Droit, Santé, Tauromachie

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Droit, Santé, Tauromachie
CENTRE EUROPEEN D’ETUDES ET DE RECHERCHE DROIT ET SANTE UNIVERSITE MONTPELLIER I FACULTE DE DROIT Droit, Santé, Tauromachie Mémoire pour le Master II Droit des Etablissements de santé sanitaires, sociaux et médico-­
sociaux Dirigé par Monsieur F. VIALLA Rédigé et soutenu par Mademoiselle Chloé BAVILLE Sous la direction de Monsieur F.VIALLA Année universitaire 2009-­2010 CENTRE EUROPEEN D’ETUDES ET DE RECHERCHE DROIT ET SANTE UNIVERSITE MONTPELLIER I FACULTE DE DROIT Droit, Santé, Tauromachie Mémoire pour le Master II Droit des Etablissements de santé sanitaires, sociaux et médico-­
sociaux Dirigé par Monsieur F. VIALLA Rédigé et soutenu par Mademoiselle Chloé BAVILLE Sous la direction de Monsieur F.VIALLA Année universitaire 2009-­2010 « L’université n’entend donner aucune approbation, ni improbation au contenu des mémoires. Les opinions émises doivent être considérées comme propres à leur auteur » Remerciements
Je tiens à présenter mes sincères remerciements à :
- Monsieur François VIALLA, en sa qualité de professeur et directeur du master II Droit des
Etablissements de santé sanitaires, sociaux et médico-sociaux, pour son aide dans la
recherche et l’élaboration de ce devoir,
Et à :
- Monsieur le docteur Jean Yves BAUCHU, chirurgien dans les arènes de Nîmes, pour son
écoute, sa disponibilité et son aide dans ma recherche
- Monsieur Denis LORE, ancien matador de taureaux, pour son attention portée à cette étude,
pour me faire l’honneur d’en faire la préface,
- Monsieur Daniel Jean VALADE, adjoint au Maire, délégué à la culture et à la tauromachie
à Nîmes, pour ses précieux conseils et sa patience,
- Toutes les personnes rencontrées, aficionados qui ont su me transmettre leur passion.
Préface
C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu le Mémoire de Master II "Droit,Santé,
tauromachie".
Comme Matador de toros, je me réjouis que ce soit sous les auspices de la Faculté de
Droit de l'Université de Montpellier, via ce mémoire dirigé par Monsieur le Professeur Vialla
(qui est aficionado !) que cette réflexion soit engagée.
Ce travail fait le point – et des propositions – en un domaine fondamental pour les
toreros.
Il est justement abordé la question en la situant en comparaison entre les pays où
s'exerce la corrida tout en ciblant particulièrement la France.
La corrida y est légale.
Tous les métiers de la Tauromachie s'y développent, y compris celui, fondamental,
d'éleveur de taureaux.
Est établi un état des lieux précis qui montre combien notre pays a su très positivement
évoluer en la matière, notamment grâce à l'action des aficionados que l'on rencontre en toutes
professions et à tous les niveaux de responsabilités, notamment administratives.
La "radiographie" précise et argumentée proposée éclaire chacun et constitue une vraie
base pour les avancées tant techniques, administratives et humaines qui sont encore à faire.
Je suis heureux d'avoir eu la primeur de ce travail, et félicite chaleureusement
Mademoiselle Chloé Baville pour sa qualité.
Denis Loré
Denis Loré,Né à Nîmes en 1968,Matador de Taureaux
Première novillada non piquée le 20 Juillet 1985 à Saint Laurent d'Aigouze, France. Taureaux de la ganaderia du
Laget. Première novillada piquée le 27 Septembre 1987 à Nîmes. Taureaux de Bernardino Gimenez. Alternative
: le 2 Juin 1990 à Nîmes. Taureaux de José Luis Marca ; Parrain : Emilio Muñoz ; Témoin : Fernando Lozano.
Denis Loré a notamment toréé à Madrid, Séville, Mexico.
Il a mis un terme à sa carrière le 16 Septembre 2006 à Nîmes .D'une maîtrise technique parfaite, au service d'un
rare courage, Denis Loré est reconnu pour sa rigueur et son engagement sans faille face à des adversaires qui
illustrent ce qu'est, vraiment, le taureau de combat
SOMMAIRE
INTRODUCTION : ................................................................................................................... 1
PARTIE I : PROTECTION ET PREVENTION DE LA SANTE DU PROFESSIONNEL
DE LA TAUROMACHIE ..................................................................................................... 9
TITRE I : la protection du professionnel de la tauromachie au plus près du danger......... 9
Chapitre I : des mécanismes de protection sociale particuliers...................................... 9
Chapitre II : la cornada un accident du travail ? .......................................................... 18
TITRE II : la place du professionnel dans la prise en charge de sa propre santé............. 24
Chapitre I : une hygiène de vie semblable à celle d’un sportif de haut niveau............ 24
Chapitre II : le torero comme acteur de sa propre santé : une notion à nuancer.......... 29
PARTIE II : UN ENCADREMENT HUMAIN ET MATERIEL DE LA COURSE .......... 34
TITRE I : l’infirmerie : une organisation insolite au cœur des arènes............................. 34
Chapitre I : l’évolution des exigences d’équipement................................................... 34
Chapitre II : des exigences qui diffèrent en fonction de la place et de la catégorie
d’arène.......................................................................................................................... 43
TITRE II : une équipe médicale pluridisciplinaire dans le callejon................................. 47
Chapitre I : historique et situation actuelle .................................................................. 48
Chapitre II : la difficulté d’assurer la pratique de la médecine dans le cadre particulier
de la corrida.................................................................................................................. 51
PARTIE III : LA REALISATION DU RISQUE : LES CONSEQUENCES DE
L’ACCIDENT REDOUTE .................................................................................................. 60
TITRE I : la gestion de l’accident sur la piste.................................................................. 60
Chapitre I : un ensemble d’acteur au service de la santé du torero.............................. 60
Chapitre II : un patient original au centre du dispositif ?............................................ 67
TITRE II : conséquences de la gestion de l’accident : analyse des notions de
responsabilité ................................................................................................................... 70
Chapitre I : analyse des notions de responsabilité de l’équipe médicale ..................... 71
Chapitre II : le cas particulier l’engagement de la responsabilité pour violation du
secret médical............................................................................................................... 75
CONCLUSION :...................................................................................................................... 78
GLOSSAIRE............................................................................................................................ 80
ANNEXES ............................................................................................................................... 82
Annexe 1 : le règlement taurin municipal ........................................................................ 82
Annexe 2 : la cornada de Gil Belmonte du 14 juillet 1998.............................................. 85
Annexe 3 : contrat de travail entre l’organisateur de la corrida et le torero.................... 88
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 89
TABLE DES MATIERES ....................................................................................................... 93
INTRODUCTION :
« Le torero est un acteur auquel il arrive des choses réelles1 ».
Le torero est une figure particulière empreinte de mythe, de tradition, qui prend place et
s’exprime dans l’arène.
Francisco RIVERA « Paquirri »
Né le 5 mars 1948 à Zahara de los Atunes (Cadix)
Alternative2 le 11 août 1966 à Barcelone
Reçut une cornada3 dans la cuisse gauche avec de graves lésions aux artères importantes par
« Avispado » de Sayalero y Bandres le 26 septembre 1984 dans les arènes de Pozoblanco.
Il mourut lors de son transport à l'hôpital.
Jose CUBERO SANCHEZ « El Yiyo »
Né à Bordeaux le 16 avril 1964
Alternative le 30 juin 1981 à Bourgos
Le 30 septembre 1985 il reçu une cornada en plein cœur par « Burlero » de Marcos Nunez
dans les arènes de Colmenar Viejo (Madrid).
Jose ESLAVA CACERES « Pepe Caceres »
Né à Tolima (Colombie) le 16 mars 1935
Alternative le 30 septembre 1956 à Séville.
Le 20 juillet 1987, des le début de la course, l'entrée il reçu un cornada dans le poumon droit
par « Monin » de la ganaderia4 San Esteban de Overas dans les arènes de Sogamoso
(Colombie). Il mourut le 16 août suivant des suites de cette blessure.
Manuel RODRIGUEZ SANCHEZ « Manolete »
Né le 4 juillet 1917 à Cordoue (Espagne)
Alternative : Séville le 2 juillet 1939
Blessé à Linarés (Espagne, province de Jaén) le 28 août 1947 par le taureau « Islero » de la
ganadería de Miura ; mort à Linarés le 29 août 1947.
1
Propos reconnus à Orson Welles
Voir glossaire définition alternative
3
Voir glossaire définition cornada
4
Voir glossaire définition ganaderia 2
1 Voici quelques exemples tragiques, de la dangerosité de cette pratique si particulière
qu’est la corrida, et de la gravité des blessures qu’on y rencontre.
C’est autour du torero, ce personnage quasi mythique, que cette étude est menée ; un aperçu et
un questionnement, autour de la protection de la santé de ce travailleur atypique dans la
pratique d’un art original. A l’heure où la précaution devient un principe constitutionnel, où
nos sociétés occidentales, refusent le risque, l’aléa, et en particulier la mort, mettant tout en
œuvre pour s’en préserver, cette étude concerne un des rares lieux sinon le seul, ludique,
tragique et symbolique, où le risque et l’aléa sont intrinsèquement liés à sa justification même.
En premier lieu, qu’est ce que la corrida, cette discipline dans laquelle s’exprime le
torero ? On parle de tauromachie, mais il convient de distinguer l’art de la corrida des autres
disciplines taurines. En effet, il existe différents types de spectacles tauromachiques à savoir
la corrida portugaise, la course camarguaise, la course landaise et la tauromachie dite
espagnole. Courses landaise et camarguaise sont assez proches tandis que la corrida
portugaise et la corrida espagnole sont des disciplines différentes.
La course camarguaise est une pratique qui consiste à approcher le taureau pour ôter des
attributs placés sur sa tête, on parle de la technique du razet. Il n’y a pas de mise à mort et il
s’agit de taureaux de Camargue par opposition aux taureaux espagnols qui sont des animaux
plus dangereux. La course landaise, dans son principe est, elle, relativement proche de la
course camarguaise. Il s’agit pour les participants soit de pratiquer un écart sur une vache
lancée au galop, mais liée à une corde, soit de sauter au dessus de l’animal chargeant. Il n’y a
dans cette discipline ni de mise à mort ni de blessures infligées à la vache.
La corrida portugaise est une corrida sans mise à mort, celle-ci étant interdite par la loi
portugaise depuis 1894. Elle se déroule en deux temps, un temps à cheval et un temps de
capture du taureau effectué à pied par des « forcados5 ».
Celle qui nous intéresse ici principalement, est la corrida espagnole. Il s’agit de la plus
connue. C’est la corrida avec mise à mort. C’est sur celle-ci que l’ensemble de l’étude va
porter, avec l’encadrement sanitaire et social de la santé du principal acteur de cette course. Il
s’agit d’un spectacle rigoureusement structuré, avec des séquences identiques, comportant
chacune trois parties à l’exemple d’une tragédie classique6.
5
voir glossaire définition forcados
Annie Maïllis, Michel Leiris, l’écrivain matador, collection critique littéraire dirigé par Maggy Albet,
Geneviève Clancy, Paule Plouvier, Emmanuelle Moysan, 1998, p.175
6
2 L’introduction à ces trois tercios est appelée le paseo, défilé des cuadrillas, ouverture très
protocolaire où les acteurs de la corrida se présentent et s’inclinent devant le représentant du
public.
Dès que cette présentation est faite, le premier maestro se met en place pour recevoir le
premier taureau.
Le premier tercio est appelé tercio de piques. Au cours de cette période, le premier taureau
sort. Il est étudié par le matador et sa cuadrilla qui essaient d’analyser, en un minimum de
temps, ses défauts et ses qualités. Le matador capte l’attention du taureau en le faisant
s’intéresser à la cape. Entrent ensuite après ordre de la présidence des arènes les picadors,
autres intervenants dans la course. Les deux picadors entrent en piste : l’un reste proche de la
sortie du toril et l’autre s’avance vers le milieu de la piste entre les planches, limite du
callejon et la ligne tracée au sol. Le matador a ensuite pour rôle de placer le taureau le plus
près possible du le cheval, et une fois le taureau mis en place le picador le provoque et le
taureau charge. Le cavalier pique l’animal sur la partie arrière du morillo (masse musculaire à
l’arrière de l’encolure) ce qui permet de lui faire notamment baisser la tête, chose essentielle
dans le dernier tercio et de mesurer sa bravoure.
Le deuxième tercio est, lui, exclusivement réservé aux banderilles7. Traditionnellement, trois
paires sont piquées successivement, soit par les banderilleros ou plus rarement le matador luimême. Elles doivent être posées pieds joints, verticalement, les bâtons joints.
Dans le troisième Tercio, appelé la « faena de muleta » intervient le travail à pied du matador.
Il est seul en piste face à son taureau avec une nouvelle cape appelé muleta, plus petite. Il
enchaîne à ce moment là plusieurs passes, pour ensuite placer le taureau. Une fois l’animal
cadré, le maestro place la muleta devant lui et s’élance ou reçoit la charge du taureau, afin de
porter l’estocade8. C’est le « moment de vérité » car le matador, s’il veut tuer le taureau
efficacement, doit s’exposer au plus près du fauve et face à lui. C’est le moment le plus
dangereux de la faena, et beaucoup de maestros ont connu de douloureuses blessures à cet
instant.
Ce spectacle structuré se termine par le moment des récompenses. Elles vont d’une oreille, à
deux oreilles et la queue. Dans de très rares cas, le taureau s’est montré tellement
exceptionnel que le public le torero ou le ganadero peuvent demander de le grâcier. La mise à
mort est alors simulée. C’est un moment rare, provoquant toujours une vive émotion dans le
public, une fierté pour le ganadero et une grande joie pour le maestro.
C’est donc à ce schéma là en particulier que cette étude s’attache.
7
8
voir glossaire définition banderilles
voir glossaire définition estocade
3 Différents acteurs interviennent donc dans cette mise en scène. Le matador n’est pas
seul, mais c’est à son statut particulier que nous nous attachons, lui qui est le plus exposé au
risque.
Le matador est en effet celui qui combat le taureau à pied, puis le met à mort. Il est entouré de
sa cuadrilla. On désigne par ce terme (de l'espagnol : troupe, bande, équipe) l'équipe de
toreros placés sous les ordres du matador et qui affrontent, à pied ou à cheval, le taureau dans
les deux premier tercios. Ils n’interviennent dans le dernier tercio qu’afin de venir en aide au
matador en difficulté. Cette équipe se compose de trois peons et de deux picadors.
Les banderilleros qui interviennent lors du tercio de banderille sont le peons chargés de poser
les banderilles ;le picador, quant à lui est le cavalier chargé de piquer le taureau.
Tout individu qui porte le costume de lumière est appelé torero, le matador est simplement le
seul torero qui procède de la mise à mort (de matar : tuer). C’est ce dernier acteur de la course
auquel nous nous intéresserons davantage, car il est au plus proche du combat, celui qui
affronte le taureau seul dans l’arène dans le dernier Tercio. C’est le maestro qui met le plus en
jeu sa vie et prend le plus de risque.
La corrida est un monde de règles. Le rite est son essence même. Sans tradition, défilé,
costume, la corrida est inconcevable. Si la corrida prend ses racines davantage en Espagne,
elle a su s’imposer en France, et l’histoire de la tauromachie « à l’espagnole » dans notre
pays contribue à faire de la corrida un lieu juridique. Les procès dans cette discipline sont
quasi inexistants, les sanctions rares. On parle davantage de référence, que d’une contrainte à
propos de la règle taurine. La corrida en France aujourd’hui est une tolérance juridique, la
seule réglementation existant à son propos l'interdit par principe et ne l'autorise que par
exception, à la différence de l’Espagne où elle est classée par le législateur ibérique dans le
domaine de « la culture et des attachements populaires9 ». La présence même de la corrida
sur le territoire français fait encore débat. Quand certains s’insurgent contre elle, d’autres
réclament la création d’une « Fédération française de corrida » à l'image des fédérations
sportives et comme c’est le cas pour les courses landaise et camarguaise. Il semble peu
vraisemblable qu’une telle fédération puisse voir le jour. Toute réglementation écrite ne peut
donc qu’être d’origine municipale. Elle soulève de vifs débats à caractère philosophique et
idéologique. Il y a ainsi une vive opposition entre les anti corrida qui souhaitent son abolition
9
Loi espagnole 10/1991, sur les pouvoirs administratifs de la tauromachie (sobre potestades administrativas en
materia de espectaculos taurinos) : boletin oficial de l’estado (BOE) n°82, du 5 avril 1991.
4 en raison de l’interdiction de spectacles dégradant et générateurs de cruauté envers les
animaux, et ceux qui en demandent le maintien au nom des traditions.
La loi française au sujet de la corrida est fondée sur la loi Grammont de 1850 modifiée en
195110. Cette loi interdit les spectacles incluant des mauvais traitements à des animaux, sauf
dans les régions où il existe une tradition locale ininterrompue. Ces dispositions sont
actuellement reprises dans le code pénal11. Il existe une tradition locale dès lors que les
corridas ont lieu dans une ville de manière traditionnelle, et qu’il existe autour de celle-ci une
« adhésion culturelle 12» suffisante. Cette tradition s’applique à ce moment là aux communes,
mais également à leur bassin de vie qui englobe une zone ayant les mêmes caractéristiques
socio économiques et évidemment culturelles13. Cette tradition s’interrompt lorsqu’il y a
disparition progressive des pratiques tauromachiques due à un affaiblissement de l’intérêt
porté par les spectateurs, mais aussi et surtout les organisateurs. Un parallèle à ce titre peut
être fait avec les combats de coqs. Actuellement, aucune opposition autre que de principe
n’existe contre les combats de coqs. Un arrêt de la cour d’appel de Douai en 199314 a
proclamé les combats de coqs « tradition locale ininterrompue » comme c’est le cas pour la
corrida en France. Mais l’impopularité quasi totale (rares sont les « nordistes » qui approuvent
les combats de coqs) fait que cette discipline est davantage menée à disparaître que la corrida.
La notion de tradition ininterrompue est une notion difficile à définir. Mais c’est à ce titre que
la corrida est acceptée en France.
Au delà de cette tolérance, et à défaut d’une règlementation officielle, la corrida
espagnole a été contrainte de s’organiser. C’est actuellement l’union des villes taurines de
France (UVTF) qui a progressivement structuré et organisé un cadre de règles. L’UVTF n’a
pas de pouvoir coercitif. Son efficacité repose sur les communes qui s’engagent à respecter
les règles établies. C’est au travers du règlement taurin municipal que ces règles se
10
Emmanuel de Monredon, La corrida par le droit, UBTF, 2001, p 47
article R 654.1,code pénal :« Hors le cas prévu par l'article 511-1, le fait, sans nécessité, publiquement ou
non, d'exercer volontairement des mauvais traitements envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en
captivité est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. », l’article R655.1 du code
pénal dispose « Le fait, sans nécessité, publiquement ou non, de donner volontairement la mort à un animal
domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la
5e classe. »
12
Jean François Auby, Droit et finance de la tauromachie, éditions du sud ouest, 2000 p 58.
13
Cour de cassation, chambre criminelle 8 juin 1994 ; société protectrice des animaux de Lyon et du sud est
« ayant annoncé que la ville de Tarascon se trouve dans un ensemble démographique où existe une tradition
taurine et très ancienne et comprenant des villes telles que Beaucaire, localité voisin et Arles ou se pratiquent
régulièrement depuis 1893 en ce qui concerne cette dernière, des corridas avec mise à mort de taureaux que
Tarascon est située dans une zone géographique où la population vit en suivant un ensemble de traditions et
coutumes locales particulières et persistantes »
14
« corrida l’alinéa de trop, la souffrance des taureaux », 2 mars 2010, l’hebdomadaire Charlie hebdo.
www.charliehebdo.fr 11
5 manifestent. Ce règlement qui comporte 91 articles, concerne le spectacle dans sa globalité,
des élevages aux professionnels, en passant par l’infirmerie… Dans son préambule, le
règlement taurin municipal rappelle le but de son existence, à savoir « assurer dans le cadre
de sa Culture et de ses Traditions la défense et la sauvegarde des courses de taureaux avec
mise à mort, et d’en permettre la célébration correcte, en conservant à ces spectacles leur
caractère de noblesse et d’équilibre, en empêchant notamment, que ne soient commis des
abus dans la présentation des animaux destinés à être combattus. »
Ce règlement est admis et appliqué par toutes les villes qui organisent des corridas. Il est le
seul socle de règles communes qui permet l’organisation du spectacle. Cette soumission au
RTM se voit notamment dans une ville comme Nîmes qui ne fait aujourd’hui plus partie de
l’UVTF, mais où le règlement est appliqué à la lettre.
C’est en France que cette étude est menée, mais les parallèles avec les autres places
taurines, notamment celles d’Espagne, sont incontournables. La corrida à la française s’est en
effet largement inspirée de ses voisins ibériques.
La corrida en France est donc un monde de règles sans loi au sens strict du terme. La
judiciarisation de la société amène à se poser la question de la nécessité d’un cadre juridique
plus établi.
En ce qui nous concerne, quelle place a le droit de la santé dans cette discipline ?
Le droit de la santé peut être définit comme l’ensemble des règles juridiques qui s’appliquent
à l'organisation et à la délivrance des actes de prévention. Cette définition est très large mais
permet de comprendre en quoi le droit de la santé s’exprime dans l’organisation des corridas.
Dans un premier temps, d’un point de vue sanitaire, on peut imaginer le droit de la santé sous
l’aspect vétérinaire. Certains ouvrages comme celui de Marc Roumengou15, analysent les
notions de santé et de médecine dans la corrida d’un angle vétérinaire en analysant les
blessures infligées au taureau. Les problématiques relatives à l’identification et au marquage,
au transport, au débarquement et à la détention, à l’état sanitaire et à la consommation16 de la
viande bovine de la corrida sont également des problématiques de santé qui ont été
envisagées.
15
Marc Roumengou, Blessures et mort des taureaux de combat - anatomie traumatologie, édition courante
réalisée par l’auteur et pour son propre compte, 1991
16
Statut juridique du taureau de combat, site d’aficionados, anda.aficionados.free.fr, site consulté le 31 avril
2010
6 De nombreuses thèses de médecine ont également pris comme sujet d’étude la corridas17.
Mais, dans cette approche juridique, il s’agit de faire état de la prise en charge du
torero blessé au cours de la corrida. Allant de sa prise en charge en amont par le mécanisme
d’assurance et de protection sociale, à la prise en charge post blessures en passant par le
matériel et les équipes médicales requises. Cela concerne tout le dispositif mis en place et les
difficultés rencontrées dans l’encadrement sanitaire et social de cet acteur qu’est le torero au
cours de la corrida. Cela concerne des domaines distincts du droit de la santé, à savoir la
protection sociale, la responsabilité médicale, la notion d’équipe médicale, l’encadrement
sanitaire de manifestation, les droits du patient ainsi que des domaines du droit du travail avec
le statut du professionnel taurin, la notion de reprise du travail, ainsi que des aspects plus
techniques relevant de la médecine comme la spécificité des blessures, la difficulté de la
médecine d’urgence, les techniques à disposition…
Il s’agit donc d’un éventail d’analyses centrées sur le torero, personnage adulé et
mystifié qui se réalise dans ce contexte si particulier qu’est la corrida.
Pour aborder ces différents thèmes, la traditionnelle dichotomie du juriste est
abandonnée au profit d’un plan en trois parties faisant ainsi écho au chiffre trois, omniprésent
dans la corrida : des trois phases de chaque combat (les tercios) aux trois matadors qui
affrontent successivement les taureaux dans l’arène, voire même « les trois moments dans
toute passe, l’arrêt (parar), la cadence (templar), la conduite (mandar)18 ». A travers cette
étude, nous essaierons d’analyser quels sont les mécanismes et structures mis en place pour
assurer la protection de ce travailleur particulier dans l’enceinte de la corrida. Et ce avec
comme toile de fond l’absence de règles coercitives s’attachant à cette discipline.
Le plan adopté suit la déroulement de la course avec dans un premier temps l’analyse de la
protection en amont du professionnel, puis dans un second temps l’étude des moyens humains
et matériels mobilisés pour assurer la santé et la sécurité pendant la course, pour finir sur les
conséquences en cas d’accident, avec notamment les question de responsabilité.
Les questions relatives au droit de la santé sont en l’espèce multiples.
17
pour exemple ; Chaperon Alain ,La corrida et ses rapports avec la médecine , thèse de médecine Bordeaux
1983- Brimaud-Iborra Géraldine, Analyse des traumatismes taurins dans les arènes française et espagnoles au
cours de l’année 200.-Isabelle Zavaleta , les toreros blessés dans les arènes lors des corridas,Bordeaux 2003.
18
Plan en trois parties également présent dans les mélanges Michel Cabrillac dans la partie relative au droit et à
la tauromachie, Daniel Mainguy, Jean Baptiste Seube, Francois Vialla. Dalloz/ Litec p 758. 7 Dans un premier temps nous analyserons la protection des acteurs de la course. Comment la
personne si exposée au risque est-elle couverte par la sécurité sociale ? Comment assurer le
fait de s’exposer de façon délibérée au danger ? Le torero exerce-t-il un contrat de travail ?
Comme dans toute épreuve sportive, est-il nécessaire d’obtenir un certificat médical pour
exercer ? Le torero doit-il pour lui-même respecter des normes de sécurité pour pouvoir
participer et être couvert ? Les notions de dopage sont-elles envisagées ?
Nous analyserons ensuite au-delà de l’humain, le nécessaire aspect matériel qui est l’un des
éléments constitutifs essentiels de la protection sanitaire du professionnel à savoir l’infirmerie
et l’équipe médicale pour terminer sur les conséquences du combat. Comment toutes les
mesures prises en amont fonctionnent-t-elle en pratique ? Comment gère-t-on la survenance
de l’accident ? Qui gère ?
Nous verrons ainsi ici les notions de blessures spécifiques, l’aspect psychologique, avant de
mettre en évidence les notions de responsabilité mises en jeu.
Le juriste aficionado suivra donc la trilogie suivante : la protection et la prévention de
la santé du professionnel de la tauromachie (Partie I), suivie de l’encadrement matériel
(l’infirmerie) et humain (l’équipe médicale) de la course (partie II), pour terminer avec les
conséquences de l’accident redouté (responsabilité du médecin, droit du patient, aspect
psychologiques) (Partie III).
8 PARTIE I : PROTECTION ET PREVENTION DE LA
SANTE DU PROFESSIONNEL DE LA TAUROMACHIE
Le torero prend des risques démesurés dans l’enceinte des arènes, et il fait de cette pratique
son métier. Comme tout travailleur il bénéficie d’un régime de protection. Ce dernier soulève
de nombreux problèmes compte tenue de la spécificité de la pratique.
Le régime mis en place est un préalable essentiel (titre I), mais la prise en charge par la
professionnel de sa propre santé reste l’élément en amont le plus important (Titre II).
TITRE I : la protection du professionnel de la tauromachie au plus près du
danger
La prise en charge sociale du professionnel de la tauromachie a su évoluer et s’améliorer,
jusqu'à garantir aujourd’hui une protection raisonnable et facilitée (chapitre I). Ce risque si
particulier auquel s’expose le torero peut-il pour autant être considéré comme un accident du
travail ? (chapitre II)
Chapitre I : des mécanismes de protection sociale particuliers
De par la nature même de la profession, il a fallu encadrer de manière spécifique les acteurs
de cet art (section I), une difficulté accentuée par l’exercice de cette activité souvent à
l’étranger suivant le rythme des temporadas19 (section II).
Section I : l’évolution de la prise en charge
L’amélioration de la prise en charge de l’accident, de la blessure du torero passe évidemment
par les progrès de la médecine, mais aussi d’un point de vue moins direct par l’évolution de la
prise en charge sociale.
Terre d’histoire de la tauromachie, c’est en Espagne qu’apparaît la première forme de
protection sociale du torero à travers une organisation originale, le Montepio (§1). La France,
19
voir glossaire définition temporada
9 en s’inspirant de cette initiative, a peu à peu cherché à encadrer la couverture sociale du torero
jusqu’à la couverture actuelle (§2).
§1 : l’exemple espagnol : le Montepio
Le « Montepio » est le premier modèle de prise en charge spécifique pour le torero. Cette
initiative a été réalisée le 30 octobre 1909 par Ricardo Tores dit « Bombita », lui même
torero vedette de son époque. Conscient de la nécessité de prendre en charge ce type de
professionnel dont il fait partie, il crée « l’asociacion benefica de auxilios mutuos de
toreros », véritable mutuelle taurine alors même qu’en Espagne la sécurité sociale est encore
inexistante.
Un fonds spécial est alors créé pour la construction d’un « sanatorium » des toreros appelé le
Montepio où ils pourront recevoir des soins gratuits mais aussi des pensions en cas
d’invalidité, de décès20.
Ce Montepio assure de modestes retraites aux toreros âgés qui se retrouvent souvent dans une
situation précaire incapable d’exercer leur art, leur métier, de subvenir à leurs besoins.
Cette association privée vient aider les toreros et les familles lors des problèmes majeurs
consécutifs aux accidents subis dans le rudeo21. Mais il ne s’agissait en réalité que d’une
pension symbolique qui ne permettait d’assurer leur vie quotidienne et celle de leur famille.
On voyait ainsi à cette époque beaucoup plus de toreros plus âgés (ce qui était moins le cas
pour les matadors).
Le fonctionnement de l’association depuis sa création fut prospère et fit à cette époque
l’unanimité entraînant l’enthousiasme dans le mundillo22. En ce qui concerne le financement,
ce dernier était assuré par l’ensemble des acteurs de la corrida, les toreros étaient
obligatoirement affiliés au Montepio et devaient verser une cotisation annuelle. Les
impresarios, les éleveurs, les organisateurs, les directeurs et les propriétaires d’arène
cotisaient aussi à ce Montepio. Toute la profession et le milieu taurin étaient sensibilisés à la
prise en charge des toreros.
Des festivals de bienfaisance étaient également organisés en vue de récolter des fonds pour
financer cette démarche.
20
Inigo Crespo, « Montepio de toreros, 100 anos de recuerdos », revue taurine espagnole hebdomadaire
AplausoS, n° 1636 du lundi 2 février 2009-p 28 à 30, disponible au musée des cultures taurines, Nîmes.
21
voir glossaire définition de rudeo
22
voir glossaire définition de mundillo 10 En 1924, cette association finance la construction du sanatorium, une clinique qui
dispense les soins gratuitement aux toreros. Les soins sont exercés par des médecins
spécialisés en tauro-traumatologie. L’hôpital des toreros fut depuis sa création et jusqu’à sa
disparition en 1978, un symbole pour les professionnels et la tauromachie en général.
Les toreros blessés tant en France qu’en Espagne reçoivent les premiers soins sur place puis
sont dirigés vers le Sanatorium des toreros.
En dehors des soins aux toreros, le Montepio organise et supervise les infirmeries. C’est cette
association qui après lecture d’une liste établie par le collège des médecins, choisissait le plus
apte à exercer ses fonctions dans une infirmerie d’arène.
Ce n’est ensuite que dans les années 1970 que la sécurité sociale espagnole s’organise et se
préoccupe du sort des toreros, ce qui amènera la fermeture définitive du Montepio en 1977.
Ce fut une avancée importante dans la considération des professionnels de la tauromachie au
delà de leur art. Ils nécessitent une protection particulière, tant du point de vue de leur santé
que de leur assurance.
Dans un métier à risque comme celui ci, il était essentiel pour eux de bénéficier d’une
protection sociale en cas d’accident.
§2 : la couverture sociale actuelle en France
L’existence même de la protection sociale des toreros fait débat aujourd’hui en France. Il
s’agit en tout cas d’un des arguments des anti corrida. Il est en effet pour certains peu
acceptable que ces professionnels soient couverts par la solidarité nationale, alors que
beaucoup de gens ne cautionnent pas ces représentations tauromachiques. Mais même si la
polémique existe, les toreros sont reconnus comme professionnels. Ils bénéficient donc à ce
titre de la couverture sociale.
La France s’est donc elle aussi attachée à assurer une protection sociale à ces professionnels.
La première difficulté résidait dans la nécessité de leur trouver une catégorie professionnelle :
intermittents du spectacle ? Sportif de haut niveau ? A ce niveau là déjà, la France a évolué.
Dans un décret du 7 avril 1936, la caisse des Congés Spectacles23 classe les toreros dans la
catégorie professionnelle des «artistes» dans la publication de sa nomenclature. C’est une
23
Le régime d’indemnisation des congés payés des salariés du spectacle, créé en 1939, présente la spécificité de
confier à une caisse spécialisée le versement des indemnités de congés payés des salariés intermittents des
métiers du spectacle.
Elle a été créée pour assurer, conformément aux articles D.7121-30 et suivants du Code du travail, le service du
congé payé aux artistes et techniciens qui n'ont pas été employés de manière continue chez un même employeur
pendant les douze mois précédant leur demande de congé et ce quelle que soit la nationalité du salarié ou la
nature du contrat de travail.
www.conges-spectacles.com ,site consulté le 12 mars 2010
11 définition qui va perdurer, et que l’on retrouve en 1983 dans une lettre ministérielle
24
qui
précise qu’au regard de la sécurité sociale, les toreros sont assimilés à des «artistes du
spectacle».
Mais le statut du professionnel de la tauromachie reste bancale, et les principaux
concernés cherchent à clarifier leur situation et se donner les moyens d’être aux yeux de la loi
rigoureusement identifiés, et aux yeux de la protection sociale clairement couverts.
Ils vont donc s’en donner les moyens via la filière gouvernementale française.
Les démarches avant 2004 étaient compliquées pour les employeurs qui’ ils soient français ou
espagnols. L’entreprise qui engageait un torero résidant en France devait verser ses
cotisations auprès de l’URSSAF dont dépendait le domicile de l’intéressé. Le problème posé
était que si plusieurs membres d’une même cuadrillas étaient domiciliés dans plusieurs
départements français, l’empresa25 employeuse de la cuadrilla devait écrire à chacune des
caisses de sécurité sociale des différents départements où résidaient les toreros. Un problème
supplémentaire se posait également à savoir une différence de cout exigées par la sécurité
sociale française et la sécurité sociale espagnole.
Pour arriver à résoudre ce problème, les toreros français ont créé dans un premier temps une
structure pour se substituer à l’employeur lors de ces démarches administratives. Ainsi,
« l’association Torero France » est mandatée par les empresas espagnoles pour effectuer les
diverses démarches administratives auprès des organismes français. Ceci permet aux
empresas espagnoles d’éviter ces longues démarches administratives. Effaçant ainsi la crainte
des cuadrillas française de ne pas être engagés par certaines arènes espagnoles à cause des
lourdeurs administratives.
Malgré cette initiative, les démarches demeuraient compliquées, accentuées par un
exercice de la profession souvent à l’étranger. Les employeurs n’y trouvaient toujours pas leur
compte.
Dans un contexte de simplification, a ainsi été créé le guichet social taurin. Ce guichet a vu le
jour le 1er février 2004.26
C’est l’Urssaf du Gard, située à Nîmes, qui a été désignée, par arrêté ministériel
27
, comme
seul organisme compétent pour la déclaration et le paiement des cotisations de Sécurité
24
Lettre ministérielle n° 2034 du 19 avril 1983
voir glossaire définition empresa
26
URSSAF du Gard, dossier « employeurs de professionnel taurin », version mise à jour en 2007.
27
Circulaire DSS / 5C / 2C n° 60 du 12/02/04 relative aux modalités de gestion des cotisations et contributions
sociales dues sur les rémunérations versées aux professionnels taurins salariés des courses espagnoles et
portugaises. Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité. 25
12 sociale relatives aux professionnels de la tauromachie soumis à la législation française de
sécurité sociale, en application des articles R.243-8-1 et L.243-1-2 du code de sécurité
sociale. Cela s’applique donc dès lors que ces salariés relèvent du régime français de
protection sociale et ce, quel que soit le lieu où se déroule la manifestation. Il existe donc
dorénavant un interlocuteur unique.
Cette circulaire ministérielle, qui met en place le guichet unique taurin, rappelle bien quels
sont les personnels concernés, et il s’agit bien du professionnel au centre de cette étude, à
savoir le torero.
« La (…) circulaire rappelle les principes généraux de la législation sociale
applicable en France aux professionnels taurins salariés des courses espagnoles et
portugaises, donc à l’exclusion des courses landaises et camarguaises dont les acteurs
relèvent de la catégorie professionnelle des sportifs. »
« Le terme de «toreros» utilisé dans la présente circulaire recouvre l’ensemble des
professionnels taurins salariés entrant dans le champ d’application du régime spécial
intégré des professionnels taurins de la protection sociale espagnole, c’est à dire les
matadors de corridas espagnoles et de corridas portugaises (à cheval) et les
personnes assurant les fonctions subalternes dans l’arène (banderilleros, picadors,
valets d’épée et aides). »
Il était important de rappeler à qui l’élaboration de ce guichet taurin s’adressait en définissant
ce qui est entendu par « professionnel taurin ». Il est également précisé que les manifestations
considérées sont bien les corridas et seulement ces manifestations là, excluant ainsi les
courses camarguaise et landaise ou autre exhibition tauromachique.
Grâce à l’instauration de ce guichet unique, les démarches nécessaires à la prise en charge
sociale du professionnel taurin se sont simplifiées et éclaircies. Dorénavant, l’employeur se
fait connaître auprès du Guichet Social par le biais d’une fiche de renseignements employeur
fournie par l’URSSAF du Gard. Après réception, il est immatriculé en tant qu’employeur de
professionnels taurins et règle ses cotisations auprès de l’Urssaf du Gard, quel que soit le lieu
où se déroule le spectacle.
Les professionnels taurins sont donc couverts par la sécurité sociale et le système mis
en place semble fonctionner et satisfaire les principaux intéressés.
L’art tauromachique s’exerce dans des places précises dans le monde. Cette protection sociale
imaginée par le législateur s’intéresse aux relations au sein du territoire national et de la
13 communauté européenne. Les problèmes rencontrés au delà de l’élaboration d’un statut pour
un professionnel, résident dans la difficulté de gérer les notions de droit du travail et de
protection sociale lorsque la profession est souvent exercée à l’étranger.
Section II : une difficulté de prise en charge accentuée par l’exercice d’un art à l ‘étranger
En plus d’exercer une discipline atypique, ayant pour conséquence la difficulté de lui octroyer
un statut, le professionnel de la tauromachie fait partie de ces travailleur qui exercent très
souvent à l’étranger (§1) et ce principalement en Europe. A ce titre la communauté
européenne a du se prononcer sur sa position vis à vis de la corrida, et des ententes entre pays
ont été élaborées (§2).
§1 : protection sociale et exercice de la profession à l’étranger
La plupart des toreros n’exercent pas dans un seul pays. Bien au contraire ils sont amenés à
continuellement changer de lieu de travail, au sein de l’Union Européenne mais aussi en
Amérique du sud. C’est un élément qui ne facilite pas les outils de couverture sociale.
C’est une problématique que l’on retrouve dans plusieurs professions surtout aujourd’hui dans
un contexte de mondialisation. Par exemple, lorsqu’un français part travailler à l’étranger,
même temporairement, des questions se posent quant au statut applicable à sa mise à
disposition. En effet, chacun d’entre eux entrainent des conséquences différentes quant à la loi
applicable en matière de protection sociale notamment. Le détachement, l’expatriation et le
transfert sont les trois statuts possibles du salarié parti travailler à l’étranger. Le détachement
et
l’expatriation
se
caractérisent
par
la
survie
du
contrat
initial.
En effet, le salarié détaché est celui dont le contrat de travail initial conclu avec son
employeur perdure. Alors que pour l’expatriation, le contrat de travail initial est suspendu
pendant la durée de la mission à l’étranger, le salarié étant alors lié à l’entreprise d’accueil.
Dans le cas du professionnel de la tauromachie, il semble que l’on se trouve dans le
cadre du détachement temporaire. En effet il répond à la définition donnée au niveau
européen à savoir : " On entend par travailleur détaché, tout travailleur qui, pendant une
14 période limitée, exécute son travail sur le territoire d'un Etat membre autre que l'Etat sur le
territoire duquel il travaille habituellement »28.
Dans ce cas là, selon le code de la sécurité sociale, le professionnel continue à relever de la
législation française de sécurité sociale. La condition est que l’employeur, qui a seul
l'initiative des formalités à accomplir, doit s'engager à verser l'intégralité des cotisations dues
en France.29
En ce qui concerne les déplacements au sein de l’Union Européenne, cela ne pose pas
réellement de problème.
En effet, les règles applicables en matière de protection sociale sont définies par le règlement
14 juin 197130 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés,
aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la
Communauté (art. 14 & 2 bis) :
«La personne qui exerce une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs Etats
membres est soumise à la législation de l’Etat membre sur le territoire duquel elle réside,
si elle exerce une partie de son activité sur ce territoire ou si elle relève de plusieurs
entreprises ou de plusieurs employeurs ayant leur siège ou leur domicile sur le territoire
de différents Etats membres».
Aucun accord bilatéral de sécurité sociale n’ayant été conclu entre la France et les États tiers
d’Amérique du sud susceptibles d’accueillir des spectacles taurins (Venezuela, Pérou,
Equateur, Bolivie, Colombie et Mexique), les toreros résidant en France sont soumis aux
règles de protection sociale des États tiers où ils se produisent.31
Nous allons voir qu’au sein de l’Union Européenne un accord a été conclu afin de faciliter la
protection sociale ces travailleurs particuliers que sont les toreros.
§2 :Tauromachie et droit communautaire
Trois pays sur quinze, à savoir l’Espagne, la France et le Portugal font de la tauromachie une
tradition, et la pratiquent de façon régulière. La Communauté européenne devait s’attacher à
28
Article 2 de la Directive 96/71/CE du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le
détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services :
29
Articles L761-1 et L761-2 ,code de la sécurité sociale, Version consolidée au 12 mars 2010.
30
Règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971 31
Circulaire DSS / 5C / 2C n° 60 du 12/02/04 relative aux modalités de gestion des cotisations et contributions
sociales dues sur les rémunérations versées aux professionnels taurins salariés des courses espagnoles et
portugaises.
15 émettre des dispositions relatives à cette discipline (1), en terme de protection sociale et de la
simplification du régime de protection sociale des toreros l’accord franco-espagnole de la
convention de Bruxelles de 2003 marque l’exemple (2).
A. le droit communautaire et la tauromachie
Le droit communautaire ne peut ignorer la tradition tauromachique ancrée dans certains pays
de l’union européenne. Si aujourd’hui seuls trois pays, soit tout de même un cinquième, de
l’Union européenne pratique cette discipline, l’histoire et l’actualité démontrent qu’en réalité
d’autre pays sont concernés.
La situation actuelle fait état de trois pays, trois au sein de l’UE depuis l’entrée de l’Espagne
et du Portugal en 1985.
Si on se fie à l’Histoire, la tradition tauromachique n’est pas seulement une coutume
méridionale. La grande Bretagne, la Belgique, et surtout l’Italie ont été des lieux de
représentations tauromachiques. En 1923 encore, une tournée de corridas a été organisée dans
toute l’Italie. Et en 1994 un décret y a abrogé tous les textes législatifs interdisant la corrida
dans ce pays32. La tauromachie c’est donc exprimé dans d’autres pays européens.
On peut également pour légitimer l’intervention du droit communautaire parler de la place de
la tauromachie dans des pays européens improbables comme la Suède ou les Pays Bas33. En
effet s’il ne s’y déroulent pas de corridas, certaines associations taurines sont très actives et
organisent entre autre des déplacements taurins dans d’autres pays ou des réunions à visées
informatives dans des villes comme Stockholm ou Amsterdam.
La télévision qui retransmet aujourd’hui certaines courses, les migrations estivales et le
nombre croissant de touristes désireux d’assister à une corrida sont également des facteurs à
prendre en compte justifiant l’intervention du droit communautaire dans la tradition taurine34.
La place du droit communautaire reste tout de même assez discrète même s’il s’y est penché à
plusieurs reprises, dans un souci de protection sanitaire, de protection des animaux et
dernièrement quant à l’apologie de la violence.
Finalement, « la corrida exception culturelle et/ou activité économique, le droit
communautaire a résolu cette problématique en renvoyant l’exception en droit interne et en
se réservant le droit d’intervenir sur le plan économique ».
32
Emmanuel de Monredon, La corrida et le droit communautaire, mars 2002, disponible sur le site de la faculté
de droit de Clermont, www.droit.u-clermont1.fr, site consulté le 27 décembre 2009.
33
Exemple de site de club taurin suédois et hollandais : Peña « Los Suecos » - Suede :
http://www.geocities.com/lossuecos - Toros en Hollande :http://huizen.dds.nl/~legemaat/toros2/toros.html
34
Définition de la course de taureaux. JCP, la semaine juridique édition générale, n°4-23 janvier 2002 . note
p192. 16 Au niveau européen la corrida est tolérée, mais comme vu précédemment l’exercice
d’une profession à l’étranger peut rendre difficile l’application des régimes de protection
sociale. Pour pallier ses difficultés, un accord entre deux pays européens a été mis en place.
B. la mise en place de techniques entre deux pays européens : la convention de Bruxelles
de 2003
C’est en Espagne et en France que l’on retrouve la plus grande concentration de
manifestations taurines au sein de l’Union Européenne.
Les déplacements de professionnels espagnols et français d’un pays à l’autre sont très
courants. Des outils de simplification ont été imaginés, et un accord a été signé au niveau
européen par la convention de Bruxelles de 2003. Par dérogation au texte communautaire du
14 juin 197135, il stipule que les toreros résidants en France sont soumis, à compter du 1er
janvier 2004, à la législation de sécurité sociale espagnole pour les prestations qu’ils
effectuent en Espagne pour le compte d’employeurs y possédant un établissement.
En cela, il dispense dorénavant l’employeur espagnol d’effectuer des formalités en France.
En dérogation au règlement européen précité, et sur la base de son article 17 qui prévoit
la possibilité de dérogation, cet accord a été signé entre les autorités françaises et espagnoles.
Au terme de cet accord, les toreros résidants en France sont soumis, à compter du 1er janvier
2004, à la législation de sécurité sociale espagnole pour les prestations qu’ils effectuent en
Espagne pour le compte d’employeurs y possédant un établissement.
Cet accord a pris effet au 1er janvier 2004.
Le lien direct entre le lieu d'exercice de l'activité et le fait générateur de la prestation, écarte
toute ambiguïté quant à la détermination de la législation qui doit s'appliquer, compte tenu, le
cas échéant, de la mise en œuvre de la disposition principale de l'accord franco-espagnol
Les accidents dont sont victimes, lors d'une prestation effectuée en Espagne, les
professionnels taurins résidants en France, donnent lieu à indemnisation au titre de la
législation espagnole lorsque l'employeur pour lequel est effectuée cette prestation est établi
dans ce pays. Si ce n'est pas le cas, c'est-à-dire si l'employeur est établi en France, c'est la
législation française qui s'applique36.
35
Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité
sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté
36
Article 36 -2°, du règlement (CE) N° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de
sécurité sociale
17 Dans le cas où l'indemnisation relève de la législation espagnole, les caisses françaises,
lorsqu'elles sont amenées à servir des prestations en nature, le font pour le compte des
institutions espagnoles.
Il s’agit d’un mécanisme visant à faciliter la prise en charge de ces travailleurs
atypiques qui s’exposent au danger au risque de se blesser. L’accident peut il être considéré
comme un accident du travail ? La réponse à cette question influence l’application du régime
de protection, c’est pourquoi elle est étudiée ici.
Chapitre II : la cornada un accident du travail ?
Le matador est rémunéré pour effectuer sa prestation dans l’arène. A ce titre, l’activité du
matador obéit aux règles ordinaires du droit français.
Le statut du professionnel de la tauromachie, s’il pose problème d’un point de vue éthique,
soulève également des interrogations face au droit du travail. Lors d’un accident sommes nous
en présence d’un accident du travail ? Quelles sont les règles à respecter ?
Le statut professionnel du torero relève du code du travail, l’élaboration d’un statut en amont
est essentielle pour assurer sa prise en charge (section I), la question délicate de la reprise du
travail est particulière dans le contexte taurin (section II).
Section I : le statut du professionnel de la tauromachie : la reconnaissance d’un contrat de
travail
« La mort, en piste, d’un torero est un accident du travail. Cynisme ? Non. Il y a des métiers
qui ne tolèrent la moindre faute professionnelle37 ».
La rencontre avec le taureau est le propre de la profession du torero, évoquer la blessure
comme un accident du travail paraît cynique, mais il s’agit bien de la réalité.
Avant d’envisager la possibilité d’un accident du travail, il faut s’assurer que la prestation du
torero est un contrat de travail. Nous l’avons vu en première partie, le torero bénéficie d’une
protection sociale et d’un statut de professionnel de la tauromachie.
L’existence d’un contrat de travail ne fait aucun doute.
37
Emmanuel Blanc ,Du sang et des larmes, atlantica, 2004, p1
18 L’article L7121-3 du code du travail le confirme, il dispose que « Tout contrat par lequel une
personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de
sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n'exerce pas
l'activité qui fait l'objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au
registre du commerce. ». Cet article pose une présomption38 selon laquelle tout contrat à titre
onéreux conclu par un organisateur de spectacle, en l’occurrence un empresa, pour la
prestation de spectacle est un contrat de travail. Au terme de ce contrat, le matador ne
s’engage guère à autre chose qu’à se présenter le jour convenu dans les arènes pour combattre
les taureaux et les tuer, mais c’est un contrat de travail.
Si le matador est un salarié, il en résultera une conséquence non négligeable
concernant sa cuadrilla, en effet le contrat de travail doit donc faire figurer aussi le nom des
peons.
Se pose ici la question notamment de la relation qui unie la torero et ses subalternes. Comme
vu en introduction le matador n’est pas seul sur la piste, et n’est pas le seul a avoir un rôle à
jouer. Il est entouré de sa cuadrilla.
Il n’y a pas a proprement parlé de contrat entre un torero et un subalterne.
En revanche, certaines règles sont appliquées entre le matador de taureaux et sa cuadrilla. Il
paraît intéressant de montrer ici les différences de lien qu’il existe entre un torero et sa
cuadrilla.
Les liens sont différents en fonction des groupes : groupe spécial, groupe A, B ou C.
Un matador de taureaux qui comptabilise au minimum 43 corridas par an fait partie du groupe
spécial qui lui permet d’avoir une cuadrilla dite fixe. Tous les membres s’engagent alors à ne
toréer qu’avec ce torero. Réciproquement le matador n’a pas le droit de se séparer d’un
subalterne en cours de saison. Si néanmoins un subalterne est congédié et remplacé par un
nouveau, le matador sera obligé de payer au subalterne initial les sommes que celui ci aurait
du recevoir pour les corridas restantes de la saison. Somme qu’il devra également verser au
nouveau subalterne.
Il est des obligations différentes pour les subalternes des groupes A, B et C, avec des nuances
en fonction des groupes, et des novilleros39 avec ou sans picadors.
C’est une des données qui démontre que les liens entre le matador et sa cuadrilla sont
hiérarchisés.
38
39
Cour de Cassation, chambre sociale, 3 octobre 2007, bulletin n°151
voir glossaire définition novillades.
19 Dans l’exécution de ce contrat de travail, se pose la question du rôle de chacun. Un matador
ne peut faire une course seul, tout le personnel l’accompagnant des banderilleros aux
employés des arènes sont essentiel au bon déroulement de la course.
Si dans cette étude nous nous consacrons essentiellement au matador, il est évident
que le statut des autres membres de la cuadrilla relève également d’un contrat de travail, et ils
sont eux aussi exposés au risque. Risque considéré comme moins grand car il n’ont pas la
mise à mort à effectuer.
Au cours de l’exécution de son contrat de travail, le torero s’expose à de grands
risques, peut être irrationnels, peut on considérer qu’en cas d’accident nous sommes en
présence d’un contrat de travail ?
Section II : l‘accident du travail et la question délicate de la reprise du contrat de travail
L’existence d’un contrat de travail est avérée. Dans cette discipline où la possibilité
d’accident est continuellement présente, peut on considérer que la blessure en piste est un
accident du travail ? (§1), jusqu’où est entendue cette notion ? Et si l’accident du travail
comme le contrat de travail est reconnu, quelles sont les particularités de la discipline taurine
au regard de la reprise du travail ? (§2).
§1 : La reconnaissance d’un accident du travail
L’atteinte au corps humain dans cette discipline est une éventualité connue, et qui fait partie
de la nature même de l’activité du torero. Reconnu comme salarié, si un accident survient par
le fait ou à l’occasion de l’exécution de son contrat, il y a accident du travail.
Le code de la sécurité sociale institue cette présomption d’accident40.
Cette présomption a été expressément confirmée, dans une lettre ministérielle du 19 avril
1983, précisant que les toreros peuvent bénéficier de la législation sur les accidents du travail
40
article L411-1, code de la sécurité sociale, version consolidée au 14 mai 2010 : « Est considéré comme
accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute
personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs
ou chefs d'entreprise »
20 et les maladies professionnelles, et indirectement que la blessure au cours du spectacle du
torero est assimilée à un accident du travail.
« La blessure du torero par le taureau, dans l’arène, au cours de sa prestation, quelle que
soit son importance, est sans hésitation un accident du travail. Non seulement l’accident dont
il est victime au cours de l’exécution de son contrat d’engagement, conclu et accompli dans
des conditions régulières, mais encore celui rempli en violation des dispositions légales et
règlementaires régissant ses activités professionnelles 41». Ainsi même si le torero est
embauché dans des conditions irrégulières, l’accident dont il est victime (en raison de la
présomption de contrat de travail posée42) ne peut être écartée. Il convient de préciser que la
rémunération est obligatoire pour que la présomption existe. Ce qui entraine que l’accident
survenu dans le cadre d’une prestation bénévole du torero ne peut être retenu comme accident
du travail, à ce moment là c’est à l’organisateur ou au torero de s’assurer personnellement.
Comme en droit commun et dans d’autres professions, l’accident du travail s’entend
très largement. Si en principe l’accident auquel est confronté le torero vient de la rencontre
avec l’animal, d’autres cas sont envisageables. Comme le torero qui se blesse de façon
accidentelle en circulant dans les dépendances de l’arène, ou en manipulant l’épée, ou les
autres instruments qu’il est amené à utiliser au cours de son activité, comme les banderilles.
Une blessure par un projectile venant du public constituera également un accident du travail.
Les complications ultérieures à l’accident sont elles aussi considérées comme accident du
travail. Comme par exemple le suicide du torero43 qui peut être rattaché aux suites des
blessures survenues dans l’arène.
41
Emmanuel de Monredon ,la corrida par le droit, UBTF,2000,p 268
article L7121-3, code du travail
43
Les juges doivent apprécier l'ensemble des éléments de la cause du suicide pour qu’il puisse être qualifié
d’accident du travail.
Exemple : Un salarié avait été gravement éprouvé quelques mois avant son suicide par un accident du travail qui
avait motivé un long arrêt de travail et entraîné une diminution de ses capacités physiques et professionnelles. Il
s'en était suivi une dépression grave, réactionnelle et progressive laquelle avait été à l'origine du suicide. Ce
geste a été qualifié d’accident de travail car les conditions de travail avaient été la cause génératrice de cet acte
de désespoir. (Cour de cassation chambre sociale, 23 septembre 1982, n° 81-14942).
42
21 L’accident du travail intervenu dans le temps et l’itinéraire normal du trajet conduisant au lieu
de travail, soit le trajet du lieu de résidence aux arènes rentre également dans la considération
d’accident du travail.44
Si la notion d’accident du travail est entendue largement, qu’en est il des obligations du
professionnel en regard de son contrat de travail ? Dans les incidences de la faute, la faute de
la victime peut elle être reconnue ? Même si cette hypothèse semble irréaliste, si l’accident en
piste provient d’une faute intentionnelle ou inexcusable du torero ; la législation relative aux
accidents du travail peut être influencée. Du fait de son comportement, il peut perdre ou voir
diminuer son indemnisation.
Aux yeux du droit du travail et de la sécurité sociale, le torero n’est pas marginalisé.
Mais en ce qui concerne, toujours dans le domaine de la médecine du travail, la notion de
reprise du travail, les incroyables capacités de récupération et la force de ces figures taurine
font que la reprise du travail est sensiblement bouleversée.
§2 : La question délicate de la reprise du travail
Si l’on admet que la blessure du torero dans les arène est un accident du travail, qu’en est il
alors des notions de reprise du travail dans ces circonstances ? Une équipe médicale est sur
place, les blessures sont sérieuses, la législation relative à la reprise du travail est elle
respectée ? Ces patients atypiques peuvent ils être raisonnés ?
Les blessures que l’on croise dans la corrida sont souvent très sérieuses, des blessures qui
pour un patient lambda prendraient des semaines, voire des mois de récupération.
Mais les toreros ne sont pas des patients lambda. Ils sont conscients des risques auquel ils
s’exposent et les assument. « On les laisse prendre leurs responsabilités, comme celle de se
mettre un garrot et de repartir dans l'arène », affirme Jean-Michel Gouffrant, médecin
44
article L411-2, code de la sécurité sociale, modifié par la loi n°2001-624 du 17 juillet 2001 :
« Est également considéré comme accident du travail, lorsque la victime ou ses ayants droit apportent la preuve
que l'ensemble des conditions ci-après sont remplies ou lorsque l'enquête permet à la caisse de disposer sur ce
point de présomptions suffisantes, l'accident survenu à un travailleur mentionné par le présent livre, pendant le
trajet d'aller et de retour, entre : 1°) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère
de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial et le
lieu du travail. Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le
cadre d'un covoiturage régulier ;
2°) le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d'une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend
habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n'a pas été interrompu ou détourné pour un motif
dicté par l'intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de
l'emploi. »
22 responsable des arènes de Bayonne. Un torero gravement blessé reprendra le chemin des
arènes très rapidement. Dans une conférence en 200945, un médecin responsable d’arène, fait
état d’un arrêt de travail de 32 minutes sur une blessure sérieuse du Torero Meca, qui avait
entre autres blessures, subi un écrasement des testicules. Un patient lambda aurait
certainement posé un arrêt d’au moins un mois, Meca, lui, retourne tuer son dernier taureau
avec 6 de tension ! Dans cette conférence les toreros sont qualifiés de « chair de chien »,
« carne de paro », pour illustrer le fait qu’ils récupèrent à une vitesse incroyable.
Mais un torero qui retourne si rapidement sur la piste ne se met-il pas délibérément en
danger, privilégiant l’honneur et la passion à la raison ? N’est ce pas le rôle du médecin, que
ce soit celui des arènes ou celui qui le suit par la suite, que de dissuader le torero de reprendre
le chemin des arènes trop vite ? Notamment de par son devoir d’information du patient46 ?
Le droit commun impose après un arrêt de travail une visite de contrôle. Celle ci s’applique-telle pour les professionnels de la tauromachie ?
Dans le code du travail, c’est l’article L4121-1 qui traite de cette question de la
sécurité du travailleur. Ainsi l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité. Il ne peut dès
lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins huit jours
pour cause d’accident du travail sans le faire bénéficier, lors de la reprise du travail ou au plus
tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen effectué par le médecin du travail qui vise à
apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des
conditions de travail ou d’une réadaptation.
Il semble que dans le contexte des corridas cette « visite de reprise » soit superflue, c’est la
plupart du temps le torero qui décide de son retour sur la piste, retour qui peut s’avérer
précipité. Mais le principal intéressé est animé par cette passion et cette force qui le rendent
moins vulnérable. La passion est souvent reconnue comme une affection violente, un désir
intense, effréné. Le mot passion vient en effet du latin « patior » qui signifie souffrir,
éprouver, endurer. C’est aussi un ancien terme de médecine qui évoquait certaines maladies
douloureuses, ainsi on appelait l'hystérie, passion hystérique, l'iléus, passion iliaque47. Cette
notion de douleur dans la passion est très marquée.
Et cette passion pour la tauromachie s’illustre notamment dans cette envie de retourner au
plus vite affronter le taureau.
45
Gouffrant Jean Michel, chirurgien taurin à Bayonne, « Tauromachie et vache landaise » conférence à
l’université Victor Segalen, Bordeaux, 11 décembre 2008. Vidéo disponible sur canalU, la vidéothèque de
l’enseignement supérieur.
46
Article L1111-2, code de la santé publique, Modifié par LOI n°2009-879 du 21 juillet 2009
47
Dictionnaire de la langue française d'Émile Littré.
23 Pour reprise hâtive, le torero peut-il être reconnu comme fautif en cas de nouvelle blessure et
non indemnisé comme convenu pour faute ?
Cette question de reprise de travail ne se pose pas lorsqu’il n’y a pas d’accident. Dans la
protection du torero l’élaboration en amont d’outils nécessaire a la prise en charge en cas
d’accident est essentiel, mais le plus important en amont reste la préparation du professionnel
au cours de l’année
TITRE II : la place du professionnel dans la prise en charge de sa propre
santé
Comme le sportif s’entraine toute l’année pour quelques compétitions par an, le torero
s’entraine pour être prêt les jours de corrida. Il s’entraine pour l’esthétique mais aussi et
surtout pour éviter l’accident, c’est en cela qu’il est acteur de sa propre santé (chapitre I).
Néanmoins certains fantasmes et réalités amènent à douter de la capacité du torero à se
préserver (chapitre II).
Chapitre I : une hygiène de vie semblable à celle d’un sportif de haut
niveau
La corrida est une pratique qui a su trouver sa place en France même si elle ne fait pas
l’unanimité. C’est une discipline de tradition qu’il est difficile de classer dans une catégorie
(section I), mais ce qui est certain, quelle que soit l’appellation qu’on lui attribue, c’est un art
qui nécessite pour sa pratique une hygiène de vie exemplaire (section II).
Section I : l’art de toréer entre sport de haut niveau et représentation artistique
Entre représentation artistique et manifestation sportive, la corrida apparaît comme une
discipline hybride (§1). Même s’il n’est pas nécessaire de classer la corrida dans l’une ou
24 l’autre des catégories possibles pour l’apprécier, la détermination d’une appellation ou d’une
autre en fonction des avis de chacun fait encore polémique aujourd’hui (§2).
§1: une discipline hybride
Le torero est « un acteur auquel il arrive des choses réelles »48 mais c’est aussi un sportif de
haut niveau. Il doit entre autre avoir une condition physique exemplaire, et s’il ne doit pas
faire comme c’est davantage le cas dans les courses camarguaise une démonstration
réellement sportive, il doit néanmoins vaincre son angoisse, porter un costume lourd et
manipuler cape et muleta souvent d’un poids important. « Les jambes doivent être résistantes
et agiles, les bras robustes et les poignets solides49 ». Il doit enfin, lors de l’estocade, plonger
sur les cornes du taureau, exigeant la rigueur et la concentration du sportif de haut niveau. La
tauromachie est au carrefour de plusieurs disciplines. Elle revêt certain caractère inhérent au
sport telles que la compétitivité, la performance individuelle, mais d’un autre coté relève du
spectacle pour toute la mise en scène. Le matador de taureau est appelé « maestro » comme
s’il était un chef d’orchestre, un artiste. Certains ont le privilège d’être appelé Figura, érigés
en véritable héros.
Hemingway définissait la course de taureaux ainsi : « la course de taureaux n’est pas un sport
au sens anglo saxon du terme, c’est à dire que ce n’est pas un combat égal entre un taureau
et un homme. C’est plutôt une tragédie ; la tragédie de la mort du taureau, qui est jouée, plus
ou moins bien par le taureau et l’homme qui y participent 50». Il met en exergue la
l’ambivalence de la place du torero entre sportif et artiste, la tragédie faisant écho au théâtre,
il rappelle également que la mort est un élément central de la course.
Si certains se refusent à qualifier la corrida de sport c’est, entre autres arguments, compte tenu
de son caractère violent.
Un parallèle peut être fait par exemple avec la violence des combats de boxe. Si l’argument
de protection de l’animal est écarté, la violence des combats de boxe peut être rapprochée de
celle que l’on rencontre lors d’un combat dans l’arène. En effet la boxe actuelle reste un sport
violent et parfois meurtrier51. Quant aux séquelles, d’après une étude du Docteur P.M Kemp,
40% des anciens boxeurs présenteraient une anomalie de perfusion cérébrale, et leurs
48
Propos attribué à Orson Welles, aficionado. Pour avoir découvert l’Andalousie à 17 ans Orson Welles (19151985) cultivera toute sa vie durant, une passion pour la tauromachie, au point de faire répandre ses cendres dans
la finca ( propriété) de son ami Antonio Ordonez (célèbre matador ayant fait son alternative en 1948).
49
Emmanuel Blanc, Du sang et des larmes de la souffrance des toreros , Atlantica, p 16.
50
Ernest Hemingway , Mort dans l’après midi, Folio,1938 p 49. 51
Par exemple le boxeur américain Levander Jonhson décède cinq jours après son combat contre Jesus Chavez
en 2005 (www.eurosport.fr)
25 performances psychologiques seraient inférieures à la normale52. Nous sommes donc dans le
cadre de la boxe en présence d’un sport violent, où les participants prennent des risques
connus de tous, et où le public paie pour y assister. Les champions sont parfois célébrés,
adulés et imités dans les clubs de boxe par les passionnés.
Dans le rapport au risque et au spectacle on peut faire le parallèle entre ces deux disciplines.
Le torero semble avoir une position propre à la discipline tauromachique, entre sportif,
artiste, acteur, héros invincible…
Et cela reste finalement à l’appréciation de chacun, mais lorsqu’il s’agit d’établir un statut
légal ou officiel, la polémique demeure.
§2 : une polémique d’actualité
Qui est le torero ? Quelle place peut prendre la corrida en France ? Si certains la considèrent
comme un sport, cette définition est intolérable pour d’autres, notamment la fédération de
liaison anti corrida (FLAC).
Récemment la polémique s’est réveillée à propos d’un jeune homme résidant dans le Gard qui
a été reconnu sportif de haut niveau. La presse a relayé la polémique.
Courant janvier, Un jeune toréro inscrit en deuxième année de licence de biologie à
l'université de Nîmes a obtenu la possibilité de se faire attribuer le statut de sportif de haut
niveau. Le jeune homme, en vertu de sa pratique tauromachique peut donc aménager son
emploi du temps pour pouvoir concilier études, entraînements de tauromachie et prestations
dans l'arène. Un possible sport étude torero ?
Le problème qui se pose, c’est que ce type d’aménagement est théoriquement réservé
aux « vrais » sportifs, et en France, la tauromachie n’est pas considérée comme un sport.
Une enseignante réagissant à ce sujet dans le midi libre affirme :"le contenu d'un
enseignement ne peut être la banalisation de la cruauté. La tauromachie n'est ni reconnu
comme un art, ni comme un sport, ni comme une culture".
Là où cette enseignante fait erreur, c’est qu’elle définit la tauromachie comme un tout , or, si
la corrida n’est pas reconnue comme un sport une autre discipline tauromachique qu’est la
course landaise l’est ,elle, depuis 1953, avec la création de la Fédération Française de course
landaise. Cette fédération possède ainsi son règlement technique, son calendrier de
52
Jean Emmanuel Ducoin, d’après une étude de PM Kemp, Humanité, 30 octobre 1995
26 compétition et son corps arbitral. Il s’agit ici aussi, d’une discipline très traumatique (fractures
des membres, luxations articulaires, hémo pneumo thorax, piétinement par l’animal…)53. La
course camarguaise a elle aussi une fédération sportive, comparable à celles de tennis, ou de
football.
Mais si ces disciplines sont reconnues comme des sports et non la corrida, cela réside
dans des considérations morales qui empêchent de reconnaître un combat avec mise à mort du
taureau comme sport.
La question de savoir où placer la pratique de la tauromachie dans le contexte français qui ne
fait que la tolérer est encore aujourd’hui épineuse. Mais chercher à la classer à tout prix
semble illusoire tant les polémique à son sujet sont récurrentes.
L’absence de fédération sportive n’empêche pas le torero de s’entrainer, tout comme le sportif
avant une représentation.
Section II : une hygiène de vie nécessairement irréprochable
Même sans donner de statut particulier au torero, force est de constater que sa place dans
l’arène fait de lui une personne à part, qui prend des risques considérables, qui côtoie la mort
et qui requiert par là une préparation et une surveillance de sa santé accrues.
Les toreros sont généralement des hommes jeunes, surtout les matadors (à quelques
exceptions près) et en parfaite condition physique.
Cette condition physique est essentielle, c’est elle qui leur permet d’affronter entre deux et six
taureaux (notamment lors des mano a mano54) en une après midi, et surtout de pouvoir
esquiver une blessure, faire face à une charge de taureaux, arriver à se relever. On imagine
ainsi facilement qu’un torero en surpoids aura beaucoup plus de difficulté à courir ou à sauter
la barrière, sans parler de l’esthétique qui fait elle aussi partie de la course.
La bonne condition physique est également primordiale dans l’optique d’une bonne
récupération post blessure. Il est évident qu’en l’absence de facteurs de risque tel que le
diabète, les pathologies cardio vasculaires, le surpoids, les risques de complications sont
amoindris et la cicatrisation plus rapide. Ils doivent être en bonne capacité physique pour se
remettre le plus rapidement possible de blessures sérieuses. En effet de par leur condition
physique, mais également un important facteur mental, les toreros blessés reviennent aux
53
« La course landaise : championnat de France », Docteur Philippe Ducamp ; revue médecin du sport, numéro
53- aout/septembre 2002, pp 9-12.
54
Voir glossaire définition de mano a mano
27 arènes dans des délais surprenants. Prenons l’exemple de JJ Padilla ,blessé à Dax le 13 août
2005 d’une cornada de 25 cm dans la cuisse. Il Torée à Béziers le lendemain55.
Etonnamment l’entrainement du torero n’est pas si intense au niveau physique, c’est
avant tout une répétition des gestes, une concentration accrue. Les entrainements physiques
semblent illusoires face à la bête à affronter qui représente jusqu’à 530 kilos de muscles. Au
cours d’une entrevue accordé au magazine « les athlètes unis » Roberto Galan56, jeune torero,
explique en quoi consiste son entrainement :
« Au début de l'hiver, nous partons à la campagne où nous tuons des taureaux. Nous allons
aussi aux « tentaderos » de femelles, qui sont des endroits où on évalue la bravoure et le style
des vaches pour les destiner ou non à la reproduction de taureaux de combat. C'est à ces
endroits que l'on s'entraîne.(…) dans une maison que nous avons à la campagne, nous faisons
des combats de salon, en simulant le taureau, et ceci afin de parfaire l'esthétique des passes
de cape ou de muleta. Je m'entraîne tous les jours. (…) D'habitude, je m'entraîne trois heures
le matin et deux l'après-midi. »
En matière de condition physique chaque torero s’entraine à sa manière. Pour
Sébastien Castella, torero français, le docteur Jean Michel Gouffrant57 dans une conférences
exagère même en affirmant que ce dernier ne fait jamais de sport ! Le footing semble
néanmoins être la base de cette préparation, s’ajoute pour certains d’autres sports tel le tennis,
le cyclisme, la natation… La préparation physico-technique se fait essentiellement à l’aide de
ce qui est appelé le carreton : une roue de bicyclette où sont montés deux bras et une paire de
corne. A l’aide d’un second, il s’entraine ainsi en créant un taureau mobile mais inoffensif58.
L’entrainement reste primordial et quotidien, le professionnel doit s’entretenir tout au long de
l’année pour être prêt et en condition au moment des temporadas que ce soit en Europe ou en
Amérique latine.
L’essentiel de la condition physique et de la qualité du torero tient en sa force mentale, le bon
équilibre moral est bien plus important qu’une condition physique irréprochable dans cette
discipline.
55
www.pablo-romero.asso.fr, site d’aficionados, site consulté le 30 mars 2010.
Roberto Galan, né le 22 octobre 1981, matador depuis 2001.
57
, Gouffrant Jean Michel, chirurgien taurin à Bayonne « Tauromachie et vache landaise », conférence à
l’université Victor Segalen,11 décembre 2008 Bordeaux 2. Vidéo disponible sur canalU, la vidéothèque de
l’enseignement supérieur.
58
Emmanuel Blanc, Du sang et des larmes de la souffrance des toreros, Atlantica, p 18.
56
28 Chapitre II : le torero comme acteur de sa propre santé : une notion à
nuancer
Le torero, plus particulièrement le matador de taureaux peut être assimilé à un sportif de par
les exigences de cette discipline. Il est seul face au taureau dans l’arène et est le gardien de sa
propre santé. Mais cette notion est à nuancer dans la mesure ou si le torero s’entraine pour se
maintenir en bon état physique, d’un autre coté il s’expose délibérément à la mort et au
danger (section 1). S’il est assimilé aux sportifs de haut niveau dans certain cas, est-il suivi
comme ces derniers ? (section 2).
Section I : l’exposition délibérée au danger
C’est ici un aspect important de la tauromachie. Le torero s’expose à un risque démesuré
sciemment et il en fait son métier. Peut on affirmer qu’il est acteur de sa propre santé à ce
moment là ?
C’est la passion qui anime le professionnel, qui le fait rentrer dans l’arène. Ce n’est pas la
mort qu’il souhaite y trouver. Le torero s’entraine pour ne pas être blessé ou tué au moment
du combat même si dans certaines novilliades la blessure est ressentie comme une fierté si
elle est faite par le taureau au détour d’une passe.
La première blessure est comme un passage où le jeune torero teste sa capacité à résister. El
landeno59jeune torero a ainsi affirmé « finir de tuer le taureau et partir à l’infirmerie à pied
m’a procuré beaucoup de fierté : montrer que j’étais capable de faire comme les plus
grands »60
La prise de risque n’est encore une fois pas spécifique à la discipline taurine. En effet
de nombreux sport représentent des risques plus ou moins importants tels que l’alpinisme, les
sports mécaniques, les sports extrêmes… dans les sports mécaniques par exemple on ne
compte plus le nombres de blessés et de tués parmi les champions comme le tragique accident
d’Ayrton Senna en 1994.
59
El Landeno, est un jeune torero vivant à Saint Perdon. Il a à son actif quelques becerradas mais n'a pu se lancer
dans un cycle de novilladas. Les difficultés rencontrées l'ont persuadées de mettre un terme à cet exercice sans
pour autant se retirer du monde de la tauromachie.
60
Céline Jardy, Conséquences psychologiques pour les toreros victimes des traumatismes lors des corridas ,
thèse de médecine soutenue le 14 septembre 2006 à l’université de Montpellier - p 72 29 Le risque est au cœur même de ce métier, le professionnel en est conscient et l’assume, il se
réalise à travers sa passion malgré les risques que cela comporte. La corrida n’est pas
considérée comme un sport mais les exigences sont très proches : une bonne condition
physique, de la concentration…et à ce titre le torero avant de rentrer dans l’arène est-il
médicalement suivi ?
Section II : comme le sportif de haut niveau, le torero est il suivi ?
La corrida n’est pas officiellement reconnue comme un sport. Existe-t-il tout de même des
contrôles comme les licences ? Les certificats médicaux ? Des contrôles anti dopage ?
Autour de cette profession il existe de nombreux fantasmes quant à la condition de vie des
toreros, et leurs éventuelles pratiques de « dopage » (§1). Qu’en est il réellement du suivi du
torero qui prend par à la course ? (§2)
§1 : les fantasmes autour de la profession
Si le torero est souvent défini comme un sportif de haut niveau, nombre de fantasmes autour
des « figuras » existent. Le Torero est souvent soupçonné de consommer des drogues telles
que de la cocaïne. La cocaïne est une drogue stimulante. Un stimulant rend une personne plus
alerte et énergique. La cocaïne peut également procurer une sensation d'euphorie qui aiderait
le torero face au fauve, et lui ferait perdre conscience du danger existant.
Mais il ne s’agit là que de rumeurs, qui ne sont pas prouvées, dans la mesure où comme il ne
s’agit pas d’une discipline reconnue comme sportive, les contrôle sont moindres, voire
inexistants. Le torero est seul maitre de sa condition physique. C’est lui seul qui détermine s’il
est capable de toréer ou non.
Les medias relaient tout de même encore certains faits divers pour alimenter la rumeur
comme c’est le cas dans un récent article de l’Agencias du 20 janvier dernier61.
Cet article relate la confiscation par la Guardia civil de Séville, de 220 kilos de cocaïne
impliquant une quinzaine de personnes, dont deux personnes du milieu taurin.
S’il est fait état de cas isolés comme celui exposé par l’Agencias, rien ne permet d’affirmer
que la pratique est courante.
61
Agencias, Sevilla, édition du 20/01/2010, article traduit sur le site internet de la Fédération de lutte pour
l’abolition des corridas, www. flac.over-blog.com, site consulté le 30 janvier 2010
30 Un cas également souvent rappelé dans le monde de la tauromachie est le cas de Fransisco
Montes Paquirro, les aficionados regrettent la première période de pratique de « paquirri », de
nombreuses cornada associé à un penchant pour la boisson auraient diminué ses facultés.
Si les fantasmes existent il ne font que renforcer le fait que ces figuras sont des personne que
l’on projette dans un autre monde. Il est parfois difficile d’admettre qu’un être humain
s’expose délibérément à l’animal sauvage.
Ces rumeurs ne semblent être que fabulations, « pas d’anxyolitique. Les toreros y sont tout à
fait réfractaires. Le médicament est quelque chose d’inconnu pour le torero. En ce qui
concerne sa préparation, bien entendu. L’absorption de dopants ou de fortifiants n’est que
pure imagination. Le seul recours à la pharmacie est l’emploi de bandages adhésifs ! 62».
La question n’est pas de savoir si oui ou non le torero utilise des produits dopants, la
question est de savoir si cela est contrôlé, si cela influerait sur une éventuelle prise en charge
de la blessure par le tiers payeur, si son contrat de travail peut être entaché…
§2 : tauromachie et dopage
La problématique du statut à donner à la tauromachie revient lorsque l’on aborde les questions
de dopage. Comme évoqué précédemment des soupçons de dopage existent. Si par extension
on essai de rechercher une corrélation entre le dopage sportif et celui attribué au torero, on
remarque que le dopage du second, se rapproche davantage de celui des artistes, (cannabis,
alcool, cocaïne) qu’a celui du premier.
En tauromachie espagnole, le contrôle anti dopage n’existe pas, il ne fait pas partie des
usages, c’est un problème tabou.
On prétend pourtant que l’usage des drogues n’y est pas exceptionnel. Mais en la matière il
est bien difficile de savoir quelque chose et d’en avoir la preuve puisqu’il n’y a pas de
contrôle. Si ces pratiques étaient décelées, elles relèveraient de la loi pénale pour absorption
de substances illicite63.
Il n’existe pas de fédération comme c’est le cas par exemple dans la course landaise.
Lorsqu’une fédération existe pour pratiquer un sport que se soit en professionnel ou amateur,
une licence est exigée. Cette licence passe par un examen médical obligatoire, pour s’assurer
que la personne est en bonne condition physique.
62
63
Emmanuel Blanc, Du sang et des larmes de la souffrance des toreros, Atlantica ,p 19
article 222-37, code pénal, modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000
31 « Les participants sont tenus de présenter une licence sportive portant attestation de
délivrance d'un certificat médical mentionnant l'absence de contre indication à la pratique
sportive de compétition, ou, pour les non-licenciés auxquels ces compétitions sont ouvertes,
un certificat ou sa copie certifiée conforme, qui doit dater de moins d'un an.64 ». Des
exigences de surveillance médicale existent donc dans les fédérations, qui permettent de
s’assurer que le sportif est apte. Or, cette exigence n’existe pas dans la tauromachie, comme
c’est également le cas dans le domaine du spectacle.
Le torero est donc seul maitre, seule conscience à décider s’il est apte ou non à prendre
place sur la piste. On peut imaginer que la décision de ne pas entrer en piste est influencée
notamment par la passion qui l’anime, et qui fait que chaque corrida est immanquable. Même
en cas de blessure très sérieuse, de nombreux toreros participent aux courses pour ne pas
manquer une occasion de rencontrer le taureau. La pression du mundillo est, elle aussi, un
facteur d’influence, autant pour le public que pour l’empresa, l’organisateur et les sommes
exorbitantes souvent mises en jeu.
Au delà d’un contrôle médical, un contrôle anti dopage pourrait être envisagé dans cette
discipline avant une course. C’est le cas dans d’autres disciplines, comme dans le cyclisme où
c’est quasi systématique.
En effet le jeu ne serait il pas faussé si la figura n’est plus consciente du danger ? Est elle
encore mythique si sa peur est annihilée ?
En règle générale, dans d’autre sport en France en tout cas, tout individu (qu’il soit
licencié ou non) participant à une compétition nationale, régionale ou départementale,
organisée ou autorisée par une fédération, ou à un entraînement préparant à une compétition,
peut être contrôlé. Le but de ces contrôles, organisés et centralisées par l’Agence Française
de Lutte contre le Dopage (AFLD), directement ou par l’intermédiaire d’une direction
régionale et départementale de la jeunesse et des sports, éventuellement à la demande d’une
fédération sportive, consiste à rechercher la présence de produits figurant sur la liste des
substances interdites65.
Ces contrôles n’existent pas dans la corrida, et si certains réclament la création d’une
fédération sportive pour la corrida, sont ils conscients que certaines dérives ne pourront plus
exister, alors qu’elle font peut être aussi partie de la tradition ? Lorsque l’on connaît la
récupération exceptionnellement rapide des toreros et leur retour au travail souvent précipité,
64
65
article L.3622-2,code de la santé publique « déroulement d’un contrôle anti dopage », www.santesport.gouv.f, site consulté le 22 avril 2010
32 l’exigence de contrôles médicaux, licence, et contrôle anti dopage ne viendrait-elle pas
perturber le rythme de ces courses ?
Le torero est conscient des risques qu’il prend, il choisit de retourner sur la piste pour
des bonnes ou mauvaises raisons, mais il n’est pas suicidaire et ne vas pas chercher la mort,
mais simplement la frôler. Par un entrainement régulier, une concentration intense, le torero
se protège lui même. Les contrôles annexes sembleraient dans cette discipline superflus. Mais
dans un contexte actuel de judiciarisation, dans le cadre législatif précaire de la corrida, ces
contrôles pourront à terme être exigés, éventuellement par le tiers payeur ou l’assureur de ces
personnalités. Si le torero est prêt à prendre des risques en ne contrôlant pas sa santé, et en ne
faisant l’objet d’aucun contrôle extérieur, les personnes qui prennent en charge
financièrement la réalisation du risque vont elles suivre éternellement un laxisme médical
comme celui ci ?
L’absence de licence et de contrôle est à souligner, et c’est ce qui fait peut être défaut
en amont dans la protection de la santé du professionnel de la tauromachie. Mais il faut
souligner l’évolution et les efforts fournis par les organisateurs et aficionados, concernant
l’encadrement médical de la course, au travers le développement des infrastructures
d’infirmerie, et la prise de conscience progressive de la nécessité de doter cette dernière d’une
équipe médicale spécifique et compétente.
33 PARTIE II : UN ENCADREMENT HUMAIN ET
MATERIEL DE LA COURSE
TITRE I : l’infirmerie : une organisation insolite au cœur des arènes
L’infirmerie d’arène… l’un des lieux sacré de l’amphithéâtre est le lieu d’urgence, de
premiers soins. Les exigences de positionnement et d’équipement ont considérablement
évoluées au cours des siècles, dans un souci permanent de renforcer la protection du torero
(chapitre I). En France comme en Espagne des règlements sont mis en place, et indiquent les
consignes à suivre. Des consignes qui divergent sur certains points notamment en fonction de
la catégorie d’arène et du pays concerné (chapitre II).
Chapitre I : l’évolution des exigences d’équipement
Les arènes sont souvent le théâtre de graves blessures, le taureau reste un animal sauvage, le
risque est grand et les traumatismes sérieux. Le premier rôle de l’infirmerie est d’assurer la
prise en charge des soins urgents, apportés dans les minutes qui suivent une « cornada » ou
une « voltereta 66». Cette petite pièce souvent discrète dans les arènes s’est développée depuis
le XXème siècle (section I), pour arriver aux exigences et équipements actuels (section II).
Section I : historique
Les exigences techniques et matérielles dans l’infirmerie se sont développées. La santé du
torero est mieux préservée (§1), mieux connue, notamment car la médecine évolue, les
techniques s’améliorent (§2).
66
voir glossaire définition voltera
34 §1 : Une amélioration considérable depuis le XXème siècle
Depuis longtemps, le problème de la sécurité des hommes s’exposant aux combats de
taureaux a été considéré. Plusieurs solutions ont été proposées, mais c’est surtout au
XXème siècle que la prise en charge s’est améliorée.
Très tôt, il a été proposé l’emboullage des cornes pour minimiser les risques pour les toreros,
mais cette décision ne durera pas longtemps du fait de la pression populaire.
Au début de l’organisation des corridas, la prise en charge est précaire tant par la
connaissance médicale de l’époque, que par la rareté de la présence d’un médecin à proximité.
En 1771, l’une des premières victimes recensée est José Candido67. Pris par un taureau de
Bornos aux arènes du Puerto de Santa Maria le 23 juin 1771. Il mourut dix heures plus tard. Il
reçoit une cornada au niveau rénal, et une seconde au niveau de la cuisse. Le matador est
transporté dans sa demeure, et les premiers soins tarderont à intervenir, aucun médecin étant
sur place. Il a donc fallu attendre la venue d’un médecin de Cadix situé à 30 kilomètres.
Candido est mort le jour même.
La prise de conscience de la nécessité d’adapter les structures médicales à la gravité
des blessures engendrées lors de corrida se développe peu à peu. On peut relever l’affirmation
de Fransisco Montes Paquirro, lui même torero, qui écrit en 1836 « quand par malchance il y
aura un blessé, il faudra qu’il y ait une pièce préparé avec des lits et un chirurgien au cas ou
celà serait nécessaire »68.
Le XIXème siècle voit ainsi apparaître les premiers règlements taurins comprenant entre autre
l’organisation sanitaire.
En 1880, le Comte Herrera Spinola, alors gouverneur de Madrid, établit un règlement avec un
chapitre entier consacré aux infirmeries.
On peut citer, à titre d’exemple, l’article 86 de ce règlement qui stipule : « l’infirmerie des
arènes sera dotée de tout le matériel nécessaire, utilisé et renouvelé suivant les besoins ».On
voit donc se dégager progressivement à la fin du XIXème siècle une volonté d’assistance
sanitaire aux nombreux toreros blessés.
Le XXème siècle continue dans cette voie et l’équipement d’infirmerie est précisé et de plus
en plus clairement défini. Le 8 septembre 1911, une ordonnance royale en Espagne va
s’attacher à énumérer le matériel exigé dans l’infirmerie.
Elle stipule notamment que :
67
Site d’aficionados ; http://www.torocartel.com/toreros.html; site consulté le 23 février 2010
Traité de tauromachie « Tauromaquia compléta » (Tauromachie complète), Francisco Montes Paquirro, 1836,
dans lequel il définit sa conception du torero 68
35 « L’infirmerie devra être installée précisément au centre de la plazza de toro69, dans
l’endroit le plus près du redondel70 et d’un accès facile. Elle consistera en une salle
bien aérée et bien éclairée par la lumière naturelle, de dimension minima de
15 mètres carrés, en communication avec une salle de dimension égale, pour y
installer des lits et un service d’hospitalisation ; ou bien en une salle de 30 mètres
carrés si dans la même pièce on installe les lits et l’infirmerie »
Le décret mentionne alors également à ce moment là tout le matériel indispensable :
instruments de chirurgie, produits pharmaceutiques…
En France, la situation est différente puisque la tauromachie présente la particularité
de n’être que tolérée. L’existence de la corrida est de plus fonction de l’application de la loi
Grammont qui agit en faveur de la défense des animaux.
Emerge donc progressivement un encadrement précis des infirmeries d’arènes. Au delà de la
prise de conscience matérielle, qui permet petit à petit d’équiper les « plaza de toro »
d’infirmerie, les évolution de la médecine et de la pharmacologie rendent ces lieux de plus en
plus efficaces. Mais l’indifférence des autorités ajoutée à la pugnacité des aficionados fait que
la tauromachie et la pratique de la corrida continue a se développer en France et la loi du 24
mai 1951 affirme que la loi Grammont « n’est plus applicable aux courses de taureaux
lorsqu’une tradition ininterrompue peut être évoquée »71
Depuis, la corrida est en France plus tolérée que légalement admise. Il n’y a donc pas de texte
officiel permettant la règlementation des courses de taureaux. C’est en 1966, que les
responsables des villes taurines de France s’associent pour former l’Union des Villes Taurines
de France (UVTF), qui conduira à l’élaboration en 1973 d’une règlementation des courses de
taureaux, reprenant notamment l’organisation des infirmeries d’arènes. Avec à cette époque
une différenciation des infirmeries d’arènes selon leur catégorie, comme si les blessures
étaient de premières, deuxième ou troisième catégorie. Ce qui est absurde car les risques sont
les mêmes.
Au delà des exigences d’équipement peu à peu intégrées dans les règlements taurins,
la prise en charge du torero blessée va considérablement s’améliorer, notamment grâce aux
69
voir glossaire définition de plaza
voir glossaire, définition de redondel
71
Emmanuel de Monredon La corrida par le droit, UBTF, 2000, pp. 47-63
70
36 avancées de la pharmacologie et des techniques médicales. Certains outils et produits, vont
devenir indispensables et exigés pour assurer le rôle de l’infirmerie d’arène.
§2 : Les évolutions de la médecine au service de la santé du torero
Si les exigences ont évoluées, les outils se sont également améliorés, et les avancées de la
médecine ont permis une meilleure prise en charge du blessé. Quand auparavant une table de
fortune, une bouteille d’alcool et du coton suffisait à parler de service de santé, peu à peu les
infirmeries se sont doté de matériel plus efficace et davantage adapté à la particularité des
blessures.
Le problème le plus important était causé par les infections faisant suite aux blessures. Les
infections étaient en effet très courantes avant l’invention des antibiotiques. On peut donner
comme exemple parmi beaucoup d’autre José Raúl Gracia Hernández dit « El tato »72 qui fut
amputé de sa jambe après une blessure au cours d’une corrida en 1869, ou bien encore
Manuel Baez « Litri » blessé le 11 février 1926 qui est mort d’une septicémie.
Le matériel des infirmeries a évoluée notamment du point de vue de la pharmacologie et des
techniques chirurgicales.
La plus importante et déterminante avancée dans la prise en charge du blessé et de ces
blessures si spécifiques, avec des plaies souillées par le sable, le fauve… c’est bien sûr les
antibiotiques, plus précisément la pénicilline.
La pénicilline a été découverte par hasard en 1929 par Alexander Fleming. Ce chercheur
écossais travailla pendant plusieurs années à essayer de purifier cet antibiotique. Ce n'est
qu'en 1940 que deux autres chercheurs, Florey et Chain, réalisèrent le rêve de Fleming en
purifiant la pénicilline et en la rendant disponible au monde médical. La médecine venait ainsi
de se doter d'une arme très efficace pour combattre des infections parfois mortelles73, ce qui
est primordiale pour éviter des amputations ou des infections de plaies courantes en tauro
traumatologie. Cette découverte a été accueillie avec un immense soulagement par les toreros
qui redoutent moins les risque d’infections, d’amputation, de complication. Une statue sera
même érigée en son honneur à Madrid devant les arènes de Las Ventas. Y est inscrit :« Au
72
« El tato » né le 3 novembre 1872 à Saragosse (Espagne), est un ancien matador espagnol.
Pierre Vignais en collaboration avec Paulette Vignais., Science expérimentale et connaissance du vivant: la
méthode et les concepts, EDP sciences.P167.
73
37 docteur Fleming, en preuve de reconnaissance des toreros.74 ». Cette statue représente un
torero saluant le buste de Sir Alexandre Fleming.
Comme autre compétence nouvelle, l’anesthésie et la transfusion sanguine ont été des
avancées primordiales dans la prise en charge du torero blessé. La première née dans les
années 1840, grâce aux découvertes de deux dentistes Horace Wells et William Morton
permet une absence de douleur ouvrant ainsi le champ à la chirurgie.
La seconde fut elle aussi primordiale. Elle apparut progressivement avec d’abord des
tentatives de transfusion homme-animal, puis homme-homme, mais qui demeuraient souvent
des échecs jusqu’à la découverte en 1900 par Karl Lansteiner75 des propriétés des groupes
sanguins permettant d’éviter les soucis d’incompatibilité. Cette découverte lui a valu le pris
Nobel en 1920.
Une particularité de la chirurgie taurine qui nécessite des transfusions d’urgence vitale a
amené une pratique originale. Au début du XXème siècle, la transfusion n’était encore que
74
« Maqueta Guia Madrid », guide touristique de la ville de Madrid 75
Patrick Hervé, Jean-Yves Muller ; pierre Tiberghien La transfusion sanguine demain ,John Libbey,
collection médecine, sciences sélection; p5
38 peu maitrisée, les soins donc pas aussi bien organisés qu’aujourd’hui, et certaines arènes se
dotaient d’un donneur de sang universel rémunéré et lié par contrat, qui se devait d’être
présent au cours de la manifestation.
Ces donneurs étaient surnommés les « vacas de
sangre ». Une autre solution impensable aujourd’hui consistait à choisir les infirmiers de
l’équipe médicale en fonction de leur groupe sanguin. Des infirmiers de rhésus 0 négatif, pour
être donneur universel. Cela supposait d’offrir un repas consistant à ces personnels avant la
corrida. Une discrimination à l’embauche sur critère de groupe sanguin ?
Section II : situation actuelle
Les exigences de qualité des soins s’avèrent être les mêmes dans tous les domaines de la
santé. La récente loi Hôpital Patient Santé Territoire76 met au centre de ces objectifs des soins
de qualité et de proximité. Ces deux objectifs sont ceux recherchés dans la prise en charge du
torero blessé. Le règlement taurin municipal dresse une liste des instruments et matériels
nécessaires et obligatoires dans un souci de qualité de soins (§1), il exige également que
l’infirmerie soit située dans un contexte précis, prise en compte du territoire (§2).
§1. Des exigences d’équipement un souci de qualité
Face aux situations catastrophiques que l’on rencontrait auparavant, et grâce à l’aficion de
certains médecins, les infirmeries se sont peu à peu dotées du matériel nécessaire jusqu’aux
exigences actuelles du règlement taurin municipal. Règlement mis en place par l’UVTF et qui
s’impose lors de toute représentation tauromachique dans les villes membres de cette
association.
Actuellement Nîmes ne fait plus partie de cette association mais cela n’enlève en rien
l’importance de ce règlement pour la ville.
La composition des infirmeries se trouve dans le troisième chapitre de celui ci, aux articles 11
à 18.77
Le préambule de ce texte précise que « le présent règlement devra être obligatoirement
observé dans toutes les villes membres de l’union des villes taurines de France ».
Ce sont les articles 13 et 14 qui précise l’infrastructure et le matériel exigé. Ainsi l’article
1 stipule :
76
77
loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et au territoire Règlement taurin municipal mis à jour en 2007
39 « L’infirmerie de toute plaza sera constituée par une pièce propre, aérée, munie d’un point
d’eau et d’un très bon éclairage ». L’article 14 dispose lui que : « l’infirmerie devra être
équipée de tout le matériel nécessaire permettant de pratiquer sur place la chirurgie
d’urgence spécifique à la corrida :
- deux boites de chirurgie générale avec le nécessaire pour effectuer un clampage
vasculaire
- du matériel d’anesthésie et d’intubation ainsi que l’oxygène, l’aspiration et la
possibilité de réaliser des perfusions »
Les exigences restent tout de même assez succinctes. Monsieur Bauchu, chirurgien,
s’est attaché à dire qu’il s’agissait bien d’infirmerie et non d’un bloc opératoire. C’est un
matériel de premiers soins.
L’équipement dépend du chirurgien chef d’équipe. Il choisit dans son établissement tout le
matériel nécessaire. Cette pratique a l’avantage de fournir au chirurgien des instruments dont
il a l’habitude. Le cout, très important, est amorti. Il est synonyme de gratuité pour l’empresa.
Grace à des conventions qui existent parfois entre les arènes et l’hôpital, comme c’est le cas
notamment dans les arènes d’Arles, le plus gros du matériel est installé le matin de la corrida.
Il n’y a alors pas de problème d’usure ou d’entretien lorsqu’il n’y a pas de représentation dans
les arènes. C’est l’hôpital qui fournit dans ces cas là le matériel.
Il s’agit donc, non pas de l’équipement complet d’un bloc opératoire, mais de l’essentiel avant
transfert du blessé. Rien ne sert de suréquiper les infirmeries entre autre d’un point de vue
économique. Sachant de plus que les arènes sont ,en général, situées à proximité d’un centre
hospitalier disposant de blocs opératoires. En effet, les frais relatif à l’installation d’un bloc
opératoire seraient disproportionnés face à la rareté des accidents nécessitant l’utilisation d’un
tel matériel. Dans les années 1980, les infirmeries d’arènes comme celles de Madrid, Bilbao
et Séville était suréquipées, avec même la présence de chambre d’hospitalisation pour cette
dernière place espagnole78.
§2 : des exigences de situation géographique : un souci de proximité
L’infirmerie doit être située le plus près possible du lieu de l’accident, au mieux dans l’arène
même, à défaut elle sera remplacée par un bloc opératoire mobile.
Parer au plus pressé sur place les petites blessures pour ensuite faire au plus vite pour évacuer
le blessé dans de bonnes conditions : telle est la mission de l’infirmerie. Elle se doit d’être un
78
Emmanuel Blanc, Du sang et des larmes de la souffrance des toreros , Atlantica,2004, p 26
40 lieu d’urgence et de premiers soins. Pouvoir y réaliser le premier geste, le geste qui sauve
avant de pouvoir transporter le blessé en milieu hospitalier une fois le risque majeur écarté et
le maximum réalisé.
Le docteur Jean Yves Bauchu, présent comme chirurgien dans les arènes lors de nombreuses
corrida, s’attache à appuyer sur le fait que le local n’est qu’une infirmerie et non pas un bloc
opératoire. C’est donc bien un lieu de premier secours, pour palier au plus vite des blessures
graves avant la prise en charge hospitalière. Mais ce sont souvent ces premiers gestes qui
sauvent la vie du blessé, d’où l’exigence de proximité.
Le règlement taurin UVTF dans son article 13 recommande que l’infirmerie ait un
accès direct sur le callejon79 pour permettre une prise en charge rapide et une manipulation
minimum du corps avant les soins.
Le type de blessures traumatiques rencontrées dans les arènes nécessite que cette prise en
charge soit quasi immédiate, la proximité est alors un élément essentiel de la qualité et de
l’efficacité des soins apportés.
Les arènes de Nîmes sont bien équipées, mais son accès depuis la piste est problématique. En
effet, il y a environ une trentaine de mètres entre le bois de la contre piste et celui de la porte
d'entrée de l'infirmerie, ponctués de surcroît de 4 grandes marches romaines80. Ce qui est
préjudiciable pour le torero blessé victime d’un traumatisme qui devra affronter le transport et
ses inconvénients, à savoir le choc des pas des porteurs.
De surcroît, la forme de la piste nîmoise étant ovale avec un petit axe et un grand axe, force
est de constater que l'infirmerie se situe dans le grand axe impliquant une plus grande distance
à parcourir en cas de blessure survenant au centre de la piste avec les mêmes conséquences
préjudiciables lors du transport81.
Il est également recommandé que l’infirmerie soit à moins de vingt minutes d’un
centre hospitalier capable de prendre en charge le type de blessure que l’on retrouve lors de
corrida.
Il faut éviter que l’acheminement du blessé vers l’hôpital soit trop long, les premiers soins
effectués dans l’infirmerie doivent rapidement être relayés par un bloc opératoire plus équipé.
79
voir glossaire définition callejon
Propos recueillis le 13 décembre 2009 au cours d’un entretien avec le Docteur Jean Yves Bauchu, Chirurgien.
Spécialiste de la chirurgie viscérale, chirurgien des arènes de Nîmes.
81
Jean-François Benezet, « du philosophe au moza de quirofano », l’auteur est un médecin anesthésiste et
aficionado, fait partie de l’équipe médico-chirurgicale de l’infirmerie des arènes de Nîmes (en tandem avec JeanYves Bauchu. Il est intervenu le 3 décembre 2009 devant les membres du « cercle taurin nîmois »sur le thème :
l’infirmerie comment ca marche ?Propos retranscrits sur le site d’aficionados : www. vingt-passes-pas-plus.overblog.org.
80
41 Cette exigence a été soulignée notamment lors de la mort de l’illustre Paquirri. « 26 décembre
1984. 21 heures. Une GS Citroën transformée en ambulance fonce sur une route infernale qui
n’en fini pas de tourner. Secoué par les cahots, le torero agonise entre les oliviers. Un homme
vêtu d’un costume a paillette d’or s’éteint. Un mythe s’allume. Paquirri est mort. Entre
Pozoblanco et Cordoue. En pleine campagne82. » La mort de Paquirri est l’illustration de la
nécessité d’un hôpital de proximité dans le cas de la prise en charge du blessé dans les arènes.
Exigence de proximité qui est la même pour toutes les urgences, comme pour les soins
primaires d’ailleurs. Proximité qui est l’un des fers de lance de la récente loi Hôpital Patient
Santé Territoire, avec une volonté de combattre les déserts médicaux. C’est un élément qui est
également recherché dans la prise en charge du torero. Pendant très longtemps en Espagne, on
considérait la gravité d’une cornada en fonction de la ville ou du village dans laquelle le coup
de corne avait été reçu.
Aujourd’hui, avant la course des accords sont conclus avec le centre hospitalier le plus proche
pour l’admission immédiate d’éventuels blessé. Et une ambulance est toujours prete a la sortie
de l’infirmerie pour acheminer le blessé.
Si les exigences de proximité ne peuvent être respectées directement dans l’enceinte
de l’arène, on décide de mettre en place des blocs opératoires mobiles comme ceux proposés
par la croix rouge.
Afin de palier le manque d’équipement de certaines petites arènes, c’est un véhicule présent à
l’extérieur pendant toute la durée du spectacle qui s’impose. Il ne sert pas à l’évacuation des
blessés, c’est le rôle de ou des ambulances sur place. Le bloc opératoire mobile a alors le
même rôle que l’infirmerie d’arène, à savoir stabiliser le patient avant de le transférer vers un
centre de soin (hôpital ou clinique) adapté à la pathologie présentée.
Mais si la législation espagnole exige et impose la présence de ces camions dans les arènes
dépourvues d’infirmerie, ce n’est pas le cas en France. Et il arrive que seul un camion de
pompier assure cette fonction mais cela est de plus en plus rare.
82
Emmanuel Blanc , Du sang et des larmes, de la souffrance des toreros , éditions Atlantica,2004, p 21 42 Chapitre II : des exigences qui diffèrent en fonction de la place et de la
catégorie d’arène
D’une catégorie d’arène à l’autre, les exigences diffèrent (section I). D’un coté et de l’autre
des Pyrénées les attitudes ne sont pas toujours les mêmes, mais des palliatifs communs sont
utilisés (section II).
Section I : des exigences qui diffèrent en fonction des catégories d’arène
Il existe des catégories d’arène qui tiennent compte de leur capacité d’accueil et du nombre de
corrida qu’elle présenta par an notamment (§1), et malheureusement toutes ne sont pas aussi
bien équipé qu’il le serait nécessaire (§2).
§1 : constat
Les arènes française et espagnoles sont classées en fonction de catégorie. Catégories qui en
terme d’installation sanitaire reflètent les différences d’équipement que l’on peut trouver.
« Sont en première catégorie les arènes de Arles, Bayonne, Dax, Mont de Marsan, Nîmes,
Vic fezansac. Sont en deuxième catégorie les arènes de Céret et Floirac. Les autres arènes
sont en troisième catégorie » c’est ce qu’affirme le règlement taurin municipal83. Ces
catégories prennent en compte différents critères.
- arènes de première catégorie :
- construction en dur
- capacité minimum de 6000 places.
- cinq spectacles majeurs, corridas, novilladas
piquée ou corrida rejon84 dans l’année
- corrals85
- infirmerie à demeure, équipées des normes du
règlement.
- arènes de seconde catégorie :
- structure en dur ou démontable avec minimum
3000 places.
- trois spectacles majeurs minimum
83
article 10, règlement taurin municipal.
voir glossaire définition rejon
85
voir glossaire définition corral 84
43 - arènes de troisième catégorie :
- toutes les autres plazas
L’assemblée générale de l’UVTF, tenue en 2003 à Carcassonne, s’attache à rappeler qu’ « il
est bien entendu que pour les arènes de deuxième et troisième catégorie, le respect de l’UVTF
s’impose également et que toutes les mesures doivent être prises pour l’assistance sanitaire
nécessité par des accidents ou des blessures pouvant survenir au cours de la célébration d’un
spectacle taurin. »
En fonction des catégories et de la taille des arènes les équipement diffèrent, et si les
grandes arènes sont parfois suréquipées, de nombreuses places restent précaires en matière
d’équipement, et mettent en doute les capacités des structures à prendre en charge la gravité
des blessures rencontrées, et l’éventualité de plusieurs cas successifs.
Par exemple entre deux places françaises, Bayonne et Rion des landes on peut voir que
l’encadrement est très différent86.
Ainsi les arènes de Bayonne dispose d’une infirmerie en son sein avec un accès facile depuis
le rudeo, avec:
-­‐
à l’intérieur : un bloc opératoire équipé, avec une table d’opération, une armoire à
pharmacie, un lavabo, un scialytique87, le matériel d’anesthésie nécessaire à une
intervention et du matériel de chirurgie apporté par l’équipe médicale.
-­‐
à l’extérieur : une ambulance en attente face à la sortie. Et les arènes sont situées à 500
mètres de la clinique ou le blessé sera transporté si besoin est.
-­‐
L’équipe chirurgicale est composée de 3 chirurgiens, de 2 anesthésistes, 6 infirmières
-­‐
Les arènes de Rions des landes elle se composent de :
-­‐
à l’intérieur : une table d’examen, un lavabo, une source de lumière artificielle, et une
source naturelle. Le matériel de chirurgie, d’anesthésie, de réanimation est apporté par
l’équipe médicale
-­‐
à l’extérieur : une ambulance privée ainsi qu’une ambulance bloc opératoire mobile de
la croix rouge.
-­‐
L’équipe médicale comprend un anesthésiste réanimateur, 1 chirurgien, 2 infirmiers.
86
87
Isabelle Zavaleta, les toreros blessés dans les arènes lors des corridas, thèse de médecine, Bordeaux 2003.
Appareil d'éclairage utilisé en chirurgie, qui permet d'éliminer les ombres portées
44 Compte tenu de ces différences d’équipement, toréer dans une place ou dans l’autre peut avoir
des conséquences dramatiques en cas d’accident, or se sont souvent dans les plus petites
arènes, les moins équipées que les risques sont les plus grands.
§2 : des différences d’équipement critiquables
L’état des infirmeries de nombreuses arènes françaises reste aujourd’hui préoccupant. Des
progrès doivent encore être faits quant à la qualité de l’équipement de certaines infirmeries de
petites arènes que ne saurait atténuer le palliatif envisagé par les blocs opératoires mobiles.
On peut même qualifier la situation actuelle de paradoxale. Ce sont, en règles générale, les
arènes qui sont les plus proches de grands centres de soins, hôpital ou clinique, qui sont les
plus équipées. Cela venant évidemment du fait que les grandes arènes sont dans les grandes
villes pour la plupart dotées de centres médico chirurgicaux. Voici une illustration de
l’inégalité de la répartition de l’offre de soin sur le territoire français.
Chaque arène est un cas particulier où l’organisation de l’infirmerie doit être confiée à celui
qui est nommé responsable du local et qui saura s’adapter aux conditions locales inamovibles.
Ce qui est critiquable aujourd’hui, c’est la disparité des conditions de soins entre les
arènes alors que les blessures y sont identiques. Ce sont les grandes arènes comme celles de
Bayonne, Nîmes et Arles qui sont les mieux équipées. Ce sont elles qui accueillent les plus
grand toreros, les plus expérimentés. Et les petites arènes, qui sont le plus souvent le théâtre
de novillades, sont moins équipées alors que l’on observe que les accidents dramatiques y
sont plus fréquents. Ainsi, sur 400 morts dans les arènes lors des corridas au siècle dernier on
rescence : 50 maestros, 150 novilleros, 50 banderilleros et 50 picadors88.
Ce sont en effet les novilleros les moins expérimentés, ceux qui prennent souvent le plus de
risques inconsidérés pour se démarquer, qui sont victimes de graves blessures, engageant le
pronostic vital. Or les places dans lesquelles ils pratiquent sont parfois sous équipées en
matière d’infirmerie et d’équipe médicale.
88
chiffres issus de la conférence « Tauromachie et vache landaise », Gouffrant Jean Michel, chirurgien taurin à
Bayonne, conférence à l’université Victor Segalen,11 décembre 2008, Bordeaux 2. Vidéo disponible sur
canalU, la vidéothèque de l’enseignement supérieur.
45 Section II : des attitudes transfrontalières différentes, des palliatifs communs.
Les infrastructures sont souvent plus développées dans les places espagnoles. Une
comparaison entre les deux pays européens qui accueillent des corridas, à savoir la France et
l’Espagne (le Portugal n’organisant pas de corrida à l’espagnole mais uniquement des corridas
sans mise à mort), paraît inévitable.
L’avantage ibérique réside dans le fait que le gouvernement espagnol légifère tous les aspects
de la tauromachie. De plus cette discipline est beaucoup plus présente sur le sol espagnol. On
le voit en comparant le nombre de corrida dans un pays par rapport à l’autre, et également au
nombre d’écoles taurines présentes sur ces deux territoire (4 en France contre 42 en Espagne
en 2003) . De ce fait les blessures par cornes de taureaux sont nécessairement plus fréquentes
en Espagne et les pouvoirs publics s’impliquent beaucoup dans l’encadrement et la
règlementation, notamment en matière d’infirmeries (ces dernières sont régulièrement
inspectées).
En France, la situation est différente dans la mesure ou l’implication des pouvoirs publics se
fait à l’échelle municipale et non pas nationale.
La prise en charge des blessés n’est également pas la même. En Espagne, il a été
envisagé et prévu, une prise en charge sur place des blessés, et ce même d’un point de vue
chirurgical avec parfois des aberrations, comme dans l’infirmerie de Séville, où il y avait des
chambres pour hospitalisations !
Cette attitude différente entre la France et l’Espagne, tient sans doute également de la
proximité des grands centres de soins en France comparativement à l’Espagne. En moyenne,
la distance en France entre les arènes et une structure de soins capable d’accueillir ce type de
blessé est d’environ 20 kilomètres. Avec des extrêmes comme une proximité d’environ 500
mètres entre les arènes de Bayonne et le centre hospitalier de la cote basque, et les arènes des
saintes marie de la mer qui se situent ,elle, dans un rayon supérieur à 30 kilomètres du
premier centre de soin adapté89.
De plus en France les infrastructures routières sont correctes, alors qu’en Espagne
certaines corridas se déroulent dans des arènes rurales, dans des régions montagneuses à une
distance importante de tout centre approprié à une lésion grave par corne de taureaux.
89
Données tirées du site google map, maps.google.ca, site consulté le 3 mai 2010
46 Alors qu’en France le patient est conditionné par l’équipe medico chirurgicale afin d’être
transporté vers le bloc opératoire le plus proche, et suivi par les médecins qui ont pratiqué les
premiers gestes salvateurs, en Espagne tout tendait vers une organisation telle que les actes
chirurgicaux puissent se faire sur place.
Que ce soit en France ou en Espagne de nombreuses infrastructures mises à
disposition pour prendre en charge les lourdes blessures rencontrées lors des corridas, que ce
soit lors de novillade ou de corrida, sont parfois insuffisantes.
Même si des ambulances sont toujours sur place prêtes à transférer le blessé dans un centre
adapté, il s’agit de trouver des palliatifs au manque de moyen disponible sur place.
Des blocs opératoires mobiles peuvent être installés pour pallier au manque
d’équipement et cette possibilité est largement utilisée en France comme en Espagne. Mais les
médecins ne s’en satisfont pas, le docteur Jean Michel Gouffrant reproche un espace trop
réduit pour un blessé qui prend beaucoup de place et toute l’équipe médicale, dans une
atmosphère humide.
Mais cela reste un palliatif aprécié dans les arenes dépourvues d’infirmerie suffisante. Ces
camions sont stationnés à proximité immédiate des arènes, et dispose de tout le matériel pour
permettre un geste chirurgical.
Au delà de l’importance de structures adaptées pour accueillir le blessé, il est essentiel
de disposer sur place de personnel compétent pour prendre en charge l’accident.
TITRE II : une équipe médicale pluridisciplinaire dans le callejon
Au delà du simple aspect matériel, la bonne prise en charge de la blessure dépend
évidemment de l’équipe médicale présente sur place. Un bloc opératoire suréquipé serait
inutile si les médecins compétents n’étaient pas dans le callejon prêt à prendre le blessé en
charge dans la minute.
Et une bonne équipe avec un matériel succinct sauve un blessé sur une table de cuisine !
Cette présence médicale pendant le déroulement de la course a su évoluer (Chapitre I) avec
des compétences de plus en plus spécifiques, et des exigences de plus en plus encadrées. Il
s’agit d’une discipline avec un contexte particulier qui pour diverses raisons rend la pratique
de la médecine lors des corridas compliquée (Chapitre 2).
47 Chapitre I : historique et situation actuelle
Très tôt la présence de personnel médical au cours de l’organisation de ce type de spectacle
s’est imposée (chapitre I), évoluant progressivement vers le schéma actuel, à savoir une
équipe pluridisciplinaire au chevet du blessé (chapitre II).
Section I : l’évolution de la prise en charge
La nécessité d’assurer la prise en charge du blessé dans l’arène est une considération très
ancienne qui s’est développée au cours de l’histoire (§1), les équipes sont aujourd’hui de plus
en plus qualifiée (§2), jusqu’à avoir fait aujourd’hui de la chirurgie taurine une spécialité.
§1 : une prise de conscience progressive
« Autour de l’arène, majestueuse comme un cirque du temps de Tite ou de Vespasien… 90».
L’arène d’aujourd’hui fait souvent écho aux jeux du cirques du temps des romains. La corrida
serait-elle une survivance des jeux du cirque à Rome ? La tauromachie cite souvent Rome
comme étant son berceau. Claude Pelletier y voit « une indéniable parenté entre certaine
forme de jeux romains et l’actuelle corrida91 ». La question n’est pas là, et l’origine et les
racines de la corrida sont encore aujourd’hui des sujets polémiques. Néanmoins un
rapprochement peut être fait relatif à la prise de conscience de la nécessité de prévoir une
équipe médicale sur place. En effet au delà de la nécessité de prendre en charge le blessé pour
qu’il reprenne au plus vite sa place dans le cirque, « il était en outre indispensable que des
médecins assistassent aux spectacles des courses de char pendant toute leur durée ; car
souvent il survenait des accidents plus ou moins graves qui exigeaient des secours
immédiats92 ».
La prise de conscience d’une présence médicale n’est donc pas un phénomène récent, mais
celui ci a su évoluer, et cherche encore aujourd’hui des moyens plus efficaces dans la prise en
charge du blessé.
L’évolution des équipes chirurgicales a été considérable, passant du médecin généraliste aux
équipes médico chirurgicales actuelles de plus en plus compétentes.
90
Alexandre Dumas, de Paris à Cadix, 1846
Claude Pelletier, l’heure de la corrida, Decouvertes Gallimard, 1992. 92
Docteur René Briau, L’assistance médicale chez les romains, 1869, p 16. 91
48 C’est vers la fin des années 1950 que les publications sur la tauro-traumatologie se
multiplient et que la chirurgie taurine commence à se spécialiser. C’est l’époque où
apparaissent les associations de chirurgie taurine sous l’impulsion d’hommes tels que
Maximo Garcia de la Torre93 médecin et aficionado. En 1974 se crée l’association
internationale de chirurgie taurine, suivra en 1981 l’Association Française de Chirurgie
Taurine94. Ces associations sont à l’origine de l’amélioration de la prise en charge par la mise
en commun des connaissances par le biais de congrès, d’expériences…
Aujourd’hui l’association française de chirurgie taurine publie même un mensuel « el quite »
journal officiel de l’association95.
§2 : une équipe de plus en plus qualifiée
A l’origine, lors des premières corridas c’était souvent un simple médecin généraliste qui était
responsable de la surveillance de la course. Peu à peu, et compte tenu de l’importance des
blessures et de l’évolution des données médicales, l’équipe présente sur place s’est
spécialisée.
La chirurgie taurine n’est pas une spécialité médicale enseignée pendant les études de
médecine. Elle revêt ses particularités du fait d’une part du fait de la spécificité de certaines
lésions et d’autre part du fait de son exercice en urgence dans des structures peu adaptées.
C’est l’aficion de certains médecins et personnalités qui ont permis les recherches et avancées
dans le domaine de la médecine taurine.
Les toreros très superstitieux n’aiment généralement pas voir les chirurgiens avant le paseo,
ou passer devant l’infirmerie. Il y a néanmoins une sincère reconnaissance des toreros envers
le monde médical, en témoigne notamment la statue de Fleming devant les arènes de Madrid.
Ils sont conscients des progrès de la médecine et des compétences des chirurgiens taurins. Ces
progrès ont non seulement amélioré la prise en charge du blessé, mais ils ont également
certainement influencé leur manière d’appréhender les blessures.
Des médecins comme nous l’avons vu, qui ont su s’unir en association pour partager leurs
expériences et leur savoir faire. Des médecins qui ont su apprendre à « anticiper » une
blessure, notamment en analysant le taureau. Certaines formes de cornes seront plus
dévastatrices que d’autres, certaines chutes seront plus traumatisantes…
93
Ancien chirurgien des arènes de Madrid
« Une discipline atypique : la chirurgie taurine. À propos de deux observations » Annales de chirurgie n° 130,
O. Chambres , F. Thaveau , M. Gabbaï , C. Giraud, J.-M. Gouffrant , J.-G. Kretz .
95
voir annexe 2
94
49 Section II : une équipe pluridisciplinaire
La présence dans les arènes d’une équipe médicale et obligatoire, pas seulement pour le torero
mais aussi pour le public, comme dans tout spectacle ou toute manifestation sportive une
surveillance médicale en cas d’accident doit être sur place.(§1). Le RTM s’attache à définir
les exigences en matière d’équipe médicale (§2).
§1: les exigences imposées par le droit commun
Comme dans toute manifestation ou rassemblement dans une commune, dans l’intérêt de la
protection du public, un service d’encadrement médical doit être prévu.
Que la manifestation soit sportive ou non. Et comme nous l’avons vu la corrida n’est pas
considérée comme un sport, mais elle se passe dans un espace public, ce qui entraine des
obligations de sécurité.
Cette exigence de mise en place de structure médicale concerne à ce moment la autant
le torero que le public. En effet le public n’est pas toujours à l’abri dans les gradins. Pour
exemple, en 2006 dans des arènes mexicaines, un taureau de 500 kg a sauté les barrières,
gravi les gradins et bousculé la foule faisant plusieurs blessés. Mais c’est un cas plutôt rare.
Les accidents dans le public sont plutôt de nature autre. Et si les blessures des toreros sont
surprenantes, les médecins sont rarement confrontés à la mort dans l’infirmerie. Un médecin
des arènes de Nîmes confie ainsi que dans sa carrière les cas les plus urgents engageant le
pronostic vital concernaient tous des personnes du public à savoir un infarctus du myocarde,
une crise d’asthme gravissime, et un œdème de Quincke96.
Public et torero doivent être protégé du point de vue du droit commun notamment au regard
de l’obligation de maintien de l’ordre public imposée par le droit commun au maire dans sa
commune. Le droit commun exige la présence de structure sanitaire pour le public et pour
l’acteur de la course, le règlement taurin municipal est venu préciser ses exigences de
personnel.
96
L’infirmerie des arènes, du philosophe au mozo de quirofano, Jean francois benezet ,site d’aficionados,
http://vingt-passes-pas-plus.over-blog.org/categorie-10783281.html
50 §2 : les exigences imposées par le Règlement Taurin Municipal
En France, la composition des infirmeries est dictée par le règlement taurin municipal dicté
par l’UVTF aux articles 11, 12, 15 et 17.
Il y est précisé comme prévu dans le droit commun que les organisateurs de tout spectacle
taurin devront garantir en toute occasion aux personnes intervenant à l’occasion d’une
corrida, l’assistance sanitaire nécessitée par des accidents ou blessures pouvant survenir au
cours de leur célébration. Cette assistance sanitaire doit au minimum être constituée d’un
chirurgien, un anesthésiste réanimateur et deux infirmiers diplômées d’état.
Cette équipe pluridisciplinaire est placée sous la responsabilité d’un spécialiste ( chirurgien ,
transfuseur…) désigné comme médecin responsable par le propriétaire ou gérant de l’arène, à
savoir la mairie, la régie municipale, propriétaire privée, concessionnaire… ).
Ce médecin responsable choisit les autres membres de son équipe, il pourra à ce titre
s’adjoindre autant de spécialistes qu’il pourra le désirer, notamment, comme c’est le cas à
Nîmes, d’un second chirurgien et d’un second anesthésiste. Configuration qui permet de gérer
plusieurs accidents consécutifs.
Le responsable de l’équipe médicale vérifie le matériel l’Etat de l’infirmerie et s’il
considère qu’il ne dispose pas des moyens nécessaires pour assurer la mission de sécurité qui
lui ai confiée, il en informe l’organisateur qui peut annuler la course pour défaut de sécurité.
Tout est mis en place pour prendre en charge le patient sur place, l’équipe est de plus
en plus qualifié et les infrastructures s’améliorent petit à petit, mais les médecins peinent
malheureusement souvent à se faire assurer pour la pratique de la médecine dans ce contexte,
ce qui parfois les éloigne de leur présence en tant que médecin de garde aux arènes.
Chapitre II : la difficulté d’assurer la pratique de la médecine dans le cadre
particulier de la corrida
Le statut du médecin présent lors de la corrida est un statut particulier, il exerce dans des
conditions inhabituelles et son statut peut être de différentes natures (section I). Cette
particularité rend frileux les assureurs quant à la couverture de cette pratique. (section II).
51 Section I : la difficulté de la détermination du statut du médecin d’arène
Le médecin présent dans les arènes agit de manière bénévole et volontaire, mais son statut
peut être de deux natures (§1), l’absence de relation contractuelle ne facilite pas la
reconnaissance d’un statut précis pour ces bénévoles (§2).
§1 : les possibles statuts du médecin d’arène
Un médecin présent dans les arènes peut intervenir selon différents statuts (A), l’assimilation
à un agent de service publique pourrait être envisagée (B).
A. La détermination de la qualité du médecin présent dans les arènes
Dans la majorité des cas le médecin intervient à titre libéral, mais il arrive qu’il dépende d’un
centre hospitalier. Dans les deux cas il est bénévole.
Le schéma le plus souvent rencontré est celui de médecin libéral. Le médecin intervient en
tant que libéral bénévole, mais aussi et surtout en temps qu’aficionado. Dans ce cas là, le
médecin responsable est choisi par le responsable des arènes, et cela se fait davantage par
relations et affinités que sur une sélection aux compétences. Mais les médecins présents dans
les arènes sont pour la plupart des spécialistes de la médecine taurine, et pour les grandes
arènes en tout cas membre de l’association française de chirurgie taurine. Pour les petites
arènes on trouve encore des médecins responsable généralistes.
Les médecins présents dans les arènes peuvent également intervenir dans le cadre de
conventions passées entre l’organisateur de la corrida et leur employeur habituel. En effet,
comme nous l’avons vu, l‘organisateur des arènes peut faire appel à un centre hospitalier par
le biais d’une convention lui permettant de disposer de matériel médical et de médecins de
l’hôpital. Le médecin a alors dans le cadre des arènes le statut d’agent public hospitalier.
Cette convention peut également être envisagée avec une clinique privée, mais alors le statut
du médecin ne sera pas public.
52 B. L’assimilation à un agent de service public ?
« Les collaborateurs occasionnels du service public sont des personnes qui exercent des
missions occasionnelles pour le compte de l'Etat, des collectivités territoriales ou des
établissements publics administratifs en dépendant ou des organismes privés en charge d'un
service public administratif. »
C’est un statut que l’on peut envisager pour le médecin des arènes au cours de sa mission
pour la corrida. Rappelons tout de même que même assimilé à un agent de service le médecin
n’est pas dispensé de souscrire à une assurance en responsabilité civile (depuis la loi du 4
mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé).
Pourquoi pourrait être retenue cette formule de collaborateur du service public ?
Forgée par le Conseil d’Etat, la théorie du collaborateur bénévole existe dans le cadre
d’organisation de fêtes locales traditionnelles.
Jusqu’à présent, cette théorie a surtout trouvé à s’appliquer dans les domaines suivants :
l’organisation des fêtes traditionnelles, la lutte contre l’incendie et le sauvetage, l’assistance
aux services médicaux. Dans un arrêt de 194697 le conseil d’Etat évoque la possibilité du
collaborateur du service public bénévole, ce qui correspond à la pratique du médecin dans les
arènes.
La corrida semble pouvoir être assimilée à un service public dans la mesure où la
commune est intimement liée à la manifestation, en tout les cas lorsqu’elle est propriétaire des
arènes. La question se pose de savoir si ce schéma peut être retenu pour des arènes comme
celle de Béziers qui appartiennent non pas à la commune mais à une personnalité privée. Il
semblerait que oui, la promotion de la manifestation étant faite par la commune, et certaines
recettes étant perçues par cette dernière. Or le médecin peut être considéré comme participant
à une mission de service public, car cette présence est requise au regard de l’obligation
générale de sécurité à laquelle sont tenus les organisateurs vis à vis des participants et du
public, et au regard de l’obligation du maire de maintien de l’ordre public sur le territoire de
sa commune.
97
Conseil d'Etat statuant au contentieux le 22 novembre 1946, n° 74725 74726, Publié au recueil Lebon
53 Les médecins présents dans les arènes peuvent donc avoir différents statuts, et
« l’élaboration d’un statut unique98 » rendrait moins frileux les assureurs vis à vis de cette
discipline.
Un autre constat à faire est celui de l’absence de véritable contrat entre l’organisateur et le
médecin présent lors de la corrida. Autre argument qui inquiètent les assureurs.
§2 : l’absence de relation contractuelle entre l’organisateur et le médecin présent lors de la
corrida
Dans le cadre de son action dans les arènes, le médecin et l’organisateur ne sont pas lié par un
contrat (A). Faute de contrat particulier il pourrait être envisager un contrat de surveillance
médicale comme il en existe dans le cadre de manifestation sportives (B).
A. constat
Le responsable des arènes, qu’elle soit gérée par la mairie, par la régie municipale, par un
propriétaire privé ou un concessionnaire ne passe pas de contrat officiel avec l’équipe
médicale. L'ensemble des hommes et des femmes composant cette équipe a pour
dénominateur commun "l'aficion a los toros" et travaille bénévolement tout en devant prendre
leurs dispositions à l'égard de leurs assurances professionnelles afin de déclarer ce type
d'activité médicale quelque peu marginale et à haut risque de responsabilité.
Le médecin recruté par l'organisateur est pleinement responsable de toute la couverture
médicale, et à ce titre il n'est pas subordonné à l'organisateur. Ceci est bien précisé dans le
code de déontologie des médecins: le médecin doit exercer essentiellement au service de
l’individu et de la santé publique, dans le respect de la vie et de la personne humaine 99.Il ne
peut en aucun cas aliéner son indépendance professionnelle100. Il est responsable de ses
actes101,et des moyens qu’il met en œuvre pour traiter son patient .
S’il accepte de travailler dans les conditions proposées, il admet implicitement que les
moyens dont il dispose sont satisfaisants. Il en assume la responsabilité. Il est donc
98
Propos recueillis le 13 décembre 2009 au cours d’un entretien avec le Docteur Jean Yves Bauchu, Chirurgien.
Spécialiste de la chirurgie viscérale, chirurgien des arènes de Nîmes. 99
article 2 du code de déontologie des médecins/ art. R.4127-2 du code de la santé publique
100
article 5 du code de déontologie des médecins/ art. R.4127-5 du code de la santé publique
101
article 69 du code de déontologie des médecins/ art. R.4127-69 du code de la santé publique 54 indispensable de se faire préciser l'étendue de son mandat en signant un contrat avec
l’organisateur notamment, s'il doit également s'occuper du public, sur les moyens et les lieux
de travail et d'exercice de la médecine
En outre, le bénévolat éventuel n’exonère en rien le médecin de ses responsabilités.
B. une solution à envisager : le contrat de surveillance médicale
Le problème est l’absence de véritable lien entre l’organisateur de la course et les médecins
qui participent à une manifestation à haut risque susceptible de voir engager leur
responsabilité. On pourrait envisager comme c’est le cas dans d’autres manifestations
sportives le contrat de surveillance des épreuves sportives102.
Il s’agit d’un contrat qui lie l’organisateur au médecin et qui a pour avantage de définir de
façon précise les obligations réciproques du médecin et de l’organisateur de la manifestation
sportive. Ce schéma pourrait être envisagé et adapté pour les représentations tauromachiques.
Il définit la mission et les obligations du médecin concernant l’assistance sanitaire et la
surveillance pendant la durée des épreuves. Dans ce cas précis il met à la charge de
l’organisateur l’entretien des locaux et la fourniture du matériel médical.
Ce schéma de contrat n’est peut être pas adaptable à l’organisation de l’équipe médicale
présente dans les arènes. Cependant elle pourrait inspirer une certaine responsabilité
notamment pour ce qui est des dommages résultant des conditions dans lesquelles l’équipe
médicale intervient (salle exiguë, matériel insuffisant…).
Au delà des solutions envisagées pour éclaircir le statut du médecin présent dans les
arènes, dans l’intérêt de la protection du torero, le médecin se doit d’être assuré. Cela permet
en cas de faute du médecin, au torero de se retourner contre le médecin et d’avoir l’assurance
d’un dédommagement. C’est dans ce sens que nous abordons ici les notions d’assurance de
l’équipe médicale qui seront reprises plus tard dans la partie trois lorsque sera abordée la
responsabilité du médecin.
102
Exemple de contrat de surveillance des manifestations sportives, site du conseil national de l’ordre des
médecins ; http://www.conseil-national.medecin.fr/article/schema-de-contrat-pour-la-surveillance-des-epreuvessportives-371- site consulté le 3 avril 2010.
55 Section II : un statut et une pratique particulière rendant le système assurantiel difficile
Le statut du médecin peut être libéral ou hospitalier, mais ce qui pose problème est l’absence
de contrat et de statut clairement défini ce qui rend les assureurs frileux. L’exigence de la loi
du 4 mars 2002103 a fait que chaque médecin dispose d’une assurance en responsabilité civile
(§1), ce qui est rassurant mais pas suffisant dans le cadre de la pratique de la médecine dans
les arènes, les médecins ont cherché à faciliter leur condition d’assurabilité par le biais de
l’Association française de chirurgie taurine, mais cela n’a pas été concluant, et s’assurer reste
aujourd’hui difficile (§2).
§1. L’exigence de responsabilité civile professionnelle depuis 2002
Un médecin doit pour exercer souscrire une assurance en responsabilité civile et ce depuis la
loi du 4 mars 2002. S’il ne le fait pas il s’expose à des sanctions pénales et à de gros risques
du point de vue de sa responsabilité avec notamment l’obligation d'avoir à assumer lui même
le montant des dommages et intérêts que la victime doit percevoir.
Ainsi, un médecin qui ne satisferait pas à l'obligation d'assurance s'expose à des
sanctions pénales et disciplinaires104.
Mais cette loi force également un peu la main des assureurs, en instituant une obligation
d’assurer au même titre que l’obligation d’assurance. Ainsi, si un médecin à deux reprises ne
parvient pas souscrire à une garantie d’assurance de responsabilité civile, il peut alors saisir
le bureau central de tarification qui fixera « le montant de la prime moyennant laquelle
l'entreprise d'assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé105».
Mais cette obligation n’impose pas à l’assureur d’inclure dans la prise en charge une pratique
telle que la chirurgie taurine, et c’est la où le bât blesse pour les médecins, qui ont beaucoup
de mal à trouver un assureur qui accepte un avenant prenant en charge cette discipline ou à
inclure cette dernière dans le contrat initial106.
Les médecins qui prennent les gardes aux arènes ont cherchés des moyens de faciliter la
couverture de leur pratique par différents mécanismes, qui semblent malheureusement
aujourd’hui ne pas avoir fait effet.
103
loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droit des malades et a la qualité su système de santé.
article L.1142-25, code de la santé publique prévoit désormais qu'une amende de 45000euros peut être
infligée ainsi que l'interdiction d'exercice professionnel à titre de peine complémentaire.
105
article L252-1, code des assurances, version en vigueur au 20 mai 2010
106
Propos recueillis auprès du Docteur Bauchu, chirurgien aux arènes de Nîmes 104
56 §2 : les palliatifs recherchés
Les membres de l’association française de chirurgie taurine ont cherché en vain à faciliter leur
prise en charge par les assureurs (A). La prise en charge par l’organisateur pourrait être une
solution à envisager (B).
A. L’échec de l’association française de chirurgie taurine
Il s’avère parfois très compliqué pour certains médecins d’être couvert pour leur activités
dans les arènes. Certes ils disposent de leur assurance de responsabilité civile auprès de leur
assureur. Mas comme prévu à l’article L 113-2 du code des assurances le souscripteur est
tenu : « De répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le
formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du
contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques
qu'il prend en charge ; De déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont
pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait
inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur, l'assuré doit, par lettre recommandée,
déclarer ces circonstances à l'assureur dans un délai de quinze jours à partir du moment où il
en a eu connaissance ».
Le médecin qui participe à l’encadrement de la course doit donc en aviser son
assureur, et tous les assureurs ne sont pas prêts à assurer ce risque.
Pour parer à cette difficulté d’assurance individuelle, en 2003, l’association française de
chirurgie taurine a conclu un contrat avec AXA assurances pour essayer de faciliter
l’assurance en responsabilité civile. Soumis à une obligation d’assurance de responsabilité
civile, ils ont tenté de satisfaire cette obligation au travers du contrat souscrit par la personne
morale « association française de chirurgie taurine ».
L’obligation d’assurance précitée en responsabilité civile repose tant sur les personnes
physiques que sur les personnes morales. A titre d’exemple, une clinique dans laquelle
n’exerceraient que des praticiens libéraux est néanmoins soumise à la même obligation
d’assurance. En effet la personne morale a à ce titre un certain nombre d’obligation à savoir
mettre en place une intervention d’urgence, le personnel qualifié et le matériel nécessaire,
veiller à la qualification et à la compétence des membres de l’association, surveiller les
57 conditions de la pratique des actes de diagnostics et soins, notamment au travers du caractère
festif des lieux où exerce l’association107.
Mais cette initiative a été abandonné car elle n’apportait pas les effets escomptés, en
effet le cumul des deux type d’assurance à savoir individuel et par la personne morale n’ont
pas rassuré les médecins praticiens dans les arènes, ni facilité la possibilité de couverture.
B. Envisager la prise en charge de l’assurance par l’organisateur
Les médecins ont donc l’obligation de souscrire une assurance pour leur responsabilité civile
professionnelle. Mais la difficulté est que l’exercice de la médecine lors des corridas ne relève
pas de l’exercice professionnel normal d’un médecin, si rien n’est expressément prévu rien
n’empêche à l’assureur de refuser la garantie.
La corrida n’est pas à proprement parlé une manifestation sportive, même si elle en revêt les
principaux aspects.
Même s’il n’existe pas de contrat officiel entre l’équipe médicale et l’organisateur, le fait de
faire supporter l’assurance de l’équipe médicale par l’organisateur semblerait être une
solution.
Dans le cadre des manifestations sportives c’est à l’organisateur de couvrir le risque d’une
condamnation civile du médecin. L’organisateur profite en effet de l’activité de l’équipe
médicale dans l’enceinte des arènes, médecin de surcroit bénévole, ce qui lui permet de
répondre à l’obligation de sécurité a laquelle il est tenu. Il semblerait juste qu’à ce titre ce soit
l’organisateur de la corrida qui prennent en charge les frais d’assurance des médecins
intervenants pendant la corrida.
Ce n’est cependant pas le cas certainement pour des raisons financière, il est en effet
probable que les frais d’assurance soient exorbitants pour une telle prise en charge, ce qui
explique certainement le silence des organisateurs.
L’encadrement de la course reste donc une notion assez floue, avec un encadrement
juridique assez précaire qui inquiète les médecins qui exerce dans l’arène. Au moment de la
réalisation du risque, l’accident tant redouté avec toute ces spécificités, les inquiétudes face à
107
Note sur l’assurance contractée par l’association des chirurgiens d’arènes auprès de la compagnie AXA, SCP
Prim-Geny, Avocats.
58 la responsabilité de l’équipe médicale et la prise en charge de ces blessures se réveillent et
soulèvent la problématique des notions de responsabilités.
59 PARTIE III : LA REALISATION DU RISQUE : LES
CONSEQUENCES DE L’ACCIDENT REDOUTE
En amont, un système de protection sociale est aménagé, au cours de la course des
infrastructures se sont développées, une équipe médicale s’est spécialisée, qu’en est-il des
conséquences de la réalisation de l’accident ? Comment s’effectue la prise en charge sur la
piste (Titre I) ? Quelles sont les conséquences de la gestion de l’accident, notamment du point
de vue de l’analyse des notions de responsabilités (titre II) ?
TITRE I : la gestion de l’accident sur la piste
La réalisation de l’accident est un moment redouté. Tous les acteurs de la corrida connaissant
le risque, lorsque l’accident survient les réactions sont très rapides, et un ensemble d’acteurs
présent dans les arènes, témoins de l’accident organise l’évacuation du blessé (chapitre I). Ce
blessé est un patient atypique qu’il faut gérer en prenant conscience de sa particularité
(chapitre II).
Chapitre I : un ensemble d’acteur au service de la santé du torero
La prise en charge en cas d’accident doit être rapide (section I). Le fauve est sur la piste en
même temps que le blessé, le torero doit donc être évacué rapidement, avant d’être acheminé
vers l’équipe soignante confrontée à la particularité de la médecine d’urgence (section II).
Section I : la prise en charge immédiate du blessé
Lorsque l’accident survient, un ensemble d’acteur intervient pour évacuer le blessé, ce sont
donc eux qui effectuent les premiers gestes (§1). Une fois le torero dans l’infirmerie, loin du
regard du public, la corrida peut continuer (§2).
§1: une polémique récurrente : les premiers gestes
Il s’agit comme nous l’avons vu, d’une médecine d’urgence, avec la particularité que le
blessé, la plupart du temps, est sur la piste au moment ou survient l’accident. Le taureau est
60 présent et le risque bien trop grand pour que l’équipe médicale intervienne directement. Ce
sont donc les peons qui manipulent le blessé la première fois, suivi par l’aide immédiate des
proches et employés d’arènes qui sont dans le callejon.
La première manipulation vise avant tout à éloigner le blessé du danger représenté par
le taureau, et cette fonction est toujours bien remplie, très peu d’accidents surviennent en effet
à ce moment là. Mais ces gestes sont effectués par un petit nombre de personnes qui ne
tiennent pas vraiment compte de l’état du torero qui parfois devrait être manipulé avec la plus
grande attention. Dans un contexte où il faut agir rapidement, le blessé ne peut être
immobilisé tout de suite comme c’est souvent le cas par exemple en cas d’accident de la
route.
Le blessé va donc être évacué de la piste rapidement sans civière, porté à bout de bras par les
membres de sa cuadrilla.
Les gestes immédiats sont parfois très néfastes et nuisent à la prise en charge du blessé. Le
trajet entre la pise et l’infirmerie peut être décisif dans certaines blessures. Cette polémique
est notamment survenue en 1989, à propos de la blessure de Nimeno II subie dans les arènes
d’Arles. Blessé par le taureau il a été victime d'une lésion du rachis, lésion qu’il faut
manipuler de manière délicate, le blessé ne devant pas être transporté dans de mauvaises
conditions. Or, il a été sorti de la piste et amené à l’infirmerie, le trajet entrainant de
nombreux soubresauts très préjudiciables, correspondants aux pas des "porteurs"108 .
Dernièrement au Mexique109 l’une des « figuras » les plus respectée en tauromachie
actuellement : José Thomas a été grièvement blessé en haut de la cuisse gauche, une veine et
une artère fémorale ont été touchée. Les vidéos110 de son transport vers l’infirmerie montre le
manque de délicatesse avec lequel est manipulé le torero. Il est transporté dans les callejons
(qui comme en France et en Espagne sont surchargés) par cinq personnes sur une
cinquantaine de mètres avant de rejoindre l’infirmerie.
Un exemple parmi d’autres d’un des problèmes dans la prise en charge du blessé sur la piste.
Une solution serait peut être d’éviter dans un premier temps de surcharger les callejons
pour laisser suffisamment de place si cela est nécessaire, de poster à des endroits stratégiques
autour de la piste des personnes compétentes qui pourront donner des directives sur la
108
L’infirmerie des arènes, « du philosophe au mozo de quirofano », Jean francois Bénezet, site d’aficionados ;
http://vingt-passes-pas-plus.over-blog.org/categorie-10783281.html
109
Corrida à Aguascalientes, au Mexique du 24 avril 2010
110
Cornada José Tomas : http://www.youtube.com/watch?v=5c6Ow5RN1MU, site consulté le 26 avril 2010
61 manière de transporter le blessé. Dans un second temps, des civières pourraient être installées
dans les callejons, accessibles, permettant de transporter le blessé dès l’accident sur la piste.
Des progrès sont à faire dans cette prise en charge immédiate, l’idéal serait une
infirmerie aux quatre coins des arènes, des employés d’arènes et des peons formés pour ce
type de manipulation, la possibilité de transporter le blessé en civière… Mais, cela semble
illusoire, de part des obstacles financiers : une corrida coute déjà très cher à l’organisateur,
des obstacles matériels une seule infirmerie a déjà du mal à trouver une place dans les arènes,
plusieurs c’est impensable, et pratique : il faudrait pouvoir immobiliser le torero à même la
piste et faire intervenir l’équipe médicale à l’endroit de l’accident. Mais le contexte est celui
de la corrida, il y a un taureau de 500 kilos dans l’arène, les médecins ne peuvent s’approcher,
ce ne serait que risquer un nouvel accident. De plus un accident n’interrompt pas la course,
sauf en cas d’un torero seul contre 6 taureaux.
En effet la course continue, pendant que l’accidenté est soigné dans l’infirmerie, un autre
torero entre en scène.
§2. Une corrida qui continue malgré tout
Lorsqu’un accident survient, la corrida perdure (A), les acteurs changent, mais le risque
d’accident n’est pas pour autant effacé, qu’en est il en cas de succession d’accident ? (B).
A. la relève prise par les autres toreros
Un accident peut intervenir à tout moment et ce, même dès les premières minutes de la
célébration. Un accident ne doit pas remettre en cause le déroulement de la course. Il reste en
effet d’autres toreros qui doivent entrer en piste, d’autres taureaux qui sont dans le corral, des
milliers de personnes qui attendent une prestation. Pour les trois acteurs de la corrida,
l’homme, le taureau, le public, la corrida doit continuer.
« Les matadors tuent les taureaux chacun leur tour par ordre d’ancienneté, celle ci
comptant à partir de leur présentation comme matador de taureau à la « plazza de Madrid ».
Si un matador est blessé et ne peux revenir de l’infirmerie, c’était autrefois le plus ancien des
matadors restant qui mettait a mort les deux taureaux. Aujourd’hui on les partage avec les
62 deux matadors restants »111. Ces mots d’Hemingway sont encore vrais aujourd’hui, les deux
matadors restants assurent donc le bon déroulement du spectacle qui comptera le nombre de
taureaux prévus.
Un blessé dans l’infirmerie, un autre qui entre en piste avec les mêmes risques de blessure ; se
pose alors la question de la « surenchère » des blessures.
B. la problématique de l’éventuelle succession d’accidents
Même si par rapport au nombre de courses organisées le nombre d’accident reste faible, la
possibilité d’accident survenant coup sur coup est envisageable.
A ce moment là, comment gérer deux blessés dans ces infirmeries de fortune ? L’équipe
médicale déjà sur un cas serait elle capable de gérer les deux ?
Certaines équipes sont plus à même de gérer ce type d’accident avec deux chirurgiens, deux
anesthésistes, celles ci sont capable de gérer deux accidents. Elles sont d’ailleurs prévues à cet
effet, l’une pouvant notamment suivre le premier blessé dans l’ambulance jusqu’au centre de
soin, pour assurer la continuité des soins du torero jusqu'à sa prise en charge au bloc
opératoire.
Mais des petites arènes, comme celle de Rion des landes en Aquitaine, ne sont pas en mesure
d’assurer la gestion de deux accidents successifs, l’équipe médicale n’étant composée que
d’un anesthésiste et un chirurgien. Il y a bien sûr les infirmiers sur place et des secouristes de
la croix rouge, mais ils ne sauraient prendre correctement en charge un traumatisme sévère.
En cas d’accident il semblerait donc évident de stopper la course, la course ne devrait avoir
lieu sans une équipe médicale disposée à recevoir un éventuel blessé. Mais ce n’est pas le cas,
les organisateurs considérant certainement la succession d’accident trop peu probable.
Les blessures peuvent être d’une extrême gravité, avec des pronostics vitaux en jeu.
Ces blessures sont spécifiques et se réalisent dans un cadre très atypique de l’exercice de la
médecine. La prise en charge de l’accident doit également prendre ces éléments en compte.
Section II : une médecine d’urgence
La gestion de l’accident est particulière et spécifique à la tauromachie et à son contexte. Cette
discipline est comparable sous certains aspects à la médecine de guerre. Sa spécificité tient
111
Ernest Hemingway, Mort dans l’après midi, Folio,1938, p49
63 dans un premier temps à celle des blessures (§1), mais aussi au contexte dans lequel cette
pratique intervient (§2).
§1 : des blessures spécifiques
« Une médecine de guerre en temps de paix 112» voilà comment résumer la gravité des
blessures auxquelles les médecins d’arènes sont confrontés.
Il existe évidemment des blessures bénignes, appelé blessures civiles, mais il existe également
des blessures dites graves entrainant la plupart du temps un pronostic vital.
La corrida est une discipline qui a évolué les manières d’appréhender le combat ne sont plus
les mêmes et aujourd’hui les blessures sont plus nombreuses, les médecins peuvent être
davantage sollicités, et cela parce que la corrida a évoluée, les styles aussi. Aujourd’hui le
torero travaille au plus
près des cornes, immobile, alors qu’autrefois il se déplaçait
constamment pour éviter le contact. L’esthétique était différente.
On pourrait attribuer cette évolution aux progrès de la chirurgie taurine qui ont accru la
confiance en eux des toreros et par la même constitué un facteur déterminant des
modifications de la manière de toréer.
Les traumatismes lorsqu’ils surviennent sont violents et sérieux. Le traumatisme taurin
produit tant de dommage que le torero accidenté doit être considéré comme polytraumatisé.
La blessure par corne est spécifique, de part la multitude de trajectoires que peut prendre la
plaie et le terrain infectieux qu’est l’arène.
Les chirurgiens spécialisés se sont attachés à classer les types de blessures par corne. Ils
analysent même la forme de la corne pour anticiper le type de blessure possible, tout cela
depuis le callejon. Pour ces spécialistes connaître le taureau est essentiel. Tout au long de la
corrida, ces chirurgiens ne vont pas voir les passes. Leurs yeux seront rivés aux cornes. Le
premier acte de soin dépendra de la trajectoire, de la force du coup de corne et de l'endroit où
elle a pénétré.
On distingue deux types de blessure :
-­‐
le puntazo qui est une blessure très peu pénétrante mais qui brûle par le frottement de
la corne contre la peau du torero.
112
Gouffrant Jean Michel, chirurgien taurin à Bayonne, « Tauromachie et vache landaise », conférence à
l’université Victor Segalen, 11 décembre 2008, Bordeaux 2. Vidéo disponible sur canalU », la vidéothèque de
l’enseignement supérieur.
64 -­‐
La cornada : c’est la blessure résultant d’un coup de corne pénétrant profondément.
C’est à ce niveau la que se pose le problème des trajectoires, obligeant les médecins
sur places à ouvrir entièrement la plaie « comme un livre » pour étudier le
traumatisme à l’intérieur du corps. En plus des nombreuses trajectoires la plaie diffère
en fonction de l’état des cornes. Une corne fine et pointue provoquera une plaie
franche ; à la différence d’une corne abimée (dans le corral ou à la suite d’un coup de
cornes dans les barrières qui encerclent la piste) qui présentera de nombreuses
esquilles et sera plus déchirante, laissant de plus davantage de corps étrangers.
Dans ces cas de blessures graves, l’urgence et la gravité de la situation font effectivement
penser à la médecine de guerre. Il s’agit souvent de blessures engageant le pronostic vital.
La spécificité de la blessure tiens également à la saleté de la blessure posant un considérable
risque infectieux, de part le sable, la corne de la bête, les fils du costume…
La blessure n’est pour autant pas toujours occasionnée par la corne. Le corps du fauve et sa
puissance sont aussi à l’origine de piétinement entrainant fractures, contusions. Le matador
peut également se blesser en sautant à l’intérieur du callejon, ou par une mauvaise
manipulation des banderilles.
Les blessures sont donc multiples, souvent surprenantes, comme la cornada récemment reçu
par le torero Aparicio dans les arènes de las ventas à Madrid113 . La corne est entrée par le bas
de sa mâchoire et ressortie par sa bouche.
Ce sont donc des blessures graves, spectaculaires, insolites qui nécessitent une
mobilisation intense de l’équipe médicale. De plus s’ajoute à la gravité de ces blessures le
contexte du monde taurin ne facilite pas la gestion de l’accident par l’équipe médicale.
§2: le contexte particulier du monde taurin
« L'infirmerie des arènes n'est pas un bloc opératoire. Le torero blessé arrive avec sa
cuadrilla, l'apoderado veut un diagnostic rapide pour assurer ou annuler les futurs contrats,
il y a les médias qui demandent des nouvelles… En une fraction de seconde, il faut avoir
113
corrida du 21 mai 2010, las Ventas, Madrid
65 compris la gravité des lésions en faisant abstraction de l'ambiance et parfois, il faut négocier
avec le matador qui veut à tout prix revenir au combat114. »
L’ancien directeur de l’association française de chirurgie taurine résume ici les
problèmes adjacents à la gravité de la blessure. Un torero n’est jamais seul. Nombre de
personnes s’invitent au chevet du patient dans un endroit comme nous l’avons vu
précédemment souvent étroit qui n’est pas prévu pour en accueillir autant. Les infirmeries
souvent de petites taille qui ont déjà du mal à accueillir l’équipe médicale et le torero blessé,
se voient ainsi souvent envahies par les peons qui ont amené le blessé, l’apoderado qui veut
des nouvelles rapides, la famille qui veut être au chevet, un membre de la cuadrilla qui
prépare le retour sur la piste en s’attachant à recoudre le costume de lumière…. Le tout, la
plupart du temps, sous une chaleur étouffante dans une salle sans fenêtre. Tout cela et la
pratique de la chirurgie dans un lieu exiguë avec des personnes extérieures qui entourent le
blessé contribue à rendre la pratique difficile.
Au delà de cela, cette « habitude » pose problème dans le cadre du respect du secret
médical et de « l’aspect malsain de ce type de comportement115 ». Il n'est pas prévu à ce jour
de "service d'ordre" permettant de pallier efficacement à ce problème. Un autre aspect à ne
pas négliger concerne ce que l'on peut nommer la pression médiatico-sociale qui pèse sur les
épaules du chirurgien. On lui demande de savoir faire vite et bien.
En effet le public est en attente, sa pression est ressentie par l’équipe médicale. Tous les
spectateurs ont été témoins de la scène et tiennent le chirurgien comme responsable de tout ce
qui se passe dans l’enceinte de l’infirmerie.
Tout ce contexte fait du torero un patient atypique auquel doivent s’adapter les médecins
responsables.
114
Docteur Claude Giraud, ancien président de l'Association française de chirurgie taurine La chirurgie taurine
ressemble à la chirurgie de guerre, la corne du taureau, une arme redoutable,.LaDepeche.fr, site consulté le 18
mai 2010
115
L’infirmerie des arènes ;Jean-François BENEZET, médecin anesthésiste et aficionado, fait partie de l’équipe
médico-chirurgicale de l’infirmerie des arènes de Nîmes. Vendredi 11 décembre 2009 /vingt-passes-pasplus.over-blog.org
66 Chapitre II : un patient original au centre du dispositif ?
Une prise en charge difficile de part comme nous l’avons vu le lieu de l’accident, la
spécificité des blessures, le contexte, mais également en raison de cet homme victime de
l’accident. C’est un personnage original avec une force et un mental hors du commun. Il est
intéressant d’analyser ce patient, du point de vue de ses droits (section I), du point de vue de
sa personnalité (section II).
Section I : droit du patient et prise en charge
La particularité de cette médecine d’urgence soulève divers problème relatif au respect des
droits du patient qu’il est intéressant de soulever dans une étude de droit de la santé. Ces
problématiques ne sont pas spécifiques à la corrida et on les retrouve dans toute pratique de la
médecine d’urgence. Avec toutefois une particularité dans la corrida concernant le respect de
la vie privée que nous analyserons plus tard.
Dans des conditions d’urgence le droit du patient qui est le plus souvent mis à mal est
celui du consentement aux soins.
Le consentement aux soins est le corollaire du principe de l’inviolabilité du corps
humain. Ce principe est un principe de droit civil introduit en 1994 dans le code civil116
« chacun a droit au respect de son corps ; le corps humain est inviolable »,. L’inviolabilité du
corps humain est également un principe de droit pénal. En effet, les textes d’incrimination
prohibent tout type d’atteinte à l’intégrité corporelle des violences légères117 aux homicides118
en passant par les mutilations119… mais pour ce qui est du domaine médical le code civil
précise également « il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de
nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique
d’autrui. Le consentement de l’intéressé doit être recueillis préalablement hors le cas où son
état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de
consentir ».
Le consentement s’il ne peut être obtenu, compte tenu de l’urgence le médecin peut donc s’en
passer. On imagine de plus aisément que dans une profession à si haut risque, le torero a une
article 16-1 code civil introduit par la loi n°94-653 du 29 juillet 1994 articles R 624-1 et R 625-1 du code pénal
118
article 221-6 du code pénal
119
article 22-9 du code pénal
116
117
67 personne de confiance à même de prendre les décisions à sa place en cas d’accident s’il n’est
pas en état de la faire lui même.
Dans le cas du professionnel de la tauromachie, qui par passion préférera un simple
« garrot » lui permettant de retourner en piste aux soins requis par son état de santé, se pose
également la possibilité du refus de soin. Le code de la santé publique prévoit cette possibilité
dans son article L1111-4 « Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir
informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou
d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour
la convaincre d'accepter les soins indispensables »
Si le patient persiste, le médecin est dans l’impossibilité juridique de passer outre sa volonté.
Le torero reste donc maitre vu de son choix de retour en piste qui est souvent précipité.
Au niveau de la prise en charge immédiate du patient, un élément peut faire défaut
également c’est le respect de la pudeur, même si un homme qui se présente dans son costume
de lumière est tout à fait conscient des risques d’exposition au public qui existent après une
blessure. Ce respect de la pudeur est certainement mis à mal dans cette petite infirmerie où
« s’entassent » famille, peons, empressa, équipe médicale et parfois même un curé ( si
l’extrême onction semble nécessaire) .T ous témoins de la scène qui nécessite souvent
d’enlever entièrement les vêtements du blessé. « Eviter de faire dénuder les malades
inutilement ; déjà Hippocrate déconseillait de déshabiller un malade en présence de témoins :
proches du patient, élèves ou assistant du médecin 120».
Les droits du patient existent pour tout patient, ils doivent être respectés quelque soit
le patient. Mais on imagine que concernant le torero, la question du droit du patient est
bouleversé, car il s’expose lui même au danger, il connaît les risques que cela comporte. Il
sait que lorsqu’un accident survient, il va être emmené dans l’infirmerie, que des soins lui
seront prodigué… consentement aux soins et pudeur seraient des considérations superflues
dans la prise en charge du torero.
Ce qu’il est intéressant d’analyser c’est la puissance de ces hommes, de ces maestro qui
affrontent la mort.
120
Rapport B. Hoerni, ,Conseil National de l’Ordre des Médecins, décembre 2000
68 Section II : la prise de conscience de l’aspect psychologique
Il est question de la prise en charge de la blessure du torero lorsque l’on s’intéresse à l’équipe
médicale, à l’infirmerie, mais la blessure est parfois, au delà du simple aspect physique,
psychologique.
L’aspect psychologique du torero s’analyse tout d’abord par sa force. La force mentale des
toreros est en effet admirée et reconnue par les aficionados, ils font preuve d’une force à toute
épreuve. Lors d’un colloque sur la tauromachie, un professeur de philosophie, Francis Wolf
définit la fonction du torero et le compare à un sage stoïcien121.Il définit ainsi les normes de la
morale stoïcienne au regard du torero :
-­‐
la première qualité du sage stoïcien est d’être détaché de ce qui arrive « le plus près
du taureau, le plus loin de soi, la mort peut le frôler, elle ne l’atteint jamais ». il cite
entre autre Cicéron pour qui un sage stoïcien est « un homme à l’âme grande et forte
(qui) méprise et tient pour néant tous les accidents qui peuvent tomber sur lui ».
-­‐
« la liberté du sage stoïcien triomphe de tout ce qui ne dépend pas d’elle,
l’imprévisible absolue, c’est a dire les contingences de la vie et la nécessité de la
mort, elle se réalise par la distance la plus grande qu’il met entre ce qu’il est
intérieurement et ces deux formes de l’extériorité : ce qui peut arriver toujours, ce qui
peut arriver un jour »
Parallèlement la liberté du torero est de se hisser au dessus de « l’accidentalité » du taureau,
toujours suscitée, mais aussi toujours déviée d’un mouvement de poignet.
Cette notion de mort est importante dans la considération psychologique, le torero doit
toujours frôler la mort sans jamais la rencontrer. Rien ne doit l’affecter il doit se montrer
distant de tout ce qui lui arrive, ainsi, lorsqu’un torero se fait bousculer, blessé par un taureau,
il se relève la plupart du temps sans se regarder, sans vérifier qu’il est indemne et repart
combattre.
Le torero n’est pas un patient comme un autre. Cela s’illustre notamment par leur
résistance à la blessure, leur capacité à se relever même après une cornada, leur extraordinaire
capacité de récupération, leur très court temps de convalescence. L’optimisme est un facteur
de personnalité caractéristique de l’athlète qui guérît rapidement.
121
Francis Wolf, conférences audio, colloque éthique et esthétique de la corrida, « la corrida entre représentation
et réalité » du 17 décembre 2005, ENS Paris. Disponible sur ww.diffusion.ens.fr 69 Une enquête réalisée pour une thèse de médecine en 2006122 relate que pour tous les toreros
interrogés sur la question de savoir ce qui les motivait pour retourner dans l’arène après une
blessure, qu’ils aient eue des blessures graves ou non, la première réponse qui vient c’est la
passion. Nous l’avons vu dans le cadre de la reprise du travail, leur capacité de récupération
est nettement supérieure à la normale.
Mais l’aspect psychologique au-delà de cette force qui les caractérise peut aussi être
facteur de traumatisme. Une blessure traumatisante peut éloigner définitivement le torero des
pistes. Récemment après la cornada impressionnante qu’Aparicio reçu à Madrid123 son
apoderado Simon Casas, a affirmé qu’il devrait récupérer mais que psychologiquement il va
être dur pour lui de retourner dans l’arène après un tel choc. En effet ce torero de 41 ans
considérera peut être que cette cornada marquera la fin de sa carrière.
La réalisation de l’accident entraine de nombreuses conséquences concernât le
principal acteur de cet art : le torero. Mais les personnes dans l’ombre des callejons, cette
équipe médicale afficionada, risquent également beaucoup lors d’un accident. Cette médecine
d’urgence dans ce contexte taurin n’exclu pas toute les notions de responsabilité du médecin,
et plus particulièrement de l’équipe médicale.
TITRE II : conséquences de la gestion de l’accident : analyse des notions de
responsabilité
L’équipe médicale qui intervient pour prodiguer les premiers soins au blessé agit à titre
bénévole, motivée par l’aficion et le respect des toreros, mais cela ne les exonère pas de leur
responsabilité (chapitre I), dans ce contexte original de la corrida la particularité de la
responsabilité pour violation du secret médical est intéressante à analyser (chapitre II).
122
Céline Jardy, Enquête sur sept matadors de taureaux et deux novilleros au travers d’entretiens. Conséquences
psychologiques pour les toreros victimes des traumatismes lors des corridas , thèse de médecine soutenue le 14
septembre 2006 à l’université de Montpellier, p 53.
123
Corrida du 21 mai 2010, las Ventas, Madrid 70 Chapitre I : analyse des notions de responsabilité de l’équipe médicale
En cas d’accident au cours de la prise en charge du blessé dans les arènes, la responsabilité
des membres de l’équipe médicale peut être recherchée ( section I), tout en sachant que cette
dernière peut être partagée avec le responsable des arènes ( section II).
Section I : la responsabilité médicale en cas d’accident
La question de la responsabilité du médecin est une problématique qui dans un contexte de
judiciarisation inquiète de plus en plus les équipes médicales présentes aux arènes. Les
conditions de la responsabilité du médecin sont les mêmes pour tous (§1) avec quelques
particularité liées au statut (§2).
§1 : les conditions de la responsabilité du médecin
L’exercice le plus souvent bénévole et volontaire des médecins présents dans l’arène ne les
exonère pas de leur responsabilité.
Il convient de rappeler les éléments de droit de la responsabilité. La responsabilité médicale
est une responsabilité pour faute. Le statut du médecin dans les arènes peut être celui de
médecin libéral ou de médecin hospitalier. Les responsabilités du médecin peuvent donc être
de deux ordres administrative ou civiles. Même s’il est plus fréquent de voir les médecins
d’arène exercer a titre libéral.
La loi du 4 mars 2002 a posé le principe fondamental de responsabilité du médecin ou
de l’établissement de santé, uniquement en cas de faute. La responsabilité sans faute du
médecin existe encore mais dans des cas extrêmement réduit comme les infections
nosocomiales ou les produits de santé. Cette loi a permis d’éviter une dérive à l’américaine
consistant à considérer que la médecine devait être dénuée de tout risque. Or il s’agit de la
raison de l’inquiétude croissante des médecin de voir leur responsabilité engagée dans cette
société qui se judiciarise.
Depuis l’arrêt Mercier de 1936124 la responsabilité a toujours été subordonnée à la preuve
d’une faute du médecin dans l’accomplissement d’un acte de soin. Le demandeur en
réparation doit établir que le médecin a manqué à son obligation de moyen, qui le contraint à
dispenser des soins consciencieux et attentifs à son patient. Le médecin est donc tenu d’une
124
Cour de Cassation, chambre civile 1ère, 20 mai 1936, arrêt Mercier
71 obligation de moyen. Dans la situation des médecins de garde aux arènes qui sont présents
bénévolement, aficionados, une faute pour manquement à l’obligation de moyen semble peu
probable.
Il peut néanmoins être reproché au médecin dans le cadre des arènes un défaut de précaution
et de diligence. Ce défaut peut être imputé par exemple au médecin responsable qui ne
s’assure pas de la sécurité nécessaire avant son intervention dans les arènes, c’est le cas d’une
« check list » incomplète125. Un retard de prise an charge ou des moyens déployés insuffisants
sont fautifs également.
§2 : influence du statut du médecin sur le régime de responsabilité
Le médecin dans le cadre de sa pratique dans les arènes peut intervenir en tant que libéral ou
hospitalier.
C’est la détermination de la qualité du médecin au regard des règles de droit privé qui permet
de se prononcer sur le régime de responsabilité auquel il est soumis. La nature de la
responsabilité diffère en fonction du statut libéral ou hospitalier dans les arènes. En effet, des
différences existent notamment en ce qui concerne « l’immunité » accordée au médecin
public en l’absence de faute personnelle. Dans le secteur public hospitalier, la responsabilité
du personnel soignant a toujours, comme dans le cadre de la pratique libérale, reposé sur le
principe d’une faute
Dans le cadre de la responsabilité administrative à laquelle le médecin hospitalier est soumis,
le médecin n’est pas responsable lorsque son dommage provient d’une faute de service. Ce
qui n’exclue pas la possibilité de retenir une responsabilité civile pour faute. Il semble donc
intéressant pour le médecin d’arène de bénéficier du régime administratif. La comparaison
avec un agent public précédemment étudiée serait un avantage pour l’exercice de la médecine
dans les arènes.
Section II : engagement de la responsabilité du médecin : une responsabilité partagée
La responsabilité du médecin est une responsabilité pour faute. Dans le cadre de la corrida la
responsabilité peut être partagée. Partagée avec les membres de l’équipe médicale (§1),
125
N. Franchitto, L .Gavarri, I. Zavaleta, N. Telmon, D. Rougé, Responsabilité de l'anesthésiste et
corrida annales françaises d'anesthésie et de réanimation n°26 ,2007, p 658
72 partagée également avec le responsable du maintien de l’ordre public sur le territoire de la
commune (§2).
§1 : l’exercice de la médecine en équipe dans l’infirmerie
Le règlement taurin municipal précise les dispositions relatives aux infirmeries dans
les arènes. Lors d’une corrida, les médecins sur place assurent le « garde médicale » le plus
souvent bénévolement, au sein des infirmeries. La notion de médecin responsable est abordée
dans l’article 15 du règlement taurin municipal : « l’équipe médico-chirurgicale sera placée
sous la responsabilité d’un spécialiste chirurgien, transfuseur, etc. désigné comme médecin
responsable par le propriétaire ou le gérant de la « plaza », mairie, régie municipale,
propriétaire privé, concessionnaire , etc. »
Il s’agit de l’exercice de la médecine en équipe, ce qui a des conséquences particulières. La
cour de cassation a développé une jurisprudence qui met à la charge du médecin responsable
d’une équipe médicale une responsabilité contractuelle du fait d’autrui126. Ainsi le médecin
responsable, lié à son patient par un contrat, peut répondre à ce titre des fautes que peut
commettre un autre médecin auquel il a recourt au cours de l’intervention. Comme la relation
chirurgien anesthésiste par exemple qui est primordiale dans la prise en charge des blessures
rencontrées dans les arènes. La responsabilité peut être retenue pour défaut de coordination
entre les différents membres de l’équipe médicale. Le médecin responsable devra également
répondre des fautes commises par le reste de l’équipe. Dans le cadre des arènes, où l’on
retrouve souvent un anesthésiste et un chirurgien, il convient de préciser que les deux
exercent en équipe et que même s’il n’existe pas de lien de subordination entre les deux
praticiens, ils sont codépendants et coresponsables de la conduite de l’acte de soin. Lorsqu’il
agit en équipe, le responsable devient commettant occasionnel127 de chaque intervenant, donc
sans qu’il y ai de contrat de travail entre le responsable et le reste de l’équipe, et engage à ce
titre sa responsabilité personnelle pour les dommages causés par l’un des membres de
l’équipe dont il coordonne et dirige les actes, auxiliaire ou praticien. 126
Cour de Cassation , 1ère chambre civile .18 octobre 1960, Bull n° 442
N. Franchitto, L .Gavarri, I. Zavaleta, N. Telmon, D. Rougé Responsabilité de l'anesthésiste et
corrida annales françaises d'anesthésie et de réanimation, n°26, 2007, p 659
127
73 §2. Une responsabilité partagée
Dans le souci de préserver la santé et la sécurité dans les arènes, l’équipe médicale n’est pas
seule. Le responsable des arènes a lui aussi sa part de responsabilité.
Quel que soit le mode de gestion d’arènes choisi, l’organisateur peut être tenu responsable.
L’organisateur étant le débiteur principal de l’obligation de sécurité, il pourrait être condamné
solidairement avec le médecin.
Il faut rappeler également le devoir de maintient de l’ordre public du maire,
responsable de la police administrative. L’ordre public selon l’article L 212-2 du code général
des collectivités territoriales « le bon ordre, la sécurité et la salubrité publique ». La corrida
ayant lieu sur le territoire de la commune si les installations sanitaires ne sont pas suffisantes
dans les arènes il pourra être tenu pour responsable.
Dans la mission de maintient de l’ordre public, le conseil d’Etat a rajouté à la trilogie
traditionnelle sécurité salubrité tranquillité, la moralité. L’affaire initiale de 1959, concernait
la projection d’un film considéré comme « amoral ». Pour la corrida le maire ne pourrait il pas
être poursuivi ? Il a également été admis la légalité des actes de police administrative visant à
protéger les individus contre eux-mêmes128, le maire ne doit il pas alors protéger les toreros ?
La responsabilité du maire en terme de protection de la santé dans la corrida est donc
également à prendre en compte, et ce quel que soit le mode de gestion choisit. L’organisateur
pourra lui aussi voir sa responsabilité engagée.
Le médecin n’est pas le seul responsable dans les arènes de la santé du torero même si
c’est lui qui en est le plus débiteur. Les cas d’engagement de la responsabilité sont multiples,
non respect du droit du patient, défaut de diligence, mauvaise coordination au sein de
l’équipe, défaut à l’obligation de moyen, mais il en est une particulière qui amènent à se poser
la question de la relation entre médecin journalisme, patient et respect de la vie privée.
128 Conseil d’Etat, 22 janvier 1982 arrêt : Auto défense / Conseil d’Etat 9 juillet 2001, arrêt : Préfet du Loiret 74 Chapitre II : le cas particulier l’engagement de la responsabilité pour
violation du secret médical
La violation du secret médical peut, elle aussi, engager la responsabilité du médecin, mais elle
concerne également celui qui relaie l’information, à savoir le journaliste. Le secret médical
concerne à la fois le médecin, le journaliste, et le patient qui voit sa vie privée violée. La
responsabilité pour violation du secret médical est un phénomène qui prend de l’ampleur de
nos jours, avec une intrusion journalistique toujours plus proche de l’intimité de la personne
intéressée (section I). Dans le mundillo, il existe un véritable manque de pudeur et de
confidentialité concernant les pathologies des victimes. C’est une raison qui pourrait amener
ces patients à se retourner contre les médecins, mais aucune action d’un torero envers l’équipe
médicale n’est aujourd’hui recensée (section II).
Section I : la responsabilité pour violation du secret médical
Dans un contexte de judiciarisation les médecins s’inquiètent de l’éventuel engagement de
leur responsabilité129. Nous avons analysé les notions de responsabilités classiques dans le
contexte original de la corrida. La responsabilité pour violation du secret médical pourrait
prendre une importance dans le contexte taurin.
Une émotion particulière est ressentie dans l’amphithéâtre au moment d’une blessure, le
public
se
sent
concerné,
veut
savoir…
les
gens
ne
comprennent
dans
ces
circonstances pourquoi les choses durent et qu'ils ne puissent être informés.
Le secret professionnel est l’une des obligations déontologiques du médecin qui doit être
respectée en toute circonstances. Mais on voit bien, et notamment dans la presse aujourd’hui,
que pour des personnes publiques, médiatiques, comme c’est le cas des toreros, les
informations sont parfois divulguées.
Jean René Garraud, ancien professeur de droit criminel, dans son Traité de droit pénal en
1902 affirmait que « le secret professionnel s’étend non seulement à ce qui a été confié sous
le sceau du secret au confident nécessaire, non seulement encore aux faits confidentiels par
leur nature propre et qui n’ont pas été confiés, mais aussi à tous ceux appris, déduits ou
devinés ou surpris dans l’exercice ou a l’occasion de l’exercice de la profession »
129 Conférence
du 20 mars 2010 « journalisme et tauromachie » dans le cadre des rencontres médicales autour de
la tauromachie, faculté de Vauban , Nîmes. 75 Le secret professionnel attaché à certaines fonctions est d’ordre public. Sa reconnaissance est
même sanctionnée par la loi pénale130. La loi puni ainsi toute méconnaissance du devoir du
médecin de conserver le secret, que ce soit sur les confidences ou sur l’état de santé du
patient. Depuis 1810 l’ancien code pénal sanctionnait la violation d’un secret commise dans
l’exercice d’une profession définie, désormais le délit de violation d’un secret professionnel
est prévu à l’article 226-13 du code pénal : « la révélation d’une information à caractère
secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison
d’une fonction ou d’une mission temporaire, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000
euros d’amende ».
L’équipe médicale ne doit donc pas transmettre les informations médicales concernant l’état
de santé du patient, quel qu’il soit. Mais dans les arènes il y a la pression médiatique, les
photographes, le public qui s’inquiètent tous de l’état du patient, et les journalistes qui veulent
de l’info.
Journalisme et tauromachie, et plus largement journalisme et violation du secret médical est
une relation ambiguë. Récemment, une polémique est intervenue à propos de la divulgation
dans la presse du dossier médical d’une personnalité française, Jean Philippe Smet,131 dans
l’Express. Cela relance le débat concernant les relations entre information médicale et
journalisme.
Un titre de presse n’est pas tenu au secret médical. Ce sont les médecins qui doivent le
respecter. Un journal pourra être poursuivi lui pour « recel de violation du secret médical ».
D’après l’article 1110-4 du code de la santé publique « tenter d’obtenir ou obtenir la
communication d’information médicale en violation du secret professionnel est un délit ».
Dans l’exercice de leur profession l’équipe médicale s’expose à la possibilité
d’engagement de sa responsabilité, et ce pour différent facteur. Mais cet environnement si
particulier qu’est le mundillo, fait d’aficionados et de passionnés, fait que les poursuites sont
rares.
Section II : une responsabilité encore jamais mise en cause
De nombreux cas de responsabilité peuvent être engagés dans la pratique de la médecine
dans les arènes. Mais ces cas envisagés par le juriste, ne sont encore que des cas théoriques.
130
article 226-13, code pénal : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est
dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie
d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende. »
131
« l’Express », 26 mai 2010.
76 Aucun toreros ne s’est encore retourné contre le responsable de l’équipe médicale. On ne
récence pas de poursuite sur quelque motif d’un torero envers un membre de l’équipe
médicale.
Les seules requêtes que l’on trouve viennent de particulier comme ce fut le cas dans une
affaire de 2009 auprès du tribunal de grande instance de Bordeaux. Dans cette affaire, le
taureau a sauté la barrière et s’est retrouvé dans les callejons blessant entre autre deux
personnes qui se sont retourné la commune organisatrice ainsi que contre le chirurgien et
l’anesthésiste présents. En l’espèce il a été reproché aux médecins visés d’avoir réalisé sur
place une chirurgie non urgente sur un des deux blessé dans des conditions d’asepsie non
optimales, de ne pas avoir explorer suffisamment la plaie132.
Se pose alors encore la question de l’équipement rudimentaire de certaines infirmeries, mais
le problème a déjà été abordé.
En ce qui concerne les toreros, aucun ne s’est jamais retourné contre les soignants.
Cette confiance et se respect envers l’équipe médicale, s’explique par l’aficion qui unis toute
les personnalités qui participent à l’organisation l’encadrement, la pratique de la corrida.
132
« El quite », journal officiel de l’association française de chirurgie taurine, n°27, pp 4-7
77 CONCLUSION :
Forme aboutie d'esthétique pour les uns, spectacle cruel et barbare pour les autres, la
Tauromachie, par l'essence même des conditions de son exercice, est, objectivement, un
complexe domaine du Droit.
Par son positionnement sur l'échiquier légal (dérogation à la loi Grammont, concept de
"tradition ininterrompue”)
Par son statut de manifestation se déroulant dans un "Etablissement recevant du public",
assimilable à un théâtre ou une salle de concert où s'appliquent des textes d'organisation et
d'ordre public, souvent sous la responsabilité contemporaine du Maire alors que, voici 2000
ans, les Romains n'avaient pas les mêmes critères règlementaires (arènes de Nîmes,
d'Arles…).
Par les actes de tous ceux qui prennent part au spectacle et qui y risquent, volontairement ou
non leur vie, eu égard à l'acteur principal : un fauve cornu d'une demi tonne.
Dans ce contexte, le Droit de la Santé s'applique légalement.
Anachronique peut paraître la mise en œuvre du code de la Sécurité sociale immergé
dans ce "mundillo" de force, de beauté et de règles très spécifiques, qui fascine 14.000
personnes dont les regards convergent vers les deux protagonistes majeurs, le Taureau et
l'Homme, incarnations de tant de passions et de pulsions. Le Taureau, matière première d'une
œuvre, celle du Torero artiste, est beaucoup plus dangereux que le marbre, la glaise, la
gouache ou la pellicule…
Pourtant, statut du travailleur (et des accidents qui peuvent survenir), contrôles divers,
notions de risque, gestion financière des conséquences de l'accident, mais aussi – et surtout ici
– composition, organisation, statut et responsabilité(s) des membres des équipes médicales,
liens avec les lieux de traitement (hôpitaux, cliniques…) sont mis en action.
Nous avons tenté d'analyser ces critères rationnels et légalistes au regard de la
spécificité de la Tauromachie qui est tout sauf formatable. Si l'Espagne fut légitimement
pionnière en la matière, la France a codifié ce domaine, ouvrant ainsi un chapitre novateur au
plan du Droit européen, toujours en évolution.
78 C'est sans doute là l'une des formes de la quadrature (les règles) du cercle (celui de
l'arène) creuset de toutes les passions et lieu géométrique de cet art du fugace qu'est la
tauromachie…
79 GLOSSAIRE
Alternative *: le jeune matador de novillos, qui devra justifier de 20 novilladas avec picadors
au minimum reçoit l’autorisation de participer en « alternance avec des matadors de taureaux
à des corridas dans des arènes de 2ème catégorie.
Banderilles* : bâtonnet de bois de 60 centimètres de long destinée à être placée sur le garrot
du taureau lors du deuxième Tercio.
Callejon : couloir qui ceinture la piste entre la barrière rouge qui entoure la piste et les
gradins. On y trouve les cuadrillas, les mozos (voir définition), les areneros (voir définition),
les services de secours, les professionnels , les photographes, les invités et certaines personnes
privilégiées.
Cornada : blessure résultant d’un coup de corne pénétrant profondément dans la chair
Corral *: ensemble de bâtiments spécialement construits pour recevoir les lots de taureaux
avant les courses.
Empresa *: personne ou société chargée d’organiser les spectacles taurins d’une ou plusieurs
plazza selon des modalités convenues avec la ville.
Estocade *: action finale du combat de chaque taureau, exécutée par le matador avec l’épée
dans l’intention de mettre à mort le taureau.
Forcados *: toreros portugais qui a la fin de la Lidia d’un taureau, selon les normes du
Portugal arrêtent de face et à mains nues, sans leurre, la charge de l’animal.
Ganaderia : ensemble de taureau appartenant à un meme propriétaire, appelé ganadero, et
destiné à la corrida.
Mano a mano : désigne une corrida ou deux matador affrontent chacun six taureaux.
Mundillo *: ce terme signifiant « monde » dans le sens de société, est appliqué, en Espagne.
Il désigne ce milieu qui cultive le secret vis a vis des profanes, difficilement pénétrable,
80 préserve jalousement ses coutumes, ses manières d’agir et protège efficacement les arcanes de
sa profession. Les aficionados, même ceux qui se croient bien informés, ne peuvent lever
qu’un coin du voile, celui qu’on leur laisse découvrir.
Plazza, plazza de toro : c’est le terme espagnol qui designe les arènes. « plaza de toro »
désigne plus spécifiquement des arènes où se déroulent des corridas.
Redondel : synonyme de piste
Rejon* : javelot en bois de 1,60 mètres de long se terminant par un fer de 15 centimètres,
utilisé pour la mise a mort dans les corridas équestres.
Ruedo : piste de sable sur laquelle se déroulent les courses
Temporada* : la saison des évènements tauromachiques. En Europe elle commence en
février et se termine en octobre, commence alors la temporada américaine au Mexique, en
Colombie, au Venezuela et en équateur. Mais les périodes de feria ne dure que quelques jours
par ville.
Voltera *: quand le taureau accroche le torero avec sa corne sans qu’il y ai blessure, celui ci
est projette et fait une pirouette aérienne, généralement sans gravité.
*Ces définitions sont issues de la tauromachie, histoire et dictionnaire, sous la direction de Robert Bérard, aux
éditions Robert Laffont.
81 ANNEXES
Annexe 1 : le règlement taurin municipal
Préambule et titre III : les arènes et leur personnel
REGLEMENT TAURIN MUNICIPAL
Préambule :
La célébration des corridas dans les villes membres de l'UNION DES VILLES TAURINE DE
FRANCE est légale, et par conséquent, exclue des sanctions prévues à l'article 521-1 du Code
Pénal.
Quel que soit le propriétaire des arènes, et quel que soit l'organisateur, le Maire est seul
responsable du maintien de l'Ordre Public dans sa Commune à l'occasion de la célébration des
corridas ou autres spectacles taurins, et doté de pouvoirs de police lui permettant d'assurer ce
maintien. Le présent règlement est établi dans le respect de l'objet poursuivi par l'UNION
DES VILLES TAURINES DE FRANCE qui est d'assurer la défense et la sauvegarde des
courses de toros avec mise à mort, et d'en permettre la célébration correcte, en conservant à
ces spectacles leur caractère de noblesse et d'équilibre, en empêchant notamment, que ne
soient commis des abus dans la présentation des animaux destinés à être combattus. L'UNION
DES VILLES TAURINES DE FRANCE souligne la qualité et la valeur des professionnels
français, toreros et éleveurs, et souhaite leur participation aux spectacles organisés.
Il est par ailleurs précisé que les dispositions du présent règlement ne sauraient affecter ou
concerner en aucune façon les conditions de travail ainsi que les rémunérations des différentes
personnes intervenant dans les spectacles taurins organisés dans les villes appartenant à
l'U.V.T.F. Le présent règlement devra être obligatoirement observé dans toutes les villes
membres de l'UNION DES VILLES TAURINES DE FRANCE.
Il devra être signé par tout exploitant d'arène (empresa) annexé au contrat d'empresa.
TITRE III LES ARENES ET LEUR PERSONNEL
ARTICLE 10
Les arènes françaises sont classées en trois catégories. Sont de première catégorie, les arènes
82 des villes suivantes : ARLES - BAYONNE - BEZIERS - DAX - MONT DE MARSAN NIMES - VIC FEZENSAC. Sont de deuxième catégorie les arènes des villes de CERET
Toutes les autres arènes sont en troisième catégorie.
DES INFIRMERIES
ARTICLE 11
Les organisateurs de tous spectacles taurins devront garantir, en toute occasion, aux personnes
intervenant à l’occasion des dits spectacles, l’assistance sanitaire nécessitée par des accidents
ou des blessures pouvant survenir au cours de leur célébration.
ARTICLE 12
En ce qui concerne les infirmeries, les moyens minima, tant du point de vue matériel que du
personnel médical, doivent être partout les mêmes, quelle que soit la catégorie des arènes ou
du spectacle considéré.
ARTICLE 13
L’infirmerie de toute « plaza » sera constituée par une pièce propre, aérée, munie d’un point
d’eau et d’un très bon éclairage, ayant si possible un accès direct sur le « callejon » et une
sortie facile sur l’extérieur.
Dans le cas où il n’y aurait pas d’infirmerie fixe, un bloc opératoire mobile devra être
obligatoirement prévu.
ARTICLE 14
L’infirmerie devra être équipée de tout le matériel nécessaire permettant de pratiquer
sur place
La chirurgie d’urgence spécifique à la corrida : - deux boites de chirurgie générale avec le
nécessaire pour effectuer un clampage vasculaire, - du matériel d’anesthésie et d’intubation
ainsi que l’oxygène, l’aspiration, et la possibilité de réaliser des perfusions.
ARTICLE 15
L’équipe médico-chirurgicale sera placée sous la responsabilité d’un spécialiste - chirurgien,
transfuseur, etc.. désigné comme médecin responsable - par le propriétaire ou le gérant de la
«plaza », Mairie, Régie Municipale, propriétaire privé, concessionnaire, etc.. Ce médecin
responsable choisira les autres membres de l’équipe de façon à ce qu’il y ait au minimum : un
83 chirurgien, un anesthésiste réanimateur et deux infirmiers diplômés d’Etat.
Le médecin responsable pourra s’adjoindre autant de spécialistes qu’il pourra le désirer, en
particulier un second chirurgien et un deuxième anesthésiste.
Chaque membre de l’équipe demeure responsable de son poste.
ARTICLE 16
Avant le paseo, deux ambulances se tiendront en permanence à proximité immédiate de la
porte extérieure de l’infirmerie, avec sortie aisée, et seront prêtes à effectuer le transport
immédiat du blessé vers le centre de soin désigné (clinique ou hôpital) par le médecin
responsable. Si le blessé désire être soigné dans un établissement autre que celui désigné par
le médecin responsable il devra supporter seul les frais de transport correspondants et donner
décharge au médecin responsable.
ARTICLE 17
Le Maire ou son délégué, assisté du Président de la course, doit s’assurer auprès du médecin
responsable de la conformité des installations de l’infirmerie et des moyens d’évacuation avec
les prescriptions du présent règlement. Il vérifiera également, un mois à l’avance, que l’équipe
médicale est couverte par une assurance de Responsabilité Civile, faute de quoi le spectacle
ne pourra se tenir.
Le fait pour le médecin responsable d’accepter sa mission sous-entend implicitement qu’il
entérine les moyens mis à sa disposition et les juge suffisants. Chaque année, un mois avant le
premier spectacle, le médecin responsable de l’infirmerie produira au Maire un certificat
établi par ses soins, attestant que l’infirmerie est dotée de moyens matériels et humains
indispensables pour remplir sa mission.
Si tel n’était pas le cas, il lui appartiendra soit de retarder le début du spectacle dans l’attente
de la remise en ordre et la conformité, soit de l’annuler.Les toreros participant à la course
auront le droit de vérifier avant le début du spectacle que toutes les prescriptions prévues par
le présent règlement, en ce qui concerne les infirmeries sont respectées. Ils pourront, s’ils le
désirent, demander à l’autorité compétente la délivrance d’un certificat attestant de cette
conformité.
ARTICLE 18
Les articles 11 à 17 du présent règlement seront obligatoirement affichés à la porte et à
l’intérieur des infirmeries.
84 Annexe 2 : la cornada de Gil Belmonte du 14 juillet 1998
Exemple de prise en charge médicale dans les arènes de Fréjus mettant en évidence le rôle
primordiale de l’équipe chirurgicale.(El Quite n°2- février 1999)
85 86 87 Annexe 3 : contrat de travail entre l’organisateur de la corrida et le torero
CONTRAT DE TRAVAIL
Nimes, le……….. 2010
Se sont réunis
D’une part l’empresa……………, en sa qualité d’organisateur, et d’autre part……………,
carnet professionnel numéro……………., dont le nom artictique est ……………, et en sa
représentation……………
Les deux parties se reconnaissent le droit de signer ce contrat et conviennent librement les
stipulations suivantes :
Premièrement.
L’organisateur s’engage à célébrer une …………… avec des toros de la ganaderia de
…………… dans les arènes de …………… le …………… 2010.
Deuxièmement.
…………… s’engage à prendre part à la …………… du …………… 2010 en tant que
…………… pour le combat et la mise à mort de deux toro de la ganaderia de ……….
Accompagné de sa cuadrilla correspondante de banderilleros et de valet d’épée.
Troisièmement.
L’organisateur remettra au……………, ou a la personne le représentant, la quantité de
…………… euros à l’heure du sorteo.
Quatrièmement.
Si en cas de force majeure justifiée, l’organisateur se voyait dans l’obligation d’annuler la
…………… et qu’il en avertisse le torero engagé avant qu’il se rende à la ville ou doit avoir
lieu la…………… où qu’il s’y trouve déjà, l’organisateur devra lui régler tous les frais aller
retour ainsi que le cachet du valet d’épées. Si la …………… ne pouvait pas avoir lieu pour
une cause non majeure ou que le novillero ne soit pas annoncé, l’organisateur règlera le
cachet total stipulé par le contrat. Si la …………… venait à être annulée avant la fin, le
novilleros recevra ses honoraires comme si elle s’etait célébrée dans sa totalité.
Cinquièmement.
Les parties engagées à justifier leur professionnalisme grâce aux certificats correspondants,
envoyés par les respectives organisations professionnelles auxquelles appartiennet
l’organisateur et les toreros engagés, ou au moyen d’une déclaration sur l’honneur de ceux qui
ne seraient pas affiliés a celle ci. Tout ceci afin d’obtenir les différentes autorisations.
Sixièmement.
Les prestations des professionnels ne pourront être télévisées ni enregistrées, ou par quelques
autres moyens, pour leur commercialisation, sans qu’auparavant les conditions financières ne
soient convenues entre les différentes parties. L’organisateur du spectacle jouira du droit
exclusif pour négocier les droits d’exploitation avec les entités émettrices.
88 BIBLIOGRAPHIE
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Ouvrages généraux
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- Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, 1863
Ouvrages littéraires
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89 - Alain Montcouquoil, Recouvre le de lumière, verdier, 1997
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- Une discipline atypique : la chirurgie taurine. À propos de deux observations, Annales de
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- Pierre Vignais en collaboration avec Paulette Vignais. Science expérimentale et
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26 (2007) 656-665, 2007
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AplausoS, n° 1636 du lundi 2 février 2009
- « El quite », journal officiel de l’association française de chirurgie taurine, n°27, novembre
2009
Jurisprudence
- cour de cassation, chambre civile 1ère, 20 mai 1936, arrêt :Mercier
- Conseil d'Etat statuant au contentieux le 22 novembre 1946, n° 74725 74726, publié au
recueil Lebon
- Cour de Cassation, 1ère chambre civile .18 octobre 1960, Bull n° 442
- Cour de Cassation chambre sociale, 23 septembre 1982, n° 81-14942
90 - Conseil d’Etat statuant au contentieux, 22 janvier 1982 arrêt : Auto défense , n° 20758 20966 21002 21030 21185 21194 21221, inédit au recueil Lebon
- Cour de Cassation chambre criminelle, 8 juin 1994 n° 93-­‐82459, publié au bulletin Rejet
- Cour de Cassation, chambre sociale, 3 octobre 2007, n°06-40449 FS-PB, bull n°151
- Conseil d’Etat 9 juillet 2001, arrêt : Préfet du Loiret
Entretiens et vidéos - Entretien avec le Docteur Jean Yves Bauchu, Chirurgien, le 13 décembre 2009
--
Entretien avec Daniel Jean Valade, adjoint à la culture et à la tauromachie à Nîmes, le 20
décembre 2009
- Jean Michel Gouffrant « Tauromachie et vache landaise », chirurgien taurin à Bayonne,
conférence à l’université Victor Segalen, Bordeaux 2. Vidéo disponible sur canalU, la
vidéothèque de l’enseignement supérieur.
- Francis Wolf, conférences audio, colloque éthique et esthétique de la corrida, « la corrida
entre représentation et réalité » ,17 décembre 2005, ENS Paris
Lois, circulaires, directives, lettres ministérielles
- Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes
de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la
Communauté
- Lettre ministérielle n° 2034 du 19 avril 1983
- Loi espagnole 10/1991, sur les pouvoirs administratifs de la tauromachie (sobre potestades
administrativas en materia de espectaculos taurinos) : boletin oficial de l’estado (BOE) n°82,
du 5 avril 1991.
- Directive 96/71/CE du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant
le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services :
- Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droit des malades et a la qualité su système de
santé
- Circulaire DSS / 5C / 2C n° 60 du 12 février 2004 relative aux modalités de gestion des
cotisations et contributions sociales dues sur les rémunérations versées aux professionnels
91 taurins salariés des courses espagnoles et portugaises. Ministère des affaires sociales, du
travail et de la solidarité.
- Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la
santé et au territoire
Sites internet
www.conseil-national.medecin.fr: site de l’ordre national des médecins
www.conges-spectacles.com: site de la caisse des congés et spectacles. La Caisse des congés
et spectacles est une association d'employeurs régie par la loi du 1er juillet 1901, agréée par
l'Etat www.santesport.gouv.fr: site du ministère de la santé et des sports, Présentation, sport,
formations, jeunesse, associations
www.Seg-social.es : site du ministère de la santé et des affaires sociales espagnoles.
www.eurosport.fr: actualités sportives
www.LaDepeche.fr : Informations et actualités nationales et régionales, La Dépêche, portail
d'informations du Grand Sud
www.charliehebdo.fr: site d’un hebdomadaire satirique français
www.vingt-passes-pas-plus.over-blog.org : site d’aficionados www.pablo-romero.asso.fr: site d’aficionados
www.aficionados.free.fr : site d’aficionados www.flac-anicorrida.org: Fédération des Luttes pour l'Abolition des Corridas 92 TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION : ................................................................................................................... 1
PARTIE I : PROTECTION ET PREVENTION DE LA SANTE DU PROFESSIONNEL
DE LA TAUROMACHIE ..................................................................................................... 9
TITRE I : la protection du professionnel de la tauromachie au plus près du danger......... 9
Chapitre I : des mécanismes de protection sociale particuliers...................................... 9
Section I : l’évolution de la prise en charge............................................................... 9
§1 : l’exemple espagnol : le Montepio................................................................. 10
§2 : la couverture sociale actuelle en France ....................................................... 11
Section II : une difficulté de prise en charge accentuée par l’exercice d’un art à
l ‘étranger ................................................................................................................. 14
§1 : protection sociale et exercice de la profession à l’étranger .......................... 14
§2 :Tauromachie et droit communautaire ............................................................ 15
A. le droit communautaire et la tauromachie ................................................... 16
B. la mise en place de techniques entre deux pays européens : la convention de
Bruxelles de 2003............................................................................................ 17
Chapitre II : la cornada un accident du travail ? .......................................................... 18
Section I : le statut du professionnel de la tauromachie : la reconnaissance d’un
contrat de travail....................................................................................................... 18
Section II : l‘accident du travail et la question délicate de la reprise du contrat de
travail ....................................................................................................................... 20
§1 : La reconnaissance d’un accident du travail .................................................. 20
§2 : La question délicate de la reprise du travail.................................................. 22
TITRE II : la place du professionnel dans la prise en charge de sa propre santé............. 24
Chapitre I : une hygiène de vie semblable à celle d’un sportif de haut niveau............ 24
Section I : l’art de toréer entre sport de haut niveau et représentation artistique..... 24
§1: une discipline hybride .................................................................................... 25
§2 : une polémique d’actualité ............................................................................. 26
Section II : une hygiène de vie nécessairement irréprochable ................................. 27
Chapitre II : le torero comme acteur de sa propre santé : une notion à nuancer.......... 29
Section I : l’exposition délibérée au danger............................................................. 29
Section II : comme le sportif de haut niveau, le torero est il suivi ?........................ 30
§1 : les fantasmes autour de la profession............................................................ 30
§2 : tauromachie et dopage .................................................................................. 31
PARTIE II : UN ENCADREMENT HUMAIN ET MATERIEL DE LA COURSE .......... 34
TITRE I : l’infirmerie : une organisation insolite au cœur des arènes............................. 34
Chapitre I : l’évolution des exigences d’équipement................................................... 34
Section I : historique ................................................................................................ 34
§1 : Une amélioration considérable depuis le XXème siècle.............................. 35
§2 : Les évolutions de la médecine au service de la santé du torero.................... 37
Section II : situation actuelle.................................................................................... 39
§1. Des exigences d’équipement un souci de qualité.......................................... 39
§2 : des exigences de situation géographique : un souci de proximité ................ 40
Chapitre II : des exigences qui diffèrent en fonction de la place et de la catégorie
d’arène.......................................................................................................................... 43
Section I : des exigences qui diffèrent en fonction des catégories d’arène.............. 43
§1 : constat ........................................................................................................... 43
93 §2 : des différences d’équipement critiquables.................................................... 45
Section II : des attitudes transfrontalières différentes, des palliatifs communs. ...... 46
TITRE II : une équipe médicale pluridisciplinaire dans le callejon................................. 47
Chapitre I : historique et situation actuelle .................................................................. 48
Section I : l’évolution de la prise en charge............................................................. 48
§1 : une prise de conscience progressive ............................................................. 48
§2 : une équipe de plus en plus qualifiée ............................................................. 49
Section II : une équipe pluridisciplinaire ................................................................. 50
§1: les exigences imposées par le droit commun ................................................. 50
§2 : les exigences imposées par le Règlement Taurin Municipal ........................ 51
Chapitre II : la difficulté d’assurer la pratique de la médecine dans le cadre particulier
de la corrida.................................................................................................................. 51
Section I : la difficulté de la détermination du statut du médecin d’arène............... 52
§1 : les possibles statuts du médecin d’arène....................................................... 52
A. La détermination de la qualité du médecin présent dans les arènes............ 52
B. L’assimilation à un agent de service public ?.............................................. 53
§2 : l’absence de relation contractuelle entre l’organisateur et le médecin présent
lors de la corrida................................................................................................... 54
A. constat ......................................................................................................... 54
B. une solution à envisager : le contrat de surveillance médicale.................... 55
Section II : un statut et une pratique particulière rendant le système assurantiel
difficile ..................................................................................................................... 56
§1. L’exigence de responsabilité civile professionnelle depuis 2002 ................. 56
§2 : les palliatifs recherchés ................................................................................. 57
A. L’échec de l’association française de chirurgie taurine .............................. 57
B. Envisager la prise en charge de l’assurance par l’organisateur................... 58
PARTIE III : LA REALISATION DU RISQUE : LES CONSEQUENCES DE
L’ACCIDENT REDOUTE .................................................................................................. 60
TITRE I : la gestion de l’accident sur la piste.................................................................. 60
Chapitre I : un ensemble d’acteur au service de la santé du torero.............................. 60
Section I : la prise en charge immédiate du blessé................................................... 60
§1: une polémique récurrente : les premiers gestes ............................................. 60
§2. Une corrida qui continue malgré tout ............................................................ 62
A. la relève prise par les autres toreros ............................................................ 62
B. la problématique de l’éventuelle succession d’accidents ........................... 63
Section II : une médecine d’urgence........................................................................ 63
§1 : des blessures spécifiques............................................................................... 64
§2: le contexte particulier du monde taurin.......................................................... 65
Chapitre II : un patient original au centre du dispositif ?............................................ 67
Section I : droit du patient et prise en charge........................................................... 67
Section II : la prise de conscience de l’aspect psychologique ................................ 69
TITRE II : conséquences de la gestion de l’accident : analyse des notions de
responsabilité ................................................................................................................... 70
Chapitre I : analyse des notions de responsabilité de l’équipe médicale ..................... 71
Section I : la responsabilité médicale en cas d’accident .......................................... 71
§1 : les conditions de la responsabilité du médecin ............................................. 71
§2 : influence du statut du médecin sur le régime de responsabilité.................... 72
Section II : engagement de la responsabilité du médecin : une responsabilité
partagée .................................................................................................................... 72
§1 : l’exercice de la médecine en équipe dans l’infirmerie.................................. 73
§2. Une responsabilité partagée ........................................................................... 74
94 Chapitre II : le cas particulier l’engagement de la responsabilité pour violation du
secret médical............................................................................................................... 75
Section I : la responsabilité pour violation du secret médical.................................. 75
Section II : une responsabilité encore jamais mise en cause.................................... 76
CONCLUSION :...................................................................................................................... 78
GLOSSAIRE............................................................................................................................ 80
ANNEXES ............................................................................................................................... 82
Annexe 1 : le règlement taurin municipal ........................................................................ 82
Annexe 2 : la cornada de Gil Belmonte du 14 juillet 1998.............................................. 85
Annexe 3 : contrat de travail entre l’organisateur de la corrida et le torero.................... 88
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 89
TABLE DES MATIERES ....................................................................................................... 93
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