changements environnementaux, migration et

Transcription

changements environnementaux, migration et
CHANGEMENTS ENVIRONNEMENTAUX, MIGRATION ET
CHANGEMENTS DE SYSTEMES PRODUCTIFS DANS LA VALLEE
DU FLEUVE SENEGAL
Arame Top Diop,
Responsable promotion Genre
Au Projet de Développement Agricole de Matam, Sénégal
Doctorante Dynamique Rural, Toulouse le Mirail
Présentation de la région
La région de Matam se décompose en zone éco géographiques distinctes de par les
potentialités, les modes d’habités, leur histoire et les systèmes de production,
cependant l’organisation sociale est presque la même mais d’une manière
générale, elles subissent les mêmes conséquences de la migration masculine à des
degrés différents.
Le walo de Matam encore appelé Dandé Mayo (qui jouxte le Fleuve Sénégal) a été
est le foyer qui a le plus fait parlé de lui du fait i) des nombreuses études et
programmes sur la migration et le développement, ii) de l’introduction de
l’agriculture irriguée, iii)du machinisme agricole, iv) de la maîtrise de l’eau, v) de
la mise en service des barrages, vi) du mode de tenure foncière, vii) de la pêche
fluviale, etc.
Le Diéri est la zone tampon entre le walo et le ferlo, il est caractérisé par une
forte dépendance à une agriculture pluviale. La rareté des pluies ces dernières
années a rendu aléatoires les rendements agricoles, les autres activités menées en
parallèle sont l’embouche, l’élevage, le petit commerce…
Le ferlo est la zone septentrionale de Matam, il est dominé par l’élevage extensif,
la vente de lait et ses dérivés, la cueillette et les activités forestières de manière
générale…
L’actuelle région de Matam qui était un département de l’ancienne région de SaintLouis, représentant la moyenne vallée a été particulièrement touchée par la
sécheresse tant par sa durée que par son intensité. La région est, pour l’essentiel,
située dans le domaine du bassin sédimentaire mauritano–sénégalais les conditions
climatiques y sont globalement sévères et les ressources hydrauliques parfois
difficilement mobilisables surtout dans sa partie Dièry et Ferlo.
I.
1. Le contexte socio économique
L’économie de la région de Matam repose essentiellement sur l’agriculture et
l’élevage. L’agriculture concerne particulièrement les cultures pluviales, les
cultures irriguées et les cultures des décrues. Les cultures pluviales sont de plus en
plus difficiles à cause de la rareté des pluies, mais aussi et surtout de leur arrêt
quelque fois prématuré (empêchant les spéculations de boucler leur cycle). Cette
conjoncture entraîne l’insécurité alimentaire et la vulnérabilité structurelle des
populations rurales.
L’avenir de l’agriculture de la région reposera essentiellement sur la maîtrise de
l’eau, à travers la culture irriguée pratiquée dans le Dandé Mayo, zone enclavée
pendant la majeure partie de l’année. Cet enclavement
limite l’accès de ces
populations aux ressources sociales de base, amplifie les déséquilibres de
l’économie locale et réduit la valeur ajoutée attendue des filières recevant des
investissements lourds de l’état.
L’élevage extensif est pratiqué dans le Ferlo, zone enclavée de Matam, où la
production est tournée vers la région de Louga (Dahra, Linguère), et Touba (région
de Diourbel).
Cette situation économique précaire, ajoutée à la vulnérabilité de la population,
justifie l’adoption de stratégie de développement articulée autour des besoins,
des contraintes, des priorités et des options des femmes autant que des hommes.
Au sein des populations les palliatifs sont entre autres l’exode vers les grandes
villes du Sénégal et l’émigration, privant ainsi la région d’une frange importante de
ses bras valides.
La société Hal pulhar
conservatrice et hiérarchisée
est organisée autour trois
principes :
•
l’opposition entre les hommes libres et les fils de captifs ;
•
la spécialisation professionnelle ;
•
la loi d’aînesse.
Cette catégorisation de la société Hal pulhar est à l’origine de réseaux de
dominations où les dominés, hommes et femmes, doivent se soumettre aux
structures sociales qui président leurs actes et déterminent, en partie, leur mode
de pensée. L’objectivation des rapports de pouvoir est tellement intégrée dans la
société Hal pulhar que la réalité des multiples formes d’asservissement est voilée,
voire même invisible.
Pénétrer donc « la boite noire des rapports sociaux » constitue un véritable
challenge,
mais
le
premier
pas
indispensable
à
la
compréhension
des
comportements et des dynamiques sociales.
Pour comprendre la stratification sociale il faudrait, de prime abord, rappeler que
la société Hal pulhar a une hiérarchisation reposant sur une différenciation de
classes sociales. On y distingue trois grandes classes :
1. les nobles en général
2. la Classe intermédiaire
3. la Classe inférieure constituée par les Mathioubé (les captifs ou esclaves)
Dans chaque classe, on note une autre différenciation, par exemple, dans la
première classe, les Torobé et les peulh (ou fulbé) sont des nobles au premier
degré. Cette hiérarchisation très ancrée dans la culture hal pulhar est à l’origine
de l’émergence de champs de dominants et de dominés qui s’exprime à son tour
par une discrimination de genre. Cette culture conditionne les attentes face aux
caractéristiques et aux comportements appropriés à chaque sexe et face aux
relations entre les femmes et les hommes, autrement dit, la problématique
homme-femme. L’identité attribuée à chaque sexe et les rapports entre les
femmes et les hommes sont donc des aspects fondamentaux de la culture, car ils
façonnent les actes de la vie quotidienne au sein des familles, de la collectivité et
du milieu de travail.
La problématique homme-femme (comme la race ou l’appartenance ethnique)
opère donc comme un principe organisateur de la société, celle-ci accordant une
signification culturelle au fait d’être un homme ou une femme. D’ailleurs, la
répartition du travail en fonction des sexes le montre clairement.
La discrimination de genre est l’une des causes de la pauvreté puisque, d’une
manière ou d’une autre, elle empêche des milliers de femmes d’avoir accès à
l’éducation, aux formations, aux services médicaux et aux soins. De même, elles ne
peuvent obtenir le statut approprié pour pouvoir échapper à cette situation de
privation multiforme, injustifiée dans laquelle elles se trouvent.
En effet, dans la plupart des sociétés, les modèles sont nets en ce qui concerne les
« tâches des femmes » et les « tâches des hommes », tant au foyer qu’au sein de la
communauté — et les raisons qui expliquent cette situation sont d’ordre culturel,
social etc. Ces modèles, ainsi que leurs justifications, varient d’une société à
l’autre et se modifient au fil du temps.
Par ailleurs, bien que la nature précise des rapports entre les sexes varie selon les
modèles, en général, les femmes n’ont pas la même autonomie que les hommes,
elles disposent de moins de ressources, et leur influence sur les processus
décisionnels régissant leurs sociétés et leur propre vie demeure limitée. Ce
problème d’inégalité fondée sur le sexe ressort tant aux droits de la personne
qu’au développement.
La différenciation sociale se manifeste dans la division du travail social, dans le
mode de répartition des terres et dans la prise de décision. La prolifération des
« gomou » dans les villages en est une parfaite illustration. Le « gomou » comme
son nom l’indique est le regroupement de personne par classe d’âge (les jeunes,
les adolescents, les vieux…). Par exemple,
lors des grands événements du village,
les membres d’un « gomou » se retrouvent par classe d’âge
pour
discuter et
agréer des programmes relevant de leur compétence.
« Dans ce mode de pensée de la société, les femmes n’ont accès à leur station sur
l’échiquier social que comme filles, épouses ou mères ; la femme ne peut pas
penser comme individu au même titre que l’homme.
Cette différenciation sociale est le principal facteur limitant
l’intégration du
genre dans les programmes de développement mis en œuvre dans la région de
Matam ».
I.2. La crise climatique
Depuis plus de trois décennies les pays de l’Afrique de l’ouest, particulièrement,
entre le Sahara et équateur et entre l'atlantique et le Tchad, connaissent une
longue et intense période de déficits pluviométriques qui ne semble pas avoir eu
d'équivalent dans le passé. (Le borgne, 1988). En réalité l’Afrique de l’ouest a
connu plusieurs années de sécheresse dont les plus récurrentes établies se situent
entre 1910 à 1985. Cependant notons que la plus courte et la moins intense fut la
sécheresse de 1941-1945, ressentie, elle aussi, dans toute l'Afrique de l'Ouest, du
Sénégal, où les déficits atteignirent 50 à 70%, jusqu'au Tchad. (Le Borgne, 1988).
Ces crises climatiques ont touché différemment les pays de l’Afrique, l’ouest
africain a été le plus particulièrement anéanti.
Il faut cependant noter que les grandes crises climatiques qui ont le plus conduit au
désarroi le continent africain et particulièrement le Sénégal se situent dans les
années 60 à 80. En réalité selon Le Borgne en 1965 déjà beaucoup de pays africains
ont connu des baisses des précipitations et depuis cette date la sécheresse s’est
propagée avec des bas et des hauts et atteint son point cumulant en 1968.
Au Sénégal et en Gambie, sur douze stations synoptiques, une seule, Kédougou, a
connu, depuis 1969, quatre années aux précipitations égales ou supérieures à la
normale (Le Borgne, 1988). Le Sénégal a été particulièrement touché dans sa partie
sahélienne constituée par les régions de Saint-Louis, Louga, Thiès, Diourbel, Louga,
Fatick et Kaolack.
Les climats du Sénégal appartiennent à la catégorie des climats tropicaux secs, ce
qui signifie qu’ils souffrent de façon saisonnière d’un déficit significatif en eau
(Dominique R, 2008).
D’une manière générale, les années 70 et 80 ont été les plus catastrophiques pour
le Sénégal de par l’intensité du déficit pluviométrique surtout pour les stations
marginales où ces conditions rigoureuses provoquent une profonde altération du
climat. A Matam, par exemple, où le déficit pluviométrique, au cours des 25
dernières années, a été considérable, de l'ordre de 32% (364 mm, pour une normale
de 537), le déficit de l'évapotranspiration réelle est du même ordre de grandeur.
Le taux de couverture des besoins, qui était de 32%, tombe à 20, et le nombre de
mois déficitaires passe de 10 à 12(Le Borgne, 1988). Depuis 1985 à aujourd’hui la
situation n’a pas été dramatique cependant les régimes pluviométriques ne sont
pas revenus à la normale.
La dégradation des paysages végétaux au Sénégal se traduit par une modification
de la flore et une réduction du couvert forestier, par la disparition progressive des
espèces soudaniennes et guinéennes de la flore locale, au profit des espèces
sahéliennes (Dominique Roquet, 2008).
I.2.1.Le changement climatique dans la région de Matam
Données recueillies au service régional de la météorologie de Matam
Ce graphique représente les différentes variations pluviométriques dans la région
de Matam sur une période de soixante (60) ans. La courbe pluviométrique a baissé
à partir de 1950 pour remonter légèrement à partir de 1990. Sur la période 19711990, la pluviométrie atteint son point le plus bas sur les soixante ans. La reprise
amorcée depuis 1990 n’a pas permis d’atteindre les niveaux d’avant 1950.
Les grandes années de sécheresse
connues dans la région se situent dans la
période 1971-1990 où la pluviométrie a abaissé de 517 mm à 315 mm soit une
baisse de 202 mm. La précarité pluviométrique a eu une forte pression sur le
couvert végétal, en ce qui concerne sa densité, et sa composition floristique, tous
les éléments pouvant varier non seulement d’une année à l’autre mais aussi d’un
endroit à l’autre au cours d’une année (Ndong Jean-Batiste, 1995)1. En effet le
déficit pluviométrique et l’espacement de jours pluvieux entrainent une
conséquence sans précédent sur le couvert végétal qui a comme corolaire la
disparition partielle voire totale de la biomasse végétale.
Le peuplement végétal du Ferlo de la région de Matam était constitué d’une strate
herbacée et d’une formation arborée clairsemées
de Acacia raddiana, Acacia
senegal et Balanites aegyptiaca. Après la pluviométrie très déficitaire de l’année
1972, près de la moitié des Acacia senegal sont morts, et les espèces ligneuses se
sont concentrées dans le fond des dépressions et des vallées où les conditions
édaphiques et les ressources en eau étaient plus favorables (Dominique R, 2008).
Dans la partie walo de la région où les principales espèces avant la sécheresse
étaient constitués de Acacia nilotica, Ziziphus mauritiana, Balanites aegyptiaca et
Boscia senegalensis. Le Gonakier (Acacia nilotica), espèce qui colonisait une bonne
partie du Walo est actuellement localisée dans les dépressions, partie basse du lit
majeur.
Les années de sécheresse ainsi que les déboisements ont beaucoup contribué à la
dégradation des peuplements à Gonakier. La sécheresse persistante a aussi
contribué à la réduction de la diversité floristique de la strate herbacée dominée
par : Indigofera aspera, Cenchrus biflorus, Chloris prieurii, Aristida mutabilis et
Echinochloa colona.
1
Ndong Jean-Batiste. L'évolution de la pluviométrie au Sénégal et les incidences de la sécheresse récente sur
l'environnement / The evolution of rainfall in Senegal and the consequences of the recent drought on the environment.
In: Revue de géographie de Lyon. Vol. 70 n°3-4, 1995. Sahel, la grande secheresse. pp. 193-198
Matam a fortement ressentie les coups des années de sécheresse et la forte
diminution des pluies. La réduction de l'écoulement fluvial, l'alimentation des
nappes phréatiques et le couvert végétal sont autant des conséquences qui ont
accéléré la dégradation des ressources naturelles auxquelles il faut ajouter les
activités humaines qui ont fini par installer une profonde désertification.
I.2.2.Les conséquences de la sécheresse
I.2.2.1.Sur le plan agricole
Les performances des systèmes de production, à dominantes agricole et pastorale,
et occupant la quasi-totalité de la population, ont été sensiblement affectées par
les longues années de sécheresse.
Les populations de la région ont toujours allié les cultures pluviales et les cultures
de berge basées sur les crues du fleuve qui inondent vers la fin de la saison des
pluies, la large plaine alluviale de la moyenne vallée, cultivée en saison sèche
après le retrait des eaux. Les systèmes de production agricole de la vallée se sont
construits autour de cette complémentarité dans l’espace et dans le temps : aux
cultures et pâturages sous pluie dans les hautes terres du jeeri, succédaient les
cultures et pâturages de décrue dans les basses terres du waalo (Adam, 1984).
Ce système de production permettait aux populations qui avaient une tradition
migratoire de partir pendant la saison sèche dans les centres urbains à la recherche
de travail saisonnier mais revenaient pendant l’hivernage s’adonner à la culture
traditionnelle.
Les
autorités
coloniales
avec
les
cultures
de
traite
qui
permettaient
d’approvisionner la métropole française en matières premières et en produits
agricoles à travers la mise en place d’aménagement hydro agricole sur le fleuve ont
beaucoup joué à la fragilisation de vallée et à la progression de la désertification.
Beaucoup de forêts rayés de la carte sans que ces périmètres soient d’un très
grand rendement car leur production ne donnaient pas les résultats escomptés et le
système d’irrigation était en porta faut avec l’agriculture traditionnelle des
populations de la vallée.
I.2.2.2.Sur le plan sociétal
Le point le plus drastique de la sécheresse coïncidant avec la période 1970-1990 a
réduit à sa plus simple expression les espoirs de survie des populations de Matam
dépendant majoritairement de l’agriculture en général. Les conditions climatiques
généralement très dures car la région étant situé le bassin sédimentaire mauritano
sénégalais, le climat y est tropical, chaud et sec et les ressources hydrauliques sont
difficilement mobilisables surtout dans les zones Diery et Ferlo. La sécheresse a
donc renforcé l’essoufflement de la population qui depuis les années 1950 n’ont
cessé de lutter contre les variations climatiques. Jean LeBorgne affirme qu’au
Sénégal et en Gambie sur douze stations synoptiques, une seule dont Kédougou a
reçu des pluies égale ou supérieur à la normale de 1969 à 1985, pour les onze
autres la sécheresse a été ininterrompue. Cette sécheresse a été beaucoup plus
ressentie dans les zones dans les zones à climat aride comme la vallée du fleuve
Sénégal.
L’émigration dans la région, bien que très ancienne, cependant son point le plus
culminant est noté à cette période où il faillait vraiment partir pour sauver. Les
populations de la région témoignent et c’est confirmé par LeBorgne2 que le fleuve
Sénégal était à sec pendant des jours en 1974, de telle sorte qu’il était possible de
« rallier le Sénégal et la Mauritanie à pied ».
Guy ROCHER dans « introduction à la sociologie générale » définit le changement
social comme “toutes transformations observables et vérifiables dans le temps qui
affectent d’une manière qui n’est pas provisoire la structure ou le fonctionnement
d’une collectivité et qui en modifie le cours de son histoire ». Les grandes crises de
sécheresse auxquelles s’ajoute la mise en place des barrages de Diama et de
Manantali sur le fleuve Sénégal ont poussé les hommes de la vallée à l’émigration.
II Le changement des systèmes de production
Depuis plus de trois décennies le gouvernement du Sénégal met en œuvre des
programmes de relance de l’agriculture par la maîtrise de l’eau dans la vallée du
fleuve. Pour réussir ce programme il fallait réguler et stabiliser en aval du fleuve
pendant toute l’année, ce qui permettait d’éliminer le débit maximal et le cycle
2
LeBorgne, la dégradation des paysages en Afrique de l’ouest, Page 22
d’inondation en période des pluies. Malheureusement la régulation du régime du
fleuve a été vue comme un échec car ayant confisqué l’espoir d’un million de
riverains de la vallée qui dépendaient fortement de la culture de décrue, de
l’élevage et de la pêche3. Toute la problématique de l’agriculture dans la vallée
repose à ce niveau, car d’après les populations de la zone l’Etat n’a pas respecté
ses engagements concernant l’augmentation des aménagements, créant ainsi une
forte pression sur les terres du walo son corollaire : la vallée du fleuve se
désemplie. Les plus grandes vagues de migration trouvent leur origine dans cette
situation. D’après les populations de la vallée, l’Etat du Sénégal leur doit une
indemnisation pour avoir stopper volontairement les crues et avoir privilégier la
production de l’hydro électricité au détriment des cultures traditionnelles du walo.
Frontalier avec la Mauritanie, le département de Matam (l’actuelle région était un
département de Saint Louis) abritait 215 000 habitants en 1988. Cette population
était constituée principalement de ménages ruraux pratiquant l'agriculture,
l'élevage et, à titre secondaire, la pêche sur le fleuve. Au cours des trois dernières
décennies, la très forte baisse de la pluviométrie (496 mm à 250 mm/an) et les
modifications du régime des crues du fleuve Sénégal induites par le barrage de
Manantali avaient entraîné une situation de précarité et de pauvreté de plus en
plus importantes les familles vivant de ce milieu. Ces conditions ont empiré suite
aux événements de 1989 et au rapatriement de 7 000 réfugiés venus s'installer dans
ce département perdant ainsi les terres qu’ils exploitaient sur l’autre rive du
fleuve.
Le Projet de développement agricole de Matam (PRODAM) a été identifié en 1989 à
la demande du Gouvernement sénégalais, suite aux événements avec la Mauritanie
et aux déplacements forcés des populations frontalières qui s'en suivirent. Localisé
dans 12 villages, ce projet s'inscrivait également dans la politique d'aménagement
hydro-agricole de la rive gauche du fleuve Sénégal.
II.
1. Mise en œuvre du scaling up par le PRODAM : Approche/résultats
Dans le Walo : Le PRODAM a réalisé plus de 2 500 ha destinés à des ménages
agricoles à raison d’un hectare par ménage de 10 à 12 personnes. Ce sont des
3
Suivi des activités du Bassin du fleuve Sénégal IDA Working Paper N° 93
modules de 30 à 35 ha affectés à des GIE de producteurs de 30 à 35 membres.
Le modèle de gestion est type communautaire. Avec une intensité culturale de
1.5 et le renforcement du paquet technique des producteurs les rendements ont
été doublé passant de 3 T/ha à 6 T/ha. Ce qui a permis d’assurer la sécurité
alimentaire de chaque ménage disposant d’un hectare dont les besoins annuels
céréaliers sont évalués à 1.8 à 2 Tonnes. Plus de 25 00 ménages ont atteint la
sécurité alimentaire en zone Walo. Grâce à ces performations le projet a
considérablement contribué à la consolidation de l’autosuffisance alimentaire
en riz dans toute la zone du Walo. Avec la promotion du système de riziculture
intensif (SRI), les tests déjà réalisés ont permis d’avoir des rendements de 10 à
12 T/ha. L’extension et la généralisation de cette technologie couplée à la
pratique de la double culture permettra d’avoir un rendement annuel de 20
T/ha par ménage. Ces performances permettront aux ménages de passer de la
sécurité alimentaire à la sécurité économique dans la zone du Walo tout en
s’inscrivant dans une logique d’adaptation aux changements climatiques. En
effet avec le SRI les irrigations se font sans lame d’eau permettant ainsi de faire
des économies que sur les besoins en eau des plantes
II.1.1.Dans le Diéry :
En réponse au déficit pluviométrique dans cette zone, le PRODAM a réalisé 39
ha des périmètres horticoles constitués de modules de 03 à 05 ha affectés à des
GIE de femmes de plus de 200 membres. Chaque périmètre est connecté à un
forage villageois déjà existant pour assurer la maîtrise de l’eau. Le modèle de
gestion de type communautaire a été mis en place dans chaque périmètre. Avec
un calendrier cultural de 03 cycle/ha, les revenus des femmes ont
considérablement augmenté de 4.5 à 6 000 000 F cfa/ha/an. Plus de 1 625
bénéficiaires directes répartis dans 560 ménages ont été touchés et 16 250
bénéficiaires indirectes. Les revenus tirés de l’exploitation des périmètres ont
permis aux femmes d’assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Les
« success stories » capitalisés ont inspirés des opérateurs privés qui ont mis en
place leur propre périmètre. Au total 10 ha de périmètres privés équipés de
forages agricoles et de magasins de stockage ont été installés. Le modèle de
gestion est de type privé et le système de production tiré par la demande du
marché. En termes de résultat le revenu obtenu est de 7.5 à 9 000 000 F
cfa/ha/année.
II.1.2.Scaling up zonal : dans sa vision de lutter contre la pauvreté et l’insécurité
alimentaire
par l’augmentation des revenus des couches vulnérables (jeunes
hommes et femmes) et la création d’emplois durables et l’augmentation de la
production et de la productivité agricole le PRODAM est entrain de mettre en place
les Sociétés d’Intensification de la Production Agricole (SIPA).
Ce sont des
entreprises rurales agricoles gérées par des paysans et qui sont rémunérés par les
bénéfices réalisés. Les SIPA sont des Unités Techniques de production (UTP) d’une
superficie de 40 ha disposant de forages agricoles, équipés de systèmes d’irrigation
goutte à goutte, de magasins de conditionnement et d’une clôture métallique. Ce
sont des entreprises rurales privées gérées par des paysans et qui sont rémunérés à
partir des bénéfices réalisés. 15 SIPA sont prévues (8 déjà réalisées) et permettront
d’insérer 2 250 associés jeunes hommes et femmes dans la région de Matam. Les
calculs financiers prévoient des revenus qui varient de 100 à 110 mille francs par
mois et par associé. La création de ces pôles dans différentes communautés
villageoises où les ressources en eaux souterraines ou de surface sont disponibles
offre l’opportunité de générer de l’emploi durable en milieu rural, de
professionnaliser
les
jeunes
agriculteurs
qui
doivent
être
arrimés
à
la
mondialisation. Cent (100) Villages disposant d’un tel programme pourraient
générer un revenu net de 7 000 000 000 de francs CFA destinés annuellement à la
strate jeune (hommes et femmes). Le scaling up des SIPA est bâti sur l’approche
chaîne de valeur par la mise en place de partenariat public privé. Dans la cadre de
la chaine de valeur maïs et riz des partenaires comme l’USAID et la SOENA se sont
intéressés pour mettre en place un partenariat tripartite intégrant le PRODAM.
L’approche constitue aussi une véritable stratégie d’adaptation aux changements
climatiques dans la mesure où la technologie utilisée (goutte à goutte) rompt la
dépendance à la pluviométrie et optimise l’utilisation de l’eau.
II.1.3.Scaling up avec la gestion des ressources pastorales : Le PRODAM dans le
cadre de la gestion des ressources naturelles et l’amélioration des paramètres
zootechnique et zoo-économique du bétail, a mis en place 11 unités pastorales au
courant de l’année 2010 couvrant une superficie de 50 000 ha en moyenne dans la
zone du Ferlo. Les UP disposent de forages pastoraux (11) dans 08 collectivités
locales, de magasins de stockage d’aliments de bétail, de parc à vaccination, des
pharmacies vétérinaires. Un linéaire de 629 km de pare-feux installé pour lutter
contre les feux de brousse. En termes d’appui pour la responsabilisation des
populations dans la gestion de l’espace pastoral, une fédération regroupant les 11
UP (ABNF) a été mise en place, 15 070 personnes alphabétisées (dont 11914
femmes), 08 comités de gestion de forages transformés en ASUFOR et 90 membres
formés sur les principes de gestion et de fonctionnement d’une ASUFOR.
En terme de résultats on note une augmentation du taux fécondité du cheptel
avec: i) bovin 53%, ii) ovin 60% ; iii) caprins 72 % ; une réduction du taux de
mortalité : i) bovin : 13 %, ii) ovin et caprin 10% et une hausse du taux
d’exploitation : i) bovin de 11 %, ii) ovin 14 %, iii) caprin 15%.