L`apport de la sociologie des professions à une définition positive

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L`apport de la sociologie des professions à une définition positive
L’apport de la sociologie des professions1 à une définition positive des professions
libérales.
Il est très difficile de trouver une définition « positive » des professions libérales, souvent
les professions libérales sont approchées de façon négative, soit elles sont définies par ce
qu’elles ne sont pas, soit par référence à des professions qui ne sont pas considérées
comme des professions libérales (PL).
Cette difficulté à définir positivement les professions libérales est liée à deux éléments en
sociologie : (i) d’une part à la difficulté que rencontre la sociologie pour donner une
définition des professions2. (ii) D’autre part, parce que toute profession est en continuelle
redéfinition, en perpétuelle devenir suite aux pressions de facteurs exogènes (pressions
d’autres groupes professionnels ou d’instances législatives tels que l’Europe ou l’O.MC.)
ou de facteurs endogènes entre sous-segments (avec l’opposition quasi généralisée entre
généralistes et les spécialistes et même entre spécialistes lors de l’apparition de nouvelles
spécialités).
Nous allons donc approcher les PL d’une manière positive mais pour ce faire, il nous faut
expliquer en quoi les PL sont bien un groupe professionnel (GP) à savoir un ensemble.
Les professions libérales constituent un groupe professionnel à part entière, ce groupe est
constitué de différents segments : d’une part, les avocats, médecins, architectes, d’autre
part les notaires, huissiers, pharmaciens, les premiers œuvrant dans un marché de type
« ouvert » et les seconds dans un marché de type « fermé ».
Au sein de chaque segment (par exemple la profession d’avocat), il y a des soussegments qui représentent l’ensemble des diversités de la profession (de l’avocat
généraliste à l’avocat spécialisé en droit des brevets dans une association internationale).
Ces sous-segments explicitant les variations socio-économiques au sein d’un soussegment ainsi que les stratégies professionnelles individuelles et ce en allant à titre
d’exemple du désir de réussite d’amélioration de sa position jusqu’au maintien de sa
position.
1
Nous renvoyons vers deux ouvrages de synthèse CHAMPY Fl., La sociologie des professions, P.U.F.,
2009 et DUBAR C., TRIPIER P., Sociologie des professions, Collection U, Armand Colin, , 2° éd., 2009
2
<Pour se convaincre des difficultés que rencontre la sociologie pour trouver une définition des
professions, il suffit de s’intéresser aux différents courants qui ont traversé et qui traversent encore la
sociologie : les fonctionnalistes, les interactionnistes, les néo-marxistes et enfin les néo-wébériens>
Professions Libérales = Groupe professionnel
Marché fermé
Marché ouvert
Segments de Professions Libérales
Sous Segments Professions Libérales
-
+
Ecart de valeur et de réputation (explication des variations socio-économiques)
Notaires, huissiers, pharmaciens...
Avocats, architectes, médecins....
Par exemple la profession d ’avocat
De l ’avocat qui travaille seul à l ’avocat
spécialisé en droit des brevets qui travaille
dans un cabinet international
Nous pouvons donc maintenant tenter une approche positive des PL en tant que groupe
professionnel (G.P.) au travers des attributs du statut des PL. Pour ce faire, nous
avons recensé les divers attributs qui revenaient systématiquement au travers des plus
importants ouvrages de synthèse de la sociologie des professions. Tout en attirant
l’attention que les PL sont le fruit d’un héritage historico-culturel très lourd de symbole et
ce plus qu’aucun autre groupe professionnel.
Cette approche se situera à un niveau macro-professionnel dans le cadre du présent article
mais des approches plus micro-professionnelles sur les segments et sous-segments de
professions libérales, rendant compte de la diversité que l’on rencontre dans la pratique,
existent en nombre dans la littérature sociologique.
Les 5 attributs (indépendance, attitudes, savoir & savoir faire, unicité et rémunération) du
statut du groupe professionnel des PL, conjuguent à la fois des missions sociales
d’intérêts générales, avec des pratiques où œuvrent des intérêts purement particuliers. Il
est intéressant de souligner qu’à de rares exceptions que ce sont toujours les mêmes
professions qui sont protégées à travers le monde (par exemple la médecine)
Indépendance
1
0,8
0,6
Unicité
0,4
Rémunération
0,2
0
Savoir et savoir faire
Attitudes
L’indépendance :
L’autonomie de l’organisation à savoir l’auto-organisation de la profession avec
la création de normes internes, cet élément constitue un critère clé de la légitimité.
Le rôle délibératif, l’activité des PL ne consiste pas simplement à appliquer
« mécaniquement » des savoirs scientifiques, il y a des problèmes singuliers et
complexes qui doivent être traités aux moyens d’une dimension délibérative, le
traitement qui sera bon pour tel malade peut ne pas être adapté pour un autre
malade. Il y a donc une délibération permanente sur les valeurs et objectifs
poursuivis où la neutralité et la sagesse prudentielle sont nécessaires.
L’existence d’associations professionnelles et d’ordres comme formes
d’organisation institutionnalisée qui définissent et contrôlent les règles de la
conduite (déontologique) professionnelle.
Licence et mandat, c'est-à-dire la reconnaissance de la compétence
professionnelle et de l’autonomie qui est laissée aux membres de la profession
pour l’exercer.
Les compétences juridiques qui permettent par un autocontrôle de garder cette
autonomie en régulant l’activité.
L’existence d’un cadre éthique qui gouverne la pratique de la profession.
Les attitudes
Le prestige, les professions libérales sont généralement associées à des
professions qui ont de l’importance et de l’attrait.
Le désintéressement, il s’agit d’une forme de désintéressement historique qui se
traduit encore par l’existence de certaines formes d’exercice de l’activité au
travers de sociétés civiles (par opposition à des sociétés commerciales), mais le
désintéressement c’est aussi le dépassement de l’intérêt personnel au nom de
l’avancement des sciences, du progrès…
L’orientation vers le collectif, cette orientation est la limite à l’intérêt purement
individuel, le client se retrouve dans une relation où il est obligé de faire
confiance au titulaire de professions libérales et donc la satisfaction est un
élément central dans la relation. Il s’agit de l’idéal de service des PL.
La neutralité et sagesse, ces éléments sont essentiels dans l’exercice du jugement
délibératif.
L’existence d’une éthique gouvernant la pratique et l’exercice professionnels.
L’égalité qui se traduit par la qualité de confrère à savoir une communauté de
pairs.
=> L’ensemble des attitudes soulignent l’utilité collective des PL.
Le savoir et savoir faire
Le savoir «scientifique » spécifique, le mot scientifique s’entend aussi bien pour
les sciences médicales que pour les sciences du droit, il s’agit donc d’un savoir
propre.
La compétence pratique spécialisée qui a une utilité.
La formation théorique spécialisée de haut niveau avec une reconnaissance du
titre qui est certifié par un système institutionnalisé de délivrance de diplôme.
L’expertise professionnelle, le champ de l’expertise professionnelle limite le
territoire de l’autonomie, cette expertise doit se traduire au travers de l’efficacité.
La qualité de professionnel (professionnalisme), il s’agit de l’attribut qui est le
plus contingent à son environnement on y trouvera les influences de la
rationalisation managériale, de la concurrence (marchandisation)…mais aussi
l’idéal de service.
La reconnaissance de l’expertise par l’ensemble de la société.
L’unicité
Le monopole d’exercice, il s’agit du monopole d’exercice sur une discipline bien
définie et ce faisant instituant des mécanismes de clôture de ce champ
professionnel.
L’identité collective du groupe étant présentée comme unitaire par les porteparoles, il s’agit du consensus déontologique à savoir un consensus apparent visà-vis de l’externe.
La formation comme moyen de transmettre les savoirs et savoir-faire mais aussi
les attitudes professionnelles et donc une certaine culture professionnelle.
La rémunération
Les revenus, le monopole d’exercice protège les titulaires de professions libérales
de la concurrence extérieure même s’il reste une incertitude économique souvent
liée à une démographie professionnelle.
Les honoraires, le prix à payer pour le service est déterminé sous forme
d’honoraires.
Protection concurrence extérieure (interprofessionnelle), le monopole
d’exercice offre cette protection.
Protection concurrence interne (intraprofessionnelle) essentiellement dans les
marchés fermés (notaires, huissiers…) mais aussi plus généralement par la
spécialisation avec sa hiérarchisation implicite (généraliste et spécialistes)
L’évolution du groupe des PL se traduit par une forte professionnalisation au sens de
spécialisation et de la rationalisation managériale.
Il faut signaler une évolution dans les PL, c’est l’entrée de titulaires de PL dans des
grandes organisations collectives (hôpitaux, cabinets et cliniques de médecins ; sociétés
multinationales d’avocats, de comptables et d’auditeurs…).
Cette orientation vers le collectif et le désintéressement (s’ils sont réellement vécus)
doivent avoir pour corollaire une prise en compte de ces spécificités dans les règles de la
concurrence, en effet les services « offerts » par les PL sont des biens de confiance (les
relations entre le médecin et son patient sont basées sur la confiance, l’asymétrie
d’information faisant que le patient doit croire son médecin).
Philippe DAMBLY
Product Manager LAR
www.lar.be
[email protected]