Etre une femme à Rome - Lettres de l`académie d`Aix

Transcription

Etre une femme à Rome - Lettres de l`académie d`Aix
Etre une femme à Rome : Le bonheur dans le mariage ?
Première séquence de l’année en seconde
Cette séquence de latin a été réalisée par Mme GRUGNARDI, agrégée de
Lettres Classiques, et Mme ARGENTIN, certifiée de Lettres Classiques,
pour leurs élèves de 2de des lycées Duby à Luynes, et Daumier à Marseille
Objectifs de la séquence
- Susciter l’intérêt des élèves pour l’étude de la langue ancienne en choisissant une thématique
attrayante et faire le lien avec la classe de 3° : la société romaine est au programme du collège
(Classe de 4° pour les programmes actuellement en vigueur et « le citoyen romain » sera au
programme de 3° en 2012). Dans les nouveaux programmes de seconde, on trouve « l’homme
romain : la famille »
- Faire le lien avec la classe de 3° : révisions morphologiques basiques et reprise des différentes
compétences à mettre en œuvre : traduire, commenter un texte, mettre en relation texte et
traduction…
- Choix d’approches variées et de pratiques de lecture différentes (Lecture de traduction, travail
bilingue, alternance entre texte français et texte latin) pour ne pas lasser les élèves et améliorer
leurs compétences en vue des épreuves écrites et orales du bac, qui nécessitent de savoir
traduire mais également commenter le texte.
- mémorisation du lexique (suite de l’apprentissage démarré en collège).
Supports :
Texte
Texte
Texte
Texte
Texte
Texte
1 : Isidore de Séville
2 : Virgile, Eneïde, 4, 9.
3 : Saint-Jérôme
4 : Pline le Jeune, Lettres, livre IV, 19
5 : Texte de l’abbé Lhomond , De Viris
6 : Texte de Tite-Live, Histoire romaine, I, 48
1
Etapes Support
1
Texte 1 :
Isidore de
Séville
Texte 2 :
Virgile
Enéide, 4, 9
2
Texte 3 :
SaintJérôme
(4 textes
courts)
3
Texte 4 :
Pline le
Jeune
4
Texte 5
(Tite-Live)
Texte 6
(l’abbé
Lhomond )
Pline le
Jeune,
Lettres, VI,
24
Activité proposée
Choisir l’âme sœur
1. traduction du texte 1 :
- comment aborder le sens global d’un
texte en examinant le paratexte et en
s’appuyant sur le lexique.
- traduction en cours dialogué en
s’appuyant sur une typographie mettant
en évidence la structure logique des
phrases.
2. lecture du texte 2 et de sa traduction
et comparaison des 2 textes.
3. commentaire.
Infortunes conjugales
- Examen du lexique pour trouver le thème
du texte
- Traduction en autonomie en groupe.
- Mise en commun des différentes
traductions
Une femme exemplaire
lecture de certains passages en
traduction
- traduction orale des passages les plus
accessibles
- commentaire : Quelle est la femme
idéale romaine ? Quelles sont les valeurs
romaines ?
Une femme monstrueuse, Tullia
- Traduction du texte en autonomie
- Lecture de la version bilingue du texte de
Tite-Live
- Comparaison des 2 versions et
commentaire : pourquoi le texte de Tite-Live
est-il un texte littéraire ?
EVALUATION
Révisions morphologie
Les 3 premières
déclinaisons
(insistance sur la
troisième)
Le système verbal :
présent, imparfait et
parfait
Les adjectifs de
première classe et
l’accord dans le GN
Les adjectifs de
deuxième classe
Participes présents
et passés
Exposé sur la femme à Rome
Traduction d’épitaphes
2
Première séance
Texte 1 :
Texte d’Isidore de Séville
In eligendo marito quattuor spectari solent : virtus, genus, pulchritudo, sapientia. Ex his, sapientia
potentior est ad amoris affectum. Refert haec quattuor Vergilius de Aenea, quod his Dido impulsa
est in amorem ejus :
pulchritudine : Quem sese ore ferens !
virtute : Quam forti pectore et armis !
oratione : Heu, quibus ille jactatus fatis, quae bella exhausta canebat !
genere : Credo equidem, nec vana fides, genus esse deorum !
Item in eligenda uxore quattuor res impellunt hominem in amorem : pulchritudo, genus, divitiae,
mores. Melius tamen si in ea mores quam pulchritudo quaerantur.
TEXTE 2 :
Voici le texte de Virgile auquel il est fait allusion : Didon évoque pour sa sœur le trouble causé en son
cœur par l’arrivée d’Enée.(Eneïde , 4, 9)
Anna soror, quae me suspensam insomnia terrent !
Quis novus hic nostris successit sedibus hospes,
Quem sese ore ferens, quam forti pectore et armis !
Credo equidem, nec vana fides, genus esse deorum.
Degeneres animos timor arguit : heu, quibus ille
Jactatis fatis ! Quae bella exhausta canebat !
Traduction André Bellesort
“Anna, ma sœur, quelles visions nocturnes m’épouvantent et m’angoissent ! Quel hôte extraordinaire
est entré dans notre maison ! Quelle prestance ! Quel courage ! Quels exploits ! Ah certes, je crois
bien – et l’on ne peut s’y tromper, - qu’il est de la race des dieux. La peur est la marque d’une basse
naissance. Hélas, quels destins se sont joués de lui ! Que d’épreuves guerrières supportées jusqu’au
bout ! Quelle épopée ! »
1) Repérage dans le texte d'Isidore des vers de Virgile (surligneur) ; repérage de leur traduction
dans le texte fourni, contextualisation des vers de Virgile.
2) Traduction du début et de la fin du texte d'Isidore en cours dialogué; le vocabulaire est noté au
tableau par le professeur au fur et à mesure de la traduction; l'élève est incité à en rappeler ou à en
découvrir le sens.
3) Le vocabulaire sera classé selon la nature des mots, recopié par les élèves qui devront le
mémoriser pour la semaine suivante.
3
4) Commentaire: on insistera sur les parallélismes qui président au fonctionnement du texte.
ex:in eligendo marito
in eligenda uxore
quattuor ( 2x )
impulsa est
impellunt
in amorem
ad amorem
On s'attachera à commenter l'énumération des quatre qualités susceptibles de conduire à l'amour, la
prédominance de l'une et on mesura l'écart ou la similitude entre les attentes des Romains et les
nôtres!
On commentera plus précisément les termes de sapientia (science et sagesse) et de mores (pudicitia).
5) A partir du vocabulaire contenu dans le texte, on procèdera à des révisions morphologiques en
insistant particulièrement sur la troisième déclinaison. On proposera ensuite des exercices à faire à
la maison sur ce sujet.
TEXTE 3
Proposer le texte sans paratexte.
L. Syllae Felicis (si non habuisset uxorem) Metella conjunx palam erat impudica : et (quia novissimi
mala nostra discimus), id Athenis cantabatur, et Sylla ignorabat ; secretaque domus suae primum
hostium convicio didicit.
Cn. Pompeio Mutiam uxorem impudicam, quam Pontici spadones et Mithridicae ambiebant catervae,
cum putarent eum scientem pati, indicavit in expeditione commilito, et victorem totius orbis tristi
nuntio consternavit.
Legimus quemdam apud Romanos nobilem, cum eum amici arguerent quare uxorem formosam et castam
repudiasset, protendisse pedem et dixisse eis : « Et hic soccus quem cernitis videtur vobis novus et
elegans ; sed nemo scit ubi me premat ».
M. Cato Censorius habuit uxorem Actoriam Paulam, humili loco natam, vinolentam, impotentem, et
(quod nemo posset credere) Catoni superbam. Hoc ideo dico ne quis putet, si pauperem duxerit, satis
se concordiae providisse.
Saint Jérôme
On propose à titre indicatif la traduction suivante :
Metella, l’épouse de Lucius Sylla L’heureux ( il l’eût été sans sa femme !) était infidèle au vu et au su
de tout le monde : et comme nous apprenons les derniers nos maux, alors qu’on s’en moquait à
Athènes, Sylla l’ignorait. C’est par les railleries de l’ennemi qu’il finit par apprendre les secrets de son
foyer.
Mutia, la femme de Cn. Pompeius était infidèle, elle autour de qui tournaient les eunuques du Pont et
les courtisans de Mithridate ; comme on pensait que Pompée le savait, c’est un compagnon de combat
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qui lui en parla au cours de l’expédition et il bouleversa le vainqueur du monde entier par cette triste
nouvelle.
Un personnage de la noblesse romaine, lisons-nous, auquel ses amis reprochaient d’avoir répudié une
épouse belle et vertueuse tendit son pied et leur dit : « Cette chaussure que vous voyez vous semble
neuve et élégante, personne ne sait où elle me blesse ».
Marcus Caton le Censeur eut pour femme Actoria Paula, roturière, ivrogne, incapable de se maîtriser
et (ce que personne ne pourrait croire) insolente à l’égard de Caton. J’ajoute cela pour que nul n’aille
penser qu’il trouvera l’harmonie en épousant une femme pauvre.
1/Faire découvrir par l’examen du lexique le thème des textes.
2/Choisir les termes à faire mémoriser en fonction des connaissances et des ignorances des élèves.
3/Faire traduire les textes par les élèves répartis en 4 groupes.
4/Le texte servira de support à des révisions de morphologie verbale ; on s’intéressera aux présent,
imparfait et parfait dans un premier temps. Des exercices à faire à la maison sont alors proposés.
5/Le commentaire du texte permettra de se renseigner sur Saint Jérôme (recherche sur internet)
On trouvera dans le manuel Nathan-Scodel, Latin en Première et Terminale, p.62, un texte très
intéressant de Saint jérôme intitulé « Quand on a la chance d’être veuve , il ne faut pas se
remarier. »
On commentera le choix des personnages illustres « héros » de ces anecdotes ; on rappellera
brièvement leur rôle dans l’histoire romaine et l’on indiquera qu’ils permettent un raisonnement a
fortiori ; le caractère pathétique et ridicule de leur situation devrait facilement apparaître.
TEXTE 4
Pline le Jeune évoque l’image de Calpurnia, sa troisième et toute jeune femme dans six de ses lettres.
Calpurnia, orpheline, avait été élevée par sa tante Calpurnia Hispulla.
Pline écrit à cette tante pour la remercier d’avoir si bien élevée sa pupille.
C. PLINIUS CALPURNIAE HISPULLAE SUAE S.
Cum
sis
pietatis exemplum, fratremque
optimum et amantissimum tui pari caritate
dilexeris, filiamque ejus ut tuam diligas, nec
tantum amitae ei affectum verum etiam patris
amissi repraesentes, non dubito maximo tibi
gaudio fore cum cognoveris dignam patre
dignam te dignam avo evadere. Summum est
acumen summa frugalitas ; amat me, quod
castitatis indicium est.
Comme je suis persuadé que vous êtes d'un
bon naturel, que vous aimiez autant votre
frère qu'il vous aimait, que sa fille n'a pas
seulement trouvé en vous une amitié de tante,
mais toute la tendresse du père qu'elle a
perdu, je vais vous dire des choses qui vous
plairont infiniment ; Votre nièce ne dégénère
point : chaque jour elle se montre digne de
son père, digne de son aïeul, digne de vous.
Elle a beaucoup d'esprit, beaucoup de
retenue, beaucoup de tendresse pour moi, ce
qui est un gage bien sûr de sa vertu.
Accedit his studium litterarum, quod ex mei caritate concepit. Meos libellos habet lectitat ediscit
etiam. Qua illa sollicitudine cum videor acturus, quanto cum egi gaudio afficitur! Disponit qui nuntient
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sibi quem assensum quos clamores excitarim, quem eventum judicii tulerim. Eadem, si quando recito, in
proximo discreta velo sedet, laudesque nostras avidissimis auribus excipit. Versus quidem meos
cantat etiam formatque cithara non artifice aliquo docente, sed amore qui magister est optimus. His
ex causis in spem certissimam adducor, perpetuam nobis majoremque in dies futuram esse
concordiam. Non enim aetatem meam aut corpus, quae paulatim occidunt ac senescunt, sed gloriam
diligit.
Nec aliud decet tuis manibus educatam, tuis
praeceptis institutam, quae nihil in contubernio
tuo viderit, nisi sanctum honestumque, quae
denique amare me ex tua praedicatione
consueverit. Nam cum matrem meam parentis
loco vererere, me a pueritia statim formare
laudare, talemque qualis nunc uxori meae
videor, ominari solebas.
Eh! que pouvais-je attendre autre chose d'une
personne élevée sous vos yeux, formée par vos
leçons, qui n'a rien pris que de vertueux et
d'honnête dans votre commerce, et dont les
éloges perpétuels qu'elle 'vous entendait faire
de moi ont fait naître l'amour? Vos sentiments
pour ma mère, que vous respectiez comme la
vôtre, et la part que vous preniez à mon
éducation, vous ont accoutumée à me vanter
dès ma plus tendre enfance, et dès lors à
promettre de moi tout ce que ma femme s'en
imagine aujourd'hui.
Certatim ergo tibi gratias agimus, ego quod illam mihi, illa quod me sibi dederis, quasi invicem elegeris.
Vale.
(Traduction sous la direction de Nisard Livre IV, 19)
I.
De quel type de texte s’agit-il ? Réponse à justifier.
II.
Voici plusieurs traductions des passages soulignés : lesquels vous paraissent les meilleurs ?
Exemplum pietatis : un exemple de piété ; d’un bon naturel ; un modèle de tendresse ; le modèle de l’esprit de
la famille.
Summum est acumen, summa frugalitas ; amat me, quod castitatis indicium est.
- La plus grande acuité s'allie à la plus grande économie; elle m'aime, ce qui est la preuve de sa pureté.
- En elle la plus vive intelligence s'allie à la plus parfaite conduite; elle m'aime, et c'est une preuve de sa
vertu.
- Elle m'aime, ce qui est la preuve de sa fidélité.
III.
Traduction du passage non traduit en vous aidant du vocabulaire (Les mots en gras
sont à retenir).
IV.
Justifier les terminaisons des mots en italique. (pour parvenir à la révision des
adjectifs)
V.
Exercices
Vocabulaire donné à adapter selon le niveau des élèves (et l’apprentissage effectué au collège)
accedo, is, ere, cessi, cessum : 1. aller vers, s'approcher de, marcher sur 2. venir s'ajouter, s'ajouter
aetas, atis, f. : 1. le temps de la vie, la vie 2. l'âge 3. la jeunesse 4. le temps, l'époque (in aetatem : pendant
longtemps)
afficio, is, ere, feci, fectum : 1. pourvoir de 2. affecter, disposer 3. affaiblir (affectus, a, um : pourvu de, disposé,
6
affaibli)
artifex, icis, m. : l'artisan, l'artiste
assensus, us, m. : l'assentiment, l'approbation
caritas, atis, f. : l'amour
concipio, is, ere, cepi, ceptum : faire naître, produire
concordia, ae, f. : la concorde, l'entente
diligo, is, ere, legi, lectum : aimer
discerno, is, ere, crevi, cretum : discerner, séparer
dispono, is, ere, posui, positum : disposer, arranger, régler
doceo, es, ere, cui, ctum : enseigner (+ 2 acc.)
edisco, is, ere, didici : apprendre par coeur
enim, conj. : car, en effet
etiam, adv. : encore, en plus, aussi, même, bien plus
eventus, us, m. : l'événement, le résultat
excipio, is, ere, cepi, ceptum : accueillir, recevoir (une nouvelle)
excito, as, are : exciter, réveiller, dresser, inciter
fero, fers, ferre, tuli, latum : porter, supporter, rapporter
gaudium, ii, n. : le contentement, la satisfaction, la joie, la volupté
habeo, es, ere, bui, bitum : avoir (en sa possession), tenir (se habere : se trouver, être), considérer comme
hic, haec, hoc : adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
idem, eadem, idem : le (la) même
ille, illa, illud : adjectif : ce, cette (là), pronom : celui-là, ...
iudicium, ii, n. : le jugement, la décision
laus, laudis, f. : la louange, la gloire, l'honneur
lectito, as, are : lire souvent, relire
libellus, i, m. : le petit livre, l'affiche
major, oris : comparatif de magnus. plus grand. (maiores, um : les ancêtres)
meus, mea, meum : mon
nuntio, a, are : annoncer
occido, is, ere, occidi, occisum : I. 1. tomber à terre 2. succomber, périr 3. se coucher II. couper, mettre en
morceaux, tuer
proximus, a, um : proche
quantus, a, um, pr. excl et interr : quel (en parlant de grandeur)
sedeo, es, ere, sedi, sessum : 1. être assis 2. siéger 3. séjourner, demeurer
senesco, is, ere, senui : vieillir
sollicitudo, dinis, f. : le tourment, la grosse inquiétude
versus, us, m., : 1. le sillon 2. la ligne, le vers
LETTRE XIX.
PLINE A HISPULLA.
Traduction des passages manquants :
D'ailleurs, elle aime les lettres; et c'est l'envie de me plaire qui a tourné ses inclinations de ce côté-là. Elle a
continuellement mes ouvrages entre les mains; elle ne cesse de les lire, elle les apprend par cœur. Vous ne
pouvez vous imaginer ni son inquiétude avant que je plaide, ni sa joie après que j'ai plaidé. Elle charge toujours
quelqu'un de venir en diligence lui apprendre quels applaudissements j'ai reçus, quel succès a eu la cause. S'il
m'arrive de lire quelque pièce en public, elle sait se ménager une place où, derrière un rideau, elle écoute
avidement les louanges que l'on me donne. Elle chante mes vers; et, instruite par l'amour seul, le plus excellent de
tous les maîtres, elle fait redire à sa lyre ce qu'exprime sa voix. J'ai donc raison de me promettre que le temps ne
fera que cimenter de plus en plus notre union : car elle n'aime en moi ni la jeunesse, ni la figure, qui dépérissent
chaque jour, mais la gloire, qui ne périt jamais. (…)Nous vous remercions à l'envi; moi, de ce qu'elle est ma
femme; elle, de ce que je suis son mari : tous deux, de ce que vous avez uni deux personnes faites l'une pour
l'autre.
Adieu.
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TEXTE 5 :
De Viris, l’abbé Lhomond
Statim Tarquinius Superbus a Tullia incitatus advocato senatu regnum patrium repetere coepit. Qua re audita
Servius, dum ad curiam properat, jussu Tarquinii gradibus dejectus et domum refugiens interfectus est. Tullia
statim in forum properavit et prima conjugem regem salutavit, a quo jussa turba decedere, cum domum rediret,
viso patris corpore mulionem evitantem super ipsum corpus carpentum agere praecepit: unde vicus ille
Sceleratus dictus.
TEXTE 6 :Tite-Live, Histoire romaine, I, 48
Huic orationi Seruius cum intervenisset trepido
nuntio excitatus, extemplo a uestibulo curiae magna
voce "Quid hoc" inquit, "Tarquini, rei est? qua tu
audacia me uiuo vocare ausus es patres aut in sede
considere mea?" Cum ille ferociter ad haec—se
patris sui tenere sedem; multo quam seruum
potiorem filium regis regni heredem; satis illum diu
per licentiam eludentem insultasse dominis—,
clamor ab utriusque fautoribus oritur et concursus
populi fiebat in curiam, apparebatque regnaturum
qui vicisset. Tum Tarquinius necessitate iam et ipsa
cogente ultima audere, multo et aetate et viribus
ualidior, medium arripit Seruium elatumque e curia
in inferiorem partem per gradus deiecit; inde ad
cogendum senatum in curiam rediit. Fit fuga regis
apparitorum atque comitum; ipse prope exsanguis
cum sine regio comitatu domum se reciperet ab iis
qui missi ab Tarquinio fugientem consecuti erant
interficitur. Creditur, quia non abhorret a cetero
scelere, admonitu Tulliae id factum. Carpento certe,
id quod satis constat, in forum inuecta nec reuerita
coetum virorum euocavit virum e curia regemque
prima appellavit. A quo facessere iussa ex tanto
tumultu cum se domum reciperet pervenissetque ad
summum Cyprium vicum, ubi Dianium nuper fuit,
flectenti carpentum dextra in Vrbium cliuum ut in
collem Esquiliarum eueheretur, restitit pavidus
atque inhibuit frenos is qui iumenta agebat
iacentemque dominae Seruium trucidatum ostendit.
Foedum inhumanumque inde traditur scelus
monumentoque
locus
est—Sceleratum
vicum
vocant—quo amens, agitantibus furiis sororis ac viri,
Tullia per patris corpus carpentum egisse fertur,
partemque sanguinis ac caedis paternae cruento
vehiculo, contaminata ipsa respersaque, tulisse ad
penates suos virique sui, quibus iratis malo regni
principio similes propediem exitus sequerentur.
Traduction de Nisard 1864
Servius lui-même, à demi mort, et suivi de ses gens
épouvantés, se réfugiait vers son palais, lorsque des
assassins, envoyés à sa poursuite par Tarquin,
l'atteignent et le tuent. On croit que ce crime (ceux
qu'elle avait déjà commis rendent le fait assez
vraisemblable) fut le résultat des conseils de Tullia.
Ce qui n'est pas douteux, c'est que, montée sur son
char, elle pénétra jusqu'au milieu du Forum, et là,
sans se déconcerter à l'aspect de tant d'hommes
rassemblés, elle appela hors du sénat son mari, et la
première le salua du nom de roi ; mais, sur l'ordre
que lui donna Tarquin de s'éloigner de toutes ces
scènes de tumulte, elle reprit le chemin de sa
maison. Arrivée en haut du faubourg Ciprius, à
l'endroit où s'élevait jadis un petit temple de Diane,
le conducteur de son char, tournant par la côte
Virbia, pour gagner le quartier des Esquilies, arrêta
les chevaux, et, tout pâle d'horreur, lui montra le
cadavre de son père étendu sur le sol : on dit
qu'alors elle commit un acte infâme, et d'une
affreuse barbarie. Le nom de la rue, qui depuis
s'est appelée 'la rue du crime', a perpétué jusqu'à
nous cet horrible souvenir. Cette femme égarée, en
proie à toutes les furies vengeresses qui la
poursuivaient depuis le meurtre de sa soeur et de
son mari, fit passer, dit-on, les roues de son char
sur le corps de son père. Puis, toute couverte et
toute dégouttante du sang paternel, elle poussa ses
roues souillées jusqu'aux pieds des dieux pénates,
8
qui lui étaient communs avec son mari. Mais la colère
de ces dieux préparait à ce règne infâme une
catastrophe digne de son commencement.
Quelles différences faire entre les deux récits ?
- L’abbé Lhomond n’est pas un latin mais un érudit du XVIII° qui eut l’idée de condenser l’histoire sacrée
pour la rendre accessible en latin à ses élèves puis d’appliquer la même méthode à l’histoire romaine.
- Tite-Live est un historien romain même si nous ne pouvons pas parler d’historien scientifique (peu de sens
critique et patriotisme excessif).
Son récit est plus littéraire. Avec l’assassinat de Servius et la conduite de Tullia, nous sommes en pleine
tragédie. (Registre tragique : pitié et terreur suscitée par la conduite de cette fille indigne (Tullia est
coupable d’un régicide et d’un parricide mais elle se rend aussi coupable de sacrilège en ne respectant pas le
corps de son père), crimes familiaux pour obtenir le trône… « la colère de ces dieux » pour indiquer la
fatalité)
Après avoir tué sa sœur et son premier mari, Tullia est en proie aux Furies de ses premières victimes.
Souillée par le sang de son père, elle provoque la colère des divinités familiales, qui précipiteront sa propre
perte et celle de son mari.
Pistes pour prolonger cette séquence :
-
On pourra travailler sur d’autres femmes célèbres telles que Pauline, la femme de Sénèque /
Volumnie, la mère de Coriolan (cf. Tite-Live, Histoire Romaine, II, XL et la pièce de Shakespeare,
Coriolan, Acte V, 3) / Cornélie la mère des Gracques (Valère-Maxime IV, 4) / Lucrèce ou Arria.
Ces personnages pourront faire l’objet de l’étude d’autres textes ou bien l’objet de recherches dans le cadre
d’exposés sur les femmes à Rome par exemple (et la loi Oppia). Quelle était la matrone idéale pour les
Romains ? ( de nombreuses vertus requises : la castitas, la frugalitas : sobriété, simplicité, retenue, modestie,
que traduisent aussi les termes de pudor et verecundia, le dévouement au mari et aux enfants, les qualités de
ménagère mais aussi des qualités plus intellectuelles.)
Pour compléter le portrait de la matrone idéale, on pourra lire aussi l’extrait de Tacite dans lequel Messalla,
l’un des orateurs, prend la parole pour exalter la mission des mères :
« Je dirai d’abord quelques mots de la sévérité et de la discipline de nos ancêtres pour l’éducation et la
formation des enfants. Autrefois, les parents élevaient chacun leurs fils, nés d’une mère irréprochable, non
pas dans la chambre misérable d’une nourrice achetée, mais sur le sein et dans les bras d’une mère, qui tirait
sa plus grande gloire de veiller sur sa maison et de se faire même l’esclave de ses enfants. On choisissait en
plus une proche parente plus âgée pour lui confier le soin de surveiller la conduite de tous les rejetons d’une
même famille : en sa présence, il était sacrilège de dire des grossièretés et de faire des choses d’apparence
malhonnête. Ce n’étaient pas seulement les études et les devoirs des enfants que la mère organisait avec le
sens du respect de la morale) et de la retenue, mais aussi leurs distractions et leurs jeux. C’est ainsi que
Cornélie, l’histoire nous l’a appris, a dirigé l’éducation des Gracques, Aurélie celle de César, Atia celle
d’Auguste ; c’est ainsi qu’elles ont fait de leurs fils des chefs. Par cette discipline et cette sévérité, on
cherchait à inculquer dans l’esprit de chacune de ces âmes pures, innocentes, encore épargnées par les
mauvaises tendances, le goût sincère des carrières dignes d’honneurs, que ce fût dans le domaine militaire,
dans la science du droit, dans l’étude de l’éloquence. C’était la seule tâche des mères, c’était leur souci
constant. »
Tacite, Dialogue des orateurs, XXVIII, 3-7.
9
- Au niveau des arts, des rapprochements fructueux pourront être faits avec des sculptures comme la
sculpture Cornélie, mère des Gracques de Cavelier (1861) au musée d’Orsay ou le tableau Coriolan apaisé
par sa mère, de Le Guerchin au musée des beaux-arts de Caen. Il ne s’agit que d’exemples et il existe bien
d’autres possibilités.
-
On pourra aussi avantageusement s’intéresser à quelques épitaphes.
Exemple de la stèle ci-dessous ou bien Ou traduction de la stèle funéraire de Lucius Aurélius Hermia et de son épouse
, musée de la civilisation romaine. (Manuel de 4°, Nathan, 2004)
:
HOSPES QUOD DEICO PAVLLVM EST; ASTA AC PELLEGE
HEIC EST SEPVLCRVM HAV PVLCRVM PVLCRAE FEMINAE
NOMEN PARENTES NOMINARVNT CLAVDIAM.
SVOM MARITVM CORDE DEILEXIT SVO:
GNATOS DUOS CREAVIT: HORVNC ALTERVM
IN TERRA LINQVIT, ALIVM SUB TERRA LOCAT.
SERMONE LEPIDO, TVM AVTEM INCESSV COMMODO,
DOMVM SERVAVIT, LANAM FECIT. DIXI. ABEI
Corpus Inscriptionum Latinarum, VI, n° 1534
TEXTE PROPOSE pour l’évaluation
(avec la traduction sous la direction de Nisard,
cf. le site http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/plinejeune/table.htm)
VI, 24
C. Plinius Macro suo s.
Quam multum interest quid a quoque fiat! Eadem enim facta claritate vel obscuritate facientium aut
tolluntur altissime aut humillime deprimuntur.
Navigabam per Larium nostrum, cum senior amicus
ostendit mihi villam, atque etiam cubiculum quod in lacum prominet: ‘Ex hoc’ inquit ‘aliquando municeps
nostra cum marito se praecipitavit. Causam requisivi. Maritus ex diutino morbo circa velanda corporis
ulceribus putrescebat; uxor ut inspiceret exegit; neque enim quemquam fidelius indicaturum, possetne
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sanari. Vidit desperavit hortata est ut moreretur, comesque ipsa mortis, dux immo et exemplum et
necessitas fuit; nam se cum marito ligavit abjecitque in lacum. Quod factum ne mihi quidem, qui
municeps, nisi proxime auditum est, non quia minus illo clarissimo Arriae facto, sed quia minor ipsa.
Vale.
LETTRE XXIV.
PLINE A MACER.
Que la différence des personnes en met dans les actions ! La même action est obscure ou illustre,
selon qu'elle part d'une personne illustre ou obscure. Je me promenais dernièrement, sur le lac de
Côme, avec un vieillard de mes amis. Il me montra une maison, et même une chambre, qui s'avance
sur le lac. De là, me dit-il, une femme de nos compatriotes se précipita autrefois avec son mari. J'en
demandai le sujet. Depuis longtemps le mari souffrait beaucoup, par des ulcères dans ces endroits que
la pudeur oblige de cacher. Elle l'engagea de permettre qu'elle examinât son mal, l'assura que
personne ne lui dirait plus sincèrement qu'elle s'il devait espérer de guérir. Elle ne l'eut pas plutôt vu,
qu'elle en désespéra. Elle l'exhorte à se donner la mort ; elle s'offre de l'accompagner, lui montre le
chemin et l'exemple, et le met dans la nécessité de la suivre: car, après s'être étroitement liée avec lui,
elle se jeta et l'entraîna dans le lac. C'est ce que je ne viens que d'apprendre, moi qui suis de la ville :
non que cette action soit moins illustre que celle qu'on a tant vantée dans Arria, mais parce qu'Arria
elle-même est plus illustre que cette femme.
Adieu.
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