H 4 - Cours

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Leçon 4 – H 4 – L’immigration et la société française au XXe siècle.
Pendant le XIXe siècle, la plupart des pays européens sont des terres d’émigration vers les « pays neufs » et
les colonies de peuplement. A l’inverse, la France constitue le premier pays d’immigration en Europe. Cette
ancienneté de l’immigration en France fait de ce pays un bon exemple pour étudier l’impact de la venue de
populations étrangères sur le fonctionnement de la société d’un pays et l’évolution de cet impact sur un siècle.
Comment évolue l’immigration en France au cours du XXe siècle ? Quel est son impact sur la société
française ?
Dès la fin du XIXe siècle, la France a recours à la main-d’œuvre immigrée. Ce recours s’accroît pendant les
« Trente Glorieuses ». Par contre, à partir de la crise des années 1970, l’immigration est fortement ralentie.
I.
La France découvre très tôt l’immigration (1845-1950).
De 1900 à 1930, la France est une terre d’accueil pour les populations pauvres des pays frontaliers en
raison d’une démographie déclinante. Cependant, les relations entre les immigrés et la société française
varient en fonction des circonstances nationales.
A.
Un pays ouvert à l’immigration.
Dès la fin du XIXe siècle, alors que la croissance économique est forte, la France manque de main-d’œuvre
en raison d’une faible natalité. L’immigration est alors essentiellement européenne. Il s’agit de populations
pauvres d’origine rurale, employées majoritairement par le secteur industriel, l’agriculture (comme ouvriers
agricoles) puis le petit commerce. Lors de la Première Guerre mondiale, le besoin en hommes pour l’effort de
guerre conduit à la venue de 820 000 travailleurs venant des colonies. Après la guerre, il faut combler les
pertes, essentiellement masculines, ainsi, en 1927, une loi permet la naturalisation des maris et des enfants des
veuves de guerre. De même, l’Etat signe des conventions avec des pays étrangers pour faire venir des
travailleurs en échange de l’égalité de traitement et de contrats de travail. Ainsi, après 1920, l’Etat organise
avec les industriels l’arrivée de Polonais pour les mines de charbon du Nord-Pas-de-Calais. La France accueille
également des réfugiés politiques : Arméniens victimes du génocide de 1915, Russes blancs à partir de 1917,
Italiens antifascistes à partir de 1922, républicains espagnols fuyant la guerre civile à la fin des années 1930…
La France les attire car il s’agit d’une République démocratique stable et d’un pays moderne.
Ces immigrés se trouvent surtout en région parisienne et dans les régions minières (Nord et Lorraine). En
1891, la France compte 1 million d’étrangers contre 2,9 millions (6,9% de la population, 18% de la population
active) en 1931. Ils viennent essentiellement des pays frontaliers (Belgique, Italie, Espagne).
Dans un premier temps, et souvent parce qu’ils prévoient un retour dans leur pays d’origine, les immigrés
gardent leur nationalité. Ils vivent entre eux, ont leurs propres associations et journaux, pratiquent leur langue
d’origine. Cependant, beaucoup d’entre eux fondent une famille en France et finissent par s’intégrer. Il faut
donc bien distinguer désormais les étrangers et les immigrés. Pour faciliter cette intégration, une loi de 1889
instaure le droit du sol : un enfant de parents étrangers naissant en France obtient la nationalité française. De
même, la loi sur la nationalité de 1927 facilite la naturalisation.
Dès la fin du XIXe siècle, la France a besoin de populations immigrées donc leur arrivée est facilitée
cependant. Leur accueil n’est pas toujours à la mesure de leur importance pour la France.
B.
L’accueil des étrangers, baromètre de la situation économique et politique.
Les immigrés sont relativement bien accueillis lorsqu’ils prennent en charge les emplois que les Français ne
souhaitent pas occuper. A l’inverse, en période de crise économique ou politique, ils constituent les parfaits
boucs-émissaires.
Ainsi, à la fin de la Grande Dépression (1873-1896), la législation se montre assez sévère envers les
étrangers. En 1893, est promulguée une loi traitant du « régime des étrangers en France et la protection du
travail national ». Le décret Millerand de 1899 limite la part d’étrangers dans une entreprise travaillant pour
l’Etat entre 5 et 30% des effectifs. En 1898, les étrangers n’ont pas droit à la protection contre les accidents du
travail qu’ont obtenue les ouvriers français. Ce rejet se traduit aussi par des violences xénophobes : en 1893, à
Aigues-Mortes, après une émeute anti-italienne, 8 immigrés sont tués.
De la même façon, à partir de 1931, alors que la France est touchée par la crise économique mondiale,
l’hostilité envers les étrangers renaît. Sous la pression d’une partie de l’opinion gagnée à la xénophobie, le
gouvernement limite les entrées (loi du 10 août 1932 dite de protection du travail national limite la part des
étrangers dans toutes les entreprises) et organise des expulsions de chômeurs ou de grévistes étrangers. Dans
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l’industrie, les licenciements touchent en priorité les étrangers. Les décrets Daladier de 1938 prévoient
l’organisation de camps d’internement pour les étrangers « indésirables ». Dans ces conditions, la population
étrangère baisse, passant de 2,9 millions en 1931 à 2,2 millions en 1936.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement de Vichy mène une politique d’exclusion vis-à-vis
des étrangers. En 1940, une loi interdit certains emplois publics à des enfants nés de père étranger, des milliers
de personnes récemment naturalisées perdent leur nationalité française. Enfin, alors que le régime de Vichy
prône l’antisémitisme, il vise particulièrement les Juifs étrangers. Ils sont ainsi majoritairement touchés par les
rafles et les déportations vers les camps d’extermination. Face à cette attitude, des mouvements immigrés de
résistance se constituent.
La France attire de nombreux immigrés sur son territoire afin d’alimenter son développement économique
mais la crise des années 30 et l’épisode de la France de Vichy ralentissent fortement cette immigration.
Comment évolue-t-elle après 1945 ?
II. 1945-1975 : une forte poussée de l’immigration.
La fin de la Seconde Guerre mondiale et l’entrée de la France dans les « Trente Glorieuses » se traduit par
le retour à une politique d’immigration. Les besoins de la France sont tels que les origines des immigrés
s’élargissent.
A.
Une immigration économique pendant les « Trente Glorieuses ».
A partir des années 1950, la croissance économique accroît les besoins en main-d’œuvre, d’autant plus que
la guerre d’Algérie prive la France d’environ 500 000 jeunes partis combattre en 1956. Dans ce contexte,
l’appel à la main-d’œuvre étrangère est considéré par l’Etat comme un impératif. L’Office national
d’immigration (ONI) signe des accords avec de nombreux pays (Espagne, Portugal, Maroc, Algérie après son
indépendance de 1962), mais la plupart des entrées se font librement.
Les immigrés se retrouvent très majoritairement dans l’industrie où ils occupent des postes peu qualifiés
(manœuvres, OS dans l’automobile), mal payés et dangereux (le bâtiment par exemple). Mais ils sont aussi
présents dans les services (petit commerce, personnel de service comme les femmes de ménage) et l’agriculture
(notamment les Espagnols dans le sud de la France).
Les « Trente Glorieuses » sont marquées par un recours accru à l’immigration mais les origines changent.
B.
Des origines renouvelées.
En 1946, la France compte 1,7 millions d’étrangers contre 3,4 (7,5% de la population) en 1975. Cette forte
augmentation n’a été possible que par un élargissement des provenances des populations immigrées. Ainsi, la
répartition par nationalités se transforme. Les Européens restent majoritaires (61% de la population immigrée
en 1975), ce ne sont plus seulement des voisins. Ainsi, les Portugais connaissent la progression la plus
spectaculaire (20 000 en 1954, 760 000 en 1974). Les populations d’Afrique et d’Asie voient leur nombre
augmenter après la décolonisation. Les Algériens sont 711 000 en 1974. S’ajoutent aussi des réfugiés politiques
venant d’Europe de l’Est communiste et d’Amérique latine.
Leurs conditions de vie sont difficiles car ce sont le plus souvent, en particulier pour les immigrés
maghrébins, des hommes seuls venus pour le travail qui sont logés dans des foyers de travailleurs ou même des
bidonvilles. Ils sont souvent isolés, peu informés de leurs droits donc exploités par leurs employeurs. L’Etat se
préoccupe peu de leur situation considérant que leur présence est temporaire. Ce n’est que dans les années 1960
que les premiers grands ensembles sont construits pour accueillir, entre autres, les immigrés en banlieue des
grandes villes.
La situation économique florissante limite les tensions avec les Français de souche. Cependant, le problème
de la décolonisation alimente une certaine xénophobie et contribue à une certaine ségrégation sociale. Se
développe une figure négative de l’immigré, prêt à trahir ceux qui l’ont accueilli.
Après 1945, la France, comme tous les pays du Nord-Ouest de l’Europe, attire un grand nombre d’immigrés
pour permettre la reconstruction et la croissance des « Trente Glorieuses ». Cette immigration importante
modifie les provenances mais pas nécessairement les conditions d’accueil de ces populations.
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III. Depuis 1975, les immigrés victimes de la « croissance dépressive ».
La crise des années 1970 marque une rupture dans la politique migratoire de la France et l’immigration
devient un sujet brûlant du débat politique.
A.
La rupture des années 1970.
Dès juillet 1974, avec la crise économique, le gouvernement suspend l’immigration. Les entrées se
poursuivent néanmoins, moins nombreuses, soit au titre du regroupement familial (mis en place en 76), soit
clandestinement, ce qui oblige les gouvernements à régulariser périodiquement ces « sans-papiers » (1982,
1986). La France adopte alors une politique de « maîtrise des flux » favorisant l’arrivée de travailleurs ayant
des compétences utiles. Enfin, les réfugiés politiques sont toujours autorisés à s’installer.
Les immigrés originaires d’Afrique du Nord, d’Afrique noire ou d’Asie sont plus nombreux tandis que la
part des Européens recule mis à part ceux venant d’Europe de l’Est à partir de 1990. Le nombre global des
étrangers augmente peu à partir de 1974 : ils sont 3,4 millions en 1975 et 3,7 en 1982, mais un grand nombre
devient français (par mariage ou naturalisation). Se pose donc désormais plus qu’auparavant la question de
l’intégration pour des populations moins souvent européennes. Le regroupement familial conduit à une
féminisation de la population immigrée.
La crise des années 70 met fin à l’immigration de masse au profit d’une immigration plus contrôlée. Les
tensions liées à la crise économique font des immigrés un sujet de débat politique.
B.
L’intégration en question.
La situation démographique, au début du XXIe siècle, est la même qu’au XIXe siècle. Les Français
vieillissent ce qui risque de poser des problèmes de main-d’œuvre dans le futur et donc soulève la question de
l’immigration. Cependant, la crise économique alimente une nouvelle poussée de l’extrême-droite xénophobe
qui rend les immigrés, principalement ceux d’origine nord-africaine, responsables du chômage et gagne des
voix aux élections depuis 1984. Elle reprend les mêmes arguments utilisés, dans les années 1930, contre les
immigrés d’origine européenne mais, à présent, contre des populations non-européennes dont le mode de vie et
les pratiques culturelles sont différentes. L’immigration est donc devenue un enjeu politique et médiatique
important. Le débat sur l’immigration est d’autant plus sensible qu’il implique une dimension européenne. En
effet, depuis les accords de Schengen de 1985, le contrôle de la France sur ses frontières s’est amoindri. De
plus, l’UE a tendance à défendre les particularismes ce qui conduit, en Europe, au réveil d’un nationalisme
xénophobe.
Les immigrés, majoritairement ouvriers, sont particulièrement touchés par le chômage et la pauvreté. En
1993, ils forment 5,8% des salariés mais rassemblent 12% des chômeurs. Ils se concentrent dans des quartiers
souvent en mauvais état et loin des centres. Les violences urbaines récurrentes (1981, 2005) illustrent le malaise
de ces populations, notamment des plus jeunes. Certaines dérives communautaires soulèvent d’autant plus la
question de l’intégration des populations immigrées en France. Pourtant, au XXe siècle, les vagues successives
d’immigrés se sont intégrées et le phénomène se poursuit aujourd’hui pour les populations non européennes. Le
pourcentage de mariages mixtes ne cesse de croître, la pratique de la langue étrangère recule chez les plus
jeunes, majoritairement Français. Face aux difficultés auxquelles ils se heurtent, les enfants d’immigrés
manifestent en 1983 au nom de l’égalité en organisant la « marche des Beurs ». Enfin, le parcours de certaines
personnalités offre des exemples réussis d’intégration par le sport, la littérature, les affaires…
Face à cette question, depuis 1975, les gouvernements successifs alternent les lois durcissant l’accès à la
nationalité et celle l’assouplissant. Par contre, tous cherchent à limiter l’immigration légale et à stopper
l’immigration clandestine. Actuellement, le gouvernement développe le contrôle des entrées sur le territoire
français et les expulsions de clandestins (29 288 en 2009).
Entre 1900 et 1945, la France a recours à l’immigration venant de ses voisins pour pallier une
démographie déclinante. Entre 1945 et 1975, le recours à l’immigration est encore plus important afin de
répondre à la demande de main-d’œuvre nécessaire pour reconstruire la France après la Seconde Guerre
mondiale et pour alimenter la croissance des « Trente Glorieuses ». A partir des années 70, la situation change
totalement, les frontières se ferment et la place des immigrés dans la société française devient un sujet central
dans la vie politique française.
Quelle est la situation des autres pays européens quant au sujet de l’immigration au XXe siècle ?
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