Insuffisance ovarienne prématurée et désir d`enfant
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Insuffisance ovarienne prématurée et désir d`enfant
gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page189 Insuffisance ovarienne prématurée et désir d’enfant J. B ELAISCH-ALLART *, J.M. MAYENGA, E. M ULLER, M. B RZAKOWSKI, A. CHOURAQUI, I. G REFENSTETTE, Y. B ELAID, O. KULSKI (Sèvres) Résumé La prévalence de l’insuffisance ovarienne prématurée (IOP) est estimée à 1/10 000 chez les femmes de moins de 20 ans, à 1/1 000 chez les femmes de moins de 30 ans et à 1 % chez les femmes de moins de 40 ans. Hors conséquence d’un traitement stérilisant (chimiothérapie ou radiothérapie) l’IOP reste le plus souvent inexpliquée (plus de 80 % des cas), en dehors du syndrome de Turner. La fertilité spontanée de ces femmes est très faible, mais non nulle, de l’ordre de 3 à 10 %. Si le diagnostic est confirmé, les stimulations de l’ovulation n’ont guère de place dans la prise en charge. Les alternatives actuelles à proposer sont le don d’ovocyte, l’accueil d’embryon, l’adoption et apprendre à « vivre heureux à deux ». La prévention, possible dans le cadre des traitements potentiellement stérilisants par conservation ovocytaire, embryonnaire ou ovarienne, n’est guère possible que dans les cas familiaux où l’autoconservation ovocytaire doit désormais être proposée tout en restant conscient de ses limites. Dans l’avenir, la stimulation de l’activation des follicules au repos, la folliculogénèse in vitro, voire la culture d’ovogonies qui pourraient être présentes dans l’ovaire adulte, constitueront, peut-être, un nouvel espoir. Centre hospitalier des 4 Villes - Service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction - Site de Sèvres - 141 Grande Rue - 92318 Sèvres cedex * Correspondance : [email protected] 189 gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page190 BELAISCH-ALLART & COLL. Mots clés : insuffisance ovarienne prématurée, réserve ovarienne, don d’ovocyte, accueil d’embryon, syndrome de Turner, préservation de la fertilité Déclaration publique d’intérêt Je soussignée, Joëlle Belaisch-Allart, déclare ne pas avoir d’intérêt direct ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé, industriel ou commercial en relation avec le sujet présenté. INTRODUCTION L’insuffisance ovarienne prématurée (IOP) est définie par une aménorrhée de plus de quatre mois avant l’âge de 40 ans avec un taux élevé de gonadotrophines (FSH supérieure à 40 UI/l) sur au moins deux prélèvements distincts, réalisés à quelques semaines d’intervalle [1, 2]. Sa prévalence est estimée à 1/10 000 chez les femmes de moins de 20 ans, de 1/1 000 chez les femmes de moins de 30 ans et de 1 % chez les femmes de moins de 40 ans [2]. En dehors des conséquences d’un traitement stérilisant (chimiothérapie ou radiothérapie), l’IOP reste le plus souvent inexpliquée (plus de 80 % des cas). Parmi les rares étiologies connues figurent les causes génétiques, anomalies du chromosome X en particulier le syndrome de Turner, et la prémutation de l’X fragile, les causes auto-immunes et les causes environnementales sont plus controversées. La fertilité spontanée de ces femmes est très faible, mais non nulle, de l’ordre de 3 à 10 %. Avant de porter un diagnostic définitif d’IOP chez une femme de moins de 40 ans qui désire une grossesse, il faut réévaluer la situation et distinguer les insuffisances ovariennes prématurées vraies, confirmées, des mauvaises réponses aux stimulations de l’ovulation avec réserve ovarienne normale ou perturbée. S’il s’agit réellement d’une IOP installée, la 190 gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page191 INSUFFISANCE OVARIENNE PRÉMATURÉE ET DÉSIR D’ENFANT stimulation de l’ovulation n’a plus guère de place, malgré quelques publications anecdotiques à ce sujet, et les alternatives à proposer sont donc le don d’ovocyte, l’accueil d’embryon, l’adoption et apprendre à « vivre heureux à deux », l’accompagnement psychologique de ces alternatives s’imposant [3]. La prévention par congélation de tissus ovariens ou d’ovocytes voire d’embryons avant l’installation de l’IOP représenterait une prise en charge idéale. I. LE DIAGNOSTIC D’INSUFFISANCE OVARIENNE PRÉMATURÉE L’insuffisance ovarienne prématurée vraie se définit par une aménorrhée de plus de 4 mois avant l’âge de quarante ans avec un taux élevé de gonadotrophines (FSH > 40 UI/l) sur au moins 2 prélèvements distincts, réalisés à quelques semaines d’intervalle [1, 2]. Ce terme d’insuffisance ovarienne prématurée est souvent utilisé, à tort, pour caractériser les femmes de moins de quarante ans dont les ovaires répondent mal aux stimulations de l’ovulation quels que soient les marqueurs de leur réserve ovarienne. Devant une patiente adressée pour « insuffisance ovarienne prématurée », il est donc indispensable de réanalyser la situation. S’il s’agit en fait d’une patiente conservant des cycles et répondant mal aux stimulations de l’ovulation (les mauvaises répondeuses françaises ou « low responders » anglosaxonnes) il est encore possible de stimuler son ovulation, avec des résultats de l’ordre de 10 à 18 % de grossesses, aucun protocole n’ayant fait preuve de sa supériorité comme le montre l’analyse de la Cochrane database [4]. Plusieurs études ont démontré qu’avant 40 ans, malgré une réserve ovarienne jugée insuffisante sur les dosages hormonaux et/ou les marqueurs échographiques, il est légitime de faire un (voire 2) essais de stimulation de l’ovulation avant d’adresser la femme dans un programme de don d’ovocyte [5, 6], ce qui n’est pas valable en cas d’IOP avérée. L’IOP n’est pas une ménopause précoce car très fréquemment il n’y a pas de déplétion complète en follicules ovariens. Pour optimiser la prise en charge il faudrait une connaissance précise des mécanismes physiopathologiques de l’IOP. 191 gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page192 BELAISCH-ALLART & COLL. II. LA FERTILITÉ SPONTANÉE L’IOP a longtemps été considérée comme définitive et irréversible mais cette notion d’irréversibilité a été remise en question par l’évidence de la survenue régulièrement publiée de grossesses spontanées. Des grossesses spontanées sont en effet rapportées dans la littérature chez 5 à 10 % des femmes en IOP secondaire, le taux d’avortement spontané étant le même que dans la population générale [1, 7, 8]. Zhang, sur 138 patientes, a rapporté 3 grossesses soit 2,17 % [9]. En France, en 2004, une enquête du groupe d’étude sur le don d’ovocyte (GEDO) avait rapporté 27 grossesses spontanées sur 518 femmes en attente de don d’ovocyte, soit 5,2 % avec seulement 11 % de fausses couches spontanées [7]. La quasi-totalité des grossesses spontanées publiées dans la littérature est survenue sous traitement hormonal substitutif séquentiel [10]. L’administration d’œstrogènes aurait un effet d’inhibition sur la production des gonadotrophines et leur diminution sérique autoriserait la restauration du nombre et de la fonctionnalité des récepteurs de la FSH et de la LH et ainsi de la sensibilité des follicules ovariens restants [11]. Toutefois une étude randomisée sur l’effet d’une œstrogénothérapie substitutive n’a pas permis d’objectiver d’augmentation du taux d’ovulation dans le groupe substitué [12]. L’usage de la déhydroépiandrostérone (DHEA) a été proposé pour les IOP. Mamas et Mamas ont publié 5 cas de femmes en aménorrhée avec des FSH comprises entre 30 et 112 UI/l qui ont conçu spontanément après avoir reçu de la DHEA 2 fois 25 mg par jour pour 4 d’entre elles et 3 fois 25 mg pour la dernière [13]. Ces grossesses spontanées posent plusieurs questions : comment déterminer les facteurs pronostiques favorables de ces grossesses, comment les favoriser, que dire exactement aux patientes sans les leurrer inutilement. Il n’existe pas de facteur prédictif de grossesse à ce jour en cas d’IOP et les marqueurs classiques de la réserve ovarienne ne sont dans ce cadre d’aucun apport [2]. Il faut donc informer les femmes que des chances de récupération du fonctionnement ovarien et de grossesse existent mais qu’elles ne sont pas prévisibles et qu’aucune étude prospective rigoureuse n’a fait à ce jour la preuve de l’efficacité d’une thérapeutique pour restaurer l’ovulation, le seul traitement palliatif ayant fait ses preuves reste le don d’ovocyte. 192 gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page193 INSUFFISANCE OVARIENNE PRÉMATURÉE ET DÉSIR D’ENFANT III. PLACE DE LA STIMULATION DE L’OVULATION EN CAS D’IOP AVÉRÉE Les tentatives de stimulation ovarienne par le citrate de clomifène ou les gonadotrophines sont classiquement jugées inefficaces par la grande majorité des auteurs, les agonistes comme les antagonistes du GnRH se sont révélés inefficaces [1, 2, 8, 10]. Quelques rares publications sur de faibles effectifs de femmes à caryotype normal font état de grossesse après induction de l’ovulation dans de véritables IOP, avec ou sans traitement adjuvants, mais il s’agit souvent de cas cliniques ou de séries de très faibles effectifs ce qui relativise leurs conclusions. Check et Katsoff ont ainsi rapporté la première grossesse après cetrorelix [14], Badawy et al., sur 58 femmes, ont comparé dans une étude randomisée en double aveugle les résultats d’une stimulation associant analogues du GnRH et gonadotrophines avec et sans dexaméthasone et ont obtenu une ovulation dans 20,7 % du groupe dexaméthasone contre 10,3 % dans le groupe placebo avec 2 grossesses dans le groupe dexaméthasone [15]. Toutefois, l’utilisation de corticoïdes dans les cas d’IOP supposées être d’origine auto-immune n’a pas fait la preuve de son efficacité dans une étude prospective randomisée [16]. Un prétraitement par éthinyl œstradiol avant stimulation de l’ovulation par gonadotrophines a également été proposé. Tartagni, dans une étude randomisée en double aveugle sur 50 femmes, a obtenu 8 ovulations sur 25 (32 %) contre 0 dans le groupe placebo après administration 2 semaines avant et pendant la stimulation de l’ovulation d’éthinyl œstradiol avec 4 grossesses, soit 16 % [17]. Pour l’auteur, l’administration d’œstradiol restaurerait une réponse ovarienne aux gonadotrophines exogènes. Quant aux publications sur l’usage de DHEA pour améliorer la réponse ovarienne aux gonadotrophines, elles concernent des femmes dites mauvaises répondeuses mais non en IOP vraie. Enfin, d’exceptionnels cas de stimulation de l’ovulation réussie en cas d’IOP avec anomalie chromosomique sont également rapportés dans la littérature [18]. Aucune étude randomisée de grande envergure n’a confirmé ces résultats qui restent donc anecdotiques et une récente revue de la littérature vient de conclure qu’aucun traitement autre que le don d’ovocyte n’a fait la preuve de son efficacité en cas d’IOP et de désir d’enfant [19]. 193 gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page194 BELAISCH-ALLART & COLL. IV. LE DON D’OVOCYTE C’est théoriquement la technique de choix à proposer. Depuis les publications initiales de Trounson [20] et Lutjen [21], cette technique s’est développée avec des résultats et des modalités variables selon les pays. En France, le don est anonyme et gratuit mais reste confidentiel comme en atteste le dernier rapport mis en ligne par l’Agence de la biomédecine en 2013 portant sur les données 2011. Seuls 25 centres d’AMP ont effectivement pratiqué le don d’ovocyte en France en 2011, 1 118 transferts ont été réalisés et 179 accouchements obtenus (16 % / tentatives). Le tableau 1 détaille l’évolution de l’activité don d’ovocyte en France de 2008 à 2011. Les résultats européens 2010 présenté lors du congrès de l’ESHRE (European Society of Human Reproduction and Embryology) en 2013 font état d’un taux moyen de grossesse par transfert de 42 % contre 30 % Tableau 1 - Évolution du don d’ovocyte en France de 2008 à 2011 (rapport 2013 de l’Agence de la biomédecine) 194 gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page195 INSUFFISANCE OVARIENNE PRÉMATURÉE ET DÉSIR D’ENFANT en France avec embryon frais. La relative pénurie de donneuses et l’âge moyen des femmes françaises donnant leurs ovocytes expliquent cette différence de résultats. La loi de bioéthique de 2011 a prévu que les donneuses sans enfant soient acceptées ce qui rajeunirait les donneuses mais le décret d’application manque toujours à l’heure où ces lignes sont écrites. Après des premières publications très enthousiastes, des problèmes propres aux grossesses obtenues après don d’ovocyte se sont progressivement révélés. Les études les plus récentes sur les grossesses après don d’ovocyte concluent toutes à une augmentation des pathologies liées à des problèmes d’immuno-intolérance à ce fœtus totalement étranger [22] et ces grossesses nécessitent une prise en charge adaptée. Les grossesses obtenues chez les femmes atteintes de syndrome de Turner posent en plus des problèmes propres qui se sont progressivement dévoilés avec le développement du don d’ovocyte chez ces femmes. Selon les séries, 5 à 50 % des femmes atteintes de syndrome de Turner ont une malformation cardiovasculaire associée (coarctation de l’aorte, valve aortique bicuspide). Les complications maternelles les plus sévères rapportées dans la littérature sont donc cardiovasculaires : aggravation d’une hypertension artérielle préexistante, dissection aortique pouvant entraîner le décès. La littérature anglo-saxonne fait état d’un risque de dissection aortique fatale de 2 % pendant la grossesse ou en post-partum [23]. Des morts maternelles ont été rapportées (dont 3 en France sur une centaine de grossesses). Des recommandations ont donc été faites aux États-Unis, en France (recommandations pour la pratique clinique (RPC), syndrome de Turner et grossesse [24]) pour définir le bilan cardiovasculaire indispensable chez ces femmes avant le recours au don d’ovocyte, quel que soit le caryotype de la patiente (échographie, IRM cardiaque et aortique, bilan endocrinien, hépatique et rénal). Les RPC françaises contre-indiquent la grossesse en cas d’antécédent d’aorte opérée, de dissection aortique, de dilatation aortique, de coarctation aortique et d’HTA non contrôlée. L’accouchement doit avoir lieu dans un établissement comportant une équipe de cardiologues et une équipe de chirurgie cardiaque. Ces précautions ne mettent pas les patientes à l’abri de complications sévères, ce dont les femmes doivent être informées et conscientes. En raison des risques mortels de ces grossesses, l’adoption doit pour certains être privilégiée [25] et certains centres de don d’ovocyte ont décidé de ne plus prendre en charge ces femmes. 195 gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page196 BELAISCH-ALLART & COLL. V. L’ACCUEIL D’EMBRYON Théoriquement, il ne devrait pas être proposé aux IOP sauf en cas d’infertilité masculine associée, mais la pénurie d’ovocytes en France pousse certains couples vers cette technique. L’accueil d’embryon peut se définir comme une sorte d’adoption prénatale avec, par rapport à l’adoption, pour la femme receveuse, l’opportunité de vivre une grossesse et un accouchement et donc de nouer des liens prénatals avec son enfant et d’être la mère au sens légal du terme puisque, selon la loi française, la femme qui accouche est la mère. Alors que l’on manque de donneuses d’ovocytes, ces embryons congelés disponibles semblent donc une alternative extrêmement séduisante. Bien que les décrets relatifs au don d’embryons (appelé par la loi « accueil d’embryons ») datent de 1999, peu de centres en France se sont lancés dans cette aventure puisque le rapport 2013 de l’Agence de la biomédecine ne recense que 14 centres le pratiquant sur les 21 ayant obtenu l’agrément avec, pour l’année 2011, 83 transferts d’embryons et un taux d’accouchements par transfert de 25,3 %. À l’opposé, aux États-Unis, cette technique s’est développée et un article de Keenan faisait état de 702 transferts d’embryons avec 35,5 % de naissances [26]. L’accueil d’embryon est simple sur le plan technique (transfert d’embryons congelés /décongelés lors d’un cycle substitué) mais soulève de nombreuses questions et certains lui sont de ce fait formellement opposés [27]. En France, ovocytes, spermatozoïdes et embryons sont mis sur le même plan par la loi et soumis aux dogmes de l’anonymat et de la gratuité. Le problème est que, si pour la majorité des médecins cliniciens et (peut-être plus encore) les biologistes, ces embryons sont certes un humain potentiel, mais ne sont en fait que quelques cellules, dans l’imaginaire de certains des couples donneurs cet embryon congelé est le petit frère ou la petite sœur des enfants qu’ils ont déjà et ces couples voudraient, pour l’enfant potentiel qu’ils donnent, une qualité de vie égale à celle qu’ils offrent à leurs enfants [28]. De plus, à l’ère du droit aux origines, quelle pourrait être la réponse si, un jour, un homme ou une femme, issu d’un don d’embryon, venait reprocher aux médecins ou aux parents biologiques la vie qui lui est échue [28] ? Le nombre de couples qui vont au bout de la démarche pour donner leurs embryons est en fait extrêmement restreint. La tendance actuelle aux stimulations de l’ovulation modérées va sans doute progressivement réduire le nombre d’embryons congelés, ce qui mettra peut-être fin à cette alternative et aux interrogations qu’elle soulève ! 196 gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page197 INSUFFISANCE OVARIENNE PRÉMATURÉE ET DÉSIR D’ENFANT VI. LA GREFFE D’OVAIRE En dehors des cas d’ IOP secondaires à un traitement stérilisant où une autoconservation ovarienne a été proposée, quelques cas de grossesses obtenues après une greffe de tissu ovarien ont été rapportés [29, 30] ainsi qu’une courte série de patientes ayant eu des greffes ovariennes entre sœurs jumelles [30]. Là encore, les séries sont trop faibles pour que l’on puisse en tirer des conclusions. VII. ET APRÈS ? L’adoption est trop souvent présentée comme l’ultime solution si tout a échoué. Une autre place, équivalente aux autres alternatives, serait souhaitable, mais on ne peut plus ignorer ses limites actuelles. Il y a de moins en moins d’enfants à adopter en France comme dans le monde, et on ne peut le regretter (progrès et diffusion de la contraception, pilule du lendemain, IVG possible jusqu’à quatorze semaines d’aménorrhée en France, plus tardives à l’étranger…). Plus que toutes autres, les femmes infertiles par IOP se sentent dévalorisées dans leur statut de femme et le médecin doit savoir utiliser les mots adaptés pour en parler. VIII. L’AVENIR Gougeon a récemment évoqué plusieurs pistes pour l’avenir [32] : la possibilité d’induire une activation massive de la réserve ovarienne, par recours à un antagoniste de la somatostatine, puisque cette molécule augmente le nombre de follicules en croissance dans l’ovaire de souris nouveau-né cultivé pendant 15 jours. L’action de cette molécule est actuellement testée in vivo chez le macaque. Une seconde possibilité consisterait à utiliser l’inhibiteur de PTEN (phosphatase and tensin homolog 1) bien que la procédure semble complexe. Si ces molécules s’avéraient efficaces chez la femme, leur action conduirait, 4 à 6 mois après arrêt du traitement, à l’émergence d’un nombre élevé de follicules sélectionnables. Une stimulation de l’ovulation puis une 197 gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page198 BELAISCH-ALLART & COLL. FIV pourraient alors permettre à ces patientes de recouvrer leur fertilité [32]. La présence d’ovogonies dans l’ovaire humain comme l’a rapporté l’équipe de Tilly [33] pourrait constituer un autre espoir, mais l’isolement puis la multiplication in vitro d’« ovogonies », suivie par leur transformation en follicules primordiaux, nécessite une confirmation expérimentale in situ lourde (culture très longue), coûteuse et invasive ce qui rend peu probable sa généralisation [32]. Dans le cas particulier de l’IOP liée à une mutation invalidante du récepteur de la FSH (FSHR), Gougeon propose aussi le recours à la maturation in vitro (MIV), bien qu’actuellement cette technique donne des résultats très modestes. Cette pathologie se traduit par un blocage de la folliculogenèse à un stade plus ou moins précoce, en fonction du degré d’invalidation du FSHR. Les patientes ont des taux circulants de FSH et LH très élevés mais leur réserve ovarienne est, le plus souvent, abondante. Lorsque la mutation est modérément invalidante, des follicules peuvent être observés à l’échographie. Il pourrait être possible de prélever les ovocytes, puis de pratiquer une MIV. IX. LA PRÉVENTION Lorsqu’elle est consécutive à un traitement stérilisant, l’IOP peut être prévenue par une stratégie de préservation de la fertilité, vitrification ovocytaire ou embryonnaire voire congélation de tissu ovarien, cette préservation a même été proposée en cas de syndromes de Turner en mosaïque [34], pour toutes les autres IOP inexpliquées la situation est plus complexe. L’idéal serait bien sûr de reconnaître les femmes à risques d’IOP secondaire (cas familiaux, chirurgies ovariennes répétées, endométriose), de leur conseiller d’avoir des enfants tôt, voire de leur proposer une autoconservation précoce, ovocytaire ou ovarienne avant l’apparition des troubles. À ce jour, il n’existe pas de marqueur prédictif fiable de l’IOP [2]. De plus, lorsque surviennent l’altération des cycles, la montée de la FSH et la chute de l’AMH, le stock folliculaire est déjà compromis et il est très probablement trop tard pour l’autoconservation. Chez 10 à 15 % des patientes atteintes d’IOP, il existe d’autres cas dans la famille ou des antécédents de retards mentaux chez les garçons faisant évoquer une prémutation de l’X fragile. Dans ces cas, une autoconservation ovocytaire peut (doit ?) d’ores et déjà être proposée. Le faible nombre de grossesses rapporté après greffe de tissu ovarien (estimé à une 198 gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page199 INSUFFISANCE OVARIENNE PRÉMATURÉE ET DÉSIR D’ENFANT trentaine dans le monde) ne poussait pas à proposer cette technique aux femmes concernées. Les progrès de la vitrification ovocytaire ont changé les choses comme l’atteste la récente publication de l’équipe de Pellicer sur 1 080 cycles de vitrification ovocytaire, 355 pour préservation dans le cadre de cancers et 725 pour raisons dites non médicales, dont 505 patientes (90,6 %) parce qu’elles souhaitaient repousser leur grossesse. Sur ces 1 080 cycles, 30 femmes sont déjà revenues pour récupérer leurs ovocytes congelés. Le taux cumulatif de grossesses par patiente atteint 70,9 % en prenant en compte les grossesses obtenues après transferts d’embryons frais et celles obtenues après transferts d’embryons congelés (les embryons dits surnuméraires, obtenus après réchauffement des ovocytes et mise en fécondation mais non transférés dans le premier cycle) [35]. CONCLUSION Une meilleure compréhension de la physiopathologie de l’IOP permettra probablement une meilleure prise en charge du désir d’enfant dans les années à venir. Actuellement la seule technique dont l’efficacité est démontrée reste le don d’ovocyte malgré toutes ses difficultés et les risques de ces grossesses. L’idéal serait la prévention mais elle impose de prédire la survenue de l’IOP ce qui à ce jour n’est pas possible sauf dans les cas familiaux où l’autoconservation ovocytaire doit désormais être proposée tout en restant conscient de ses limites. 199 gm_11_Belaisch_Allart_bat3_jm_cngof09 12/11/13 12:49 Page200 BELAISCH-ALLART & COLL. Bibliographie [1] Anasti JN. Premature ovarian failure: an update. Fertil Steril 1998;70:1-15. [2] Christin-Maître S, Braham R. Mécanismes généraux de l’insuffisance ovarienne prématurée et bilan clinique. Gynecol Obstet Fertil 2008;36: 857-61. [3] Belaisch-Allart J, Mayenga JM, Greffenstette I, Mokdad A, Moumin H. : L’insuffisance ovarienne prématurée : quelles alternatives ? Gynecol Obstet Fertil 2008;36:882-5. [4] Shanbhag S, Aucott L, Bhattacharya S, Hamilton MA, McTavish AR. Interventions for 'poor responders’ to controlled ovarian hyperstimulation (COH) in in vitro fertilisation (IVF). Cochrane Database of Systematic Reviews 2007 Jan 24;(1):CD004379. 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