Quoi de neuf du côté de la technologie

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Quoi de neuf du côté de la technologie
Quoi de neuf du côté de la technologie ?
Stephan FAUDEUX, Président du club HD
Lionel DELPLANQUE, Réalisateur, Membre du Conseil d’Administration de l’ARP
Bob BEITCHER, Président de Panavision
Andy QUESTED, BBC, HD Group
Philippe REINAUDO, Directeur Technique du Cinéma Numérique, Eclair Laboratoires
Gérard de BATTISTA, Chef opérateur
Bruno TEZENAS du MONTCEL, Directeur des Etudes et de l’Ingénierie, France 2
Les débats sont animés par Eric FONTAINE, Editeur délégué de Sonovision.
Eric FONTAINE
Lionel Delplanque est l’auteur du long métrage Président. Stephan Faudeux a été rédacteur
d’Ecran total et est l’ex-rédacteur en chef de Sonovision. Il est aujourd’hui directeur du
développement chez Avance rapide. Il s’occupe de la formation. Après avoir débuté comme
monteur, Andy Quested a rejoint il y a cinq ans le service de modernisation de la BBC. Il crée
et met en place les stratégies TVHD. L’objectif est de livrer tous les programmes en HD en
2010. Bob Beitcher vous montrera des images tournées avec la Genesis. L’évolution a été très
rapide depuis deux ans.
Pierre-William GLENN, Auteur-Réalisateur-Producteur
Je vais vous présenter la position de l’ARP sur les nouvelles technologies. A très courte
échéance, nous pouvons penser que 8 à 10 000 salles seront équipées en numérique aux USA.
Il existe un danger évident pour les contenus. Tous n’auront pas forcément les moyens de
s’équiper en projecteurs numériques correspondant aux normes compatibles entre l’Afnor et
le DCI. Le danger principal est que les politiques n’aient pas le courage de défendre
l’exception culturelle. La Genesis a maintenant des performances équivalentes à celles de
l’analogique, même si le 70 millimètres et le 35 millimètres ont la meilleure captation dans la
plupart des cas. Vous allez voir une caméra numérique qui doit logiquement être postproduite en numérique et pour laquelle le retour au 35 millimètres est normalement une
aberration technique.
Les rapports entre cinéma et télévision sont souvent évoqués. Peut-être seront-ils transformés
par l’émergence de cette technologie commune qu’est le numérique. Nous pouvons bien
entendu toujours souhaiter une amélioration des performances des caméras HD, dont la
captation est toujours très inférieure à celle du 35 millimètres. Les Genesis et les Dalsa ont
cependant une captation supérieure ou égale à celle du 35 millimètres. Une trentaine de films
sont actuellement tournés avec une Genesis. Nous pouvons nous interroger sur l’intérêt du
tirage de copies en 35 millimètres à partir des images tournées, d’autant plus que la qualité de
projection est largement supérieure en numérique.
L’éducation au regard est importante. Il est difficile d’apprendre aux spectateurs à regarder les
images. Nous devons nous mettre d’accord sur une terminologie numérique de base. La
compression affecte le résultat à l’écran. Sur les chaînes de télévision, nous avons besoin
d’une régulation. Sans régulation, nous vendons des choses qui n’existent pas ; c’est ce que
font de nombreux fabricants de numérique.
De nombreuses illusions sur le numérique sont maintenant dissipées. Le cinéma bénéficiera
d’une meilleure qualité de la télévision, tout en conservant des exigences esthétiques
largement supérieures. Evitons de subir cette arrivée du numérique. En France, nous
bénéficions actuellement d’une avance technique. Il serait dommage de ne pas conserver cette
avance et ce questionnement sur la technique. Il semble ingrat de parler de technique mais
lorsque nous parlons de technique, nous parlons aussi de politique. Nous avons évidemment
besoin de politique.
Bob BEITCHER
Il y a deux ans, j’ai eu l’honneur de vous présenter la caméra Genesis pour la première fois en
Europe. A l’époque, il s’agissait d’un prototype. En décembre 2004, le premier film à être
tourné avec la Genesis fut Le retour de Superman. Durant neuf mois, huit Genesis furent
utilisées. Une caméra fut juchée 15 mètres au-dessus du sol, et elle fut parfois aspergée d’eau.
Les conditions climatiques étaient très défavorables. Ce fut un véritable test de terrain. Nous
nous sommes très rapidement adaptés. Depuis lors, une trentaine de films ont été tournés avec
la Genesis, sans compter cinq séries télévisées et de très nombreux spots publicitaires. Cette
caméra a déjà servi dans les principales zones de production de cinéma : après les USA, la
France est le deuxième utilisateur avec quatre films. Je salue la capacité d’innovation du
cinéma français.
Notre expérience s’est accrue ces deux dernières années. Nous avons eu de nombreuses
bonnes surprises, ainsi que des déceptions. Une bonne surprise est que la Genesis change
toute la sociologie et toute la culture du tournage. Une cassette permet de tourner durant
cinquante minutes pour un prix très bas. Il est possible de vérifier les images en temps réel sur
un écran HD. L’équipe de tournage et le réalisateur sont bien moins stressés. Le jeu des
acteurs est bien plus fluide. L’accent n’est plus mis sur le fait de couper et d’économiser de la
pellicule ; il est mis sur l’œuvre elle-même. La créativité et la qualité en sont renforcées.
Une déception assez classique concerne la communication entre la production et la postproduction. En outre, l’introduction d’une nouvelle technologie a rencontré une certaine
résistance au changement, y compris au sein de ma propre entreprise. Nous avons dû former
nombre de nos salariés qui avaient toujours travaillé en analogique. Nous avons recruté du
personnel ayant déjà travaillé en numérique. A Panavision, nous avons dû créer une nouvelle
culture de coexistence entre le numérique et l’analogique. L’introduction de ce nouveau
produit a globalement été un succès.
Des images extraites de différents films tournés avec la Genesis sont projetées à l’écran.
Ces images étaient en 4K. Nous remercions notre partenaire Sony. Vous avez pu constater
que, placée entre les mains de cinéastes talentueux, la Genesis permet de tourner de
magnifiques images.
L’important n’est pas la technologie, mais le film. Le public ne vient que pour voir ce dernier.
Il veut que de belles histoires lui soient racontées. Si nous nous focalisons trop sur la
technique, nous perdons de vue le fait que le public veut simplement ressentir des émotions.
L’important n’est ni la HD, ni la VOD, ni les technologies de l’information, ni les téléphones
mobiles : l’important est de se concentrer sur le futur de cet art.
Stephan FAUDEUX
Des informations sont projetées à l’écran.
Le club HD est une association réunissant des réalisateurs, des producteurs, des loueurs et des
prestataires ayant une expérience de la haute définition. Nous échangeons des informations. Je
rappelle qu’en diffusion, une image HD est toujours du 16/9. C’est important. Les cinéastes
ont l’habitude du 16/9, mais les producteurs de télévision ne l’ont plus. La mise en scène et
l’écriture risquent donc d’évoluer.
La HD permet de disposer de son multicanal. La stéréo reste également possible. La définition
est six fois plus importante qu’avec une image standard (SD). Nous avons toujours connu
cette course à une meilleure définition : en 1936, les premières images télévisuelles étaient en
456 lignes. Nous sommes ensuite passés au 819 lignes. La télévision est actuellement
concurrencée par d’autres médias tels que le DVD. La HD est donc pour elle un moyen de se
distinguer.
Il existe deux types de résolution : le 1 080 et le 720. La vitesse de tournage est variable : elle
est de 25 images par seconde en Europe et de 30 images par seconde aux USA et au Japon.
Certaines caméras HD permettent également de tourner en 24 images par seconde. Les images
pourront être tournées davantage en progressif, c’est-à-dire en « style cinéma » par opposition
à l’entrelacé des images télévisuelles classiques.
La HD nécessite à la fois des écrans, des réseaux et des programmes HD, et donc une certaine
volonté. Dans les magasins, certains écrans comportent un autocollant « HD ready ». Ce label
européen émane de l’EICTA et définit une norme minimale. Si votre écran ne comporte pas
cet autocollant, il n’est pas HD. Un écran plat n’est donc pas forcément HD.
La prise HDMI est la prise Peritel du futur. Outre le son et l’image, elle permet de transmettre
des systèmes de protection des contenus. La norme Full HD, de son côté, n’est pas
normalisée. Sa résolution est de 1 080 lignes verticales. Elle est surtout intéressante pour les
écrans de grande taille, c’est-à-dire supérieurs à 42 pouces. Un pouce est égal à
2,54 centimètres.
Les écrans plats sont réputés à faible durée de vie mais ils peuvent fonctionner 60 000 heures,
soit 20 ans avec une utilisation quotidienne de 8 heures. Nous estimons qu’environ 1,5 million
d’écrans HD ready seront vendus en 2006, pour un total d’environ 5 millions d’écrans plats.
Depuis quelques mois, 60 à 70 % des écrans vendus sont HD. Fin 2006, 8 % des foyers
devraient être équipés en HD. La prévision est de 50 % pour 2010. Les premiers prix varient
actuellement autour de mille euros. Panasonic proposera bientôt un écran de 103 pouces pour
100 000 euros. Les nouveaux écrans ont une résolution plus élevée, et permettent donc de
regarder les programmes de plus près. Pour un écran de 40 pouces, la bonne distance est ainsi
de deux mètres.
Les chaînes par satellite ont été les premières à diffuser en HD. Les chaînes câblées comptent
les imiter, mais il existe encore des problèmes techniques et surtout des désaccords entre les
réseaux câblés, les chaînes et les détenteurs de catalogues. La télévision par ADSL ne permet
pas de voir un programme HD en direct, car la bande passante n’est pas suffisante. En
revanche, un programme HD peut être téléchargé pour être visionné plus tard. Je pense que
l’avènement de la HD surviendra grâce à la TNT, mais nous manquons encore de place.
La haute définition est codée à l’aide d’un algorithme. Nous en sommes aujourd’hui au
MPEG 4, qui est déjà utilisé sur les premières chaînes HD par satellite. Aujourd’hui, la TNT
est diffusée en MPEG 2. Le codage en MPEG 4 est prévu sur les chaînes payantes. Nous
devons donc faire modifier le projet de loi si nous voulons disposer de chaînes HD gratuites.
Aujourd’hui, 65 % de la population peut recevoir la TNT. Il nous faut faire accélérer
l’extension de la couverture. La diffusion en analogique sera progressivement arrêtée entre
2008 et 2011 afin de récupérer du spectre de fréquence. Cela nous permettra de recevoir
davantage de chaînes HD.
Le fer de lance du Blu-ray est la Play station 3 de Sony, lancée actuellement aux USA et au
Japon. Elle devrait être disponible en Europe en mars. Elle coûtera environ 500 euros. La
qualité visuelle des jeux est impressionnante. Un lecteur de salon Blu-ray coûte mille dollars,
et un disque coûte entre 30 et 35 dollars. Le codage peut être en MPEG 4 ou en MPEG 2. La
capacité peut aller jusqu’à 100 gigaoctets, contre 4,7 gigaoctets pour un DVD simple face.
Le HD DVD et le DVD Blu-ray ont des formats incompatibles, ce qui risque de perturber
quelque peu le marché. Certains studios ont choisi de travailler dans une seule norme, et
d’autres ont choisi d’adopter les deux. Un lecteur HD DVD est nettement meilleur marché
qu’un lecteur Blu-ray. Certains soutiennent que le HD DVD est plus facile à fabriquer, mais
également plus aisé à pirater. Les adversaires du Blu-ray rétorquent que celui-ci est plus
fragile. Studiocanal a annoncé la sortie des premiers films en HD DVD. Le premier film
européen dans cette norme est Renaissance, qui est un film d’animation.
Les Chinois ont développé leur propre norme de télévision HD. Ils feront sans doute de
même, à terme, pour le cinéma numérique. Ils proposeront des lecteurs de DVD en haute
définition à 100 euros, mais je ne pense pas que ce matériel sera disponible en Europe.
Vous savez que les DVD ont été « craqués » assez rapidement. Il existe maintenant une
protection AACS de deuxième génération, ainsi que le HDCP. Celui-ci est une protection
hardware : en théorie, un film protégé ne pourra pas être copié illégalement. Il ne pourra pas
être lu sur un système si un des composants n’est pas HDCP. Nous verrons dans la pratique si
cette protection s’avère véritablement inviolable.
En Europe, 35 chaînes diffusent en HD, dont TPS et Canal Sat. Cela ne signifie pas que ces
chaînes diffusent uniquement en HD : les programmes HD peuvent très bien ne représenter
qu’une faible proportion des émissions. Pourquoi produire en HD si la diffusion est encore
balbutiante ? L’intérêt est de se constituer un stock : un programme HD peut aussi être
converti en programme standard.
Il existe différentes catégories de HD. Le format doit être adapté au type de production. Un
caméscope HD à 1 200 euros ne servira pas forcément à tourner un long métrage. La Genesis
sera davantage adaptée à une telle tâche.
La HD ne permet pas forcément de réaliser des économies de tournage. Elle révèle le moindre
défaut dans un décor : elle impose donc de soigner davantage cet aspect. Il en est de même
pour le maquillage. Aujourd’hui, sur Canal Plus, Les guignols de l’info ne sont pas tournés en
HD car la matière utilisée pour fabriquer les marionnettes donnerait des images désastreuses.
Eric FONTAINE
Vous pouvez visiter le site www.clubhd.org.
Andy QUESTED
Des informations sont projetées à l’écran.
La fiction est au cœur de l’offre HD de la BBC. Quant au sport, la Coupe du monde de
football a entraîné une multiplication par dix des ventes d’écrans « HD ready » durant les
mois précédant son déroulement.
La BBC ne dispose pas de ressources illimitées et ne peut pas devenir 100 % HD du jour au
lendemain. Nous nous focalisons sur les programmes-phares tels que les séries à succès et les
documentaires animaliers. Ces programmes se vendent dans le monde entier. Les séries
permettent un amortissement de l’investissement initial sur un grand nombre d’épisodes. De
nombreux documentaires et fictions sont encore tournés sur pellicule. Pour la HD, nous nous
focalisons particulièrement sur les programmes où la qualité du son est importante : la
musique classique, les concerts... Nous nous intéressons également au multicanal. Nous
n’avons pas tourné la Coupe du monde de football en 5.1, à la plus grande déception de nos
téléspectateurs. En revanche, pour leur plus grand plaisir, nous avons tourné à Wimbledon en
5.1.
Hier soir, nous avons diffusé pour la première fois une émission en direct intitulée Strictly
come dancing. Je m’excuse pour son faible intérêt culturel auprès des personnes qui l’ont
regardé. Dans ce programme, des célébrités sont accompagnées de danseurs professionnels et
le public vote pour désigner les personnes qui réapparaîtront la semaine suivante. C’est un
grand spectacle, et les images en HD sont très belles.
Certaines émissions sont appelées à devenir des classiques et à attirer autant d’audience dix
ans après leur première diffusion. Pour la télévision, nous ne tournons qu’en 1 920 x 1 080
avec les caméras Viper, Arri D 20 et Genesis. Je pense que la caméra Red appartient à une
nouvelle génération : les caméras servant à tourner en grand format sont appelées à être
utilisées dans l’ensemble des émissions et à ne plus être limitées aux programmes-phares. Les
formats compressés sont menacés d’obsolescence.
Le Super 16 n’est pas de la HD car il faudrait une énorme bande passante pour que les foyers
puissent le visionner. La HDV n’est pas de la HD. Les caméras dont les capteurs sont
inférieurs à un demi-pouce ne donnent pas des images HD. Les caméras tournant en 1 280 x
720 ne sont pas non plus HD, à l’exception de Varicam.
Nous visons la qualité la meilleure. Nous tournons déjà 90 % de nos émissions en progressif à
25 images par seconde. Les images ressemblent à celles de films de cinéma. D’ici trois à cinq
ans, nous devrions atteindre les 100 % et ne plus tourner en entrelacé. A terme, notre but est
de tourner en progressif à 50 images par seconde. Dans le cas des émissions sportives et des
divertissements, l’effet est saisissant. Dans cette optique, nous tentons d’abandonner l’usage
des cassettes aussi rapidement que possible. Nous pensons ne plus en utiliser d’ici cinq ou six
ans. Nos dépenses doivent être consacrées à ce qui apparaît à l’écran, et non pas aux
fournitures et aux processus techniques. Les budgets et les délais sont serrés, et nous devons
nous efforcer de produire des programmes de la manière la plus économique possible.
Bruno TEZENAS du MONTCEL
La HD est également un sujet d’actualité à France Télévisions. Notre approche est, me
semble-t-il, nettement plus pragmatique que celle de la BBC. Nous essayons de placer le
téléspectateur au cœur du problème. Au maximum, 200 000 foyers sont actuellement équipés
de systèmes capables de faire la différence entre la vraie et la fausse HD. Il reste encore
25 millions de foyers non équipés. Nous avons une optique de progressivité. France
Télévisions fournira évidemment des continuités HD au câble, au satellite, à l’ADSL et
probablement à la TNT. Nous y travaillons de manière très volontariste, mais nous savons que
nous pouvons fournir ces continuités HD avant que nos programmes soient tous natifs en HD.
Avant 2010, il est peu probable que la majorité des téléspectateurs soient capables de faire la
différence entre une HD « gonflée » et une HD native. La production en HD est plus
intéressante pour les autres modes de diffusion que pour la télévision. Produire en HD pour
une seule diffusion télévisée en deux ou trois ans ne se justifie que pour le sport. Nous
préférons consacrer nos ressources à la modernisation des modes de diffusion les plus
anciens.
Nous n’avons pas de dogme en matière de format. Nous nous centrons sur la perception par le
téléspectateur. L’exemple le plus criant en est le 5.1. Nous devons formaliser des manières
d’étalonner la dynamique de notre 5.1. Il nous faut savoir ce que les téléspectateurs écoutent
véritablement chez eux. Aujourd’hui, nous sommes à peu près parvenus à régler ce problème
sur la stéréo. Si nous ne parvenons pas à faire de même pour le 5.1, les téléspectateurs seront
désorientés. Prenons le temps de réfléchir, sans non plus perdre de temps.
La numérisation remet chacun face à son métier d’origine, qu’il s’agisse d’une chaîne de
télévision ou d’une salle de cinéma. Nous faisons tous de notre mieux pour qu’une œuvre
rencontre son public. La technologie a tendance à brouiller les limites traditionnelles. Dans la
pratique du métier et dans les technologies employées, les différences entre une chaîne de
télévision et une salle de cinéma deviendront ténues. Lorsque des spectateurs se rassemblent
dans un stade de football pour regarder un match sur grand écran durant la Coupe du monde
de football, ils prouvent que l’envie d’être ensemble pour assister à un événement dépasse
largement la télévision ou le cinéma.
Lionel DELPLANQUE
Nous avons bien compris que de manière générale, la HD est initiée par la télévision. En quoi
est-il intéressant d’aller regarder au cinéma une image qui peut être vue à la télévision ? La
caméra Genesis fournit une image relativement nette. Or ce qui m’intéresse au cinéma, c’est
le flou. Sommes-nous en mesure d’obtenir en HD la qualité de flou d’un Cinémascope
35 millimètres anamorphique ? Ai-je envie de filmer en HD les pores de la peau des
comédiens ? J’ai beaucoup aimé le film d’Alain Resnais projeté hier. J’ai remarqué qu’il avait
utilisé des filtres et des « diffuses » pour interposer un voile poétique entre son support et les
comédiens. Je m’intéresse beaucoup au flou et à chaque fois que j’ai vu des images HD, elles
m’ont semblé très nettes et très brillantes et je ne m’y suis pas totalement reconnu. La HD
n’est susceptible de m’intéresser que si elle me permet d’obtenir les mêmes images qu’avec la
pellicule tout en simplifiant les aspects techniques. Sommes-nous en mesure, en HD, d’avoir
une profondeur de champ nulle ou de seulement trois millimètres ?
Gérard de BATTISTA
Nous pouvons déjà proposer un floutage des images. Il est toujours possible de « casser »
cette définition. La Genesis utilise les mêmes objectifs qu’en 35 millimètres, et la profondeur
de champ est donc identique. Je n’ai pas utilisé la Genesis mais avec la Sony 900, au cours de
mon dernier tournage, nous avons travaillé le plus près possible de la pleine ouverture pour
obtenir le peu de profondeur de champ qui sort les acteurs du décor.
Quant aux diffusions, les filtres utilisés en 35 millimètres peuvent également servir en HD.
Nous pouvons en outre y travailler durant la post-production. Nous obtenons très facilement
une image semblable au 35 millimètres en termes de point, d’angle et de profondeur de
champ.
Lionel DELPLANQUE
Personnellement, je ne vois pas la même chose en HD qu’en 35 millimètres. Ce n’est pas la
même image. Je pense par exemple aux brillances.
Gérard de BATTISTA
Il faudrait examiner une image demandée par soi-même. Vous avez surtout vu les images des
autres.
Lionel DELPLANQUE
Oui.
Gérard de BATTISTA
La tâche du directeur photo est de répondre aux desiderata du réalisateur. Les images de sport
ou de documentaire sont évidemment différentes.
Lionel DELPLANQUE
J’aimerais en effet demander une image pour pouvoir établir des comparaisons.
Gérard de BATTISTA
Une grande partie du grain vu en projection de film provient de la projection elle-même.
Lorsqu’un film tourné en HD est transféré en 35 millimètres, le shoot sur un internégatif et le
tirage des copies ramènent de la photographie chimique. En revanche, un film tourné et
projeté en HD est dénué de ce grain.
Lionel DELPLANQUE
Est-il possible d’en obtenir ?
Gérard de BATTISTA
Du grain peut être amené en post-production. C’est pratiquement une question d’éducation de
l’œil. Un public jeune qui a toujours regardé des images numériques ne se posera jamais les
mêmes questions que nous.
Lionel DELPLANQUE
Nous tournons des films pour un public de plus en plus jeune.
Gérard de BATTISTA
Nous tournons surtout des films pour un grand écran. Tourner en HD pour un grand écran
n’est pas la même chose que tourner sur pellicule pour un petit écran. Les spectateurs se
rendent dans une salle pour assister à un spectacle. Ils ont envie de communier. Lorsque des
spectateurs se rassemblent dans un stade de football vide de joueurs pour regarder un match
sur grand écran, c’est un phénomène très intéressant. Le spectacle est plus important que tout.
Lionel DELPLANQUE
J’ai entendu dire que le tournage en HD était une véritable usine à gaz.
Gérard de BATTISTA
Ce n’est le cas que si le réalisateur le souhaite. Ce n’est pas la prise de vue qui est une usine à
gaz. Cela peut être le cas pour le contrôle de la prise de vue. La caméra est dépourvue de
câble et capture des images qui pourront être regardées plus tard. L’usine à gaz a commencé à
exister lorsque nous avons voulu mettre des combos sur des caméras pour film.
Ma liste de matériel s’est allégée ces dernières années. Des progrès ont été enregistrés dans la
transmission des images, qui peut maintenant être en HF. Nous pouvons également tourner
sans ajout technique : pour un documentaire, la caméra pèse de huit à dix kilogrammes et est
autonome durant cinquante minutes.
Lionel DELPLANQUE
Je partage votre enthousiasme pour le documentaire. C’est pour la fiction que je m’interroge.
Gérard de BATTISTA
Certains réalisateurs sont ravis de pouvoir tourner sans interruption durant cinquante minutes.
Lionel DELPLANQUE
Il n’existe plus de clap.
Gérard de BATTISTA
C’est un autre problème. Durant les tournages auxquels j’ai participé, nous ne sommes jamais
parvenus à avoir deux caméras avec des codes qui ne glissent pas. Nous sommes obligés de
faire un clap dès que plusieurs caméras sont utilisées. Le clap est aussi un problème d’acteur.
Certains comédiens sont gênés par les claps de fin. Nous faisons même de faux claps, car cela
aide certains acteurs.
Philippe REINAUDO
Les nouvelles caméras numériques (la Genesis, la D20 et probablement la Dalsa) sont
équipées d’un capteur de la taille d’un photogramme 35 millimètres. Les mêmes optiques
peuvent donc être installées, ce qui donne la même profondeur de champ. Il ne s’agit pas là de
caméras HD classiques. Comme ces caméras ont une très grande latitude en termes
d’exposition, le rôle de la post-production devient véritablement crucial. Avec une caméra
HD classique, la cassette du tournage s’apparente à un positif. Sur les nouvelles caméras
numériques, y compris la 900 de Sony avec certains réglages, le contraste est très bas et
l’image capture donc bien plus d’informations que nous n’en avions l’habitude. L’image
finale sera donc fabriquée en post-production. Sur un tournage actuel en Viper; nous obtenons
donc une image très proche de celle du 35 millimètres, même si l’image brute peut donner des
frayeurs. Distinguons la caméra HD destinée à une diffusion télévisée et les caméras
spécifiques utilisées pour un retour sur film.
Angelo COSIMANO, Directeur commercial, Digimage
Qu’est-ce que la captation numérique peut nous permettre de faire et qui était impossible
jusqu’à présent ? La grande tendance du numérique est de rejoindre la qualité du
35 millimètres. Je pense que la démonstration en est faite. Que peuvent apporter ces outils
pour faire beaucoup mieux ou autrement ? Dans les images de démonstration de la Genesis,
nous avons vu des images semblables au 35 millimètres, ainsi que d’autres images qui
apportaient quelque chose de plus. Ce schéma de réflexion n’est pas encore assez exploré. Le
numérique peut peut-être apporter aux créateurs des possibilités de raconter des histoires
d’une autre façon.
La HD permet surtout de regarder des programmes chez soi sur des écrans bien plus grands.
Le rapport à l’image en sera bouleversé. Lorsque vous regardez la télévision aujourd’hui sur
un écran de 55 centimètres, vous êtes bien plus grand que l’image. Au cinéma, le rapport à
l’image est bien plus intéressant. Au départ, la HD est le fruit d’une guerre industrielle visant
à vendre un nouveau produit à des millions de consommateurs : la HD n’a pas été voulue par
les diffuseurs, mais par les fabricants de téléviseurs. L’écran de 42 pouces deviendra
l’équipement de Monsieur Tout-le-monde. Certains industriels se demandent même s’il est
possible de fabriquer des écrans de 60 à 70 pouces à un prix raisonnable. Dans son salon, le
rapport physique du spectateur aux histoires ne sera plus du tout le même. Avec un plan
américain classique diffusé en HD sur un écran de 139 centimètres, vous vous retrouvez face
à un personnage de votre taille. Cela n’était jusqu’ici jamais arrivé : actuellement, le
spectateur est beaucoup plus grand que les personnages de télévision et bien plus petit que
ceux vus au cinéma. Les gros plans utilisés à la télévision pour être proche d’un personnage
ne donneront plus le même effet. Il faudra inventer une autre manière de mettre en scène.
Nous aurons des problèmes de coût car les décors ne seront plus les mêmes.
Aux USA, la diffusion en HD existe depuis cinq ans. Regardez bien les valeurs de cadre et les
décors : cela n’a rien à voir avec nos habitudes de travail. C’est une problématique à intégrer
dans les budgets de télévision et dans l’écriture des programmes.
Jérôme DIAMANT-BERGER, Auteur-Réalisateur-Producteur
Quid des basses lumières en HD ? Faut-il éclairer moins ou davantage ?
Un des gros avantages de la HD est le traitement des effets spéciaux. Les incrustations sont
aisées à opérer. En France, existe-t-il des sociétés de post-production travaillant sur les effets
spéciaux en HD ?
Gérard de BATTISTA
Astérix est actuellement tourné avec la Genesis. Les effets spéciaux sont nombreux. Un
tournage en HD permet d’ajouter des effets spéciaux sans travail préalable de transfert. C’est
un gros avantage. Les effets spéciaux sont davantage du domaine de la post-production que de
la prise de vues. L’image n’est pas fabriquée sur le tournage. Sur un tel tournage, la société de
post-production envoie toujours un conseiller technique.
Les caméras numériques n’ont pas une sensibilité supérieure à la pellicule. Leur réponse dans
les basses lumières est différente. Le « plan du briquet » projeté tout à l’heure à l’écran m’a
beaucoup intéressé. Un signal très plat a probablement été enregistré. L’actrice est
véritablement éclairée par son briquet, et la flamme n’est pas exagérément surexposée. C’est
magnifique. Dans un tel cas de figure, nous n’avons pas besoin de rééclairer si le plan est
tourné en numérique. Cela n’est pas forcément le cas avec une pellicule.
Un tournage en numérique oblige à recourir à une post-production en numérique, ce qui
n’était pas forcément toujours le cas jusqu’ici. Les directeurs photo doivent avoir encore
davantage à l’esprit que l’image qu’ils signent est l’image projetée, et non pas l’image
tournée lors de la prise de vues. Nous ne nous contentons pas de fabriquer un négatif. Le
travail du directeur photo ne s’achève que lors de l’exploitation en salle.
Le tournage en numérique permet de moins travailler certains plans qu’avec le 35 millimètres.
Dans certains cas, nous savons que la post-production pourra se charger d’une partie de la
tâche. Un exemple classique est un plan qui passe de l’extérieur à l’intérieur : il débute en
lumière naturelle et s’achève en lumière artificielle. En 35 millimètres, nous pourrions être
obligés de gélatiner ou de changer les lampes. Avec le numérique, nous pouvons passer
graduellement d’une dominante à l’autre grâce à la post-production. Sur le tournage, cela
constitue un avantage énorme.
Bob BEITCHER
Je reviens sur les images que nous venons de projeter qui sont extraites d’Apocalypto de Mel
Gibson. Nombre de ces images ont été tournées avec un shutter à 360° et deux stops of gain.
Le degré d’exposition est supérieur à 1 000. Cela aurait été impossible en 35 millimètres.
Certaines images ont été filmées dans une forêt tropicale très dense, dans une quasipénombre, à la lumière des torches. Le numérique offre des avantages incomparables en basse
lumière. L’intérêt de cette nouvelle technologie est de permettre l’exploration de voies
nouvelles pour renforcer l’art cinématographique.
Andy QUESTED
Nous utilisons de plus en plus souvent des effets spéciaux pour effacer de l’image les poteaux
téléphoniques, les bâtiments et les antennes de télévision.
Eric FONTAINE
De nombreuses sociétés de production travaillent dans les effets spéciaux.
Philippe REINAUDO
Panavision indique que la Genesis est particulièrement adaptée aux effets spéciaux. Ne
confondons pas les différentes qualités de HD. La plupart des magnétoscopes utilisés sur les
tournages, particulièrement sur la HDCAM 900, compressent fortement le signal. Certains
effets spéciaux sont donc rendus difficiles : un fond vert devient par exemple malaisé à
extraire. Sur la Genesis, les optiques sont probablement de très bonne qualité mais
l’enregistreur est en HDCAM-SR et non en HDCAM, et il est en rouge-vert-bleu et non en
matrice C vidéo. C’est le signal le plus noble possible, même s’il est légèrement compressé.
La société de post-production doit prendre en compte tous les paramètres : la caméra,
l’enregistreur et la méthode de post-production.
Jean-Jacques BOUHON, Président de l’AFC (Association Française des Directeurs
Photo)
A mes yeux, opposer le numérique au 35 millimètres est un faux débat. Il s’agit d’un choix
esthétique à effectuer par le réalisateur et par le directeur photo. Je ne pense pas que la HD
soit meilleure que le 35 millimètres, ni l’inverse. Ce sont deux éléments différents, de même
qu’un peintre utilise de l’huile ou de l’acrylique.
Les luts nous permettent d’afficher une image, surtout à partir d’une caméra enregistrant un
signal à l’apparence déroutante sur l’écran de contrôle. La Viper donne par exemple des
images vertes. Ces luts se retrouvent ensuite en post-production. Un travail important est à
fournir pour que l’image vue en projection durant le tournage sur un écran de contrôle ou
durant l’étalonnage corresponde à l’image finale.
La différence entre projection numérique et projection en 35 millimètres représente également
un choix esthétique. De nombreuses salles ne sont cependant pas équipées en projection
numérique. Ce choix va se restreindre car le tournage en numérique va se généraliser ces dix
prochaines années.
Si vous tournez avec une caméra Sony 750 ou 900 et que vous n’enregistrez que sur la bande,
le résultat n’est pas extraordinaire. L’avenir est aux caméras numériques de cinéma telles que
la Genesis, la Dalsa et la D20. La Red reste pour l’instant un point d’interrogation. Je ne
pense pas que le 16/9 entraîne l’apparition de nouvelles manières de tourner. La différence
entre le 85 et le 77 est minime.
Le travail de l’image ne s’arrête pas au tournage. Le directeur photo doit rester présent
jusqu’à la fin de la chaîne car il est le seul à avoir travaillé sur le tournage et à connaître les
intentions du réalisateur.
Stephan FAUDEUX
En ce qui concerne le 16/9, je pensais essentiellement à certains programmes de télévision tels
que les documentaires ou le sport. Les réalisateurs travaillant sur le Tour de France ou sur le
football m’ont déclaré que le cadrage et la réalisation étaient différents. Pour un match de
football, un tournage en 16/9 nécessite moins de caméras.
Jean-Jacques BOUHON, Président de l’AFC (Association Française des Directeurs
Photo)
Pour la fiction, cela ne change pas grand chose. J’ai été déçu par les déclarations de France
Télévisions, qui reste en retrait par rapport à la BBC. Je pense qu’il est important de tourner
maintenant en HD pour la télévision, ne serait-ce que pour les archives.
Bruno TEZENAS du MONTCEL
Il n’est pas question de nous priver de nos futures archives. Nous restons simplement
pragmatiques. Ne comptez pas sur les chaînes de télévision pour financer l’intégralité de la
production française de HD : aujourd’hui, les téléspectateurs n’en ont pas encore besoin.
Comme la BBC, nous avons 2010 pour horizon. D’ici là, de nombreuses évolutions
interviendront tant pour les formats HD que sur les canaux de diffusion. La HD sera-t-elle à 6,
à 8 ou à 11 mégabits ? Nous ne le savons pas à l’heure actuelle. Souvenons-nous tous de
France Super Vision.
Radu MIHAILEANU
Comment une caméra HD réagit-elle en milieu très humide ?
Bob BEITCHER
Apocalypto, de Mel Gibson, en est le meilleur exemple. Le tournage a duré six mois, par une
température de 35 ° C et par 98 % d’humidité. Les cinq ou six caméras n’en ont pas souffert.
Gérard de BATTISTA
J’ai tourné en hiver à Paris en extérieur. Nous sommes ensuite entrés dans l’Aquaboulevard
en milieu de journée. Durant une demi-heure, les caméras n’ont pas fonctionné mais il est vrai
que le choc thermique était très important. Nous avons ouvert les caméras durant leur temps
d’adaptation. Les images tournées par la suite n’ont pas été affectées. Ce sont davantage les
optiques que la caméra qui ont souffert du choc thermique.
J’ai tourné sous une très forte chaleur avec des caméras 750 au Maroc en juillet 2005. Cela
s’est très bien passé. Etrangement, nous avons beaucoup moins de problèmes en numérique
qu’en 35 millimètres (rayures, poils...).
Radu MIHAILEANU
Quelle est la différence dans la conception de l’éclairage ?
Gérard de BATTISTA
La conception de l’éclairage reste la même. Les listes électriques sont similaires. Lorsque
nous tournons en studio en HD, la démarche est identique. Seule la consommation électrique
est légèrement réduite.
Il existe une différence dans les environnements exceptionnels, comme par exemple en basse
lumière (lampe à pétrole, bougie...). En plein soleil, en HD, nous avons un peu plus besoin de
compenser les problèmes de très haute lumière.
Radu MIHAILEANU
As-tu déjà filmé de la haute lumière et de la très basse lumière dans le même cadre ?
Gérard de BATTISTA
Cela se règle avec les nouvelles courbes. Je parle toujours de la 900. Nous savons très bien
qu’il faut sauvegarder les hautes lumières : en 35 millimètres, nous avons tendance à ouvrir en
cas de doute sur un diaphragme, et c’est l’inverse en numérique. Il faut être très vigilant et
bien observer les écrans de contrôle et l’oscilloscope.
Demandez aux réalisateurs quelles différences ils perçoivent. Pouvoir tourner 50 minutes
d’affilée représente un avantage important. Il s’agit pratiquement de la différence principale
sur un tournage de fiction.
Radu MIHAILEANU
Je viens de tourner un documentaire en HDV. Or des trucages très simples posent de grandes
difficultés en post-production. Celle-ci ne dispose pas de machine permettant de piloter les
trucages (tels que le zoom) opérés au montage. Nous devons refaire les trucages
manuellement.
Philippe REINAUDO
Ce n’est pas un problème causé par la HD ou par la HDV. Les éditeurs de logiciels de
montage (Apple, Avid...) et les fabricants de machines de finishing ne collaborent pas sur le
plan technique. L’échange de fichiers et de métadonnées n’est pas encore possible, même si
les prospectus publicitaires promettent le contraire.
Radu MIHAILEANU
Des caméras légères sont-elles disponibles ? Au sujet du Blu-ray et du HD DVD, nous
sommes incités à acheter un lecteur supplémentaire alors que le DVD disparaîtra peut-être
dans quelques années.
Stephan FAUDEUX
Il est urgent d’attendre en matière de lecteurs de DVD. Le DVD SD tend effectivement à être
supplanté par la VOD, car le problème de disponibilité au vidéoclub du quartier ne se pose
plus. La VOD en HD n’a pas le niveau de qualité des supports en Blu-ray ou en HD DVD. A
terme, il est possible qu’apparaissent des disques lisibles sur les deux machines. Une société
anglaise travaille sur un tel brevet. Laissons le marché se structurer.
Bob BEITCHER
Je vous invite à tester vous-mêmes le Blu-ray et le HD DVD afin de déterminer si la qualité
obtenue justifie votre investissement. Vous ne les trouverez peut-être pas remarquablement
différents.
Nous travaillons actuellement à la conception d’une caméra légère. L’enregistreur ne sera plus
un magnétoscope. Ce dernier type d’appareil est en effet fort lourd. Nous travaillons sur des
optiques peut-être plus légères et plus petites. Elles seront peut-être légèrement plus lentes,
mais la plus grande latitude et la meilleure sensibilité des capteurs devraient pallier cet aspect.
L’ensemble du système est à considérer.
Jean-Jacques BOUHON, Président de l’AFC (Association Française des Directeurs
Photo)
L’avenir n’est plus à l’enregistrement sur bandes. D’autres supports tels que des mémoires
vives à très grande capacité seront utilisés. La caméra Red sera de petite dimension, mais nous
ne savons pas sur quel support elle enregistrera. Il semble que des images ont été récemment
montrées, mais personne n’a encore vu cette caméra fonctionner.
Radu a évoqué le choix entre le Blu-ray et le HD DVD. L’arrivée du numérique n’est pas
forcément liée à un progrès technologique. Elle est le fruit de la décision de grands groupes
financiers. A l’heure actuelle, vous pouvez encore tourner avec une caméra 35 millimètres d’il
y a quarante ans. Essayez de tourner avec une caméra vidéo d’il y a seulement cinq ou six ans,
dont le format n’existe plus... Le numérique oblige à un renouvellement plus rapide du
matériel. Cela concerne tant les consommateurs que les prestataires de services. Ceux-ci, avec
l’ensemble de la chaîne de production, sont condamnés à une fuite en avant dans leurs
investissements.
Laurent HEBERT, Délégué général, CST
Je souhaite revenir sur la question des normes et des protocoles, qui se pose à peu près à tous
les maillons de la chaîne de production. Cette question est capitale pour les films et la
créativité des films. A l’inverse du 35 millimètres, nous manquons parfois de normes et de
références. A la CST, des groupes de travail réfléchissent aux protocoles pour la captation, le
laboratoire et la post-production. Comme l’indiquait Pierre-William Glenn, les langages sont
parfois différents. Cela constitue pour la profession un immense chantier. Il est très important
de progresser dans ce domaine.
Andy QUESTED
Les normes représentent en effet un point fondamental. Jusqu’à présent, les sociétés Sony,
Panavision et Thomson n’avaient pas besoin de dialoguer entre elles. Les producteurs actuels
de caméras numériques ne veulent pas que les fabricants d’électroménager entrent sur le
marché. Ils veulent travailler avec les professionnels de l’image. Il leur revient donc
d’élaborer des standards. La télévision et le cinéma avaient pour standard le 35 millimètres.
Un tel standard fait actuellement défaut, ce qui pose également des problèmes d’archivage
De la salle
Vous évoquez tous une fuite en avant de la technique. Je me demande parfois si la forme ne
va pas tuer le fond. Un film, c’est une histoire qui est racontée. Le matériel doit être au service
des metteurs en scène et des spectateurs. Lionel Delplanque s’est inquiété de la possibilité
d’obtenir des images floues. Sa remarque me semble très pertinente. Les jeunes sont captivés
par la technologie et veulent des images de plus en plus claires et brillantes. Je me demande si
le cinéma, en répondant à cette attente, ne va pas leur donner une image tronquée de la réalité.
Cette reconstruction est trop nette. Je me demande si cela ne nuit pas au travail de réflexion.
Le monde n’est ni tout blanc, ni tout noir. Il a besoin d’ombres et de reflets. Je m’appelle
Elisabeth est un film magnifique car il joue très bien sur les effets d’ombre et de lumière,
ainsi que sur les flous pour évoquer un univers onirique.
Philippe REINAUDO
Ne confondons pas la technologie et la narration. Nous ne sommes que de pauvres
techniciens. Une évolution technique en cours depuis quinze ans n’a jamais été évoquée. Il y a
quinze ans, la pellicule appréciée de tous était très contrastée et granuleuse. Les pellicules
actuelles ont une bien meilleure définition. Cette évolution des pellicules est comparable à
celle du numérique. La résolution a été multipliée par deux, et la granularité divisée par trois
ou quatre. Cela n’a pas changé la manière d’écrire des films ou de raconter des histoires. La
technologie est au service de la narration. Nous comparons sans cesse le numérique et le
35 millimètres car nous cherchons à nous rapprocher de l’élément le plus noble, qui est
actuellement le négatif 35 millimètres. L’évolution des technologies est permanente, et elle ne
se limite pas à l’émergence du numérique.
Jean-Michel CARRE, Auteur-Réalisateur-Producteur, Les films Grain de sable
Je suis plutôt documentariste. Nous sommes parfois amenés à produire des films imprécis.
Les industriels ont réussi à imposer les écrans plats et la HD. Comme le disait Godard, il faut
baisser les yeux pour regarder la télévision et les lever pour voir un film au cinéma. Plus la
taille des écrans va augmenter, et plus nous serons obligés de surélever le poste de télévision.
Nous devrons peut-être lever les yeux pour regarder la télévision. Cela n’est pas forcément
négatif.
Le choix opéré par la BBC m’inquiète. Son choix du haut de gamme technique sera fort
coûteux, et il sera donc nécessaire d’investir dans les programmes qui rapportent le plus : le
sport, les séries, les documentaires animaliers, les divertissements assez bêtes... Je préfère que
les investissements soient davantage consacrés aux contenus qu’à la technique. Les
technologies ne sont jamais neutres politiquement. Godard disait : « Un travelling, c’est
politique ». Nous voulons bien sûr de meilleures images, mais je vous rappelle que les films
tournés en 16 millimètres dans les années 70 attiraient des centaines de milliers de
spectateurs. Dans les années 50, les films en noir et blanc étaient si forts et si bien écrits que
nous avons toujours envie de les voir. N’oublions jamais que les technologies ont une
incidence politique.
Andy QUESTED
Nous avons investi 22 millions d’euros dans une série. Nous n’aurions pas pu le faire sans la
participation de la NHK et de Discovery Channel et sans les ventes de BBC Worldwide. Or
nos partenaires exigeaient un tournage en HD. La plupart des fictions produites en HD par la
BBC proviennent de la production indépendante. Nous achetons des licences.
Pour tirer parti du marché de la vidéo et vendre leurs programmes aux diffuseurs du monde
entier, les producteurs indépendants décident eux-mêmes de tourner en HD. Ce n’est pas la
BBC qui le leur demande. Ils préparent l’avenir.
Les coûts de production de la fiction augmentent de 1 à 2 %. Pour le sport, la croissance est de
25 %. Les programmes à forte audience produits en HD nous coûtent fort cher. Les autres
programmes ne nous coûtent pas si cher. Cette tendance va se poursuivre.
Denis FREYD
Nous avons vécu une période extraordinaire durant laquelle le 35 millimètres représentait la
norme unique. Dans l’avenir, les salles seront entièrement équipées en numérique. Comment
le patrimoine mondial cinématographique sera-t-il visible sur grand écran ? Aujourd’hui, des
cinémathèques, des universités et des salles d’art et d’essai montrent ce patrimoine. Il est
important que le public puisse le découvrir sur grand écran. Or il n’est pas évident de
mastériser en HD l’ensemble de ce patrimoine mondial. Je voudrais savoir si les grands
groupes industriels qui poussent à cette évolution vont participer à ce travail d’intérêt
collectif, ou s’il restera uniquement à la charge des pouvoirs publics.
Bruno TEZENAS du MONTCEL
Le service public, en France, s’occupe un peu de patrimoine audiovisuel. Ce rôle est joué par
l’INA. Du fait de l’arrivée du numérique, l’INA doit changer ses technologies de sauvegarde
du patrimoine audiovisuel. Un certain nombre d’années de programmes ont été numérisées
dans un premier temps, mais les formats de cassette ont dû être changés du fait de leur
obsolescence. Un transfert sur de nouvelles cassettes a donc dû être opéré. La troisième
génération de numérique arrive actuellement, et il semble que les changements sont tellement
rapides que le temps ne sera jamais suffisant pour que le stock soit à un format actualisé.
Nous pouvons un jour espérer recourir à des disques durs à très haute capacité, mais nous
sommes maintenant dans l’expectative. Il y a quinze ans, les Américains s’intéressaient déjà à
la question du master numérique universel...
Angelo COSIMANO, Directeur commercial, Digimage
Nous devons d’abord réfléchir au schéma de conservation. Nous savons que les supports
évolueront et que nous devrons forcément les recopier un jour pour conserver les contenus.
Réfléchissons à un schéma conçu pour plusieurs décennies, ainsi qu’à son financement. Il faut
être certain que dans cent ans, nous aurons encore accès au patrimoine.
Bob BEITCHER
Il est en effet primordial de déterminer des normes d’archivage pour un accès futur. A mes
yeux, il est cependant encore bien plus important de préserver le patrimoine
cinématographique actuel, qui est terriblement négligé dans bien des pays. Nous risquons de
perdre des chefs-d’œuvre en l’absence de soutien économique et culturel à la préservation des
films.

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