopedilum . Les serres
du Luxembourg ont été déclarées collection nationale CCVS pour les orchidées
de Guyane, avec une centaine d’espèces guyanaises, réunies grâce notamment à plusieurs expéditions de sauvetage. La collection de Paphiopedilum est
aussi classée collection nationale du
CCVS. Elle comprend 60 espèces et 540
cultivars.
20 • JARDINS DE FRANCE • NOVEMBRE 2007
Sur les 3 000 taxons que compte le Jardin du Luxembourg,
la collection d’orchidées recèle plus de 1 300 espèces
et variétés : c’est dire son importance ! En principe
fermée au public, l’une des plus anciennes collections
françaises nous ouvre ses portes…
Du côté de Vénus
La collection de Paphiopedilum occupe les
deux tiers des 400 m2 de serres. Elle est répartie en cinq compartiments dont certains
sont chauds (18-24 °C) et d’autres tempérés (16-20 °C). Les Paphiopedilum sont
tous originaires d’Asie du Sud-Est. Leur
nom vient de Paphia, nom chypriote
d’Aphrodite assimilée à Vénus, et du grec
pedilon, la pantoufle. D’où le nom de
sabot de Vénus donné généralement à ces
orchidées. Le genre fut longtemps appelé
Cypripedium, genre dont il s’est détaché
en 1886. De nombreuses discussions sur
les genres et les espèces continuent toujours d’alimenter la classification…
Les Paphiopedilum ont pour habitude de
fleurir entre octobre et avril. Leur durée de
floraison est très longue. L’utilisation du
photopériodisme avec allongement du jour
semble inefficace pour modifier ce paramètre. Les hybrideurs tentent d’obtenir des
variétés à floraison plus estivale.
des semis était conditionnée par l’utilisation de “vieille terre” provenant des plantes-mères. Par la suite, toutes les découvertes concernant les orchidées seront
aussitôt mises en pratique ici. Ce sera le
Une culture maîtrisée
Dès 1844, les premiers jardiniers avaient
judicieusement remarqué que la réussite
Angraecum longicalcar.
cas du phénomène de symbiose avec
Rhizoctonia, un champignon indispensable à la germination, découvert en 1899.
Les techniques de semis in vitro, mises au
point dans les années 1960, bénéficieront
à la collection. Le laboratoire in vitro travaille toujours sur des programmes visant
à la multiplication végétative (à l’identique)
des hybrides obtenus. Dès la sortie du laboratoire, les jeunes plants sont cultivés
dans une serre suffisamment chauffée et
éclairée. Il faut plusieurs rempotages pour
obtenir la floraison qui a lieu, au plus tôt
en 5 ans, et parfois au bout de 10 ans de
culture seulement.
La culture des Paphiopedilum reste assez
proche de celle des Phalaenopsis, avec
une floraison qui ne nécessite aucun repos
de végétation. Le substrat utilisé ici est un
mélange d’écorces et billes d’argile.
L’engrais apporté est riche en potassium.
Une formule moyenne permet de nourrir
l’ensemble des plantes grâce à une pompe
doseuse : un engrais dilué est apporté à
chaque arrosage en hiver et une fois sur
deux en été. L’arrosage reste cependant
entièrement manuel, au pot à pot.
Les orchidées épiphytes vivent d’air et d’humidité, et ne doivent en aucune façon avoir
les pieds dans l’eau. Le recours à la lutte intégrée, qui utilise des insectes antagonistes
contre les cochenilles et les thrips, a été
adopté avec succès depuis quelques années.
Les traitements phytosanitaires n’ont plus lieu
d’être que pour des attaques ponctuelles.
Conservation et biodiversité
La vie d’une collection est faite de contraintes mais aussi de beaucoup de joies. Il faut
à la fois collecter et cultiver les variétés
rares, tout en évitant un prélèvement excessif dans la nature. Ici, chaque plante a son
histoire. Quand on demande aux jardiniers
quelle serait pour eux l’orchidée la plus rare
ou la plus précieuse de la collection, ils hésitent entre Angraecum longicalcar, une
grande orchidée de Madagascar ramenée
en 1964, aujourd’hui totalement disparue
de son milieu d’origine, ou peut-être
Stenorrhynchus speciosus var. maculatus,
que son découvreur a divisé à la machette,
un jour, sur les pentes d’un volcan péruvien :
une moitié a rejoint la presse et l’herbier,
l’autre ramenée et mise en culture, est représentée par ce plant holotype, désormais
bien vivant, et prêt à s’épanouir au chaud
dans les serres ! UNE HISTOIRE
MOUVEMENTÉE
Marie de Médicis qui, en 1611, a
souhaité et créé ce jardin, aurait sans
doute apprécié la collection d’orchidées. Débutée il y a 150 ans, c’est la
plus ancienne collection de cette importance en France. Sauvée grâce à
une succession de péripéties favorables, elle doit sa survie à l’obstination
de quelques passionnés. En 1838,
Antonio Peixoto, médecin de l’empereur du Brésil, envoie un lot de 33
espèces d’orchidées brésiliennes à
Achille Richard, professeur de botanique à la faculté de médecine, auteur d’un ouvrage sur les orchidées.
Celui-ci confie cette collection au jardinier Jean-Baptiste Lhomme, qui l’installe dans le jardin botanique, et
étoffe considérablement cette première collection, jusqu’à réunir près
de 1 200 espèces.
En 1859, le jardin botanique étant
supprimé par l’urbanisation du quartier, le Sénat accepte d’accueillir la collection, dans des serres spécialement
construites, sous la pression du président du Sénat lui-même, qui nomme
Auguste Rivière, neveu de JeanBaptiste Lhomme, au poste de jardinier
en chef du jardin du Luxembourg.
Les premières hybridations remontent
à 1842. Au cours des années, elles se
concentreront de plus en plus dans le
genre Paphiopedilum. Cette tradition
d’hybridation s’est d’ailleurs poursuivie jusqu’à nos jours, puisque trois ou
quatre nouveaux hybrides sont désormais déposés chaque année.
Ce bel hybride porte le nom d’Alain Poher, ancien président du Sénat.
La nurserie accueille les jeunes plants à la
sortie du laboratoire in vitro.
Dans le cadre de l’opération “Jardin du Mois”,
une visite privée aura lieu le jeudi 15 novembre
de 14 h à 16 h, réservée aux adhérents de la
SNHF, abonnés à Jardins de France. Rendezvous sur place à 14h, au 2, rue Auguste Comte,
Paris VIe.
NOVEMBRE 2007 • JARDINS DE FRANCE •
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